• 03-D - Le 6 juin 1940

    03-D - Le 6 juin 1940

    Le 6 juin, à l'aube, l'attaque reprend.

    Il semble que l'ennemi veuille en finir d'abord avec notre aile droite, pour être en possession incontestée de la route Péronne - Paris, par Roye et Compiègne.

    Pressoir, Chaulnes, les points d'appui du 22° vont tomber ce jour.

    Les positions du 41°, maintenues hier, ne se laisseront pas entamer, et l'on se battra âprement à Fay, à Foucaucourt; la pression allemande se brisera contre notre résistance.

    Henry Bidou ( la bataille de France, page 165 ), expose donc les faits d'une manière inexacte, en écrivant: Des trois sous-secteurs que formait la division, ceux du centre et de l'Est avaient perdu tous leurs éléments; celui de l'Ouest une partie des siens. . .  

  • Tandis qu'en cette soirée du 6 juin le 41° se' préparait à la lutte suprême, un changement se produisait au 3° groupe du 10° R. A. D., dont le P. C. était à Vermandovillers, et les 7° et 9° batteries au Bois Étoilé.

    La journée du 6 juin avait été très calme dans le bois, les alentours ayant été à peu près purgés d'ennemis le 5 juin. Néanmoins les batteries tirèrent beaucoup ce jour là : tirs commandés par le groupe, tirs à vue réglés du poste de guet aussi. Toutefois un ordre du 41° R.I, annonçant une contre-attaque par chars français I'empêche de tirer sur de nombreux chars mal identifiés qui circulaient sur la route
    Estrées-Foucaucourt. Or c'étaient des chars allemands. Vers le soir, le lieutenant de Courson prend sur lui de tirer sur ces chars, et la réaction de l'ennemi sous forme d'un bombardement de la position par 105 démontre amplement qu'il a eu raison. (Notes de Courson-Nantois.)

    Cependant une modification dans la position des batteries pouvait être désirable; la disparition du 117° au sous-secteur du centre, la progression des engins blindés dans les arrières des 19° et 29° D.I mettaient nos pièces très près de l'ennemi.

    Le commandement songeait à ce danger.

    Les renseignements très précis qu'a bien voulu me communiquer le chef d'escadron Schérer nous permettent de faire l'histoire de nos artilleurs pendant cette journée. On verra combien notre situation était dramatique.

    Les passages entre guillemets sont tirés d'un rapport
    adressé par Schérer le 26 juillet 1941 au général Doumenc.
    « Le 6 juin, dans la matinée, le 3° groupe reçut l'ordre de rechercher une position moins exposée (que celle du Bois Étoilé) qui le rapprocherait de la Division de gauche moins menacée (VIl° D. 1. N. A.). La mission d'appui du groupe n'était pas modifiée. »

    Cet ordre était envoyé par la Division. Le commandant croit toutefois qu'il venait de plus haut.
    « Deux pièces de la 8° batterie restaient en antichars à Soyécourt et 2 autres à Herleville.
    Après avoir choisi, dans J'après-midi du 6 juin, deux positions en bordure Nord de la route de Lihons à la Maison Rouge, je rentrais à pied vers Lihons sur la N. 337, lorsque je Comptai, tapis dans les champs face au Nord, une trentaine de casques allemands, sur un front de 500 mètres, à 150 mètres au Sud de la route. Un officier allemand, debout, scrutait le terrain à la jumelle.
    « Je défilai au pas devant eux avec le maréchal des logis Datin qui m'accompagnait; puis, après avoir ainsi parcouru environ 800 mètres, je profitai de buissons et de boqueteaux pour piquer brusquement vers le Nord.
    « J'alertai au passage les artilleurs des échelons et du P.C. d'un groupe du 321° d'Artillerie installés à la ferme Lihu, et je rejoignis mon P. C. convaincu que la densité de l'ennemi au sud devait être très faible, mais suffisante pour les communications avec le commandement et empêcher les ravitaillements.
    « Le soir, à 21 heures, je commençai le mouvement prévu; pour pouvoir le mener à bien au milieu des soldats allemands infestant le terrain, je crus nécessaire de demander au colonel Loichot le concours d'une chenillette d'infanterie, qui, la nuit, ferait un bruit de chars de nature à intimider I'ennemi, Il y ajouta spontanément une demi-section d'infanterie pour encadrer mes servants en cas de combat rapproché.

    La chenillette était commandée par Tardiveau. La séparation des 2 P. C. d'infanterie et d'artillerie eut donc lieu en complet accord avec le colonel Loichot, après que le commandant Schérer lui eut offert de ne pas exécuter l'ordre reçu, si le Colonel estimait qu'un changement dans la situation rendît nécessaire le maintien du P. C. III/10°, et du groupe à leurs emplacements actuels.

    A 21 heures, l'ordre de se transporter sur la nouvelle position est transmis par E. R. 22 au capitaine Magne, commandant la 7° batterie, et, par lui, à la 9° L'ordre est  bientôt confirmé par écrit.

    La 7° quitte le Bois Étoilé à 22 heures, la 9° à 22 h 30, cette dernière en emportant tout ce qui lui reste de munitions soit 1700 coups. (Notes de Courson-Nantois.)

    L'énergie qu'avait mise le capitaine de Nantois à conserver dans le Bois Étoilé ses avant-trains; permettait
    l'exécution de ce changement de position.

    Les batteries passent par la ferme Lihu, Lihons, prennent la route de Lihons à Harbonnières, 150 mètres après la côte 109, le chef d'escadron Schérer les arrête et les fait mettre en batterie. Elles devaient passer la nuit en position sans tirer. (Notes de Courson-Nantois.)

    Au cours de ce déplacement, le groupe essuya un seul coup de fusil resté sans réponse.
    En passant à la ferme Lihu vers 21 h 30, le Commandant du groupe du 321° R. A. m'apprit qu'il venait de recevoir l'ordre général de repli immédiat; mais, l'ayant égaré, il n'a'pu me le présenter. Ne l'ayant pas reçu moi-même et n'ayant pu en prendre connaissance, je l'ai considéré comme ne concernant pas mon groupe.
    Dès la mise en hatterie terminée, j'ai, comme cela était convenu, renvoyé la chenillette et la 1/2 section d'infanterie à Vermandovillers.

    Une reconnaissance dans Vauvillers, où mes avant-trains devaient chercher ( protection dans ce point d'appui solidement tenu (ordre reçu) m'a révélé qu'il avait été évacué. (Rapport Schérer.)

    La nuit fut calme à la côte 109; mais la journée du 7 juin devait être mouvementée . . .


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  • A Vermandovillers, la nuit tombée, on évacue les derniers prisonniers.

    Du côté d'Ablaincourt, on voit passer des chars allemands.

    Avec beaucoup de difficulté, on peut amener les blessés de Foucaucourt, Soyécourt, Herleville, que les ambulances transportent au delà de Lihons, au G. S. D. Il faut louer le courage, en ces jours de combat, des conducteurs de sanitaires et des brancardiers, car le risque est grand sur les chemins, dans l'obscurité; il arrive que des engins blindés leur envoient quelques balles.

    A la chute du jour, nous ensevelissons un des nôtres, le sergent Fuzel et un Allemand. Une section rend les honneurs.

    Un infirmier autrichien et un autre prisonnier suivent le corps de leur camarade.

    Le capitaine Levreux s'occupe de tout avec beaucoup de calme et de courage. Dans les heures difficiles que nous vivons, il exerce avec savoir-faire et autorité le commandement de sa Compagnie et du village; il paraît fatigué.

    Nons le sommes tous.

    Partout la résistance continue, à Foucaucourt, à Soyécourt, à Herleville, à Fay.

    Toutes les heures arrive l'appel par radio de la 10° Compagnie de Fay, encerclée : « Nous tenons toujours, envoyez des renforts, des munitions, des vivres » Hélas! rien ne peut passer.

    Nous sentons tous que demain sera la lutte suprême, puisque tout est tombé à notre droite. Déjà l'ennemi est au delà de Chaulnes, et descend sur Roye; il est même derrière nous à Rosières.

    Nous avons l'ordre formel de ne pas nous replier, et personne n'y songe.

    Le médecin-commandant Le Cars se demande où il pourra soigner les blessés.

    Dans leurs tranchées, les hommes continuent de creuser et de veiller.

    Notre situation est tragique. Dans une dépendance de la ferme un dernier blessé allemand agonise.

    Pour le 41° aussi, c'est l'agonie!

    Tandis qu'autour de lui l'étreinte se resserre.

    Car les camions allemands, en longues colonnes, descendent sans arrêt, à notre droite, par toutes les routes, vers Chaulnes, vers le sud; leurs phares font des trous de lumière dans les ténèbres, leurs klaxons retentissent.

    On perçoit le vrombissement de quelques avions; les projecteurs de la D. C. A. ennemie (le lieutenant Lucas en compte 7) fouillent le ciel; deux de ces projecteurs sont déjà en place à 4 ou 5 kilomètres au sud de Vermandovillers. . .


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  • A Foucaucourt, au contraire, c'est le combat acharné.

    Dès l'aube, le 6 juin, le bombardement recommence, violent. Le point d'appui est pilonné. Avec plus ou moins d'intensité, il va durer toute la journée.

    Vers 7 heures, l'infanterie allemande revient à l'attaque.

    L'une après I'autre; les maisons flambent; Notre artillerie ne réagit plus guère, au sentiment des défenseurs; un moment vint où elle se tut.

    Les tirs de l'infanterie sont surtout violents dans les secteurs Ouest et Est; le centre est moins fortement attaqué.

    Cependant, même au centre, les Allemands s'approchent assez pour que, note le sergent-chef Levitre (1° section de la 1° Cie), on pût tirer sur eux à coup sûr au fusil.

    Dans le secteur ouest, l'effectif des assaillants qui essaient, vers 7 heures, d'aborder nos positions est sensiblement le même que la veille; il semblait seulement que ce fussent des troupes fraîches.

    La tactique aussi est la même: I'ennemi tente de nous déborder par l'Ouest, comme au même moment il s'efforce de le faire par l'Est sur le groupe Béthuel.

    Mais le 6 juin, dans le secteur Ouest, on est mieux préparé; la mitrailleuse du caporal-chef Tamazian (C. A. 1), placée dans un endroit bien choisi, parfaitement camouflée, au point qu'elle ne fut pas repérée de toute la journée, fait un excellent travail et inflige à l'ennemi des pertes sérieuses.

    Cette mitrailleuse, par sa position, pouvait atteindre l'ennemi assez loin, avant même qu'il abordât la crête protectrice.

    Les témoins s'accordent à dire qu'elle prévenait l'ennemi à plus d'un kilomètre.

    Les mêmes témoins disent que la mitrailleuse respecta les voitures sanitaires allemandes qui venaient sur le terrain relever les blessés.

    Malgré le travail efficace de la mitrailleuse, I'ennemi réussit à faire passer, comme la veille, une partie de son effectif, car notre artillerie ne pouvait plus intervenir avec la même vigueur. Elle avait subi des pertes, et ses munitions étaient par malheur limitées, Pourtant ses barrages tombaient encore avec une admirable précision, en face de la 3° et de la 1° Compagnies. Cette constatation de Levitre et du
    sergent Bitaud est à la louange de nos camarades artilleurs.

    L'artillerie allemande harcelait sans répit nos hommes, ne leur laissant pas un instant de tranquillité.

    Il n'est pas douteux qu'aujourd'hui les Allemands veulent Foucaucourt ; ils s'en rapprochent peu à peu, en rampant dans les champs de luzerne, si bien que ce soir ils seront à 200 ou 300 mètres seulement de nos positions, en certains endroits.

    Au travail de l'artillerie ennemie, s'ajoute celui de l'aviation qui jette ses bombes incendiaires.

    De tous les côtés, même par le Sud, l'infanterie essaie de progresser; le soldat Piratais (1° section de la 1° Cie) précise que cet effort fut particulièrement violent à 7 heures; vers 10 h 30 et à 14 heures. Tous ces assauts sont repoussés avec des pertes sévères pour l'assaillant. Chez nous le nombre des tués fut beaucoup moindre, malgré le bombardement intense.

    Dans l'ensemble, le 1° Bataillon résiste victorieusement pendant toute la journée; sur un point cependant, l'Allemand réalise un gain.

    En effet, le groupe du sergent Béthuel (4° section de la 3° Cie) était en position avancée à l'Est, au carrefour des routes Estrées-Soyécourt.

    A 5 heures du matin, I'ennemi arrive à ce carrefour. Le groupe Béthuel ouvre le feu, tue et blesse un certain nombre d'Allemands.

    Un soldat ennemi veut traverser la route, plus près du groupe; il est abattu; deux autres se montrent et subissent le même sort.

    Mais les hommes de Béthuel sont encerclés. L'équipe du canon de 25, de la C. R. E., derrière eux, a sûrement été prise, car on n'entendit pas ce canon tirer sur l'objectif qu'il avait mission de battre.
    Il était environ 9 heures.
    Dès lors, les Allemands essaient de prendre Béthuel et ses 4 hommes par derrière. Le soldat Gestin voit un officier ennemi sortir vers cette heure là de l'abri du 25, seul sur la route; le sergent BéthueI s'installe à une fenêtre, à très courte distance, et le tue; un second, et, ce semble, un troisième, sont ainsi allongés par le fusil du sergent.

    Peu de temps après, Gestin est gravement blessé (une balle explosive dans les yeux); son tireur Terranéo, blessé légèrement, n'abandonne pas le combat. Les camarades de Gestin (ils restent 3 avec Béthuel : le tireur Terranéo, les pourvoyeurs Dubois et Albert Guillet) continuent de remplir leur mission; ils tirent sur le carrefour et dans les champs, à droite de la route.

    Malheureusement, vers 11 heures, il n'y a plus du tout de munitions, et Béthuel est toujours séparé par l'ennemi du reste de ses voltigeurs, et des autres groupes de la 4° section.

    Les 4 hommes se réfugient auprès de Gestin dans la cave, tandis que les Allemands continuent d'attaquer Foucaucourt.

    Ceux-ci sont maîtres du carrefour. Toute liaison était devenue impossible au groupe Béthuel,
    et la fusillade était continuelle. Jusqu'au lendemain 7 juin, à 16 heures, les 5 hommes resteront dans leur cave, sans être avertis du repli ordonné.

    Quant aux autres soldats du groupe, placés en arrière, ils rejoindront dans la nuit le gros de leur section; pour leur malheur, car ils seront parmi les fusillés de Beaufort. On lira plus loin ce douloureux et cruel épisode.

    Pendant que se livre à la pointe Est de Foucaucourt ce combat, la lutte continue autour du point d'appui.

    Dans l'après-midi, le Bataillon est presque enveloppé; il est menacé d'être débordé. Il ya maintenant chez nous, sans parler des morts, beaucoup de blessés qu'on ne peut évacuer.

    Le lieutenant Sebag (1° Compagnie) est mis hors de combat au début de l'après-midi; le sergent-chef Levitre le remplace à la tête de la 1° section. A la 3° section de la 1° Cie, le sergent Guyard et le caporal Boulain sont tués à 13 heures.

    Les munitions surtout pour les mortiers, sont malheureusement presque épuisées.

    Le capitaine Giovanini, commandant le Bataillon, organise la défense de son P. C., désormais plus menacé par sa droite. D'autant plus que des vergers et des boqueteaux favorisaient une progression de l'ennemi.

    Roger Cotto et Texier, qui ont vécu, ces journées dans l'entourage immédiat de Giovanini, ont pu me fournir de précieux détails, révélateurs de l'énergie du Capitaine et de ses hommes. Giovanini met tout le personnel de son P. C. dans les positions de combat; lui-même se prodigue. Texier l'a vu à côté de lui et du lieutenant Bellanger (qui avait eu une brillante attitude déjà devant Sarrebrück), tirer sur l'ennemi par les ouvertures du P. C., en direction de l'Est; les Allemands étaient parvenus à 200 mètres du P. C., en
    contact avec la droite de la 4° section de la 1° Cie.

    Texier ajoute un détail que je n'ai pu vérifier, dont il est le seul à parler, parmi mes témoins: il croit que nous avions un lance-flammes, et que l'on s'en servit au moment où les attaquants s'approchèrent si près.
    Il est certain, en revanche, que Giovanini fit Installer, à droite de son P. C., dans le jardin derrière la grange, une mitrailleuse qu'il servit lui-même, et dont le tir était dirigé vers la haie, le boqueteau et le carrefour d'Estrées-Soyécourt; il tira sans arrêt les bandes que 3 hommes arrivaient à peine à garnir assez vite, jusqu'au moment où, la pièce étant repérée, les minens rendirent intenable la position.

    A la fin de l'après-midi, l'artillerie allemande redouble l'intensité de son tir, avec des obus de gros calibre. L'un d'eux tombe sur la mitrailleuse du caporal Delarose, à 10 mètres du 25 de Goesbriant. La pièce est écrasée; Delarose est mortellement blessé, et meurt une demi-heure après; un autre n'a qu'une blessure légère qui lui permet de combattre encore.

    A la fin de la journée, le 1° Bataillon sera toujours maître du village, sauf des maisons à l'extrémité Est. Après un dernier arrosage par gros calibre, l'ennemi se maintiendra sur ses positions, à quelques centaines de mètres; le chef de section Bitaud (3° Compagnie) entendait dans le silence de
    la nuit, les cris gutturaux des Allemands.

    Vers 2 h 15 (matin du 7 juin), quand le lieutenant Lucas, adjoint au Colonel viendra de Vermandovillers apporter l'ordre de repli, il recevra, à la barricade Sud de Foucaucourt, des coups de mitraillettes et de minen en provenance justement du Nord-Ouest, secteur de la 3° Compagnie; et, à 1 kilomètre au Sud du village, il verra deux Allemands se lever à son passage.

    Pendant cette dure journée du 6 juin, les hommes du 1° Bataillon se sont battus avec courage et sang-froid ; pourtant, depuis le 4 juin, ils n'ont guère mangé! Quelques petits traits sont significatifs de l'excellente tenue morale de nos braves camarades: le sergent-chef Levitre rapporte que le soldat Métairie, agent
    de liaison de sa section (1° de la 1° Compagnie), passa presque toute sa journée en allées et venues continuelles, sous le bombardement. Malgré la défense de son chef, il alla lui chercher un bidon d'eau, à 300 mètres de là, sous les obus. D'autres, comme Yon et Cazeneuve, essayaient fort tranquillement, sous le marmitage, de faire un peu de cuisine pour ravitailler les camarades. Le caporal-chef Tamazian, dont la mitrailleuse faucha des centaines d'Allemands, sacrifia son dernier bidon de vin (faute d'eau) pour
    refroidir le canon de sa pièce. Sacrifice méritoire, car il faisait très chaud!

    En de nombreux points l'incendie faisait rage.

    Dans l'espace de quelques heures, pendant l'après-midi, le P. C. de la 3° Compagnie doit changer de place deux fois, chassé par le feu. Le sergent Martin, qui s'y trouvait alors (vers 18 ou 19 heures) fit dégager rapidement les munitions et les grenades. Des blessés qu'on ne pouvait évacuer en
    raison de la gravité de leur état, remplissaient la cave, déjà atteinte par les flammes; Martin les fit transporter à côté de l'église, pour les mettre à l'abri.

    Un groupe de la 2° section (sergent Bitaud) était venu prendre position dans une grange, à côté du P. C. de la 3° Compagnie. L'ennemi l'ayant repéré, la situation devint vite intenable, car les minen tombaient avec une grande précision. Le tireur du F. M. venait d'être tué; le chef de groupe (caporal-chef Cassini) et son adjoint avaient été sérieusement blessés. Notre artillerie se taisait, tandis que des avions allemands survolaient, pour les reconnaître, nos groupes de combat.

    En cette fin de journée, la lutte était dure, écrit le sergent Armand Martin; chacun tenait son poste avec tranquillité, sans affolement. Partout les sections tenaient bien. On entendait les rafales des fusils mitrailleurs. Personne ne flanchait.

    La nuit arriva; elle fut assez calme. Tous les blessés évacuables et, parmi eux, le lieutenant Sebag, furent trans portés sur la chenillette de Roger Cotto, et par les voitures sanitaires à Vermandovillers.

    A son retour, Cotto rapporta le reste des cartouches du P. C. R.I., et quelques obus de mortier.

    Au milieu de la nuit, le sous-lieutenant Primel, et le 2° groupe de la 4° section de la 1° Compagnie durent abandonner leur maison en flammes, et se joindre au 3° groupe du caporal Delatouche. Au même moment, quelques voltigeurs du groupe Béthuel, qui avaient tenu, jusqu'alors, dans une maison, en arrière du canon de 25 capturé le matin, arrivèrent aussi; ils craignaient d'être pris à la faveur des ténèbres par l'ennemi installé à quelques mètres d'eux.

    Comme on le voit, la situation était critique; depuis le 4 juin, aucun ravitaillement en vivres n'avait pu être envoyé, puisqu'il n'yen avait pas, et les munitions elles-mêmes étaient fort réduites.

    Quand le lieutenant Lucas apportera l'ordre de repli le capitaine Giovanini pourra lui répondre que l'exécution serait difficile, car, en certains points, Français et Allemands étaient mélangés, maison par maison. C'était sûrement exact pour la section Primel, vouée à un tragique destin.

    Depuis deux jours, le Bataillon luttait contre des forces très supérieures; les indications fournies par l'examen des tombes ennemies nous apprennent que les morts appartiennent à 7 Régiments d'infanterie ou groupes de reconnaissance. . .

     


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  • A Herleville, ou la journée d'hier a été tumultueuses, il n'y a rien de notable à signaler le 6 juin.

    Le nettoyage de la veille a été si complet, qu'il vaut aujourd'hui à nos camarades une tranquillité relative.

    Seuls des bombardements intermittents viennent les troubler, mais sans conséquences sérieuses.

    Un autre récit sur Herleville

    Extrait du journal de marche du sous-lieutenant PINEL, commandant la section installée dans la ferme GODIER. : « …Les 77 pleuvent toujours. Les avions de reconnaissance allemands passent sans cesse au dessus de nous. Je n’ai pas vu un avion français depuis le début des hostilités. La belle ferme ou nous étions en position n’est plus qu’un amas de pierres et de terre. Nos chevaux sont blessés dans l’écurie. Nous n’avons aucun ravitaillement. Nous avons infligé de fortes pertes aux Allemands. Nul doute qu’ils vont contre-attaquer. Le soir approche. Ils ont reçu des renforts et nous attaquent au lance-flamme. J’ai la barbe grillée et sent le cochon grillé à plein nez. La nuit est troublée maintenant. Les blessés allemands crient toute la nuit. Nous ne pouvons les secourir car nous savons ce qui nous attend. Au petit jour, nouvelle attaque. On les distingue mal. On va ouvrir le feu, mais on entend parler français «  Ne tirez pas les gars, nous sommes de la 7ième compagnie ». Les allemands les avaient fait avancer devant eux pour attaquer. Ils étaient prisonniers depuis la veille. On a d’abord tiré en l’air, puis dans le tas. L’attaque est repoussée, mais à quel prix !

         A ma gauche, un obus tombe prés d’un groupe de « voltigeurs ». Leur sergent-chef arrive près de moi me disant : « ils ne nous ont pas eu les vaches, seul le chien a été tué. » Cela barde toujours. Nous n’avons pas mangé depuis 3 jours. Quelques débrouillards ont trouvé du pinard, cela nous soutien malgré tout. Quelques Allemands ont réussi à monter dans le clocher du village et nous tirent dessus avec leurs mitraillettes. Notre canon de 25 a vite fait de descendre le clocher. La nuit vient, il faut redoubler de vigilance. Les blessés crient toujours dans la plaine. Les vaches blessées dans les champs beuglent toute la nuit, c’est épouvantable.

         Au petit jour, nouvelle attaque. Le capitaine THOURON, les lieutenants PRIGENT et RAVOUX veulent se rendre compte du mauvais fonctionnement des postes radio avec le P.C. Un obus tombe prés d’eux. THOURON a le bras droit arraché. RAVOUX, coté droit criblé d’éclats. PRIGENT est tué. Il avait 25 ans et devait se marier sous peu… Dans la nuit un ordre arrive. Il faut se replier immédiatement, nous sommes encerclés parait-il. Nous rassemblons notre matériel et partons avec les chevaux blessés. La 5ième Cie ferme la marche. Il y a eu de la bagarre ou nous passons ; la route est jonchée de casques allemands et français. Ceci se passe le 7 juin. J’ai su par la suite, et de bonne source que le 41ième avait été considéré par l’état-major comme complètement disparu… 

     


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  • A Soyécourt, comme dans tous les points d'appui encore défendus par la 19 D.I., la journée du 6 juin est marquée par de fréquents et violents bombardements.

    Dès les premières heures du matin, nos hommes du 3° Bataillon assistent aux assauts livrés par les masses allemandes contre le 1° Bataillon à Foucaucourt. Car, sur cette plaine, rien n'arrête le regard, s'il n'y a pas de boqueteaux pour faire écran.

    Aujourd'hui l'artillerie ennemie prend comme objectif spécial les églises. Le clocher de Soyécourt n'est pas épargné.

    Vers 9 heures, il reçoit 3 obus de 77; un peu plus tard, 8 obus de 105 le détruisent, et chose curieuse, les cloches y restent suspendues, prêtes à vibrer encore dans leur cadre squelettique.

    Le soldat Lesaignoux, de la 11° Compagnie, s'y trouvait en observation; il est atteint par un éclat d'obus
    à la tête, et meurt dans l'après-midi.

    Avec Lesaignoux se tenaient à ce moment, dans le clocher, Zelvelder, chargé du mortier de 60, et le Capitaine de la 11°, Fauchon. De l'observatoire, ils réglaient le tir du mortier sur les groupes allemands, et les coups portaient admirablement.

    Un premier obus était tombé sur la nef, sans qu'ils songeassent à abandonner le poste. Le danger se rapprochant, il avait fallu songer à partir. C'est à ce moment que Lesaignoux fut atteint. Fauchon partit le dernier. Le presbytère voisin servit dès lors d'observatoire.

    Dans l'après-midi le nombre des blessés va sans cesse croissant, et le bombardement s'intensifie. Le P. C. de la C. A. S est sérieusement marmité; heureusement sa cave était solide.
    Le soldat Jarry (4° section de la 11°) est tué. Le soldat Letot n'est sauvé que par l'intervention immédiate du lieutenant d'artillerie Leclerc de la Herverie (du 10° R. A. D.) qui commande les 75 antichars. Cet artilleur est en effet docteur en médecine. Le sergent-chef Métivier, le sergent Lorit, le caporal-chef Chabot, le soldat Khoas, le sergent Godard, de la 11° sont blessés.

    Il ne vient ni renfort, ni ravitaillement.

    Les bombardiers ennemis passent par groupes compacts de 35, 40 ou 50!

    La nuit vient, et le calme s'établit. Mais on sait que ce calme est chargé d'orage, et que la journée de demain 7 juin sera décisive. On se rappelle que l'ordre est de tenir sur place, sans regard vers l'arrière.

    D'ailleurs, il n'y a plus d'arrière, l'ennemi y est aussi bien que devant et à droite . . .


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  • Aujourd'hui encore, et demain, la 10° Compagnie tiendra vaillamment dans son point d'appui de Fay.

    La nuit a été tranquille. Cependant à la faveur des ténèbres, un petit groupe de soldats allemands s'est installé dans ce qui reste du clocher, d'où ils espèrent plus facilement mitrailler nos hommes. Rien ne les avait gênés dans l'exécution de cette petite manoeuvre, puisque l'église est en dehors du secteur défendu par la 10° Compagnie, contrainte par son petit nombre de se resserrer autour du P. C. Mais l'ennemi ne va pas longtemps occuper le clocher.

    Les bombardements, par mortiers et 77, reprennent de très bonne heure. Les mitraillettes allemandes exécutent des tirs très nourris, par longues rafales. Les balles s'écrasent avec un bruit sec contre les murs des maisons dans lesquelles Le Moal a concentré la défense. Tout le monde remarque le grand sang-froid du jeune commandant du point d'appui.

    Les mitraillettes ne cessent de dérouler leurs bandes de cartouches. Les maisons tremblent sous les bombardements surtout quand elles reçoivent des obus.

    De temps en temps un blessé se présente au poste de secours.

    Un side-car allemand et une camionnette, venant du Sud-Est; par la route d'Estrées, s'égarent dans Fay et sont demolis; deux blessés allemands (les conducteurs) sont amenés au poste de secours et soignés.

    Sur la route d'Assevillers à Estrées, à l'Est du point d'appui, nos observateurs disent avoir compté, en moins de 3 heures, 400 blindés au moins en marche vers le Sud.

    Le lieutenant Le Moal et ses hommes ont l'impression que partout, en dehors de Fay, on ne tire plus, et qu'un silence angoissant couvre la campagne. Impression exacte seulement pour le 117° R.I., puisque le 22° Étranger se défend âprement, héroïquement, et que le 41° tout entier demeure inébranlable; jusqu'à la dernière minute le 1/41° à Foucaucourt offrira une magnifique résistance, comme on s'en rendra compte en lisant les chapitres consacrés à Foucaucourt.

    Très tôt les voltigeurs de la 4° section avertissent les mitrailleurs de Chareaudeau que les Allemands sont dans les restes du clocher: On leur envoie des V. B. Une mitrailleuse est mise en place dans un grenier; le sergent Bernard tire plusieurs bandes. Ses balles ont dû porter car on ne répond plus du côté de I'ennemi.

    La pièce est redescendue au rez-de-chaussée, après ce nettoyage. Un sapeur du Génie demeure en haut comme guetteur, Bientôt arrive un 77 ou 150; il a percuté dans le grenier. Le guetteur gît dans les gravats, mortellement blessé; il expire au poste de secours.

    Après 3 ou 4 heures de combat, les voltigeurs de la 4° section se replient sur leurs tranchées, car la situation n'est plus tenable dans les maisons où explosent les obus allemands.

    Au poste de secours, il n'y a plus d'eau, et l'ennemi a pris possession de la ferme belge et de son réservoir.

    Chareaudeau, dans son récit, écrit ces lignes poignantes :
    Nous avons toujours de plus en plus soif, et pas une goutte d'eau. Nous ne sentons plus notre faim. Nous avions trouvé dans un buffet une petite bouteille d'eau de fleur d'oranger, et on suçait ça, chacun notre tour. Gillette ayant repéré dans la journée un cerisier, attendit la nuit et alla en chercher un plein casque.

    La veille, le groupe s'était partagé une boîte de sardines entre 7!... Depuis le soir du 4 juin, aucun ravitaillement en vivres n'est parvenu dans le point d'appui.

    Les hommes ne perdent rien de leur vaillance: à la 3° section, le caporal Ollivier blessé à l'épaule vient se faire panser, et retourne prendre la tête de son groupe.

    A la 3° encore, le sergent Fischet est tué près de l'église.

    Vers 15 heures, deux volontaires partent pour porter un message et essayer d'établir la liaison avec Vermandovillers, en passant par le bois de Fay; l'uni, Henri Martin, est tué par une rafale de mitrailleuse; l'autre, le caporal-chef Leclerc revient vers 20 heures; il n'a pu franchir le cercle des fantassins allemands; dans le cours de la nuit, un motocycliste du Régiment essaie de rejoindre le P. C. du Bataillon; il ne peut
    faire que quelques centaines de mètres.

    Ainsi s'achève, pour la 10° Compagnie, la journée du 6 juin.

    La nuit se passe à peu près bien. Mais les hommes sont si fatigués, si nerveux, qu'ils ne peuvent dormir.

    Pendant toute la nuit, nos observateurs voient défiler, dans la plaine, sans arrêt, tous feux allumés, les chars et les camions allemands. « Notre impuissance de ne pouvoir agir nous mettait en colère, écrit Launé, lorsque nous voyions les troupes allemandes, les chars et les canons passer sur la route d'Estrées, trop loin de nos fusils. »

    Dans le village, il n'y a plus une toiture intacte; et le poste de secours, où l'on voyait nécessairement des entrées et des sorties nombreuses, est l'objet d'un tir constant de l'ennemi qui pensait peut-être avoir affaire au poste de commandement. Les murs étaient percés sur trois côtés par les obus. Heureusement, la cave où gisaient 48 blessés ne fut pas atteinte par un percutant. Un obus de 150 traversa de part en part les murs de la maison, sans éclater.

    Par bonheur.

    Voici les impressions du docteur Renaud; Je transcris son récit.

    Le poste de secours dans la bataille.

    Ce qui existait dans la cave, c'était le roulement presque ininterrompu du feu d'infanterie, pendant trois longs jours, le déroulement interminable des bandes de mitrailleuses allemandes s'opposant aux brèves rafales de nos F.M, les crépitations énervantes d'une mitraillette tirant sans cesse dans la porte du poste de secours, particulièrement repéré à cause de l'agitation forcée qui y régnait, et, par dessus tout, le fracas du bombardement d'artillerie qui ne cessa guère pendant trois jours, ne se calmant par moments
    que pour se transformer en pilonnage, en tirs de destruction qui n'épargnaient rien.

    La petite maison de mon poste de secours, à elle seule, a reçu plus de 30 obus; la cour qui l'entourait n'était plus à la fin qu un chaos. Ce bombardement était d'autant plus terrible que c'était lui qui nous tuait et nous blessait des hommes.

    Après chaque rafale, je savais qu'il allait falloir envoyer mes brancardiers chercher les blessés. Ma cave
    peu à peu, se remplissait : 15 blessés le premier jour plus de 50 à la fin.

    Des pansenents, de la morphine, j'en avais assez, heureusement. Mais c'est l'eau qui manqua la première. Il fallut, dès le 5 juin au soir, envoyer une corvée de brancardiers dans la grande ferme Sud, presque chez les Allemands, pour s'en procurer un peu. Le lendemain, ce fut encore possible mais le 7 juin, il n'y avait plus moyen - et, à midi, je n'avais plus de pansements, ni de morphine. Ma cave n'était plus qu'un tapis de blessés (dont 2 allemands). Quelques-uns, les plus gravement atteints, hurlaient sans cesse, d'autres
    me réclamaient l'évacuation, l'hôpital, Tous souffraient de leurs blessures, mais surtout de la soif. Un véritable enfer. Et toujours de nouveaux blessés arrivaient.

    Le 5 juin et le 6 juin, nous avions été soutenus par l'espoir d'une contre-attaque française; nous croyions sans cesse entendre le 75. Mais le 7 juin, nous savions que c'était fini. On ne répondait plus à nos appels par T. S. F. Depuis deux jours nous voyions défiler sur la grande route voisine des théories de camions allemands. Nous n'avions plus de munitions pour nos F.M . . .

     


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  • La Défense de Vermandovillers

    Pendant que se joue et se dénoue, tragiquement, ce 6 juin, le drame du 117° R. I. et du 22° Etranger, l'attaque allemande contre le 41° continue; elle porte contre ses abords Nord et Est. Car la leçon d'hier, au Bois Étoilé; a servi. Les pertes ont été trop grandes pour que l'infanterie ennemie veuille aujourd'hui s'aventurer entre nos points d'appui.

    Mais Fay est complètement enveloppé; la 10° Compagnie y demeure inébranlable.

    Vers 6 heures du matin, deux éclaireurs allemands viennent en side-car, audacieusement et de très près, reconnaître Vermandovillers. Ils se présentent par le chemin d'Ablaincourt, en face de la grande ferme où est installé le poste de secours; sous ses hangars sont mis à l'abri nos camions et dans les écuries les chevaux de la Compagnie de Commandement; le matériel de cette Compagnie et de la section du 6° Génie est là également. La maison est au centre du village, sur le bord de la route de Lihons-Soyécourt.

    Un réseau barre le chemin. Le capitaine Levreux qui observe les patrouilleurs; leur laisse passer la chicane ; à ce moment, il commande le feu au canon de 25 et aux fantassins qui occupent la tranchée à droite et à gauche de l'entrée de la ferme. Malheureusement, les éclaireurs ne sont pas blessés gravement et peuvent s'en aller. Ils ont cru, sans doute, que cette belle maison était le P. C. du Colonel; ce n'était que le poste de secours régimentaire.

    Vers 6 h 00, une pièce allemande se met en position entre Ablaincourt et Vermandovillers, et le prend sous son feu. Le premier coup atteint; le rez-de-chaussée; la cave est peu profonde et sans protection. Il semble que la fumée y pénètre. En tâtonnant, dans l'obscurité, je trouve un escalier intérieur et le monte; des gravats le recouvrent ainsi que le vestibule. Un deuxième obus arrive dans le premier étage; au troisième les flammes jaillissent,c'est l'incendie.

    Rapidement, il embrase la maison tout entière, confortablement, mais légèrement construite. Sous. les flammes, nos brancardiers s'efforcent de sauver le matériel sanitaire : caisse de médicaments, paniers d'instruments, brancards . . .etc, dont la perte serait un désastre. Ils y réussissent à peu près et non sans péril, car bientôt le plafond de la cave prend feu. Il il'y a pas de vent, heureusement; car sous le grand
    hangar, à 15 mètres, une masse considérable ,de foin et paille pressée est entassée, à côté de nos camions, de notre réserve d'essence de nos voitures sanitaires, et notre tranchée court le long de cet hangar, à 3 mètres; elle serait intenable pour les hommes du 6° Génie qui l'occupent. Il est
    souhaitable, pour éviter un plus grand désastre, que la maison achève vite de se consumer. En une demi-heure tout est fini, heureusement; de la belle demeure, il ne reste plus que des murs noircis et fumants.

    Les canons allemands prennent alors pour cible le clocher, qui se dresse à 200 mètres au nord de notre ferme; notre tranchée aboutit à l'église. Sans doute, l'ennemi suppose t-il qu'il y a des observateurs. Le sergent Philippe et ses hommes y sont en effet, et ne le quittent qu'au moment où une partie en est emportée par les obus, pour s'installer dans le grenier d'une maison située à proximité de la route
    de Soyécourt. Leur téléphone fonctionnera constamment entre l'observatoire et le P. C. R. I.

    D'abord les coups sur le clocher viennent de l'Est, pendant plusieurs heures; ils le frappent sans réussir à l'abattre.

    Alors l'ennemi le prend par le Sud, avec plus de succès, car dans l'après-midi, vers 16 heures, sous les coups répétés du canon le clocher s'écroule!

    Par intermittence, les bombardements sont violents sur notre ferme et sur le village. Ils sont réglés par un avion d'observation qui nous survole constamment, comme Il a fait hier. Il lance une fusée blanche, et peu après les obus arrivent.

    Il y a quelques victimes; le médecin-commandant Le Cars les panse sous le hangar, puis, le bombardement s'accentuant, dans la tranchée elle-même, On se doute combien c'est difficile dans un trou de 80 centimètres de large. Tout de même, des vies sont sauvées par cette tranchée !

    Vers 14 heures, deux patrouilleurs ennemis viennent encore. en face de notre ferme; ils sont en side-car. Mais ils ne repartiront pas.

    Ils sont aperçus; on leur tire dessus avec rage; le chef de musique Martin, bon tireur, prend un fusil
    mitrailleur du haut du tas de foin, il les abat; ils sont très blessés; leurs plaies sont affreuses; l'un des
    deux meurt quelques heures après; l'autre, que nous serons obligés d'abandonner, aura dû mourir aussi sans doute; n'y avait pas d'espoir.

    Dans les points d'appui du 41°, on tient fort bien. Preuve évidente : ils nous envoient dans la matinée, non seulement des blessés allemands, mais aussi de nouveaux prisonniers.

    En arrière et sur notre droite, sous nos yeux, des troupes descendent des camions arrêtés à la lisière du bois.

    Elles n'affrontent pas notre point d'appui de Vermandovillers, ni de Soyécourt. Les chars ennemis, pourtant si nombreux, que nous voyons filer sur Chaulnes et Lihons, nous évitent avec soin, aujourd'hui comme hier.

    La raison est Peut-être celle-ci: un habitant notable du pays a entendu un officier allemand lui dire « qu'ils avaient l'ordre de ne pas attaquer Vermandovillers trop fortement tenu.

    Il est certain aussi que, les jours précédents, les avions allemands ont toujours été accueillis par un feu très violent nos canons de 25 anti-aériens, si bien qu'ils évitaient Vermandovillers.

    Il faut dire enfin que le lieutenant-colonel Loichot avait fort bien organisé le point d'appui. Les tranchées continues furent pour nos hommes une excellente protection. Jusqu'à la dernière minute, ils travaillèrent à les améliorer, bien résolus à s'y défendre vaillamment. Car, le sous-lieutenant Trévilly le note justement, et moi-même je pus le constater au cours de ma dernière tournée, à la nuit, le moral de nos hommes était très bon, bien que la situation fût étrangement critique.

    L'ennemi cependant ne nous oubliait pas, car vers 15h 00, on put voir 7 ou 8 chars ou auto-mitrailleuses
    venir du Sud-Est et s'avancer jusqu'à 1500 mètres de Vermandovillers.

    Ils s'arrêtèrent en ligne, suivis d'infanterie descendue de camions à la lisière Nord du bois de Chaulnes.

    Une centaine d'hommes environ se dirigea par petits groupes vers Vermandovillers, et s'installa à 2 kilomètres au Sud et au Sud-Est du village, derrière de légers replis de terrain et quelques buissons. Peut-être est-ce cette troupe que le commandant Schérer apercevra le soir en revenant de la ferme Lihu.

    Vers 16 heures ou 17 heures, arriva de Pressoir une colonne de camions et d'artillerie tout terrain. Elle atteignit la lisière Nord du bois de Chaulnes pour se mettre en batterie face au Sud, vraisemblablement. Le lieutenant Lucas, adjoint au Colonel du 41°, demanda à l'officier de liaison d'artillerie de faire tirer sur la colonne d'artillerie à ce moment stationnée aux lisières du bois, et sur la concentration d'infanterie.

    Malheureusement on ne pouvait sans grands inconvénients accéder à cette demande: il eût fallu
    déplacer les pièces dont il ne restait que 7 ou 8 avec peu de munitions; de plus, ce déplacement de nos canons ne permettait plus d'effectuer les tirs nécessaires à la protection de Foucaucourt, Fay, Soyécourt et Herleville; enfin, le déplacement en plein jour eût attiré les avions et les pièces eussent été vite démolies sans grand profit.

    A la tombée de la nuit, il n'y avait plus, note le lieutenant Lucas, que 3 ou 4 chars en observation au Sud-Est de Vermandovillers . . .


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  • Le P. C. de la 19° Division avait heureusement quitté Chaulnes le matin du 3 juin, pour s'établir à Rouvroy.

    Dès les premières heures du 5 juin, les alentours étaient infestés d'engins blindés ennemis; ils venaient même à l'entrée du village. Le général Lenclud sentait que l'attaque glissait sur sa droite. La nécessité s'imposait à lui pour pouvoir exercer plus facilement son commandement de porter son P. C. plus légèrement à gauche et à même hauteur.

    Ce changement se fit d'accord avec le général Sciard, commandant du 1° Corps, à la demande du général Lenclud.

    Il envoya le lieutenant Grasset à Guerbigny, préparer l'installation du P. C. Puis les diverses fractions de l'État-Major se glissèrent entre les chars allemands, et commencèrent d'arriver vers 10 h 30 à Guerbigny, où se trouvaient déjà les Compagnies télégraphique et Radio, la Compagnie hippomobile de la D.I. et la C. H. R. du 117° R.I. Le général Lenclud quitta le dernier le village de Rouvroy.

    Vers midi, l'État-Major tout entier était établi à Guerbigny, auprès des écoles, au carrefour proche de l'église. Une demi heure après le départ du Général, l'aviation allemande écrasait de ses bombes la ferme qui venait d'être abandonnée.

    Le rapport du 1° Corps d'armée confirme ces données. Il note, en effet, pour la journée du 6 juin :
    L'ennemi lance, dans l'étroit couloir des sous-secteurs Centre et Est, anéantis, de la 19° Division, une masse d'engins blindés que des observateurs évaluent à 700 ou 800.

    Cette masse, pendant la journée, se répand en éventail sur les arrières de la 19° D.I. (Le P. C. doit être évacué vers 17 heures) et gagne les arrières de la 29° D.I. (Le P. C. est évacué à 16 heures) et même les arrières de la 7° D. I. N. A . . . 

     


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  • Déjà, dans la nuit du 5 juin au 6 juin, nous l'avons vu, la C. H. R. du 117° R. 1., le G. R. du 210° R. A. L. D., la Compagnie télégraphique (204 T), la Compagnie radio (204 R), la Compagnie hippomobile, s'étaient établis à Guerbigny.

    Ils y passèrent la journée du 6 juin.

    La Compagnie Radio capta quelques messages.

    Dans la matinée, au moins une partie de l'État-Major de la D. I. s'était installée à Guerbigny, avant 10 heures certainement.

    Dans l'après-midi, une panique se produisit, provoquée on ne sait par qui : des chars allemands arrivent! 

    La Compagnie télégraphique, une partie de la Compagnie radio, s'en allèrent. Le capitaine Lévy était absent; revenant sur ces entrefaites, il remit de l'ordre assez facilement dans sa compagnie (204 R).

    Vers 16 heures, un camion du 6° Génie, chargé d'hommes, sauta sur une mine, et accidentellement fit sauter le pont, sur l'Avre, par où auraient pu s'écouler les convois; il n'y eut pas de tués, mais 2 hommes furent assez grièvement blessés.

    C'était le résultat de l'affolement.

    A 17 heures, des chars, réels ceux-là, furent signalés; on posa des mines sur la route.

    Tout de suite les voitures, dispersées de tous les côtés, allèrent se concentrer à Davenescourt, où, dans un bois, elles subirent un léger bombardement d'avions.

    Davenescourt n'était, du reste, qu'une halte; car à 23 h 30, le 6 juin, la 204 R. alla cantonner à Brunswiller, au sud de Montdidier, où elle arriva le 7 juin, à 1 h 30.

    Un poste, détaché du 41° R.I, put le rejoindre en ramenant tout son matériel.

    Le 8 juin, un autre poste revint également, mais il avait dû abandonner son matériel, pour passer de nuit les lignes ennemies. A ce moment, la Compagnie Radio était au Plessier, à l'Est de Saint-Just-en-Chaussée.

    A la date du 8 juin, la composition de la Compagnie Radio était la suivante: 93 sous-officiers et sapeurs, et 1 officier, sur un effectif de 140 hommes et 20 officiers . . .


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  • Déjà le 5 juin, les chars ennemis s'étaient établis entre Chaulnes et Lihons, et ils avaient fait leur apparition derrière le 41°; parfois ils laissaient passer nos voitures sanitaires; d'autres fois, ils les mitraillaient. Mais sur la route de Vermandovillers à Lihons, leur présence n'était pas permanente, puisque le long convoi de prisonniers avait pu passer sans encombre.

    Derrière nous, à Lihons, la journée commence tranquille.

    Le silence de la nuit n'avait été rompu que par les bombes tombées, vers minuit, aux environs immédiats.

    Vers 9 heures, les Allemands lancent, plusieurs obus sur l'église; le G. R. D. y avait un poste d'observation, établi dans le clocher. Le transept, du côté de l'Évangile (côté nord habituellement) et la coupole sont assez fortement endommagés; le clocher n'est pas touché.

    Au cours de la matinée, on assiste de Lihons au bombardement par avions, en piqué, de Rozières. Sur le terrain d'aviation, au Sud-Est, les engins blindés de l'ennemi évoluent.

    Pendant un moment, on avait eu l'illusion qu'ils étaient français!

    L'après-midi d'abord fut assez calme.

    Deux ou trois fois des auto-mitrailleuses ennemies, en reconnaissance, se présentèrent par le sud de Lihons, sur la route de Chilly. Chaque fois un canon de 25 du G. R. D. s'en chargea.

    Vers 16 heures, des avions allemands cherchent nos canons de 155, lâchent 2 bombes de très gros calibre.

    Soudain vers 17 heures (selon Sérouet, 16 h 30 selon Gandon) Lihons est soumis à un bombardement, en piqué, d'une extrême violence, pendant une demi heure environ.

    Par vagues et presque sans arrêt, les avions jettent leurs bombes et torpilles sur les positions et sur le village; une centaine de projectiles tombent ainsi, creusant des trous profonds à 3 ou 4 mètres seulement, parfois, des positions individuelles de nos hommes. Quand le bombardement cessa, plusieurs maisons étaient en flammes, des munitions entreposées près de l'église avaient sauté; la poussière et la fumée étaient si épaisses qu'il semblait que la nuit fût venue.

    Une heure plus tard, des avions allemands lancent des fusées exactement sur nos positions, et pendant 3 heures l'artillerie des chars exerce un bombardement. d'une grande violence. Le clocher, particulièrement visé, s'abat; L'église a beaucoup souffert, mais ne prend pas feu. Nos pièces de 155, du 304° R. A. P. et nos 75, répondent au tir des chars ennemis.

    En dépit de la violence des bombardements, il y a chez nous peu de victimes; on compte 7 ou 8 morts au G. R. D., et un au 41° RI (le caporal Jules Saliot). L'adjudant-chef Le Lévé, de la C. H. R. ne sera pas retrouvé. Tous ces morts resteront demain entre les mains des Allemands.

    Sans se laisser émouvoir par l'avalanche d'obus, notre artillerie avait continué son tir sur les colonnes ennemies en marche.

    Dans l'après-midi, un sous-officier de la Compagnie de Commandement, à Vermandovillers, s'était offert pour aller au ravitaillement à Lihons. Il ne revint pas; il dut se trouver dans la bagarre; nul ne sait s'il fut pris ou tué.

    Après tout ce tumulte, le calme se rétablit avec la nuit.

    Seule, de l'arrière, une grosse pièce française à longue portée, envoyait de temps à autre un obus dont on suivait sa course par son sifflement . . .

    Un autre récit écrit par Eric Abadie ( issu du forum Picardie 1939 - 1945 )

     Lihons est très ancien village du Santerre. Il est situé à l’intersection de plusieurs routes traversant le pays.
    En mai/juin 1940, ce bourg est une position importante dans le système de défense de la ligne Weygand sur le plateau. Sa garnison, en voie d’installation, sera constituée par le G.R.D. 21, la C.H.R. du 41e R.I. et son train de combat, le P.C. du 304e Régiment d’Artillerie portée, venu en soutien de la Division. Des 75 et des 155 seront en batterie à Lihons.

    30 Mai 1940 :
    1 heures 30, le chef d’escadron reçoit l’ordre de porter le GRD 21 sur Lihons pour réorganiser les escadrons et installer la défense de ce point.
    Arrivée des premiers éléments.
    Liaisons avec le Capitaine de Boismenu commandant la C.H.R du 41ème RI qui s’y trouve déjà. Répartition du village entre les unités. Les hommes du 41ème coopèrent à la défense et ont creusé des tranchées.
    Dans la matinée le chef d’escadron donne son ordre de défense en 6 postes de combat. L’escadron motocycliste du G.R. occupera la lisière ouest, l’escadron à cheval, la lisière nord, l’escadron de mitrailleuses, la lisière sud. Soit :
    1/ Ouest – Nord : Capitaine de Silans.
    Moyens - l’escadron moto.
    - 2 canons de 25 + 1 peloton de mitrailleuses.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre la route de Harbonnières et la route de Vermandovillers.
    2/ Nord – Est : Lieutenant Goasguen.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    - 1 FM.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre le PA de Silans et le PA Crémière.
    3/ Nord-Est – Est : Sous-Lieutenant Crémière.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    - + 1 GM + 1 canon de 25 + 1mortier de 60.
    Mission : Battre la zone comprise entre le P.A Goaguen et la route de Chaulnes.
    4/ Est – Sud-Est : Sous-Lieutenant Rabut.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre la route de Chaulnes et la route de Chilly.
    5/ Sud : Lieutenant Fenwick.
    Moyens - 2 FM.
    - 1 canon de 25.
    - renfort de voltigeurs du 41ème RI.
    Mission : Interdiction de la route de Chilly et de la zone allant jusqu’à la route de Méharicourt.
    6/ Sud-Ouest : Aspirant de Nicolay.
    Moyens - ?
    Mission : Interdiction de la route de Méharicourt.
    7/ Réserve : 1 canon de 25 (escadron à cheval), non loin du PC, qui commande le débouché de la route de Chaulnes sous les ordres du Lieutenant Taniou.
    Les postes N° 2 et 6 dépendent du Capitaine Tardieu.
    Les postes N° 3, 4 et 5 dépendent du Capitaine Brandner.
    Dans la journée, tout l’effectif se met ferme au travail. A la fin de la journée, les épaulements d’armes sont terminés, les boyaux reliant ces emplacements sont fortement amorcés, les barricades sont construites.

    31 Mai 1940 :
    Toute la journée, le travail continue. Les boyaux se terminent, 2 ou 3 rangées de ronce artificielle entourent le village. La position présente un caractère défensif très sérieux.

    1 Juin 1940 :
    On termine la pose des fils de fer.
    Installation d’un observatoire dans le clocher par le Lieutenant Berger (chef de poste : Maréchal des Logis Marjollet).
    Dans l’après-midi, de très nombreux prisonniers allemands sont amenés par le 41ème RI vers Chaulnes.
    Le 304ème RAP, à la disposition de la 19ème DI, installe des batteries aux environs de Lihons et renforce la défense du village de 2 canons de 75. L’Etat-Major du 304ème RAP s’installe à Lihons.

    2 Juin 1940 :
    Le Général Toussaint, commandant par intérim la 19ème DI, appelé à un autre commandement, passe le commandement de la DI au Général Lenclud qui commandait la 11ème DI.
    A cette date, le stationnement de la DI est le suivant :
    - I /41ème RI à Foucaucourt.
    - II /41ème RI à Herleville.
    - III / 41ème RI à Fay – Soyécourt.
    - II /117ème RI à Berny.
    - III /117ème RI à Belloy.
    - I /22ème RMVE à Fresnes – Mazancourt.
    - II /22ème RIMVE à MarchélePot.
    - III /22ème RMVE au Bois Est de Fresnes-Mazancourt.
    Le chef d’escadron fait construire deux barricades en pavés (1 sur la route de Chaulnes).
    Les C.R de renseignements de la DI signalent que des blindées ont été vues entre Dompierre et Chuignes et au Sud de Cappy.

    3 Juin 1940 :
    Atterrissage d’un avion sur le terrain de Méharicourt, une patrouille est envoyée pour rechercher des parachutistes. Rien.
    Envoi du peloton Sorel à Rosières près à intervenir pour des atterrissages éventuels.

    4 Juin 1940 :
    Arrivée de deux pelotons motos du 3ème GRDI à Lihons.
    L’un est envoyé à Méharicourt, l’autre à Rosières pour remplacer le peloton Sorel qui revient à Lihons.
    L’inspection du Général Lenclud, est fort satisfait des travaux d’organisation de la défense. Il déclare aux officiers de son Etat-Major que si Lihons est attaqué, le GR pourra s’y maintenir grâce à son travail.

    5 Juin 1940 :
    « Vers minuit, le 5 juin, un violent tir d’obus fusant s’abat sur Lihons pendant une demi-heure environ. Les dégâts sont peu importants, et la garnison ne souffre pas de ce tir.
    A 4 heures du matin, le bombardement recommence par fusants et percutants. De nombreux obus tombent sur le village ; plusieurs maisons sont détériorées. La lisière nord-nord-ouest est spécialement atteinte ; néanmoins il n’y a pas de victimes. L’artillerie ennemie cherche visiblement a repéré l’emplacement des batteries d’artillerie.
    Vers 4 h. 30, dans le jour naissant, on entend un lourd vrombissement. Une dizaine d’avions allemands, en ligne de file apparaissent ; ils se préparent à piquer et, par trois fois, descendent, lançant de petites bombes qui font à peu près les mêmes trous que les obus de 77. Elles glissent vers leur but, en s’accompagnant d’un sifflement strident, comme celui d’une sirène. Les bombes tombent sur le carrefour central du village. Quelques maisons sont touchées ; il y a aussi quelques blessés.
    Des chars se dirigeant dans l’axe Nord-Sud, vont évoluer entre les lisières Est de Lihons et le bois de Pressoir. Quatre coups de canons sur le clocher, puis disparaissent vers les bois de Chaulnes.
    Vers 5 heures, accalmie. Les téléphonistes du G.R. en profitent pour réparer les lignes coupées. Peine inutile, car le bombardement reprend bientôt. Les chars allemands, qui ont rapidement progressé, arrivent sur le village et le débordent, sans essayer d’y pénétrer, ou sans le pouvoir. Car ils sont accueillis par nos canons de 25, et les pièces du 304e R.A.P. tirent à bout portant. Il semble que plusieurs chars soient mis hors de combat ; les autres s’en vont.
    Un témoin, le sergent Gandon, de la C.H.R. note que si Lihons put être défendu avec succès jusqu’au bout, on le doit aux pièces lourdes de nos camarades artilleurs. Présence opportune, car le G.R.D. 21 n’a que 4 canons de25 antichars à opposer aux engins blindés qui eussent pu entrer dans Lihons par 7 ou 8 routes.
    Les avions allemands continuent de survoler le point d’appui, mais à ce moment ils ne bombardent plus.
    Le calme se rétablit peu à peu. Les premiers blessés arrivent au poste de secours.
    8 h 45 : l’observatoire signale de nombreux chars à l’Est (vers Chaulnes) au Sud (vers Chilly) et au Sud-Ouest (vers Méharicourt).
    Vers 9 heures, le G.R.D. a son premier mort de la journée.
    Les blessés sont maintenant nombreux, surtout du groupe du canon de 25 de l’escadron hippomobile, déjà si éprouvé le 19 mai. Deux obus, lancés par un char, atteignent la coupole et la sacristie de l’église.
    9 h 30 : Un 155 GPF volatilise un char en direction de Pressoir.
    Pendant l’après-midi, les hommes de la C.H.R. du 41ème s’organisent, selon la mission qui leur est indiquée. Par une chaleur accablante, ils creusent des trous individuels, surveillés par les appareils ennemis de reconnaissance, qui continuent de tourner au-dessus de Lihons.
    Les prisonniers faits par le 10ème R.A.D. au Bois Étoilé, et par le 41e à Herleville, arrivent ; leur vue donnent un courage nouveau à nos hommes.
    11 heures : Ordre du général porté par l’officier de liaison, les chars sont descendus jusqu’à Fransart et Fouquescourt et entourent le PC de la DI.
    Il faut tenir coûte que coûte et rechercher la liaison avec le 41ème RI. Une liaison moto est envoyée immédiatement vers Herleville.
    14 heures : Des chars apparaissent de nouveau aux lisières Ouest des bois de Chaulnes et de Pressoir. Prise à parties des PA Goasguen et Crémière. Le canon de 25 du Lieutenant Crémière immobilise un char et une AM.
    Vers 15 heures, le Maréchal des Logis Houet est grièvement blessé ainsi que 2 cavaliers de son équipe de 25 par un obus de char. Le Lieutenant Robin, le médecin auxiliaire Gauthier et un infirmiers vont chercher les blessés.
    17 heures : Aux lisières de Chilly, 5 chars stationnent une demi heure et vont rejoindre d’autres chars en direction de Chaulnes.
    19 heures : Une patrouille fournie par la CHR du 41ème RI et commandée par l’Adjudant Martinet va dégager des artilleurs du 304 aux lisières des bois de Pressoir.
    Vers 19 heures, les avions allemands laissent tomber quelques bombes ; l’alerte n’est pas sérieuse.
    Vers 20 heures : Recueil d’éléments du 10ème RAD et du 117ème RI.
    A 21 heures, l’abbé Sérouet, qui sert d’aumônier au G.R., conduit au cimetière le corps du cavalier Paul Robert, tué le matin ; l’escadron motorisé rend les honneurs. Ce 5 juin, le G.R.D. n’a que 2 tués (1), mais les blessés sont nombreux, et plusieurs sont gravement atteints.
    La nuit est venue. Plusieurs engins blindés sont tapis dans un petit bois, à 700 ou 800 mètres à l’est, dans la direction de Chaulnes.
    Les heures s’écoulent dans le calme ; vers minuit, des avions ennemis lancent des fusées, et jettent quelques bombes sur le village. »


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  • Les 1°, 2° et 3° Bataillons du 22° Etranger qui défendaient Fresnes, Mézancourt, Marchelepot et Misery n'existent plus au soir du 6 juin 1940.

    La bataille à fait rage, il y eu beaucoup de mort et de blessés malgré une défense acharnée.

    La 19° D.I se trouve désormais amputée de deux régiments, seuls le 21° G.R.D.I et le 41° RI combattront encore . . . 


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  • De Chaulnes où se trouve l'I. D., on ne répond plus aux appels du 41° R. 1. Vers 8 h 30, ce sera fini.

    La nuit a été marquée par le bombardement des P. A.

    Chaulnes en, particulier est soumis à un bombardement intensif par avions, qui détruit de nombreux immeubles, notamment le bureau de la Poste (en face du P. C. établi dans la maison du notaire) où se trouvait le central des transmissions.

    Du côté ennemi, la nuit paraît être marquée par le ravitaillement des chars, qui signalent leur présence par
    des fusées.

    De notre côté, au petit jour, les Capitaines Berthelot et Cazeau apportent toute leur activité à unifier et coordonner les mesures de défense prises à l'intérieur du centre de résistance.
    Le 6 juin, au jour, l'ennemi continue son travail de réduction des points d'appui, par des attaques d'infanterie et chars, avec effort sur l'axe Pressoir-Chaulnes-Roye.

    Au P. C. de l'I. D., les communications ne fonctionnent plus avec la D.I.

    Avec les Régiments, elles se limitent au 22° R. V. E. qui répond seul aux appels.

    Pressoir, P. C. du 117° R. I., tombe aux mains de l'ennemi à 5 h 30 (plutôt 6 h 30 - voir ce que j'ai écrit précédemment).

    L'effort de l'adversaire se porte alors sur Chaulnes.

    Des chars ennemis, suivis d'infanterie, pénètrent dans la partie nord de cette localité et attaquent au canon les immeubles occupés par les pionniers et les éléments du C. 1. D., qui défendent les barricades du P. A. formant réduit.

    Un duel s'engage entre les chars et les pièces de 47.

    A 7 h 30, le Commandant de la B. D. A. C. rend compte qu'il n'a plus aucune pièce en état de tirer.

    A 8 heures, se présente au P. C. de l'infanterie divisionnaire un officier allemand qui demande
    au colonel Paillas de faire cesser le feu pour éviter une effusion de sang inutile.

    Cet Officier venait du P. C. du général allemand déjà installé dans la mairie, sur la place de l'église (témoignage du capitaine Berthelot).
    Il était sans arme et en bonnet de police, accompagné du Commandant de la B. D. A. C. Il demanda très correctement au Colonel français de le recevoir. Il fit valoir, en faveur de la reddition immédiate, que la garnison s'était très bien battue; nos équipes antichars étaient maintenant hors de combat; nous étions attaqués dans la région de Chaulnes par 3 divisions, et complètement bloqués par les chars; toute résistance était actuellement vaine, et ne pourrait que causer des victimes inutiles; la ville serait écrasée
    en 1h 30 si l'on ne se rendait pas.

    Le colonel Paillas refusa et le combat continua.

    Des fantassins ennemis, bientôt suivis par un char, pénètrent dans la rue principale, et les défenseurs refluent vers le P. C. de l'I. D. qui tombe aux mains de l'ennemi vers 8 h 30.

    II faut signaler une perte douloureuse, en ce matin du 6 juin.

    Le lieutenant Percerou, professeur agrégé à la Faculté de Droit de Rennes, est frappé mortellement en servant une mitrailleuse. Percerou était adjoint au colonel Javourey, du 210° R. A. L. D.; il mourut le lendemain à Saint-Quentin.

    Le colonel Paillas loue et admire son grand courage.

    Après la reddition de Chaulnes (après 8 heures du matin par conséquent), un Général de la 1° Panzerdivision s'arrêta à Chaulnes et fit venir le colonel Paillas. Le Général posa au Colonel quelques questions: mais celui-ci répliqua en allemand qu'étant soldat, il n'avait pas à répondre et
    tourna les talons.

    Il y avait à ce moment là 800 prisonniers environ, sur la place. Pendant l'arrêt du Général, on les obligea à se coucher tous sur le sol. On craignait sans doute qu'ils ne tirassent sur lui!

    Les officiers prisonniers ne furent pas interrogés.

    Jusqu'au matin du 3 juin, le P. C. de la D. I. avait été
    installé à Chaulnes; il fut transféré ce jour là à Rouvroy.

    Heureusement, car il eût été pris, et nous eussions été sans commandement ! Par la radio, nous restions en communication avec le général Lenclud.

    Ainsi, en ce matin du 6 juin, notre situation devient tragique:
    la ligne de résistance que constituait la division a été rompue au centre, parce que l'ennemi a fait porter sur ce point l'effort d'un millier de chars; les deux extrémités demeurent; celle de gauche (41°) n'est pas encore enveloppée par l'ouest à cause de sa liaison avec la 7° D. I. N. A.; mais celle de droite (22° Étranger) ne s'appuie plus sur rien, et si l'on regarde le plan, l'on voit que les routes vers l'arrière lui
    sont fermées, par où pourrait lui venir le ravitaillement en vivres et en munitions. Je ne dis pas les renforts, car il n'y a pas de troupes derrière nous! Et si nous n'avions pas tenu hier, ce matin les auto-mitrailleuses ennemies eussent pu se présenter devant Compiègne, ou se répandre sur les arrières des divisions qui combattent encore sur l'Aisne.

    Si l'on y songe, on appréciera mieux le sacrifice accepté par les restes de la 19° Division et sa lutte courageuse.

    Aujourd'hui 6 juin, l'Allemand va pouvoir utiliser ses chars contre le 22° Étranger; il se réserve d'achever demain le 41° R. I.

    Pour le 22° Étranger, il n'y a plus qu'à combattre jusqu'à l'épuisement total des munitions (il n'y en a presque plus); jusqu'à la mort, obéissant ainsi à la terrible consigne donnée par le général Weygand. 

    L'encerclement est complet . . . 


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  • Depuis hier, nos camarades du 117° R. I., à Pressoir, sont complètement entourés. De Vermandovillers, nous assistons à la fin du combat, dans l'incendie.

    De bonne heure, quelques coups de feu rappellent que l'ennemi est aux lisières du point d'appui. Très vite, la cadence du tir s'accélère, pour devenir endiablée. Les chars et les mitrailleuses allemandes tirent de tous les côtés, de plein fouet, car il y en a partout.

    Un obus de 77 tue le guetteur, dans une maison où se tenait le P. Le Maux.

    Une tranchée-abri avait été creusée à proximité du P. C. Le personnel y descend avec le Lieutenant-colonel, Mais ils étaient là comme dans une souricière dont ils ne pourront plus sortir. Car cette tranchée est maintenant couverte par une nappe de balles de mitraillettes dont on ne saurait voir les tireurs.

    La situation s'aggrave à 6 heures. A ce moment en effet, un projectile incendiaire met le feu à l'extrémité de la grange où sont à l'abri les chenillettes, les munitions, le camion chargé d'essence. Tout ne va pas tarder à sauter, avec les hommes qui sont autour de ce matériel explosible.

    Pendant quelques minutes encore l'ennemi continue de tirer, en se rapprochant. Enfin le feu cesse. Un officier allemand surgit de derrière la haie voisine.

    Il n'y a plus de 117°. . . !!!  Il est 6 h 30

    Officiers et soldats sont rassemblés et conduits à Péronne.

    Quelques hommes, légèrement blessés, doivent marcher d'abord, et bientôt, dans leur épuisement, s'arrêter.

    Le P. Le Maux obtient qu'ils attendent l'arrivée d'une ambulance qui les conduise dans les hôpitaux. Deux blessés graves et l'aumônier trouvent place dans la voiture d'un médecin allemand.

    Le P.Le Maux passera une huitaine de jours à Saint-Quentin. Les blessés y affluèrent très nombreux, surtout au début. Un jour, il en arriva 1060. Une trentaine de médecins ne suffisaient pas à la besogne des opérations et des pansements urgents, malgré l'aide du personnel infirmier . . . 

    Au moment où disparaissait le 117°, un petit groupe d'hommes conduit par l'adjudant Chantrel, le sergent
    observateur Fouqueray (prêtre) et le sergent Biziou (séminariste), échappe à l'ennemi, et se replie sur un petit bois, derrière Pressoir.

    Ils y tiennent encore un peu de temps. Mais ils se rendent compte que tout est fini; une partie du groupe décide de partir. Biziou refuse et reste dans le bois avec l'adjudant et quelques hommes. Ils s'y défendent.

    Le sergent Fouqueray et Jacques Monthion s'en vont, sous les balles des chars. Mais n'étant pas. d'accord sur la route à suivre, ils se séparent. Monthion arrive le soir du 6 juin à Méharicourt, et rejoint la C. H. R. du 117°, demeurée libre. Fouqueray, après bien des péripéties, traverse les lignes allemandes, arrive au Mans, et un peu plus tard retrouve les restes de la 19° Division.

    L'adjudant Chantrel fut capturé par les Allemands. On ignorait ce qu'était devenu Biziou. On sait maintenant qu'il a été tué, seul, dans un champ, à Maucourt, à 1 kilomètre de Méharicourt. Enterré d'abord sur place, son corps a, depuis, été porté au cimetière de Maucourt . . .


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