• Le 21° G.R.D.I à Lihons

    Déjà le 5 juin, les chars ennemis s'étaient établis entre Chaulnes et Lihons, et ils avaient fait leur apparition derrière le 41°; parfois ils laissaient passer nos voitures sanitaires; d'autres fois, ils les mitraillaient. Mais sur la route de Vermandovillers à Lihons, leur présence n'était pas permanente, puisque le long convoi de prisonniers avait pu passer sans encombre.

    Derrière nous, à Lihons, la journée commence tranquille.

    Le silence de la nuit n'avait été rompu que par les bombes tombées, vers minuit, aux environs immédiats.

    Vers 9 heures, les Allemands lancent, plusieurs obus sur l'église; le G. R. D. y avait un poste d'observation, établi dans le clocher. Le transept, du côté de l'Évangile (côté nord habituellement) et la coupole sont assez fortement endommagés; le clocher n'est pas touché.

    Au cours de la matinée, on assiste de Lihons au bombardement par avions, en piqué, de Rozières. Sur le terrain d'aviation, au Sud-Est, les engins blindés de l'ennemi évoluent.

    Pendant un moment, on avait eu l'illusion qu'ils étaient français!

    L'après-midi d'abord fut assez calme.

    Deux ou trois fois des auto-mitrailleuses ennemies, en reconnaissance, se présentèrent par le sud de Lihons, sur la route de Chilly. Chaque fois un canon de 25 du G. R. D. s'en chargea.

    Vers 16 heures, des avions allemands cherchent nos canons de 155, lâchent 2 bombes de très gros calibre.

    Soudain vers 17 heures (selon Sérouet, 16 h 30 selon Gandon) Lihons est soumis à un bombardement, en piqué, d'une extrême violence, pendant une demi heure environ.

    Par vagues et presque sans arrêt, les avions jettent leurs bombes et torpilles sur les positions et sur le village; une centaine de projectiles tombent ainsi, creusant des trous profonds à 3 ou 4 mètres seulement, parfois, des positions individuelles de nos hommes. Quand le bombardement cessa, plusieurs maisons étaient en flammes, des munitions entreposées près de l'église avaient sauté; la poussière et la fumée étaient si épaisses qu'il semblait que la nuit fût venue.

    Une heure plus tard, des avions allemands lancent des fusées exactement sur nos positions, et pendant 3 heures l'artillerie des chars exerce un bombardement. d'une grande violence. Le clocher, particulièrement visé, s'abat; L'église a beaucoup souffert, mais ne prend pas feu. Nos pièces de 155, du 304° R. A. P. et nos 75, répondent au tir des chars ennemis.

    En dépit de la violence des bombardements, il y a chez nous peu de victimes; on compte 7 ou 8 morts au G. R. D., et un au 41° RI (le caporal Jules Saliot). L'adjudant-chef Le Lévé, de la C. H. R. ne sera pas retrouvé. Tous ces morts resteront demain entre les mains des Allemands.

    Sans se laisser émouvoir par l'avalanche d'obus, notre artillerie avait continué son tir sur les colonnes ennemies en marche.

    Dans l'après-midi, un sous-officier de la Compagnie de Commandement, à Vermandovillers, s'était offert pour aller au ravitaillement à Lihons. Il ne revint pas; il dut se trouver dans la bagarre; nul ne sait s'il fut pris ou tué.

    Après tout ce tumulte, le calme se rétablit avec la nuit.

    Seule, de l'arrière, une grosse pièce française à longue portée, envoyait de temps à autre un obus dont on suivait sa course par son sifflement . . .

    Un autre récit écrit par Eric Abadie ( issu du forum Picardie 1939 - 1945 )

     Lihons est très ancien village du Santerre. Il est situé à l’intersection de plusieurs routes traversant le pays.
    En mai/juin 1940, ce bourg est une position importante dans le système de défense de la ligne Weygand sur le plateau. Sa garnison, en voie d’installation, sera constituée par le G.R.D. 21, la C.H.R. du 41e R.I. et son train de combat, le P.C. du 304e Régiment d’Artillerie portée, venu en soutien de la Division. Des 75 et des 155 seront en batterie à Lihons.

    30 Mai 1940 :
    1 heures 30, le chef d’escadron reçoit l’ordre de porter le GRD 21 sur Lihons pour réorganiser les escadrons et installer la défense de ce point.
    Arrivée des premiers éléments.
    Liaisons avec le Capitaine de Boismenu commandant la C.H.R du 41ème RI qui s’y trouve déjà. Répartition du village entre les unités. Les hommes du 41ème coopèrent à la défense et ont creusé des tranchées.
    Dans la matinée le chef d’escadron donne son ordre de défense en 6 postes de combat. L’escadron motocycliste du G.R. occupera la lisière ouest, l’escadron à cheval, la lisière nord, l’escadron de mitrailleuses, la lisière sud. Soit :
    1/ Ouest – Nord : Capitaine de Silans.
    Moyens - l’escadron moto.
    - 2 canons de 25 + 1 peloton de mitrailleuses.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre la route de Harbonnières et la route de Vermandovillers.
    2/ Nord – Est : Lieutenant Goasguen.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    - 1 FM.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre le PA de Silans et le PA Crémière.
    3/ Nord-Est – Est : Sous-Lieutenant Crémière.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    - + 1 GM + 1 canon de 25 + 1mortier de 60.
    Mission : Battre la zone comprise entre le P.A Goaguen et la route de Chaulnes.
    4/ Est – Sud-Est : Sous-Lieutenant Rabut.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre la route de Chaulnes et la route de Chilly.
    5/ Sud : Lieutenant Fenwick.
    Moyens - 2 FM.
    - 1 canon de 25.
    - renfort de voltigeurs du 41ème RI.
    Mission : Interdiction de la route de Chilly et de la zone allant jusqu’à la route de Méharicourt.
    6/ Sud-Ouest : Aspirant de Nicolay.
    Moyens - ?
    Mission : Interdiction de la route de Méharicourt.
    7/ Réserve : 1 canon de 25 (escadron à cheval), non loin du PC, qui commande le débouché de la route de Chaulnes sous les ordres du Lieutenant Taniou.
    Les postes N° 2 et 6 dépendent du Capitaine Tardieu.
    Les postes N° 3, 4 et 5 dépendent du Capitaine Brandner.
    Dans la journée, tout l’effectif se met ferme au travail. A la fin de la journée, les épaulements d’armes sont terminés, les boyaux reliant ces emplacements sont fortement amorcés, les barricades sont construites.

    31 Mai 1940 :
    Toute la journée, le travail continue. Les boyaux se terminent, 2 ou 3 rangées de ronce artificielle entourent le village. La position présente un caractère défensif très sérieux.

    1 Juin 1940 :
    On termine la pose des fils de fer.
    Installation d’un observatoire dans le clocher par le Lieutenant Berger (chef de poste : Maréchal des Logis Marjollet).
    Dans l’après-midi, de très nombreux prisonniers allemands sont amenés par le 41ème RI vers Chaulnes.
    Le 304ème RAP, à la disposition de la 19ème DI, installe des batteries aux environs de Lihons et renforce la défense du village de 2 canons de 75. L’Etat-Major du 304ème RAP s’installe à Lihons.

    2 Juin 1940 :
    Le Général Toussaint, commandant par intérim la 19ème DI, appelé à un autre commandement, passe le commandement de la DI au Général Lenclud qui commandait la 11ème DI.
    A cette date, le stationnement de la DI est le suivant :
    - I /41ème RI à Foucaucourt.
    - II /41ème RI à Herleville.
    - III / 41ème RI à Fay – Soyécourt.
    - II /117ème RI à Berny.
    - III /117ème RI à Belloy.
    - I /22ème RMVE à Fresnes – Mazancourt.
    - II /22ème RIMVE à MarchélePot.
    - III /22ème RMVE au Bois Est de Fresnes-Mazancourt.
    Le chef d’escadron fait construire deux barricades en pavés (1 sur la route de Chaulnes).
    Les C.R de renseignements de la DI signalent que des blindées ont été vues entre Dompierre et Chuignes et au Sud de Cappy.

    3 Juin 1940 :
    Atterrissage d’un avion sur le terrain de Méharicourt, une patrouille est envoyée pour rechercher des parachutistes. Rien.
    Envoi du peloton Sorel à Rosières près à intervenir pour des atterrissages éventuels.

    4 Juin 1940 :
    Arrivée de deux pelotons motos du 3ème GRDI à Lihons.
    L’un est envoyé à Méharicourt, l’autre à Rosières pour remplacer le peloton Sorel qui revient à Lihons.
    L’inspection du Général Lenclud, est fort satisfait des travaux d’organisation de la défense. Il déclare aux officiers de son Etat-Major que si Lihons est attaqué, le GR pourra s’y maintenir grâce à son travail.

    5 Juin 1940 :
    « Vers minuit, le 5 juin, un violent tir d’obus fusant s’abat sur Lihons pendant une demi-heure environ. Les dégâts sont peu importants, et la garnison ne souffre pas de ce tir.
    A 4 heures du matin, le bombardement recommence par fusants et percutants. De nombreux obus tombent sur le village ; plusieurs maisons sont détériorées. La lisière nord-nord-ouest est spécialement atteinte ; néanmoins il n’y a pas de victimes. L’artillerie ennemie cherche visiblement a repéré l’emplacement des batteries d’artillerie.
    Vers 4 h. 30, dans le jour naissant, on entend un lourd vrombissement. Une dizaine d’avions allemands, en ligne de file apparaissent ; ils se préparent à piquer et, par trois fois, descendent, lançant de petites bombes qui font à peu près les mêmes trous que les obus de 77. Elles glissent vers leur but, en s’accompagnant d’un sifflement strident, comme celui d’une sirène. Les bombes tombent sur le carrefour central du village. Quelques maisons sont touchées ; il y a aussi quelques blessés.
    Des chars se dirigeant dans l’axe Nord-Sud, vont évoluer entre les lisières Est de Lihons et le bois de Pressoir. Quatre coups de canons sur le clocher, puis disparaissent vers les bois de Chaulnes.
    Vers 5 heures, accalmie. Les téléphonistes du G.R. en profitent pour réparer les lignes coupées. Peine inutile, car le bombardement reprend bientôt. Les chars allemands, qui ont rapidement progressé, arrivent sur le village et le débordent, sans essayer d’y pénétrer, ou sans le pouvoir. Car ils sont accueillis par nos canons de 25, et les pièces du 304e R.A.P. tirent à bout portant. Il semble que plusieurs chars soient mis hors de combat ; les autres s’en vont.
    Un témoin, le sergent Gandon, de la C.H.R. note que si Lihons put être défendu avec succès jusqu’au bout, on le doit aux pièces lourdes de nos camarades artilleurs. Présence opportune, car le G.R.D. 21 n’a que 4 canons de25 antichars à opposer aux engins blindés qui eussent pu entrer dans Lihons par 7 ou 8 routes.
    Les avions allemands continuent de survoler le point d’appui, mais à ce moment ils ne bombardent plus.
    Le calme se rétablit peu à peu. Les premiers blessés arrivent au poste de secours.
    8 h 45 : l’observatoire signale de nombreux chars à l’Est (vers Chaulnes) au Sud (vers Chilly) et au Sud-Ouest (vers Méharicourt).
    Vers 9 heures, le G.R.D. a son premier mort de la journée.
    Les blessés sont maintenant nombreux, surtout du groupe du canon de 25 de l’escadron hippomobile, déjà si éprouvé le 19 mai. Deux obus, lancés par un char, atteignent la coupole et la sacristie de l’église.
    9 h 30 : Un 155 GPF volatilise un char en direction de Pressoir.
    Pendant l’après-midi, les hommes de la C.H.R. du 41ème s’organisent, selon la mission qui leur est indiquée. Par une chaleur accablante, ils creusent des trous individuels, surveillés par les appareils ennemis de reconnaissance, qui continuent de tourner au-dessus de Lihons.
    Les prisonniers faits par le 10ème R.A.D. au Bois Étoilé, et par le 41e à Herleville, arrivent ; leur vue donnent un courage nouveau à nos hommes.
    11 heures : Ordre du général porté par l’officier de liaison, les chars sont descendus jusqu’à Fransart et Fouquescourt et entourent le PC de la DI.
    Il faut tenir coûte que coûte et rechercher la liaison avec le 41ème RI. Une liaison moto est envoyée immédiatement vers Herleville.
    14 heures : Des chars apparaissent de nouveau aux lisières Ouest des bois de Chaulnes et de Pressoir. Prise à parties des PA Goasguen et Crémière. Le canon de 25 du Lieutenant Crémière immobilise un char et une AM.
    Vers 15 heures, le Maréchal des Logis Houet est grièvement blessé ainsi que 2 cavaliers de son équipe de 25 par un obus de char. Le Lieutenant Robin, le médecin auxiliaire Gauthier et un infirmiers vont chercher les blessés.
    17 heures : Aux lisières de Chilly, 5 chars stationnent une demi heure et vont rejoindre d’autres chars en direction de Chaulnes.
    19 heures : Une patrouille fournie par la CHR du 41ème RI et commandée par l’Adjudant Martinet va dégager des artilleurs du 304 aux lisières des bois de Pressoir.
    Vers 19 heures, les avions allemands laissent tomber quelques bombes ; l’alerte n’est pas sérieuse.
    Vers 20 heures : Recueil d’éléments du 10ème RAD et du 117ème RI.
    A 21 heures, l’abbé Sérouet, qui sert d’aumônier au G.R., conduit au cimetière le corps du cavalier Paul Robert, tué le matin ; l’escadron motorisé rend les honneurs. Ce 5 juin, le G.R.D. n’a que 2 tués (1), mais les blessés sont nombreux, et plusieurs sont gravement atteints.
    La nuit est venue. Plusieurs engins blindés sont tapis dans un petit bois, à 700 ou 800 mètres à l’est, dans la direction de Chaulnes.
    Les heures s’écoulent dans le calme ; vers minuit, des avions ennemis lancent des fusées, et jettent quelques bombes sur le village. »

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