• La Défense de Vermandovillers

    La Défense de Vermandovillers

    Pendant que se joue et se dénoue, tragiquement, ce 6 juin, le drame du 117° R. I. et du 22° Etranger, l'attaque allemande contre le 41° continue; elle porte contre ses abords Nord et Est. Car la leçon d'hier, au Bois Étoilé; a servi. Les pertes ont été trop grandes pour que l'infanterie ennemie veuille aujourd'hui s'aventurer entre nos points d'appui.

    Mais Fay est complètement enveloppé; la 10° Compagnie y demeure inébranlable.

    Vers 6 heures du matin, deux éclaireurs allemands viennent en side-car, audacieusement et de très près, reconnaître Vermandovillers. Ils se présentent par le chemin d'Ablaincourt, en face de la grande ferme où est installé le poste de secours; sous ses hangars sont mis à l'abri nos camions et dans les écuries les chevaux de la Compagnie de Commandement; le matériel de cette Compagnie et de la section du 6° Génie est là également. La maison est au centre du village, sur le bord de la route de Lihons-Soyécourt.

    Un réseau barre le chemin. Le capitaine Levreux qui observe les patrouilleurs; leur laisse passer la chicane ; à ce moment, il commande le feu au canon de 25 et aux fantassins qui occupent la tranchée à droite et à gauche de l'entrée de la ferme. Malheureusement, les éclaireurs ne sont pas blessés gravement et peuvent s'en aller. Ils ont cru, sans doute, que cette belle maison était le P. C. du Colonel; ce n'était que le poste de secours régimentaire.

    Vers 6 h 00, une pièce allemande se met en position entre Ablaincourt et Vermandovillers, et le prend sous son feu. Le premier coup atteint; le rez-de-chaussée; la cave est peu profonde et sans protection. Il semble que la fumée y pénètre. En tâtonnant, dans l'obscurité, je trouve un escalier intérieur et le monte; des gravats le recouvrent ainsi que le vestibule. Un deuxième obus arrive dans le premier étage; au troisième les flammes jaillissent,c'est l'incendie.

    Rapidement, il embrase la maison tout entière, confortablement, mais légèrement construite. Sous. les flammes, nos brancardiers s'efforcent de sauver le matériel sanitaire : caisse de médicaments, paniers d'instruments, brancards . . .etc, dont la perte serait un désastre. Ils y réussissent à peu près et non sans péril, car bientôt le plafond de la cave prend feu. Il il'y a pas de vent, heureusement; car sous le grand
    hangar, à 15 mètres, une masse considérable ,de foin et paille pressée est entassée, à côté de nos camions, de notre réserve d'essence de nos voitures sanitaires, et notre tranchée court le long de cet hangar, à 3 mètres; elle serait intenable pour les hommes du 6° Génie qui l'occupent. Il est
    souhaitable, pour éviter un plus grand désastre, que la maison achève vite de se consumer. En une demi-heure tout est fini, heureusement; de la belle demeure, il ne reste plus que des murs noircis et fumants.

    Les canons allemands prennent alors pour cible le clocher, qui se dresse à 200 mètres au nord de notre ferme; notre tranchée aboutit à l'église. Sans doute, l'ennemi suppose t-il qu'il y a des observateurs. Le sergent Philippe et ses hommes y sont en effet, et ne le quittent qu'au moment où une partie en est emportée par les obus, pour s'installer dans le grenier d'une maison située à proximité de la route
    de Soyécourt. Leur téléphone fonctionnera constamment entre l'observatoire et le P. C. R. I.

    D'abord les coups sur le clocher viennent de l'Est, pendant plusieurs heures; ils le frappent sans réussir à l'abattre.

    Alors l'ennemi le prend par le Sud, avec plus de succès, car dans l'après-midi, vers 16 heures, sous les coups répétés du canon le clocher s'écroule!

    Par intermittence, les bombardements sont violents sur notre ferme et sur le village. Ils sont réglés par un avion d'observation qui nous survole constamment, comme Il a fait hier. Il lance une fusée blanche, et peu après les obus arrivent.

    Il y a quelques victimes; le médecin-commandant Le Cars les panse sous le hangar, puis, le bombardement s'accentuant, dans la tranchée elle-même, On se doute combien c'est difficile dans un trou de 80 centimètres de large. Tout de même, des vies sont sauvées par cette tranchée !

    Vers 14 heures, deux patrouilleurs ennemis viennent encore. en face de notre ferme; ils sont en side-car. Mais ils ne repartiront pas.

    Ils sont aperçus; on leur tire dessus avec rage; le chef de musique Martin, bon tireur, prend un fusil
    mitrailleur du haut du tas de foin, il les abat; ils sont très blessés; leurs plaies sont affreuses; l'un des
    deux meurt quelques heures après; l'autre, que nous serons obligés d'abandonner, aura dû mourir aussi sans doute; n'y avait pas d'espoir.

    Dans les points d'appui du 41°, on tient fort bien. Preuve évidente : ils nous envoient dans la matinée, non seulement des blessés allemands, mais aussi de nouveaux prisonniers.

    En arrière et sur notre droite, sous nos yeux, des troupes descendent des camions arrêtés à la lisière du bois.

    Elles n'affrontent pas notre point d'appui de Vermandovillers, ni de Soyécourt. Les chars ennemis, pourtant si nombreux, que nous voyons filer sur Chaulnes et Lihons, nous évitent avec soin, aujourd'hui comme hier.

    La raison est Peut-être celle-ci: un habitant notable du pays a entendu un officier allemand lui dire « qu'ils avaient l'ordre de ne pas attaquer Vermandovillers trop fortement tenu.

    Il est certain aussi que, les jours précédents, les avions allemands ont toujours été accueillis par un feu très violent nos canons de 25 anti-aériens, si bien qu'ils évitaient Vermandovillers.

    Il faut dire enfin que le lieutenant-colonel Loichot avait fort bien organisé le point d'appui. Les tranchées continues furent pour nos hommes une excellente protection. Jusqu'à la dernière minute, ils travaillèrent à les améliorer, bien résolus à s'y défendre vaillamment. Car, le sous-lieutenant Trévilly le note justement, et moi-même je pus le constater au cours de ma dernière tournée, à la nuit, le moral de nos hommes était très bon, bien que la situation fût étrangement critique.

    L'ennemi cependant ne nous oubliait pas, car vers 15h 00, on put voir 7 ou 8 chars ou auto-mitrailleuses
    venir du Sud-Est et s'avancer jusqu'à 1500 mètres de Vermandovillers.

    Ils s'arrêtèrent en ligne, suivis d'infanterie descendue de camions à la lisière Nord du bois de Chaulnes.

    Une centaine d'hommes environ se dirigea par petits groupes vers Vermandovillers, et s'installa à 2 kilomètres au Sud et au Sud-Est du village, derrière de légers replis de terrain et quelques buissons. Peut-être est-ce cette troupe que le commandant Schérer apercevra le soir en revenant de la ferme Lihu.

    Vers 16 heures ou 17 heures, arriva de Pressoir une colonne de camions et d'artillerie tout terrain. Elle atteignit la lisière Nord du bois de Chaulnes pour se mettre en batterie face au Sud, vraisemblablement. Le lieutenant Lucas, adjoint au Colonel du 41°, demanda à l'officier de liaison d'artillerie de faire tirer sur la colonne d'artillerie à ce moment stationnée aux lisières du bois, et sur la concentration d'infanterie.

    Malheureusement on ne pouvait sans grands inconvénients accéder à cette demande: il eût fallu
    déplacer les pièces dont il ne restait que 7 ou 8 avec peu de munitions; de plus, ce déplacement de nos canons ne permettait plus d'effectuer les tirs nécessaires à la protection de Foucaucourt, Fay, Soyécourt et Herleville; enfin, le déplacement en plein jour eût attiré les avions et les pièces eussent été vite démolies sans grand profit.

    A la tombée de la nuit, il n'y avait plus, note le lieutenant Lucas, que 3 ou 4 chars en observation au Sud-Est de Vermandovillers . . .

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