• 27 Mai

    Concurremment avec I'attaque du 1er bataillon du 4lème R.I sur Assevillers, le 22ème R. M. V. E. devait reprendre Villers-Carbonnel et Pont de Brie; son attaque n'a pas non plus réussi. L'ennemi est maintenant suffisamment en force, bien muni d'armes automatiques, fortement installé et appuyé par son artillerie. Le morceau est trop fort pour notre division étendue sur un front de 18 kilomètres, sans renforts d'artillerie, sans chars, sans aviation, et devant progresser sur un terrain plat et dénudé qui favorise singulièrement la défensive. Si i'idée de toute progression ne semble pas encore abandonnée, elle est du moins remise, et nous recevons l'ordre de nous installer défensivement sur place. Chaque unité n'a d'ailleurs pas attendu cet ordre pour commencer les travaux de campagne.

    Dès le 28 mai I'ordre sera donné de « tenir sur place ».


    Depuis le 23 mai, la 19ème division avait cependant accompli une marche d'approche de 38 kilomètres, reprenant près de vingt villages et repoussant les éléments ennemis qui ne forment plus qu'une étroite poche au sud de la Somme. Tout cela réalisé par ses propres moyens. Si les 25 et 26 mai elle avait eu à sa disposition un certain nombre de chars et d avions, la division aurait atteint sans aucun doute la Somme et aurait même pu poursuivre au-delà. Mais, sans que les
    combattants aient pu le savoir, dès le 25 mai le but de cette offensive :

    tendre la main à l'armée du Nord, qui pendant ce temps progressait vers le sud, n'était plus possible, car les trois divisions anglaises formant l'avant-garde de cette armée s'étaient soudain repliées sans ordre vers Calais, augmentant ainsi l'étendue de la brèche de plus de 25 kilomètres. Les éléments allemands, profitant de cette circonstance, s'étaient rapidement engouffrés dans cette brèche, renforcés à chaque instant par des unités nouvelles amenées en camions, car l'ennemi avait conscience du péril auquel il échappait ainsi. La liaison entre I'armée Frère et I'armée Blanchard aurait en effet permis d'encercler et de découper de leur base tous les éléments motorisés allemands gui s'étaient précipités vers Boulogne et Abbeville.

    Le 27 mai I'organisation défensive des villages s'intensifie donc dans le sous-secteur Estrées-Deniécourt, Soyécourt, Vermandovillers. Elle devait se poursuivre jusgu'au 5 juin. Avec le repos relatif, les forces reviennent aux hommes et chacun, conscient de la dangereuse position du régiment, harcelé par des tirs d'artillerie incessants et par des attaques locales, travaille le sol avec acharnement. En peu de jours les résultats sont remarquables et nous ne regretterons pas notre peine, car c'est à ces trous étroits et profonds que beaucoup doivent actuellement la vie. Les transmissions fonctionnent maintenant entre Estrées et les batteries. Nos artilleurs commencent de remarquables tirs à vue. Ils
    ne sont pas avares de leurs munitions et les quelque cent obus que reçoit journellement chacun de nos villages ne sont que la cinquième partie de ce que nous envoyons sur les rassemblements, les travaux et les colonnes repérés de l'observatoire d Estrées-Deniécourt. Un tir de barrage déclenché
    pendant la nuit devant Belloy nous a démontré que nous sommes maintenant soutenus par notre artillerie divisionnaire.

    28 Mai

    Les travaux continuent. Ce qui se fait le plus sentir c'est I'absence de sommeil. La journée est à peu près calme dans notre sous-secteur. Cependant, visite de plusieurs avions ennemis volant en rase-mottes et sur lesquels crachent toutes les armes automatiques. Tirs d'artillerie ennemie, à cadence irrégulière, sur Estrées, Fay, Soyécourt et Vermandovillers. Notre artillerie continue ses tirs à vue. Nos villages commencent à se démolir.

    Cependant, le 2ème bataillon, détaché pour tenir la rive de la Somme sur le flanc Est de la division, subira aujourd'hui une forte attaque locale et le 28 mai marque singulièrement dans les annales de la 7ème Cie. Celle-ci, avec une section de mitrailleuses, deux canons de 25 et les mortiers de 81 de la C. À. B. 2, tient le village de Saint-Christ-Briost et le Pont de Saint-Christ ,depuis le 25 Mai. Ce point d'appui est placé sous le commandement du capitaine Dupuis. La Somme coule à cet endroit dans une vallée relativement encaissée, orientée sud-nord : son lit, assez étroit, est double par celui d'un canal. En arrière des deux rives, le plateau domine la vallée, nettement plus haut du côté allemand.
    Le village de Saint-Christ se trouve au fond de la vallée. Un point d'appui au pont et dans le centre du village; un point d'appui au nord, nettement en dehors du village (section Mignard) ; un point
    d'appui au sud (section Chabanel). Le P. C. est près de la rue centrale. Les mortiers de 81 sont dans la cour du P. C.

    Vers 9 heures, des éléments allemands ayant franchi la Somme et venant du Pont-de-Brie attaquent le point d'appui nord, aidés par des tirs de minen partant de la rive Est de la Somme. Malgré leurs efforts
    ces éléments sont arrêtés, et vers 11 h 30 le feu s éteint et tout disparaît. Le calme semble revenu. Cependant, vers 15 heures des rafales d'armes automatiques et un violent tir de harcèlement par minen et 105 s'abattent sur le village, un peu au hasard semble-t-il. Les observateurs ayant décelé un nid de mitrailleuses, le capitaine Dupuis fait peu après, exécuter sur cet objectif un tir de mortiers. La réplique est immédiate et une dégelée de gros minen s'écrase en réponse sur le P. C., blessant
    gravement à une jambe le capitaine Dupuis. Le lieutenant Bonnefis, commandant la 7ème compagnie, qui s'élançait pour le secourir, a les deux jambes broyées, et le sous-lieutenant Lemée reçoit un éclat à la tête. Ce coup malheureux a les conséquences les plus graves, car il prive de ses chefs le point d'appui de Saint-Christ au début d'une forte attaque allemande.

    En effet, un terrible bombardement s'abat peu après sur Saint-Christ, faisant sauter les toitures. Des bombes incendiaires atteignent les maisons qui bordent le pont et qui commencent à flamber. En même temps, franchissant le canal sur des planches posées sur des péniches à moitié coulées, les fantassins allemands attaquent le village. Les rafales de nos fusils-mitrailleurs causent de sérieux ravages dans leurs rangs et arrêtent leur progression. Le combat continue. A 17 heures, la lutte fait rage, les balles sifflent de tous côtés et les obus soulèvent partout poussière et fumée. Le sous-lieutenant Mignard est venu prendre le commandement de la compagnie. On résiste. Soudain, vers
    18 heures, de nouveaux obus incendiaires viennent mettre le feu aux maisons occupées par la section qui défend le pont. Cette fois il est impossible d'arrêter I'incendie. Les hommes doivent, la rage au coeur, quitter leurs abris, et les Allemands en profitent pour passer rapidement la Somme et le canal. Ils ont pris pied sur notre rive; la lutte devient dure lorsque soudain surgit une nouvelle difficulté. L'ennemi a repris ses attaques sur le point d'appui nord; il l'a en partie encerclé et la section qui le défend est décimée. N'ayant plus son chef, le sous-lieutenant Mignard, elle se replie en désordre sur le village.

    Mignard envoie I'ordre au sous-lieutenant Chabanel, qui défend les lisières Sud, non attaquées, d'aller s'établir face au nord-ouest, Mais le désordre est à son comble. Les obus éclatent sans arrêt. Les balles sifflent de tous côtés. La situation devient intenable. Les hommes, en voyant la section Chabanel se diriger au pas de course vers les lisières ouest du village, croient à un repli et la suivent en faisant le coup de feu. Les Allemands sont d'ailleurs entrés dans le village par le nord-ouest et la rue principale est enfilée des deux côtés par les balles. Pour sauver les restes de son unité, le sous-lieutenant Mignard doit donner I'ordre de repli. Le médecin Zaracovitch refuse de suivre et reste avec
    ses blessés. Le lieutenant Bonnefis vient d'ailleurs d'expirer avec le plus grand courage. Alors, groupant une quarantaine d'hommes qui luttent encore, les sous-lieutenants Mignard, Chabanel et Cocault se replient non sans peine et atteignent Marchelepot. La 7ème compagnie a perdu ce
    jour-là 3 officiers et 71 hommes et sous-officiers.

    29 Mai

    On ne pouvait rester sur cet échec. Dès la nuit, la 6ème compagnie reçoit l'ordre de reprendre Saint-Christ. Heureusement cinq chars d'assaut peuvent être mis à sa disposition. Elle s'ébranle à 4 heures.
    Accueillie par le feu nourri des armes automatiques ennemies, elle bondit en avant, entraînée par le chef de bataillon Pourcin, qui, peu après, est blessé au bras, D'un seul élan elle reprend le village. Surpris, les Allemands repassent en hâte la Somme. Saint-Christ est de nouveau entre nos mains. Nos camarades sont vengés. Le chef de bataillon, qui avait refusé de se faire évacuer avant la reprise du village, passe alors le commandement du 2ème bataillon au capitaine Thouron.

    Durant ce temps, I'ennemi se renforce toujours sur le front de notre régiment. Dompierre-Becquincourt et sa sucrerie sont le siège d'une grande animation. Par de petites infiltrations, vers 10 heures, l'ennemi
    s'efforce de venir jusqu'à Fay et Estrées. Mais nos armes d'infanterie et notre artillerie font merveille. Les remarquables concentrations de feu de cette dernière et son activité incessante empêchent I'ennemi de parvenir à ses fins en causant le plus grand désordre dans ses arrières.

    Pendant les journées des 28 et 29 mai, I'aviation allemande ne fut pas inactive; par groupes de trois ou cinq ses appareils nous survolent à tous moments, mitraillant parfois, sans aucun résultat d'ailleurs, car
    nos hommes étaient parfaitement terrés, Le 28 mai, vers 14 h 30, les feux conjugués des 1er et 3ème bataillons touchèrent gravement un bombardier ennemi qui poussait I'imprudence à les survoler en rase-mottes : il s'abattit en flammes à quelques kilomètres de là.

    A la tombée de la nuit, cinq chars R. 40, mis à la disposition du régiment pour quelques heures, vont faire dans les parages de Fay une démonstration plus bruyante qu'utile... Les nuits jusqu'ici ont été à peu près calmes; seules les lueurs des incendies brillent sous la voûte étoilée; parfois une fusée verte montant droit dans le ciel déclenche le tir de barrage, mais rapidement le grondement s apaise; quelques fusées éclairantes illuminent encore le ciel, puis c'est à nouveau le silence.

    30 Mai

    A 3 h 50 retentit le crépitement rapide et régulier de notre F. M., puis le tac tac tac plus lent de nos mitrailleuses auquel se joignent les rafales des mitraillettes allemandes. Cela dure, disparaît, puis reprend, semblant venir de la direction de Fay, puis tout rentre dans le calme,
    Chaque nuit, ainsi, venant de quelque part dans le secteur de la division se déclenche le tir des armes automatiques. Mais cette fois cela reprend, s'amplifie, et voici la fusée verte, basse sur l'horizon. Un coup de téléphone (car malgré les pires difficultés nos transmissions fonctionnent) annonce une attaque sur Fay. Brutalement, rageusement, s'abattent tout à coup les rafales de nos 75 qui exécutent le tir de barrage demandé. Durant 10 minutes, c'est un roulement infernal qui couvre tout autre bruit. Puis tout s'apaise, quelques coups de feu isolés, c'est fini. L'aube naît bientôt, le jour se lève et une nouvelle journée d'un temps magnifique commence.

    Le village de Fay, tenu par la 11ème compagnie du 3ème bataillon, a été attaqué à deux reprises cette nuit. Mais la vigilance des défenseurs n'a pas été prise en défaut. Les groupes ennemis purent à peine atteindre les lisières du village, cloués au sol par les tirs repérés de nos fusils mitrailleurs et de nos mitrailleuses aidées par les mitrailleuses d'appui d'Estrées et également par nos 75. La plus forte tentative ennemie, au point du jour, a été repoussée comme les autres. On se perd en conjonctures
    sur le but de cette attaque. L'ennemi a-t-il voulu s'emparer de Fay, qui entre en pointe dans son dispositif, ou bien a-t-il voulu seulement se rendre compte des raisons pour lesquelles nos chars
    avaient fait tant de bruit hier soir, ou bien, enfin, sonder les réactions de notre plan de feux ?

    Dans la journée arrivent du P. C. D. I. les ordres nécessaires pour regrouper le régiment. En effet, par suite, de l'arrivée d'une nouvelle division, la 29ème D.I, le 2ème bataillon du 41ème R.I va pouvoir regagner le régiment. La 29ème D.I. s'intercale entre la19ème D. I. et la 3ème D.I.L. et va border les rives de la Somme, de Saint-Christ à Ham. Par suite du nouveau dispositif de la D. I., le 3ème bataillon du 41ème R.I abandonne Estrées-Deniécourt, qui sera occupé par le 117ème R. l. Le 3ème bataillon du 41ème R.I s'installera à Soyécourt. Le 1er bataillon du 41ème R. quittera Soyécourt pour aller occuper Foucaucourt, jusqu'à présent tenu par le 31ème R. T. A. de la 7ème D. I. N. A. (division d'Infanterie nord-africaine). Le 2ème bataillon du 41ème R.I, quittant les rives de la Somme, viendra occuper Herleville, actuellement défendu par le 31ème R. T. A. (régiment de Tirailleurs algériens) de la 7ème D. I. N, A. Ce nouveau dispositif devra être pris par échelons entre le 30 mai et le 2 juin. Les ordres sont donnés en conséquence par le colonel. Dans la nuit du 30 mai au 31 mai, le 1er bataillon
    du 41ème R.I va occuper Foucaucourt, laissant une section dans Soyécourt.
    Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, le 3ème bataillon du 41ème R.I, moins la 9ème compagnie occupant Fay, qui reste, malgré la difficulté de ses liaisons, dans le sous-secteur du régiment, se portera à Soyécourt.
    Enfin le 2ème bataillon du 41ème R.I, procédant par étapes, viendra occuper Herleviile dans la nuit du 1 au 2 juin.

    En exécution de ces ordres, divers contacts sont pris avec le 31ème R. T. A., qu'il faut relever; ils permettent de constater la nervosité des tirailleurs qui, à tout bout de champ, tirent en tous sens pour
    se donner du courage: le jour quand les obus tombent, la nuit quand ils entendent le moindre bruit. Le calme de nos Bretons qui deviennent aguerris ressort d'autant plus à ce contact.

    31 Mai

    À la fin de la nuit, le 1er bataillon du 41 a relevé à Foucaucourt le 3ème bataillon du 31ème R. T. A. Malgré toutes les précautions prises on déplore un tué et un blessé, non par I'action de I'ennemi, mais par le fait des tirailleurs.

    Journée assez calme. De I'observatoire d'Estrées, nos artilleurs règlent à merveille de beaux cartons. Les Allemands se camouflent vraiment mal et leurs convois de troupes sont terriblement tentants
    pour nos canons. La supériorité de notre artillerie est vraiment très nette. L'artillerie allemande semble arroser au hasard les villages et leurs abords, causant seulement l'écroulement de maisons et des pertes légères.

    Vers 19 heures, dans un ciel toujours bleu, les avions allemands qui, pour la première fois, ne s'étaient pas montrés de la journée, passent au nombre de six. Ils survolent à pleins gaz et à basse altitude nos
    villages. Fatale imprudence, L'effet moral est inverse de celui escompté par l'ennemi; nos tireurs au F. M. et à la mitrailleuse ne laissent pas échapper de telles cibles; le tir crépite de tous côtés. L'un de ces avions, après avoir survolé Estrées, laisse échapper une fumée noire, s'élève brusquement, puis s'abat en flammes après avoir lâché un homme en parachute que le vent pousse vers les lignes allemandes. Victoire ! C'est le troisième avion abattu par le régiment en quelques jours.

    Dès le début de la nuit, à partir de 22 heures, le 3ème bataillon, par compagnies échelonnées, quitte Estrées qu'il occupait depuis le 24 mai pour se porter à Soyécourt. Le 1er bataillon du 117ème R. I. le remplace. La relève est terminée à minuit 30  sans incidents.

    Pendant ce temps, le 2ème bataillon, relevé par la 29ème D. I., s'est regroupé à Licourt et s'apprête à faire étape pour Vermandovillers et Herleville.

    1er Juin

    La nuit, bien commencée. va t-elle se terminer sans incidents? Depuis quelques jours, en effet, I'ennemi tâte les villages avancés du secteur de notre division, lançant des coups de main plus ou moins forts, au lever du jour: ainsi à Fay et à Berny.

    Soudain, à 3 h 15 retentit un bruit intense de fusillade. Une fusée verte monte dans le ciel, et bientôt se déclenche le tir de barrage de 75. C'est à nouveau Fay qui est attagué. A Soyécourt, le 3ème bataillon
    est en état d'alerte, ainsi que le 1er bataillon du 117ème qui occupe maintenant Estrées. Aucun renseignement. L'E. R. 17 a pu confirmer la demande de barrage, car le téléphone est coupé. Tout rentre enfin dans le calme et, au petit jour, une patrouille est envoyée aux renseignements.
    Les premières nouvelles ne sont pas bonnes. Fay a subi une violente attaque gui a été repoussée, mais le lieutenant Payen et toute sa section sont portés manquants. Le chef de bataillon Jan, commandant le 3ème bataillon du 41ème R.I, se rend personnellement à Fay, et bientôt parvient la
    nouvelle du glorieux fait d'armes que la 9ème compagnie a inscrit à I'actif du régiment.

    Le village de Fay, situé à 2 kilomètres au nord de la route Amiens-Péronne, au débouché .d'un ravin venant de Dompierre-Becquincourt, forme une pointe dans le dispositif ennemi. C'est par conséquent un point important à conquérir pour celui-ci, car il interdit les débouchés ennemis sur Estrées et sur Foucaucourt. Depuis le 30 mai au soir, la 9ème compagnie a relevé la 11ème compagnie. Elle est commandée par le capitaine Dunand et renforcée d'une section de mitrailleuses de la C. A. B. 3. Les abords du village ont été assez fortement installés, tant par la 11ème ,compagnie que par la 9ème, qui craignait avec raison de nouveaux coups de main.

    Vers 22 heures, le sous-officier de garde d'une section a été mis en éveil par une agitation anormale dans le troupeau des nombreuses vaches errantes aux abords du village. Le capitaine Dunand, alerté, a redoublé de surveillance et renforcé la garde. Soudain, vers 3 heures, le sous-officier de garde à la barricade nord-ouest du village ayant entendu parler allemand alerte la garnison, et lorsque, à 3 h 15, un fort groupe d'Allemands se rue sur cette barricade, tout le monde est à son poste, prêt au feu. Malheureusement, le fusil-mitrailleur défendant cette barricade s'enraye après quelques rafales et les Allemands, appuyés par trois puissants lance-flammes, se lancent à I'assaut, jetant leurs grenades
    à manches et leurs fumigènes dans toutes les directions. Les lance-flammes mettent le feu à la barricade et à une maison contiguë près de laquelle sont calcinés le cheval et la voiturette du mortier de 60.
    Emportés par leur élan, les Allemands, bousculant les restes de la section du lieutenant Payen, qui défendait la barricade, arrivèrent jusqu'au centre du village, mais là ils tombent brutalement sous le leu des fusils-mitrailleurs du lieutenant Mauduit dont les V. B. appuient I'action; ils refluent alors vers le nord, en désordre, et un groupe d'une vingtaine d'entre eux s'engouffre dans la cour de la ferme servant de P. C. Ils sont alors reçus par le feu de la section de mitrailleuses commandée
    par le sous-lieutenant Vaillant qui, ayant rapidement déplacé une pièce, fait un véritable carnage. Le jour commence à se lever. La maison en flammes éclaire la scène. Les fumigènes allumés par les Allemands dégagent une âcre fumée mélangée à celle des nombreuses cartouches brûlées. L'ennemi qui s'efforce alors de se replier vers Assevillers est à nouveau pris à partie par les mitrailleuses et les F. M. du point d'appui tenu par la section de I'adjudant Le Denmat qui battent le glacis au débouché nord de Fay. Le tir de barrage de nos artilleurs achève la besogne. Il est 6 heures. Le capitaine Dunand lance alors en avant la section du sous-lieutenant Mauduit qui fait quelques prisonniers dans les jardins, puis, appuyée par la section Le Denmat, réoccupe la partie nord-ouest, du village, faisant encore des prisonniers, Seuls quelques Allemands réussissent à franchir le barrage de feu et à regagner Assevillers. Pendant ce temps la section du lieutenant Payen, bousculée par l'ennemi et coupée du village, s'est regroupée entre Fay et Assevillers. Empêchée de regagner Fay par suite des tirs de barrage, elle atteint Estrées, d'où elle rejoint sa compagnie.

    L'attaque ennemie avait été menée par environ 150 hommes amenés le soir même de Péronne à Assevillers en camions. L'ennemi laissa entre nos mains 29 prisonniers et 16 cadavres, dont un officier. Une cinquantaine de cadavres gisaient dans la plaine. En outre, 36 fusils, 2 mitrailleuses légères, 3 mitrailleuses lourdes, 2 lance-flammes, 50 grenades et tout un lot d'équipements et de munitions, sans oublier des bobines de fil téléphonique, tombent entre nos mains.

    La 9ème compagnie a perdu 1 sous-officier et 5 hommes tués, 7 sous-officiers et 8 hommes blessés. C'est, pour notre régiment, un brillant succès.

    Le matin, vers 10 heures, le 2ème bataillon du 41ème R.I venant de Licourt arrive à Vermandovillers où il stationne pendant la journée, préparant la relève du 2ème bataillon du 31ème R. T. A. à Herleville, qui doit avoir lieu dans la nuit. Le 2ème bataillon était séparé du reste du régiment depuis le 23 mai au soir.

    Journée calme; temps splendide. Contingent habituel d'obus sur les villages, accueilli avec le flegme des vieilles troupes. Visite quotidienne de plusieurs groupes d'avions, ennemis bien entendu, car les avions français ou alliés demeurent invisibles.

    2 Juin

    Durant la nuit, le 2ème  bataillon a gagné Herleville. La relève s'est effectuée sans incident. Le regroupement du régiment est ainsi terminé, et le nouveau dispositif est en place..Les divers éléments du 41ème R.I sont ainsi disposés. Au nord, en pointe, à 2 kilomètres de la route nationale Péronne-Amiens, une compagnie du 3ème bataillon occupe le village de Fay.

    A sa gauche, à 3 kilomètres au sud-ouest, le 1er bataillon défend Foucaucourt, à cheval sur la route nationale Amiens-Saint-Quentin. A 4 kilomètres au sud de Fay, le 3ème bataillon occupe Soyécourt. En outre, entre Soyécourt et Fay, un point d'appui intermédiaire été établi dans le bois du Satyre, sur la route nationale. Il est tenu par une section de la 11ème compagnie, avec le groupe de mortiers de 81. En arrière de Foucaucourt, et à 2 kilomètres au sud-ouest, le 2ème bataillon est établi dans
    Herlevilie.

    En arrière de Soyécourt et à deux kilomètres se tient, à Vermandovillers, le P. C. R. I., avec la 7ème compagnie du 2ème bataillon.

    Enfin la C. H. R. est à Lihons, à 4 kilomètres au sud de Vermandovillers, avec le G. R. D. I.

    L'artillerie appuyée par le régiment est ainsi disposée: À Vermandovillers, un groupe de 155 du 210ème R. A. L.; au Bois-Etoilé (1 kilomètre ouest de Vermandovillers), un groupe de 75 du 10ème R. A. D. et un groupe de renforcement du 304ème R. A. P. Chacun des villages, sauf celui de Fay, possède des canons anti-chars, soit des canons de 25 organiques des bataillons, soit de la C. R. E., soit de la C. D. A. C. ; soit des canons de 47 de deux B. D. A. C., venues en renforcement, et
    deux pièces de 75 anti-chars.

    Enfin, à Vermandovillers se trouve un groupe de canons de 25 anti-aériens et à Soyécourt la section de mitrailleuses anti-aériennes de 20 mm, appartenant au 1er bataillon.

    Le régiment est encadré, à droite (Est) par Ie 117ème R. I., qui occupe Belloy-en-Santerre, au nord de la route Amiens-Saint-Quentin, Estrées et Berny-en-Santerre, Deniécourt, Arblaincourt et Pressoir, où
    se trouve le P. C. 117. Le 117ème est lui-même prolongé à sa droite par le 22ème R. M. V. E., 3ème régiment de la division, qui occupe Fresnes-Mazancourt, Misery, Marchelepot ; ce régiment a, à sa droite la 29ème D. l. puis la Somme, dont la boucle remonte vers le sud jusqu'à Ham et dont l'autre rive est occupée par les Allemands.

    Le P. C. de l'Infanterie divisionnaire (P. C. I. D.) est à Chaulnes et le P. C. de la division (P.C.D. I.) à Rouvroy.

    Le régiment est encadré à gauche (Ouest) par le 31ème R. T. A. faisant, partie de la 7ème D. I. N. A., qui occupe Chuignolles, le Bois Sainte-Marie, Proyart et Framerville. La gauche de la 7ème D. I N. A. borde à nouveau la Somme, dont le cours, après la boucle de Péronne, sud-nord,descend vers l'ouest.

    C'est dans ce dispositif et sur ces lieux que le régiment subira l'offensive allemande du 5 juin. Il est intéressant de décrire le cadre dans lequel devaient se dérouler ces opérations: la plaine de la Somme,
    paysage de Beauce, avec quelques lentes et faibles dénivellations de terrain. A L'Est, un terrain plat, désespérément plat, jusqu'à la Somme qui coule sud-nord, à 8 kilomètres de la. Au nord-est, même aspect si ce n'est que, près de Villers-Carbonnel, un léger bombement de terrain masque la ville de Péronne que l'on voit cependant de certains clochers, et qui est à 12 kilomètres. Au nord, Assevillers occupe la crête d'un léger repli du sol. Puis, à quelques kilomètres au nord s'étend Dompierre-
    Becquincourt, sur le bord du plateau dominant la rive sud de la Somme. Dompierre, centre important ennemi, journellement bombardé par nos artilleurs qui essaient en particulier d'abattre la cheminée de la sucrerie, observatoire excellent pour l'ennemi. Plus en arrière, à une dizaine de kilomètres, on voit les lignes de hauteurs bordant la rive nord de la Somme, bons observatoires lointains pour I'ennemi. Au nord-ouest, vues limitées par le bois Sainte-Marie et les hauteurs dominant un ravineau qui se dirige vers la Somme. Au sud-ouest, au sud et au sud-est, à perte de vue, la plaine ondulée ... Pas de haies, pas de talus, pas de fossés : rien qui nous rappelle un coin quelconque de notre Bretagne, mais  l immensité plate où courent les routes parmi les champs et les champs, sens un arbre, sans un buisson. Çà et là cependant quelques petits boqueteaux et des bois isolés. Un de ces bois, le bois du
    Satyre, longeant les lisières ouest de Fay, s'étend jusqu'aux abords de Soyécourt et constitue un couloir d'infiltration dangereux. Un autre, le Bois-Etoilé, s'étend entre Herleville et Vermandovillers. Enfin, entre Vermandovillers et Chaulnes, Ie bois de Chaulnes, très étroit. Quelques boqueteaux aux lisières nord d'Herleville, un autre boqueteau à la sortie sud de Vermandovillers. Ces bois, seuls abris pour nos batteries d'artillerie, furent naturellement très vite repérés par I'ennemi. Dans cette plaine monotone, où les champs ne sont même pas entourés de barbelés, s'étendent çà et là des villages aux maisonnettes encore neuves. Cette région fut déjà en effet le théâtre de violents combats, et tout y
    fut détruit par les bombardements en 1914-1918. Une partie seulement des villages a été reconstruite, aussi pas de rues, mais, en général, des maisons éparses, souvent éloignées les unes des autres, parfois groupées en petits paquets, et occupant cependant toute la surperficie de I'ancien village, trop grande pour le nombre actuel des maisons. Toutes les constructions sont en briques, généralement sans étage. En résumé, cette plaine est facile à défendre contre I'infanterie ennemie, si ce n'est
    quelques couloirs d'infiltration, mais elle constitue aussi un terrain idéal pour l'évolution des chars d'assaut. Les villages eux-mêmes séparés les uns des autres par plusieurs kilomètres sont difficiles à défendre parce que formés de maisons éparses et trop fragiles. On regrette les villages
    et les bourgs aux maisons accolées, construites en pierre de taille, munies de caves solides et encerclées de jardins aux murs épais...

    La T. S. F. nous a appris, que les restes de l'armée de Belgique ont fini de s'embarquer à Dunkerque, L'armée de Blanchard lutte encore. On nous a annoncé I'attaque d'une division blindée anglaise gui aurait repris Abbeville et très légèrement progressé vers le nord, mais, tous renseignements pris, si cette attaque a eu lieu, c'est à l'aide d'une division blindée française formée de tous les chars échappés de Belgique; elle n'a d'ailleurs pas eu de suite. Il y a déjà plusieurs jours que les derniers
    éléments de I'armée anglaise du nord ont regagné leur île. Nous espérons bien les voir débarquer au Havre ou à Dieppe. Et tous ceux qui ont occupé la Bretagne cet hiver, que font-ils ? Aucun avion allié
    dans le ciel; toujours et uniquement les croix allemandes. La situation est inquiétante, mais, fort heureusement, on n'a guère le temps d'y songer.

    Il faut s'attendre d'un jour à I'autre à une grande attaque allemande. Toutes les forces disponibles vont bientôt déferler vers le sud, sur nous. On nous transmet l'ordre du jour du général Weygand : « Tenez !
    C'est le sort de la France gui est en jeu. Si nous pouvons tenir un mois, c'est la victoire probable ! » Le moral est excellent. Qui de nous songe à autre chose qu'à « tenir » ? Le général de division nous a envoyé l'ordre suivant : « ]e réitère I'ordre déjà donné. Quelle que soit la violence des attaques et des bombardements auxquels peuvent être soumises les unités, aucun repli ne doit être ordonné ni toléré. On doit résister sur place jusqu'au dernier homme en faisant subir à I'ennemi le maximum de pertes. Le sort de la bataille actuelle en dépend. »

    Les travaux continuent avec activité. Il faut appliquer l'ordre reçu du corps d'armée: S'enfermer dans les villages solidement barricadés, pour les défendre jusqu'au bout et attendre que les contre-attaques
    prévues à cet effet viennent nous dégager. » Selon ces directives nous achevons de barricader solidement les routes, de créneler les maisons, de réunir les espaces vides entre les constructions par des tranchées profondes, munies d'emplacements de tir, et de creuser des boyaux de communication entre les points principaux. La parole est au pic et à la pioche. Le Génie pose de nuit des mines anti-chars aux endroits dangereux, entre Fay et Faucaucourt et aux issues des villages. C'est dimanche, paraît-il, mais c'est le gros travail comme en Sarre, cet hiver, on ne sait plus quel jour on vit.

    Dans la soirée, nous apprenons que le général Toussaint, commandant notre notre 19ème D. I., vient d'être nommé à la tête de I'artillerie d'un corps d'armée ; il est remplacé par le général Lenclud.

    Nos observateurs, des positions périlleuses, qu'iIs tiennent dans les clochers et les toitures, signaient de nombreux travaux ennemis devant Assevillers et Dompierre-Becquincourt. Des tirs d'artillerie bien centrés y mettent quelque agitation. Comme presque tous les jours des avions nous survolent et mitraillent un coin ou l'autre du secteur. sans autre résultat que de s'attirer les répliques nourries de nos armes automatiques. Le contingent habituel d'obus ne trouble guère notre activité.

    3 juin

    Dans la nuit, à 3 h 30,le téléphone carillonne : le 3ème bataillon signale que de Fay on entend des bruits de moteurs. On craint une attaque avec engins blindés. Tout le monde est alerté aux postes de
    combat. Le temps passe et le renseignement n'est pas confirmé. Fausse alerte. Peut-être était-ce une colonne de camions ?

    Durant la matinée, des patrouilles ennemies viennent tâter nos villages avancés : quelques rafales d'armes automatiques et de bons tirs de mortiers de 60 les mettent à la raison. Les transmissions sont sur les dents. Depuis huit jours les équipes posent ou réparent du fil sans arrêt. Les vaches errantes sont les pires ennemies de nos téléphonistes dont elles arrachent les fils chaque fois qu'elles les trouvent à leur portée; ce que les vaches laissent en état, les obus ennemis le volatilisent.

    La ligne téléphonique de Fay n'a jamais pu fonctionner plus de quelques heures sans interruption. Les piles de radio doivent être ménagées pour le jour où les relations téIéphoniques seront toutes rompues.

    Le temps splendide se maintient. Vers 13 heures une centaine d'avions ennemis nous survolent. Immense quadrilatère; formations impeccables; altitude moyenne. Ils se dirigent vers le sud et repassent en sens inverse vers 15 heures. Nous apprendrons qu'ils ont été bombarder Paris.

    Les travaux continuent à plein rendement. Chacun en sent I'importance et s'y donne avec coeur. Des mines anti-chars sont posées devant Herleville, Vermandovillers, Soyécourt et, cette nuit, toutes les routes seront barrées par ces champs de mines. On recouvre de paille les abords des barricades, ce qui camoufle les mines. Des récipients d'essence sont amenés à proximité de sorte que la paille sera facilement enflammée si les chars ennemis s'en approchent. Des bouteilles de bière remplies d'essence sont distribuées partout dans les tranchées. Lancées sur les chars avec une mèche enflammée dans le goulot, elles feront du beau travail. Les chenillettes montent sans arrêt du barbelé, des piquets et des munitions aux villages avancés. L'ennemi semble s'inquiéter de ces travaux. L'avion d'observation qui nous survole tous les jours sans arrêt depuis le 22 mai s'agite désespérément. Malgré sa faible vitesse et sa silhouette démodée, cet avion n'est justiciable que de nos mitrailleuses
    spéciales de 20 millimètres. Les autres armes automatiques sont impuissantes et nous avons la certitude qu'il est blindé. Il a dû rapporter aujourd'hui une moisson de renseignements, car à peine nous a-t-il quittés, en fin d'après-midi, que I'artillerie ennemie se met en action, La dose quotidienne est nettement dépassée, et les artilleurs du 210ème, au sud de Vermandovillers, reçoivent de fortes rafales. Mais personne n'est oublié, et dans chaque village du 41ème R.I, s'abattent les salves de 105,
    Tout s'arrête avec la nuit qui tombe. Beaucoup de bruit; les dégâts sont faibles; les pertes minimes.

    Le chef de bataillon Herrmann, commandant le 1er bataillon du 41ème R.I est nommé à la tête du 22ème R. M. V. E. et rejoint immédiatement son poste. Il est remplacé par le capitaine Giovannini, du 117ème R. I.

    A 16 heures, le 31ème R. T. A. signale des bruits de chars dans la région de Chuignes, Le renseignement est confirmé peu après par des observateurs qui ont aperçu des chars sur le coude de la route de Chuignes à Dompierre, et l'artillerie coloniale qui soutient le régiment voisin tire à pleins tubes. Nos postes avancés sont alertés, mais rien n'est signalé dans notre sous-secteur. Les éléments avancés du 31ème R. T. A. au bois Sainte-Marie signalent eux aussi des chars dans I'après-midi. Ces indices d'une attaque prochaine nous conseillent une extrême vigilance.

    4 Juin (1 jour avant l attaque allemande)

    Au cours de la nuit, nombreux tirs d'armes automatiques, Les Allemands ont lancé toute la nuit des fusées éclairantes. Tirs d'artillerie violents dans le lointain. Cependant la nouvelle journée commence sans encombre. Soleil, ciel bleu. Dès 7 heures, tranquille, l'avion d'observation ennemi tourne en l'air, surveillant nos mouvements.

    Aux P. C., la journée est remplie de nombreuses visites. Nous apprenons en effet que nous allons être relevés par une division franc'comtoise, la 47ème D,I., qui viendrait s'intercaler entre la 7ème D. I. N. A. et la 19ème D. I. Notre régiment passerait de l'aile gauche; à l'aile droite de la division. II irait occuper Saint-Christ, Epenancourt et Belhencourt. Ce changement n'est pas accueilli avec une grande satisfaction, car nous avons fait de nos villages de solides points de défense, et nous trouvons
    amer, au moment où une sérieuse attaque ennemie se prépare et parait prochaine, d'avoir tout à recommencer dans de nouveaux villages et sur un terrain inconnu. Cependant I'idée que des renforts arrivent ne nous déplaît pas, car 18 kilomètres de front pour une division c'est quelque peu supérieur à ce qu'enseignent les manuels de chez Lavauzelle, surtout lorsque I'ennemi se présente à vous de face et de flanc.
    Nous sommes loin du coude à coude de 14-18 Les officiers qui doivent nous relever reconnaissent le terrain, le matin et l'après-midi.

    Pour assurer les liaisons entre les points d'appui et remplacer les lignes téléphoniques incessamment coupées, les liaisons radio sont établies.
    Fay, en particulier, est doté d'un E. R. 17 supplémentaire, Après quelques rafales d'obus espacées, un calme absolu règne depuis 17 heures, Douce et tranquille soirée, les rayons du soleil couchant
    dorent la plaine qui en devient presque belle. On songe au repos, à des nuits de sommeil, les nerfs se détendent ; on respire enfin. Dans le calme de la nuit étoilée, les petits postes veillent . . . 

    - - - - - - - - - - -

     

     

     


    votre commentaire
  • 16 Mai

    A 18 heures, nous recevons I'ordre de départ. Le régiment ira s'embarquer à Dannemarie, à 21 kilomètres de nos cantonnements. Il partira dans l'ordre suivant: compagnie régimentaire , 1er, 2ème et 3ème bataillon. Départ échelonné entre le 16 mai 22 heures et le 17 mai 14 heures.

    Et dans la nuit, le régiment commence sa marche vers I'inconnu.
    Altkirch,... un avion est au sol; c'est un allemand, premier cadavre de cette nouvelle phase de la guerre. L'embarquement commence le samedi au début de la matinée. Et voici les retards inhérents à la vie militaire, les attentes incompréhensibles, les pénibles stationnements pendant des heures et des heures: le dernier train du régiment, avec le 3" bataillon, ne partira que le 18 mai, à 14h3O, avec 16 heures de retard.

    17 Mai 

     On embarque. Le premier train part. Il est 10 heures. La D. C. A. dresse vers le ciel ses canons et guette les avions ennemis qui voudraient détruire le viaduc de Dannemarie; mais ceux-ci doivent être
    en Belgique, où se déroule déjà la lutte farouche.

    L'armée allemande, dans une poussée violente et victorieuse, a déjà traversé le canal Albert,
    percé nos lignes à Sedan et franchi la Meuse.

    Tout va mal. Nous admirons en passant la splendide vallée du Doubs. Belfort, Montbéliard, Baume-les-Dames, Besançon, Dôle. Voici Dijon et le plateau de Langres: le train va lentement et la nuit nous surprend, roulant toujours.

    18 Mai

    Le jour venu permet de voir que nous longeons la vallée de I'Yonne.
    Où allons-nous ? A Soissons ? au Luxembourg ? En Belgigue ? Mystère! A Dieu vat!

    Voici Montereau et la vallée de la Seine. Le train avance lentement, très lentement, avec de nombreux arrêts. Puis c'est la vallée de la Marne, bordée de coquettes villas. Paris approche, mais nous ne comptions guère revoir la capitale en de pareilles circonstances.

    Durant de longues heures nous la contournons par I'ouest. Quelque chose a changé. Chacun sent la gravité de I'heure. Partout, le long de la voie, profitant des fréquents arrêts, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, distribuent boissons et cigarettes; ce ne sont que sourires et encouragements.

    Il faudra vaincre. Les trains militaires succèdent aux trains militaires. Que d'hommes, que de matériel en route pour barrer la route à I'ennemi I On reprend confiance malgré les mauvaises nouvelles, Pourquoi ne vaincrait-on pas ? Cependant, sur I'autre voie, passent les trains des réfugiés du Nord, de Belgique, des Ardennes, qui s'en vont abandonnant tout: pays, foyer, bétail. Mais il passe aussi des trains silencieux aux voitures métalliques, portant les couleurs françaises et la croix rouge, car pour d'autres c'est déjà commencé et fini.

    Des avions français nous survolent. Nous avons passé Versailles, puis Sceaux. Le soleil se couche de nouveau dans un ciel sans nuage. Chacun s'endort.

    La pénible réalité n'est pas loi.

    19 Mai

    Dimanche. Réveil brusque au petit jour. Il est 4 heures à peine. Le train s'est arrêté. Le disque est fermé; le bruit court que de terribles bombardements d'avions ont atteint la voie. Le capitaine Levreux, I'adjudant Tudal et une patrouille vont reconnaître la voie ferrée. Ils reviennent une demi-heure après, ayant trouvé la guérite des signaux vide; on serait à une vingtaine de kilomètres de Compiègne. Ils ramènent un caporal du Génie gui était caché dans un bois.

    Un violent bombardement s'est en effet abattu près de là, il y a une heure à peine, et l'équipe du Génie qui réparait la voie déjà démolie compte plusieurs tués. Tous les hommes se sont enfuis, affolés. Le caporal tremble encore d'émotion.

    Nous repartons à nos risques et périls. Dans le jour naissant, le train avance lentement . . . Chapelet d'entonnoirs béants le long de la voie; trains déraillés aux wagons pulvérisés. Une gare, non, un
    amas de décombres. Le café-restaurant près du passage à niveau est éventré et son toit s'est écroulé.

    Des rails bouleversés, et encore, encore des entonnoirs. Sur le canal, le long de la voie, des péniches ont été coulées par les bombes. Les avions ennemis sont passés là il y a une heure à peine. La marche hésitante du train continue. Il s'arrête après quelques centaines de mètres, puis repart, puis s'arrête à nouveau.

    Et voici des avions. La D. C. A. tire! canons de 75 et canons de 25 dont la cadence rapide ne nous était pas encore connue. Les avions s'en vont ; 10 minutes, 20 minutes après d'autres reviennent. Les convois se succèdent à 100 mètres. Quelles belles cibles ! Dans ces wagons, on ne peut que << subir ». On ressent à la fois un mélange d'inquiétude et de sang-froid.

    A deux kilomètres de Compiègne le capitaine Soula, de l'état-major de la 19ème D. I., et le lieutenant Lucas, adjoint du colonel, précèdent le convoi et se rendent à la gare où règne la plus grande agitation : deux officiers de la D. I. arrivés la veille et installés dans la salle des guichets les mettent au courant de la situation. Pratiquement on ne sait rien de précis. L'armée Corap n'existe plus. C'est une vraie débandade gui s'écoule depuis trois jours, mélangée à d'innombrables convois de réfugiés : Génie, Services, Infanterie, Artillerie, pêle-mêle. Hommes hirsutes, hâves, débraillés, le plus souvent sans armes : C'est cela I'armée française ! Les civils marchent comme des automates sur les routes :
    jeunes filles, vieilles femmes, hommes, poussant charrettes, brouettes,voitures d'enfants sur lesquelles sont amoncelés les objets les plus divers.

    Et sur tout cela planent la peur et la fatigue. C'est la panique.

    Pour réussir, les Allemands auraient, paraît-il, usé de tous les moyens, même de faux ordres portés par de faux officiers . . . Les passages de la Meuse ont été forcés. Les renforts ont été assaillis par les engins blindés allemands, alors qu'ils marchaient en rase campagne. Rien n'a résisté.

    Où est l'ennemi ? On ne sait trop. Lassigny ? Roye ? Montdidier ? Y a-t-il des troupes devant nous ? Peut-être les débris épars de quelques régiments résistent-ils çà et là ?

    Un officier de l'état-major de I'Armée, chargé des transports, se révèle plein d'optimisme. Sans doute les voies sont démolies par les bombardements, sans doute c'est l'embouteillage, mais les trains arriveront quand même quelque part et les unités débarqueront où elles pourront.

    On rapporte un ordre de débarquement pour Roye-sur-Matz. Il est 7 heures. Le train repart. Toujours des avions. La D. C. A. tire toujours. Plusieurs stations. Nouvel arrêt. Le chef de gare se refuse à
    nous faire conduire plus loin. Les Allemands, d'après lui, ne sont pas loin. Nous sommes à Ressons-sur-Matz. Le colonel Loichot téléphone à la division. Il rapporte I'ordre de débarquer où nous sommes.

    II n'y a qu'un petit quai de débarquement et, dans le ciel toujours bleu, les avions peuvent survenir d'un moment à l'autre, aussi chacun y met-il du sien : à peine débarqué on se camoufle. Les wagons viennent à quai deux par deux et débarquent chevaux et matériel. Les canons de 25 anti-chars sont rapidement descendus et mis en batterie à la sortie nord de Ressons-sur-Matz. A huit heures, tout est terminé. En une heure les compagnies régimentaires et une section de mitrailleuses du 3ème bataillon ont été débarquées et installées dans le bourg : barricades, garde aux issues, D. C. 4... A 14 heures, le P. C. R. I. est toujours sans nouvelles des trois bataillons : nul ne sait où se sont arrêtés les trains qui les transportent. Pas de renseignements non plus sur I'ennemi, << quelque part dans le nord >>. Notre G. R. D. (bien réduit, car des bombes d'avions ont détruit la moitié de I'escadron à cheval et
    quelques motos lors du débarquement) est passé à midi, partant à la découverte. La C. D. A. C. est installée à Chevincourt.

    18 heures : Des avions allemands arrivent sur Ressons-sur-Matz, volant à basse altitude, une douzaine environ: ils vrombissent et brutalement les bombes s'écroulent à grand fracas, visant la gare. Une
    usine située près de là flambe. Les oiseaux de mort sont repartis, leur besogne faite en quelques minutes.

    Pour organiser la défense, le régiment ne dispose - protégé par 2 ou 300 cavaliers qui représentent avec nous toute la division - que de 180 hommes, tous spécialistes, 3 F. M., les canons de 25 de la
    C. R. E. et une S. M. du 3ème bataillon.

    Dans la nuit, heureusement, arrive le 1er bataillon. Débarqué à Canly, à 9 kilomètres sud-ouest de Compiègne, il a été transporté en camions et va occuper les villages de La Neuville-sous-Ressons et de Cuvilly, à quelques kilomètres au nord de Ressons. Il y parviendra vers 1 heure du matin.

    A 22 heures et à 24 heures, notre G. R. D. fait connaître qu'il n'y a aucun élément ennemi au sud de I'Avre.

    20 Mai

    Cependant à 1 heure on signale la présence d'éléments blindés ennemis à notre droite, et G. R. D. et C. D. A. C. sont envoyés au plus vite pour border l'Oise et protéger notre flanc. Nous ne sommes plus
    couverts devant nous; il faut ouvrir l'oeil. Toute la nuit les lamentables convois de réfugies et leurs lourdes charrettes défilent devant le P. C. R. I.

    Le soleil se lève dans un ciel toujours bleu et sans nuages. On en arrive à regretter la pluie. Toute la journée des escadrilles nous survolent; la D. C. A. de Compiègne intervient à tous moments et de
    nombreux combats aériens se livrent dans le ciel. A 9 heures, nouveau bombardement de la gare de Ressons-sur-Matz : il faut à tous moments se camoufler dans les caves et tranchées. L'usine brûle toujours. L après midi, le colonel Paillas, commandant l'Infanterie Divisionnaire, se rend seul en auto jusqu'à Montdidier et n'y trouve personne, ni amis, ni ennemis ; il revient enchanté de ce coup d'audace, ayant seulement essuyé au retour quelques rafales de mitrailleuses d'avions. Le P. C. R. I. est toujours sans nouvelles des 2ème et 3ème bataillons qui se sont embarqués les derniers à Dannemarie. Cependant les 2ème et 3ème bataillons du 117ème R. I ont débarqué, et le général Toussaint, commandant notre 19ème D. I, constitue un groupement temporaire formé de ces deux bataillons, de notre 1er bataillon et du G. R. D, sous les ordres du lieutenant-colonel Loichot, commandant le 41ème R. I. Ce groupement reçoit I'ordre de couvrir Compiègne, et dans ce but fait mouvement vers le nord à 21 heures. Le G. R. D. va border I'Avre, le 1er bataillon occupe Tilloloy, sur la route Compiègne-Roye, les deux bataillons du 117ème  Piennes, Remaugies, Fécamp et Bus, à I'est de Montdidier. Le P. C. du groupement s'installe à Boulogne-La-Grasse.

    Àu cours de la marche de nuit, des fusées suspectes s'élèvent du bois de Beuvraignes. Des avions nous survolent par moments; un officier affirme avoir vu descendre des parachutistes. Le peloton d'éclaireurs motocyclistes est sur les dents. Depuis le matin il court çà et là à la recherche de ces fameux parachutistes souvent signalés mais introuvables.

    21 Mai

    Les compagnies régimentaires arrivent au petit jour, à 3 heures du matin, à Boulogne-la-Grasse, joli village dans un pays accidenté et boisé où se trouve un vieux château fort, en partie démoli au cours de la guerre 14-18... Nous atteignons en effet les lieux où les Allemands furent arrêtés en 1918. A la fin de la journée, vision formidable de puissance, 120 bombardiers allemands, accompagnés de 20 chasseurs, passent au-dessus de nos têtes en formations impeccables et bombardent Compiègne et Estrées-Saint-Denis, puis reviennent. Deux avions manquent au retour. Sept chasseurs français s'attaquent follement à une escadrille, mais doivent rapidement abandonner; les Allemands s'éloignent vers le Nord. Onze d'entre eux descendent en piqué pour attaquer le terrain d'aviation de Beuvraignes, puis tous disparaissent rapidement. Et toute la journée des avions passent et repassent.

    Enfin des nouvelles sont parvenues de nos 2ème et 3ème bataillons. Le 2ème bataillon a débarqué un peu avant Compiègne et vient d'occuper la Neuville-sous-Ressons. Le 3ème bataillon a débarqué la veille au soir à Précy-sur-Oise, près de Creil ; il a été transporté en camions au cours de la nuit, au sud de Cuvilly, et occupe Riquebourg. Ces deux bataillons n'ont pas souffert de l'aviation ennemie. Par contre, la section automobile de la C. H. R. a été durement bombardée en gare de Verberie où elle débarquait le 19 mai après-midi. Nous avons un tué et plusieurs blessés. Le gros transporteur d'essence a pris feu. Beaucoup de voitures sont ,criblées d éclats et un désastre n'a pu être
    évité que grâce au sang-froid du lieutenant Austruy, officier mécanicien du régiment. Tous les convois hippos et autos du régiment sont regroupés à Ressons-sur-Matz.

    22 Mai

    Rien de changé : ciel toujours bleu, nouvelles toujours mauvaises. Par une marche de nuit le 3ème bataillon s'est porté à Canny-sur-Matz, où il s'installe défensivement dans la journée du 22 mai. Malgré
    nos conseils les habitants quittent leurs villages; il avait fallu expulser brutalement le maire de Boulogne-la-Grasse qui voulait faire partir tout le monde le 21 au matin. La plupart des habitants reviendront d'ailleurs quelques jours après, pour partir définitivement les 5 et 6 juin. Le G. R. D. lance toujours plus loin ses reconnaissances, Lassigny, Roye, Chaulnes ont été reconnus. L'ennemi ne semble pas vouloir pousser vers le sud, sauf quelques engins blindes signalés çà et là. Toutes ses forces sont, pour l instant, dirigées vers le nord-ouest, vers la mer, pour couper du reste de la France l'armée de Belgigue et l'armée du Nord. Le Haut Commandement français décide d'attaquer I'ennemi de flanc, et, pour cela, de border la Somme en un premier bond, puis de se porter jusqu'à Arras où notre VIIème Armée (général Frère) rejoindra I'armée du Nord (général Blanchard) ,qui descend elle-même vers le sud, coupant ainsi les colonnes motorisées allemandes qui se sont dirigées vers
    Calais et Boulogne, Le 22 mai au soir le groupement temporaire est dissous. La 19ème division qui a enfin débarqué tous ses éléments d'infanterie va se regrouper dans la nuit, en vue de cette marche en avant. Le 1er bataillon reste à Tilloloy, le 2ème bataillon se porte par une marche de nuit sur Beuvraignes et le 3ème bataillon sur le bois des Loges, sous Crapeaumesnil. Les compagnies régimentaires et le P. C. R. I. iront au sud de Beuvrraignes, au Cessier.

    23 Mai

    A 6 heures, tout le dispositif est en place. A 7 heures commence la marche d'approche. Nous sommes en marche vers I'ennemi: la bataille va s'engager. Malheureusement les hommes sont las des trois jours de chemin de fer, des marches accomplies durant trois autres jours et de quatre nuits sans sommeil. D'autre part, I'artillerie n'a pas encore fini de débarquer et elle est loin dans le sud. Les fantassins seront seuls pour agir. Le moral cependant est élevé. On part avec confiance. Chacun
    est décidé à faire tout son devoir, même plus que son devoir.

    Le dispositif de marche est le suivant : En avant-garde, Ie 1er bataillon doit occuper Chaulnes. Derrière lui, le 2ème bataillon suivra I'itinéraire ouest de Roye-Fresnoy-Hattencourt-Hallu. Le 3ème bataillon, à droite, passera par Crapeaumesnil - Amy - Verpillères - Roiglise - Carrépuy - Gruny - Crémery - Liancourt - Punchy. À gauche (ouest) du 41ème marche le 117ème R. I Derrière le 41ème, le 22ème régiment volontaires étrangers suivra l'axe Royes Chaulnes. Le G. R. D. poussera des reconnaissances aussi près que possible de la Somme, Tous ces éléments marqueront un temps d'arrêt sur I'Avre.

    A 7 h 15 le 1er bataillon s'engage sur la route de Roye-Chaulnes. Il est transporté dans des autobus de la ville de Paris (T.C.R.P.). Dès le début, à quelques kilomètres de Tilloloy, incident très significatif: un sous-lieutenant du Train (vrai ou faux), crie aux premiers autobus que des engins blindés arrivent et, en s'agitant sur la route, arrête le convoi. Déjà trois ou quatre gros autobus manoeuvrent pour tourner. L'embouteillage commence. Fort heureusement le ciel gris et les nuages bas ne sont pas favorables à l'aviation. Le capitaine Thouron survient à ce moment et remet tout en route. Le sous-lieutenant du
    Train a disparu. Est-ce encore un << coup d'Hitler » ?

    Cette marche d'approche ,commencée à 7 heures ne devait se terminer qu'à 23 heures. Marche pénible, en grande partie à travers champs, sur de mauvaises routes ou pistes. Seuls des avions survolent de temps à autre nos colonnes ; un petit avion de reconnaissance, type Heinkel, paraît, en particulier, << prendre en consigne » Ie 41ème R. I. Il nous suivra partout, durant plusieurs semaines, avec son moteur semblant tourner << sur trois pattes », et sera gratifié de surnoms plus ou moins gracieux, tels que le << pou du ciel >>, << le petit emmerdeur », << le mouchard », etc . . .

    Tous les villages sont abandonnés. Une partie du bétail erre dans la campagne, le reste crie de soif et de faim dans les étables. Les hommes, au passage, détachent les bêtes, pompent de I'eau dans les
    abreuvoirs, rendent la liberté aux cochons, aux lapins. Nos cultivateurs bretons qui montent au combat ne peuvent rester indifférents à toute cette misère.

    En cours de route, vers la fin de la journée, Ie 2ème bataillon est dirigé sur Punchy et le 3ème bataillon sur Puzeaux. Le P. C. R. I. devra s'installer à Hallu. A 23 heures les hommes, exténués par cette marche d'approche pénible, atteignent les positions désignées et s'y installent. L'ennemi, heureusement, n'est pas encore là, et la nuit sera à peu près tranquille.

    C'est alors que commence pour le régiment un véritable imbroglio. Durant trois jours, le 41ème R. I., divisé en plusieurs groupements indépendants et variant tous les jours, marchant isolément sur les axes les plus diflérents et sans liaison entre eux, continuera sa marche d'approche, prendra ,contact avec I'ennemi et livrera ses premiers combats, Le tableau suivant groupe ces opérations :

    2ème bataillon : 5ème compagnie, 24 mai occupe Pertain; 25 mai prend Epenancourt; 6ème compagnie, 24 mai prend Villers-Carbonnel et se replie le soir sur Marchelepot; 7ème compagnie, 24 mai en réserve à Licourt, 25 mai prend Pont-Saint-Christ.

    3ème bataillon: 21 mai quitte Puzeaux, traverse Chaulnes, Ablaincourt, Vermandoviilers, Soyécourt, et occupe au soir Estrées-Deniécourt.

    1er bataillon: reste à Chaulnes les 24 et 25 mal. Ce furent les premières armes de notre régiment dans cette nouvelle guerre: chacune des sections mériterait une relation particulière.

    24 Mai

    Au matin, le 2ème bataillon, à la suite d'une série d'ordres contradictoires, a été partagé en plusieurs groupements. La 6ème compagnie, commandée par le lieutenant Duchesne, part avec une section de mitrailleuses vers le Nord, dès le début du jour. Elle atteint Omiécourt, puis Marchelepot. Elle est précédée d'une compagnie de chars. Sa mission est de s'emparer de Villers-Carbonnel et du Pont de Brie, dernier pont sur la Somme, à quelques kilomètres au sud de Péronne. Fresnes Mazancourt
    est atteint sans peine, malgré les avions qui mitraillent nos petites colonnes, mais, en approchant de Villers-Carbonnel, les chars sont violemment pris à partie. Artillerie et canons anti-chars en mettent plusieurs hors de combat ; les mitraillettes lancent leur aboiement régulier. Cependant, entraînés par leur énergique commandant de compagnie, les Bretons parviennent jusqu'au village et en chassent l'ennemi. La progression a été dure. Onze hommes, dont sept sous-officiers, ont été tués en payant d'exemple. Le débouchê de Villers-Carbonnel en direction de Pont-de-Brie semble difficile, car I'ennemi arrose de balles toutes les lisières nord et nord-ouest du village. L'artillerie ennemie
    continue à tirer à cadence espacée, mais régulière.

    Vers 14 heures, le capitaine commandant Ia, compagnie de chars décide de revenir en arrière, jugeant ne pouvoir exposer ses chars à une nouvelle attaque dans ce terrain plat et sans abri. Le lieutenant
    Duchesne fait alors parvenir au colonel Paillas, commandant le groupement, ce compte rendu « J'occupe Villers-Carbonnel. La compagnie de chars qui m'appuyait se retire. Sans I'appui des chars je ne crois pas pouvoir m'emparer de Pont-de-Brie, mais si j'en reçois I'ordre, je reprends la progression. >> Une compagnie du 22ème R. M. V. E. arrive vers 16 heures.pour renforcer Ia 6ème compagnie, mais son capitaine juge la situation si mauvaise que, loin de pousser vers Pont-de-Brie, comme
    le proposait le lieutenant Duchesne, il obtient l'ordre de se replier sur Fresnes-Mazancourt. Devant I'ordre écrit et formel, Ie lieutenant Duchesne, la rage au coeur, abandonne Villers-Carbonnel et se replie sur Fresnes-Mazancourt.

    Durant ce temps, la 5ème compagnie occupe Pertain sans difficultés et la 7ème compagnie s'installe à Licourt, avec le P. C. du 2ème bataillon du 41ème R.I.

    Ce même jour le 3ème bataillon progresse en marche d'approche dans une formation impeccable. L'aviation allemande harcèle nos colonnes. Où sont nos avions ?

    Chaulnes, Vermandovillers. Là parvient la nouvelle qu'un peloton moto du G. R. D. vient de se faire décimer devant  Assevillers, à 6 kilomètres au nord. Soyécourt est atteint, La canonnade éclate à droite : c'est l'ennemi qui bombarde Berny-en-Santerre qu'assaille, à 3 kilomètres de là, le 22ème R. M. V. E. Le 3ème bataillon du 41ème poursuit sa progression et atteint, malgré le bombardement violent qui fait des victimes, le village d'Estrées Deniécourt, où, avec le P. C. bataillon s'installent les 10ème et 11ème cornpargnies. A droite de ce village, face à Belloy-en-Santerre, la 9ème compagnie est arrêtée par des feux nourris d'armes automatiques et s'accroche au terrain. Le contact est pris. La nuit tombe. Sans chars, sans aucun appui d'artillerie, nos fantassins ont largement progressé par leurs seuls moyens et rapidement les troupes qui ont fourni un effort magnifique s'installent pour résister s'il y a lieu à une contre-attaque.

    25 Mai

    Toute la nuit n'a été qu'un véritable feu d'artifice. Entre les ruines qui flambaient, splendides et sinistres brasiers rougeoyants, sans arrêt montaient vers le ciel des fusées éclairantes et des feux de toutes couleurs. L'ennemi se renforce fébrilement devant le front de la division. Renforts en hommes et en matériel débarquent sans arrêt devant nous, notamment à Flaucourt, à Dompierre-Becquincourt . . .  Notre artillerie divisionnaire (10ème R. A. D. et 210ème R. A. L.) nous a rejoint enfin. Nos 75 et nos 155 exécutent sur ces rassemblements ennemis des tirs précis et nourris dont l'observation offre quelque intérêt, car ils font de gros dégâts. Sur le flanc droit de la division, I'ennemi borde la Somme, et il
    est de toute nécessité, pour lui enlever la possibilité de nous attaquer de flanc, d'occuper toutes les têtes de pont avant de poursuivre la progression vers le nord.

    La 7ème compagnie qui est restée en réserve dans la journée du 24 mai reçoit l'ordre de s'emparer du village de Saint-Christ-Briost et du pont sur le canal de la Somme. Précédée d'une compagnie de chars et renforcée par une section de mitrailleuses de la C. A. B. 2 elle s'y emploie rapidement. L'ennemi tente d'abord de résister, et le sous-lieutenant Oertel est tué en indiquant, comme objectif à un char une mitrailleuse allemande qui empêchait notre progression, mais nos hommes combattent
    avec courage, et quelques heures plus tard les Allemands ont repassé la Somme.

    Ce même jour, la 5ème compagnie occupe sans difficultés {e village d'Epenancourt, en bordure de la Somme, au sud de Pont-Saint-Christ. Enfin, dans I'après-midi, après un violent bombardement, le
    117ème R. I. réussit à s'emparer de Belloy-en-Santerre. Dans la même journée, notre P. C. R. I. s'est porté de Hallu à Vermandovillers.

    26 Mai

    la 19ème D. I. a reçu I'ordre de continuer la progression et d'atteindre la Somme. Le 1er bataillon reçoit pour mission de dépasser le 3ème bataillon, qui, installé à Estrées-Deniécourt, fournira' la base de feux, et de prendre Assevillers, en vue de progresser ensuite par Cléry, jusqu'à la Somme. En liaison avec cette attaque, le 22ème R. M. V. E. doit s'emparer de Villers-Carbonnel, tandis que le 117ème, ces deux missions accomplies, s'avancera jusqu'à Péronne.

    Le 1er bataillon se porte, dans la nuit du 25 au 26, de Chaulnes jusqu'à Estrées-Deniécourt. A 3 h 30, chacun est à son poste. C'est la première attaque importante du régiment; jusque-là, on n'a vu agir que
    des groupements composés tout au plus d'une compagnie renforcée. Aucun char, malheureusement, ne va appuyer cette attaque, et les liaisons téléphoniques de notre artillerie, arrivée de la veille, ne sont pas encore établies. A 4 heures précises, après une courte préparation d'artillerie sur les lisières d'Assevillers, où des travaux ennemis sont observés depuis plusieurs jours, le 1er bataillon s'ébranle dans la plaine, dans une formation impeccable. La 1ère compagnie est à gauche, la 2ème à droite, la 3ème suit à 500 mètres. Le terrain est nu, presque plat ; ce sont des champs de blé encore jeune, de luzerne, avec trois boqueteaux isolés; pas une haie, pas de talus; I'axe de progression est ,concrétisé par une route blanche, presque rectiligne, sur laquelle on aperçoit encore les sides-cars détruits et renversés du peloton de notre G. R. D. anéanti là trois jours auparavant. Le 1er bataillon avance; les hommes marchent régulièrement, I'arme à la main, dans un ordre parfait. Notre artillerie bat les lisières du village et les éclatements des obus apparaissent à peine dans la brume légère qui, noyant le pied des maisons, ne laisse voir que leurs toits et le clocher. De temps à autres, les rafales des mitrailleuses
    d'appui s'abattent sur les points repérés la veille. C'est une véritable manoeuvre ; les groupes avancent, s'arrêtent et se couchent, puis repartent, comme à Coëtquidan. Tout va bien, deux kilomètres
    sur quatre ont été couverts. Soudain, des obus allemands s'abattent sur nos fantassins, des percutants, puis des fusants, par groupes de quatre. Les hommes disparaissent dans la poussière et la fumée. Ce tir cependant ne les arrête pas; ils avancent toujours au milieu des éclatements.
    Les premiers éléments de droite semblent atteindre les lisières nord-est du village et vont le déborder lorsque retentit le crépitement rapide et saccadé des mitrailleuses ennemies qui tirent par bandes entières.

    5 h 45. Partout crépite le feu des armes automatiques ennemies; une nappe de balles sifflantes s'étend sur la plaine, se joignant au déchirement des obus qui éclatent.

    6 h 30. Cela continue sans arrêt. Le chef de bataillon Herrmann, commandant le 1er bataillon, essaie de profiter d'un boqueteau pour faire progresser sa droite, mais le moindre mouvement de ses hommes
    déclenche aussitôt le feu nourri et implacable de l'ennemi. Dans I'immense étendue plate, même les bonds homme par homme s'avèrent rapidement impossibles. L'ennemi occupe la position dominante; bien abrité dans les maisons ou dans des trous, il a beau jeu pour arrêter nos hommes couchés à même la luzerne ou le blé vert, le nez dans la terre; une mitrailleuse ennemie semble même s'être installée dans le clocher d'Assevillers, tirant de là sur tout ,ce qui bouge et causant des pertes sensibles. La progression du 1er bataillon est enrayée. Et les heures passent, le soleil monte et la chaleur se fait sentir, et les hommes immobiles reçoivent sans pouvoir bouger les balles qui font sauter la terre et les obus qui la retournent. La situation devient mauvaise. Aucun char pour aider à reprendre la marche en avant. L'artillerie, faute de moyens de liaisons téléphoniques, ne peut qu'essayer à tâtons
    d'atteindre les points sensibles du village, sans résultat vraiment efficace.

    Vers midi une contre-attaque allemande se déclenche, mais les tirs de barrage de notre artillerie et de nos mitrailleuses d'appui l'arrêtent rapidement. Pendant ce temps la  11ème compagnie (capitaine Fauchon) occupe sans difficultés le village de Fay, couvrant ainsi la gauche du 1er bataillon.

    Et le 1er bataillon passe sur le terrain, en plein soleil et sous le feu, une journée épouvantable de fatigue physique et morale. Le chef de bataillon Hermann, aux prix de nombreux plats-ventres, a réussi à venir chercher auprès du colonel une solution à cette situation, mais nul renfort n'est disponible. Le mieux sera de se replier à la nuit et de reprendre ultérieurement cette attaque manquée. En attendant, notre artillerie martèle le village d'Assevillers et cherche, sans y réussir, à détruire son clocher. Puis les tirs diminuent. Le temps passe. Soudain, vers 17h30, à la suite d'un mouvement de rocade entre deux sections de la 2ème compagnie, une partie de celle-ci, ayant mal interprété ce changement,
    se replie, suivie par la 3ème et la 1ère compagnie. Grâce au tir nourri de notre artillerie immédiatement alertée et à la faible réaction de l'artillerie ennemie, ce mouvement de repli s'effectue sans trop de
    dommage, et il ne reste plus sur le terrain que deux ou trois noyaux totalisant une centaine d'hommes qui devront se replier à 21h30. Tout le 1er bataillon est alors regroupé. Il occupe provisoirement, avec une section de la 9ème compagnie, le secteur d'Estrées, dégarni par le départ à Fay de la 11ème compagnie, avant de se retirer à Soyécourt, où il pourra se reposer de cette journée au cours de laquelle il a perdu environ 50 tués et 75 blessés, dont les lieutenants Gomet et Le Quellec, et Ie
    sous-lieutenant AIadel.

    - - - - - - - - - - - - - 

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  • 10 mai

    Nuit agitée. Les avions passent et repassent sur nos têtes. Jamais
    on n'avait entendu tant de ronronnements de moteurs. Explication dans
    la matinée: c'est l'offensive générale des armées allemandes.

    Depuis trois mois, le régiment cantonne en Haute-Alsace, entre
    Mulhouse et Bâle. P. C. R. I, C. D. T., C. R. E., C. H. R. et 9ème compagnie à Landser.
    Le reste du 3ème bataillon à Dietwiller, le 2ème bataillon à Sierentz, le 1er bataillon sur les bords du Rhin, a Kembs, Hombourg et Petit-Landau.

    Depuis trois mois, travail relativement au ralenti dans un pays splendide, parmi des populations accueillantes.
    Quel beau printemps après ce terrible hiver si rude et si froid.

    Les boules blanches ou roses des arbres fruitiers innombrables s'étagent
    sur les pentes verdoyantes des coteaux, entre les villages aux grands toits et les bosquets.

    La forêt de la Hardt, réveillée, s'est couverte de sa parure vert tendre et, dans les allés devenues ombreuses, les biches s'enfuient effarouchées à la venue du cavalier.

    La montagne allemande, de I'autre côté du Rhin, élève ses lignes successives de sommets étagés.


    Douces montagnes au nom sauvage de forêt Noire, si jolies le soir, lorsque le soleil couchant éclaire leurs pentes aux tons mauves et orangés.


    Dans I'atmosphère limpide les hauteurs bleuâtres des Vosges découpent leurs sommets arrondis, tandis que le Jura suisse va s'abaissant jusqu'à rejoindre la forêt Noire pour recevoir Bâle, la ville propre et nette.

    Et comme fond de décor étincellent les glaciers des Alpes bernoises.

    Pays idyllique. La guerre est oubliée. Chacun fourbit ses armes sans penser à mal.

    Casemates bétonnées ou en rondins, barbelés, champs de rails, fossés anti-chars, tranchées, font partie intégrante du paysage.

    On ignore la guerre. Les dimanches sont redevenus des dimanches.

    A la sortie de la grand'messe ont se croit presque revenu dans son bourg. Mulhouse a repris sa gaieté : repas, spectacles, promenades...C'est le printemps.


    Coup de tonnerre, la guerre commence. Combien vont en souffrir ?

    Endurci par cinq mois de marches et de contre-marches, par un mois et demi aux avants-postes de Sarre où il a fait la rude expérience du feu, le 41ème R. I. a échappé à la contagion de la facilité et du laisser-aller.

    Tous s'y connaissent et s'estiment. C'est pourquoi il sera plus prêt que
    d'autres à se tremper dans la dure réalité et à supporter vaillamment les fatigues et les dangers de la campagne qui va commencer.

    11 - 15 mai

    Le régiment est alerté: il se prépare à partir ou à se défendre sur place. Préparation des armes, du matériel. Préparation aussi des coeurs et des esprits. Il faut se remettre en train, se convaincre que les avions qui nous survolent sans cesse, poursuivis par les éclats de la D. C. 4., sont des engins de mort et non plus de simples observateurs; que les rives opposées peuvent cracher le feu d'une minute à I'autre; se dire que demain il faudra se battre...

    Chaque jour les nouvelles sont plus mauvaises: la Hollande, la Belgique, le Luxembourg sont envahis.

    Nos permissionnaires officiers, sous-officiers et soldats reviennent rapidement; certains de leurs trains ont été bombardés par les avions; plusieurs hommes du 41ème ont été blessés et ne nous rejoindront pas.

    La population reste calme; Colmar et Thann ont reçu quelques bombes. A Mulhouse tout est tranquille, mais à tous moments, la circulation est interrompue par suite des alertes.

    Le régiment reçoit l'ordre d'étudier la défense de la falaise de Sierentz à Habsheim... plan de défense depuis trois mois,.. et cependant, dans la forêt de la Hardt, les casemates et tranchées aux-quelles
    nous avons travaillé depuis trois mois restent inoccupées ; les gros ouvrages sont à peine tenus.

     


    votre commentaire
  • Aperçu sur les opérations du 41° Régiment d Infanterie depuis sa mise sur le pied de guerre jusqu au 10 mai 1940

     

    Le 41ème R.I, régiment d'active, commence sa mise sur pied de guerre
    le 24 août 1939, à minuit.

    Les réservistes, 85 0/0 de Bretons, qui composent
    le régiment pour les deux tiers, arrivent entre le 25 et le 28 août.


    Le 29 août le régiment est prêt à partir.

    Mobilisation générale le 1er septembre à minuit.

    Départ du régiment: Etat-Major, compagnies régimentaires,
    1er et 2ème bataillons de Rennes, 3ème bataillon de Saint-Malo, les
    6 et 7 septembre.

    Transport en chemin de fer par Laval, Le Mans,Lisieux, Sotteville-lès-Rouen, Amiens, Arras, Valenciennes, Hirson.


    Débarquement à Liart, dans les Ardennes, le 8 septembre.

    Le régiment s'établit comme suit: P. C. R. I. et 1er bataillon à Saint-Jean-aux-Bois, 2ème bataillon à La Verrerie, 3ème bataillon au Fréty.

    Mise au point des diverses unités du régiment.

    Départ Ie 16 septembre, par la route, de nuit, en deux étapes (55 kilomètres), par Justine, Séry, Arnicourt, Rethel.

    Le régiment s'établit comme suit le 18 septembre: P. C. R. I. et 1er bataillon à Thugny-Trugny, 2ème bataillon à Doux, 3ème bataillon à Pargny-Resson.

    La mise au point du régiment étant terminée, chaque bataillon pousse à fond son instruction: marches, exercices de combat, établissement des plans d'une position défensive sur I'Aisne.

    Après un séjour de presque un mois, départ brusque, le 12 octobre au soir, par la route.

    Etape de nuit de 40 kilomètres environ en direction du nord.


    Installation le 13 octobre au matin, comme suit : P. C. R. I. à Viel-Saint-Rémy, 1er baüaillon à Neuvizy, 2ème bataillon à ]andun, 3ème bataillon à Launois.

    Le 18 octobre le 1er et le 2ème bataillons permutent de garnison.
    Le 41 attend toujours d'être engagé quelque part.

    Au cours d'exercices ou manoeuvres de jour ou de nuit, il continu de façon intensive son instruction.

    Le 23 octobre le 3ème bataillon quitte Launois pour Aiglemont, au nord-est de Mézières, où il effectue des travaux défensifs sur une tête de pont de la Meuse. Le régiment s'apprête à le rejoindre pour occuper ensuite les positions établies.

    Brusquement l'ordre de départ est donné pour une direction inconnue.


    Embarquement en chemin de fer le 9 novembre.

    Poix-Terron, Vouziers, Sainte-Menehould, Révigny, Bar-le-Duc, Lunéville, Château-Salins, Dieuze, où débarquent le 1er et le 2ème bataillon, Benestroff, où débarque le 3ème bataillon le 10 novembre au soir.

    Etape de nuit par la route variant pour les bataillons entre 28 et 45 kilomètres.

    Le régiment qui doit monter sur la Sarre peu après, s'établit le 11 novembre:
    P. C. R. I. et 1er bataillon, à Insming, 2ème bataillon à Hunskirsch et Hazembourg, 3ème bataillon à Wittersbourg.

    Contre-ordre, Départ vers le sud, par la route, le 14 novembre.

    Etape de nuit de 45 kilomètres.


    Arrivée le 15 novembre dans la journée. P. C. R. I. à Desseling, 1er bataillon à Lindre, 2" bataillon à Languimberg et Rhodes, 3ème bataillon à Angiviller, Rohrbach et Bisping.

    Quelques jours après, prise de contact de nos cadres avec les unités ayant déjà combattu en Sarre.

    Visite et prise de consignes dans les secteurs à occuper.

    Le régiment fait mouvement le 19 novembre pour monter en ligne, par Saint-Jean-de-Bassel Fenestrange, Niederstenzell, Zollinger.

    75 kilomètres séparés par 6 heures de repos.

    Le 21 novembre au matin, le régiment arrive à Sarralbe: P. C. R. I., 1er et 2ème bataillon, et Willerwald: 3ème bataillon.

    Départ le 30 novembre par la route, étape de nuit de 30 kilomètres.

    Le régiment cantonne à Hundling, Metzing et lpling, tandis que les cadres préparent la relève des avant-postes pour la nuit suivante.

    Le 24 novembre au soir, le 41ème relève le 7ème R. I. et occupe les positions d'avant-postes sur la frontière allemande, dans les bois et sur les hauteurs dominant la Sarre, depuis Sarreguemines à I'est jusqu'à 12 kilomètres à l'est de Forbach.

    Le P. C. R. I. est à Noussevillers, Le 2ème bataillon s'établit à I'est: Welferding, bois et village de Grossbliedersdorff, sur 7 kilomètres de front: P. C. bataillon à Rouhling, Le 3ème bataillon au centre, tient le bois du Brandenbusch, le village de Lixing, les bois du Schafberg et du Bambusch: P. C. bataillon à Rouhling.

    Le 1er bataillon tient la corne ouest du bois du Brandenbusch et fait face au nord et au
    nord-ouest: P. C. à Cadenbronn.

    Notre sous-secteur forme saillant.


    Nombreux tirs d'artillerie, parfois très violents et meurtriers.

    Attaques répétées de nos petits postes, isolés dans les bois, par de fortes patrouilles
    allemandes supérieurement équipées et armées.

    Relève te 6 décembre par le 71ème R. I., autre régiment de la 19ème D. I.

    Etape de 25 kilomètres par la route. Metzing, Guebenhouse, Installation sur les positions principales de la Ligne Maginot. P.C.R.I et 2ème bataillon à Puttelange, 1er bataillon à Guebenhouse, 3ème bataillon au bois du Pfaffenboesch et à Puttelange.

    Travaux de terrassement dans la boue et le froid.

    Le 24 décembre arrive I'ordre de remonter aux avants-postes.

    Départ le 26 décembre, à pied. Installation sur les mêmes positions que précédemment.

    On relève le 117ème R. I. Nouvelle période de 13 jours, marquée cette fois par un ralentissement très net de I'action ennemie, mais aussi par une violente offensive du froid.

    Le thermomètre descend à moins 22°.

    Dans leurs abris sommaires où ils ne peuvent allumer de feu, les hommes souffrent terriblement.

    Sur l'effectif du régiment, environ 600 évacuations pour pieds gelés. Relève par les 152ème et 35ème R. I. et par une division coloniale, les 3 et 4 janvier 1940.

    Etape à pied par la route : 35 kilomètres de verglas.

    Le régiment cantonne à Sarralbe les 5, 6 et 7 janvier.

    Départ le 7 janvier au soir et embarquement par chemin de fer à Sarre-Union.


    Trajet par chemin de fer. Epinal, Lure, Belfort.

    Débarquement le 9 janvier à Montreux-Vieux.

    Très dure étape le 10 janvier, par route verglacée.

    Le régiment s'installe comme suit : P. ,C. R. I. et 3ème bataillon
    à Illfurth, 2ème bataillon à Luemschviller. 1er bataillon à Tagolsheim.


    Repos.

    Le froid persiste et ne permet guère d'effectuer les travaux défensifs prévus: position de bretelle.

    Bientôt, départ du régiment pour la plaine du Rhin entre Mulhouse et Bâle.

    Le 28 janvier le 3ème bataillon s'installe à Dietwiller.

    Le 29 janvier, le 1er bataillon va occuper Kembs, Niffer et Petit-Landau, en bordure du Rhin.

    Le 2ème bataillon part le 2 février pour Sierentz. Le P. C. R. I. s'installe à Landser.

    Le régiment est affecté au renforcement de la circulaire de la ligne Maginot sur les bords du Rhin et dans la plaine d'Alsace: fossés ant-chars, casemates bétonnées ou en rondins, barbelés, travaux de campagne, etc..

    Longue période de travaux, coupée de manoeuvres et de tirs jusqu'au 12 mai, date où le 1er bataillon est ramené à Schlierbach.


    votre commentaire
  • 10 Mai 1940

    Composition de la 19ème D.I

    La 19ème DI d'active se composait au 10 mai 1940 de trois régiments d'infanterie d'active:

    - Le 41ème R.I de Rennes et de Saint Malo.

    - Le 117ème R.I du Mans et de Laval.

    - Le 22ème Régiment de marche de volontaires étrangers, qui à remplacé le 1er Mai le 71ème R.I de Saint Brieuc et Dinan.

    Deux Régiments d'artillerie:

    - Le 10ème R.A.D (canons de 75) de Rennes.

    - Le 210ème R.A.L.D (canons de 155) de Rennes.

    Un groupe de reconnaissance divisionnaire (G.R.D) formé par le 21ème Dragon de Limoges.

    Des Compagnies du Génie formées par le 6ème Génie d'Angers.

     

    - - - - - - - - -

     

    La 19ème D.I était commandée à la mobilisation par le Général d'Arbonneau, qui fut remplacé en janvier 1940 par le Général Toussaint.

    L'infanterie divisionnaire était composée à la mobilisation par le Général de Girval, qui fut remplacé le 1er mai par le Colonel Paillas.

    Le 41ème R.I était commandé à la mobilisation par le Colonel Lorme, qui fut remplacé par le 12 avril par le Lieutenant-colonel Loichot.

     

    Encadrement du 41ème R.I au 10 mai 1940

     

    Etat-Major du Régiment (PCRI)

    - Lt colonel Loichot

    - Chef d'Etat Major: Cdt Pigeon

    - Officier adjoint: Lt Lucas

    - Officier de renseignement: Lt Loysel

    - Officier de liaison: Lt Carmichael

    - Aumônier: Père Bourdais.

    Personnel médical

    - Médecin chef: Cdt Le Cars

    - Pharmacien: Lt Lesage

    - Dentistes: Lt X... et Adjt Boisson

    - Vétérinaire: Aspirant Mazurier

    Compagnie de Commandement (CDT)

    - Cdt de compagnie: Capitaine LEVREUX

    - Pionniers: Sous Lt Trevilly

    - Transmissions: Sous Lt Bertrand

    - Motocycliste: Adjudant Plenet

    - Musicien-brancard: Sous Lt Martin

    Compagnie Hors Rang (CHR)

    - Cdt de compagnie: Capitaine de Boismenu

    - Officier d'appro: Lt Delourmel

    - Officier mécanicien: Lt Austruy

    - Officier de ravitaillement: Sous Lt Débroise

    - Officier Trésorier: Sous Lt Gandon

    Compagnie Régimentaire d'engins (CRE)

    - Cdt de compagnie: Lt Magnan

    - Chef de section: Adjt Baot

     

    1er BATAILLON

     

    Etat-Major

    - Chef de Bataillon: Cdt Hermann

    - Cap adj maj: Lt Bellanger

    - Officier adjoint: Lt Daniel

    - Médecins: Lt Dupuis et Sous Lt Viaud

    1ère Compagnie

     

    - Commandant de compagnie: Lt De saint-Sever

    - Chef de Section: Lt Sebag, Sous Lt Primel, Sous Lt Péan et Adjt Rochard

    2ème Compagnie

    - Commandant de compagnie: Lt Gomet

    - Chef de Section: Sous Lt Servet, Sous Lt Alabel et (deux autres sans nom)

    3ème Compagnie

    - Commandant de compagnie: Lt Herzog

    - Chef de section: Lt Rivière

    - Chef de section: S/Lt Goudineau

    - Chef de section: S/Lt Agnès

    - Chef de section: Adjudant Kermann

    C.A.B.1.

    - Commandant de compagnie: Capitaine Guizouarn

    - Chef de section: Lt De la Soudière

    - Chef de section: Lt Le Quellec

    - Chef de section: S/Lt Sommoneaux

    - Chef de section: Sergent Chef Labbé

    2ème BATAILLON

    Etat Major

    - Chef de Bataillon: Capitaine Thouron

    - Cap. adj. maj: Capitaine Dupuis

    - Officier Adjoint: Lt Prigent

    - Médecins: Lt Zaracovitch et S/Lt Jarry

    5ème Compagnie

    - Commandant de compagnie: S/Lt Guillonton

    - Chef de section: S/Lt Refin

    - Chefs de section: Adjudant Martin et deux officiers inconnus

    6ème Compagnie

    - Commandant de compagnie: Lt Duchesne

    - Chef de section: S/Lt Geffray et deux officiers ou sous officiers inconnus

    7ème Compagnie

    - Commandant de compagnie: Lt Bonnefis

    - Chef de section: S/Lt Mignard

    - Chef de section: S/Lt Chabanel

    - Chef de section: S/Lt Lemée et un officier ou sous officier inconnu

    C.A.B.2.

    - Commanadnt de compagnie: Lt Ravoux

    - Chef de section: Lt Le Guiner

    - Chef de section: S/Lt Oertel

    - Chef de section: S/Lt Cocault

    - Chef de section: Adjudant Le Bris et un officier inconnu

    3ème BATAILLON

    Etat Major

    - Chef de bataillon: Commandant Jan

    - Officier adjoint: Lt Hervé

    - Médecins: Lt Lecourt et Adjudant Renault

    9ème Compagnie

    - Commandant de compagnie: Capitaine Dunand

    - Chef de section: Lt Payen

    - Chef de section: S/Lt Mauduit

    - Chef de section: Adjudant chef Le Denmat

    - Chef de section: Adjudant Le Moal

    10ème Compagnie

    - Commandant de compagnie: Capitaine Dorange

    - Chef de section: Lt Le Moal

    - Chef de section: S/Lt Bernard

    - Chefs de section: Adjudant Dugast et un sous officier inconnu

    11ème Compagnie

    - Commandant de compagnie: capitaine Fauchon

    - Chef de section: Lt Holtz

    - Chef de section: S/Lt Véron

    - Chef de section: S/Lt Philippe

    - Chef de section: Adjudant chef Lebreton

    C.A.B.3.

    - Commandant de compagnie: Lt Georges

    - Chef de section: Lt De Chanterac

    - Chef de section: S/Lt Vaillant

    - Chef de section: S/Lt Catherine Du Chemin

    - Chef de section: Adjudant Roe

     

    - - - - - - - - - - - 

     


















     

     

     

     

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique