• L'entre deux guerres.

    En reprenant sa place, en 1919, dans ses deux casernes le 41è R. l. a aussi retrouvé cette ville de
    Rennes qui lui est si chère.

    Maintenant plus qu'autrefois encore il se sent étroitement lié à cette cité. En effet, tant de Rennais ont
    de 1914 à 1918, combattu sous les plis de son drapeau, et tant sont morts aussi, hélas, que l'union
    s'est faite plus grande entre le régiment et les habitants de la ville.

    De même qu'ils sont habitués à entendre le « gros » leur annoncer les heures, les Rennais se réjouissent
    de pouvoir, comme par le passé, être associés, grâce aux sonneries du clairon, à la vie du soldat. Et ces
    sonneries leur permettent de suivre dans leur déroulement les diverses étapes de l'existence quotidienne
    des militaires : le réveil, la soupe, les rassemblements, le distribution du courrier, l'extinction des feux, etc . 

    Dans les deux casernes de Saint-Georges et de Mac-Mahon le service est redevenu ce qu'il était avant
    1914 avec ses exercices, ses revues et aussi ses corvées.

    Comme une horloge bien remontée le régiment mène une vie bien régulière dans le cadre d'un règlement
    qui a tout prévu. Certes, périodiquement, les hommes changent mais les recrues qui remplacent les
    anciens refont aux mêmes heures les mêmes gestes et sont soumis à la même discipline.

    Tout semble donc aller fort bien...

    Mais voici qu'à la fin du mois de décembre 1923 on apprend avec autant de peine que de surprise que le
    41è R. l. est dissous.

    Cette nouvelle attriste tous les anciens du 41è R. 1., surtout ceux qui de 1914 à 1918 ont porté son écusson. Elle attriste aussi tous les Rennais. Les uns et les autres déplorent qu'en procédant à une nouvelle organisation de l'armée on n'ait pas tenu compte de l'ancienneté des unités et, également, de leur courage au combat.

    Si on l'avait fait le 41è n'aurait certainement pas été sacrifié.

    Dissous le 31 décembre 1923, le régiment voit alors ses effectifs répartis entre deux unités du département des Côtes-du-Nord, le 48è R. l. et le 71è R. l.

    Son drapeau quitte Rennes et est confié à la garde du 71è R. l.

    Il faut attendre le mois de mai 1929 pour voir une nouvelle décision ordonner sa reconstitution. Les premiers effectifs lui sont alors fournis par le 48è R. l. et le 71è R. l.

    A partir de ce moment il appartient à la 19è Division d'lnfanterie et ses bataillons sont casernés en
    partie à Rennes et, en partie, à Saint-Malo.

    Son recrutement est demeuré le même que par le passé et ce sont surtout des Bretons qui servent dans
    ses rangs.

    Retrouvé avec joie par les Rennais, bien accueilli par les habitants de Saint-Malo, le régiment vit dans
    ces deux garnisons quelques années paisibles.

    Puis, brusquement, le ciel redevient sombre et les nouvelles qui viennent de l'Est donnent de nouveaux
    sujets d'inquiétude.

    L'Allemagne qui avait, en 1919, lors de l'établissement du traité de Versailles, bénéficié de la bienveillance de M. Wilson, président des Etats-Unis, et qui avait été, grâce à lui, maintenue dans toute son unité, s'est beaucoup trop vite relevée de ses ruines et elle suit maintenant un homme, Adolf Hitler, qui
    l'entraîne vers l'aventure.

    Une fois de plus elle menace la paix du monde.

    Devenu le véritable maître de l'Allemagne depuis 1933, Adolf Hitler a instauré une dictature totale. Il
    est véritablement le seul maître du pays et il lient tous les leviers de commande.

    A ses compatriotes qui l'acclament avec frénésie, il se présente comme le successeur de tous ceux qui
    ont été les artisans de l'impérialisme germanique et, afin d'atteindre le but qu'il s'est fixé, il manifeste une
    ambition sans bornes.

    Son audace est telle qu'il ne cherche même pas à dissimuler ses intentions.

    Pour mieux exercer son autorité sur une nation qui ne demande qu'à être commandée, il a tout unifié et
    il a tout concentré entre ses seules mains.

    D'ailleurs il affirme qu'il doit tout son pouvoir au peuple et il se réserve le droit de consulter celui-ci
    par voie de référendum. 

    Ainsi agissent les dictateurs.

    Ses principaux partisans sont ceux qui n'ont pas oublié la défaite de 1918 et qui voient en lui l'homme
    capable de déclarer une guerre. Avec eux Adolf Hiller prépare ouvertement la revanche.

    En France, où l'on croit encore que la guerre de 1914-1918 a été la der des der, on ne veut pas
    voir le danger et on écoute avec trop de complaisance ceux qui prêchent le désarmement et qui, ainsi,
    se font les complices inconscients d'Hitler.

    On assiste alors au déroulement des événements qui, rapidement, vont conduire au conflit.

    En 1936, l'Allemagne remilitarise la Rhénanie et consolide son alliance avec l'Italie de Mussolini en
    créant l'axe Rome-Berlin.

    En 1938, elle annexe brutalement l'Autriche et le pays des Sudètes.

    En 1939, elle s'empare de la Bohême et de la Moravie, puis elle envahit la Pologne après avoir signé le pacte germano-soviétique.

    Tout cela se fait au mépris des traités et du droit. Hitler ne respecte rien et, ayant su rallier à lui le militarisme prussien et la grosse industrie, il marche sur les traces de Bismarck en se faisant comme lui le défenseur du pangermanisme.

    Alors, mais alors seulement, la France commence à s'émouvoir et à s'inquiéter. Il est impossible désormais de ne pas voir le danger, ce serait nier l'évidence.

    Tous ceux qui ont vécu la grande guerre, s'indignent à la pensée que le monde va, une fois de plus
    être transformé en un vaste champ de bataille.

    Certes, les Français sont tous partisans de la paix. Mais la paix n'est possible que si tous les peuples la
    désirent.

    Or, les Allemands veulent la guerre et, sans se cacher, ils se préparent à la faire.

    Dans ces conditions, le pire ne peut être évité et on est bien obligé de reconnaître que toutes les concessions faites jusqu'ici à l'Allemagne ont été inutiles. Elles n'ont même servi qu'à renforcer son audace et son insolence.

    Finalement, après avoir fait pendant plusieurs années preuve de beaucoup de patience, la France ne
    peut en supporter davantage et, au lendemain de l'invasion de la Pologne, elle déclare la guerre à l'Allemagne.

    Nous sommes arrivés au 3 septembre 1939.

    Comment la nouvelle est-elle accueillie en France ?

    Roland Dorgelès, devenu en 1939 correspondant de guerre, va nous le dire en nous apportant son témoignage.

    Voici ce qu'il a écrit dans son ouvrage : La drôle
    de guerre:

    En vérité, la plupart des mobilisés n'avaient pas compris les causes de cette guerre et n'en discernaient
    pas clairement le but. Vingt-cinq ans plus tôt, on aurait dit a leurs pères: Il faut délivrer l'Alsace-Lorraine 
    et tous s'étaient dressés ; cette fois, on n'avait trouvé pour les enflammer que le nom de Dantzig, c'était trop loin, aussi étaient-ils partis sans entrain. Dès le premier jour, une comparaison s'imposa: en août 1914, on s'écrasait aux bureaux de recrutement pour s'engager ; en septembre 1939, les quelques volontaires n'eurent pas a se bousculer. Ce manque d'esprit combatif s'observait jusque chez les grands chefs. Je dirai même: surtout chez eux. On avait déclaré la guerre, mais on retardait
    l'instant de I'engager. Après une vaine démonstration dans la forêt de la Warndt, le Haut-Commandemt
    semblait se résoudre a la défensive et le major-général de I'armée, recevant à l'Ecole militaire, notre groupe en formation de correspondants de guerre, nous fit entendre qu'une bataille en rase campagme n'aurait pas lieu avant longtemps.

    Cette guerre-ci, nous dit en substance ce savant tacticien, différera totalement de celle de 1914. La puissance des fortifications comme la nature des armements ont transformé les conditions de la stratégie. Après une offensive même heureuse, il faudra des mois de préparation avant d'engager une autre bataille. Nous devons donc nous attendre à une sorte de guerre tour à tour stagnante et violente, avec des rebondissements imprévus, des fronts constamment déplacés, des armées qui cesseront de combattre pour prendre leurs quartiers d'hiver, ainsi que cela se passait au XVII siècle.

    Puis, résumant sa pensée en une phrase, le porte-parole du Grand Quartier conclut du même ton tranquille:

    Une guerre, en somme, qui pourrait se comparer à la guerre de trente Ans...

    Trente Ans ! Nous en restâmes abasourdis. Ce n'était certes pas ce qu'attendait l'opinion, ni notre
    piaffante cohorte d'écrivains militaires. Cependant, le décourageant augure n'avait pas entamé ma confiance.

    Voulez-vous mon avis ? dis-je repartant à l'historien Octave Aubry, correspondant du « petit Journal ». Je crois que la guerre, la vraie guerre n'aura pas lieu!

    Tout comme le major-général, Je me trompais. Simplement dans I'autre sens. La vraie guerre aurait lieu, mais elle ne durerai que trente jours. le temps d'égorger la France.

    Comme tous les Français, les Rennais ont suivi avec anxiété le déroulement des événements au cours de
    cette année 1939.

    Plus rapidement renseignés qu'en 1914 grâce à la presse qui dispose de meilleurs moyens d'information,
    et grâce aussi à la radio, ils n'ignorent rien de ce qui se passe au-delà de nos frontières.

    A Rennes d'ailleurs, comme également à Saint-Malo où se trouve une partie du régiment, on sait
    que le 41è R. l. se trouve en état d'alerte. Dès le 25 août, il commence sa mise sur pied de guerre, et
    dans toutes les compagnies on vérifie l'armement et l'équipement. On comprend que les revues de
    détails, si fastidieuses, ont cette fois, une raison d'être.

    Puis, on assiste à l'arrivée des réservistes. Quand, descendant du train ou des cars, ils traversent la ville
    pour se rendre à la Caserne Mac-Mahon, leur passage provoque des commentaires.

    Et comme en août 1914, ceux qui, en dépit des événements, se veulent optimistes, déclarent :
    « La mobilisation ce n'est pas la guerre... ».

    Mais cette fois, leurs propos ne trouvent pas d'écho. . . 

    Le 29 août, le 41è R. l. a reçu les effectifs qui lui sont nécessaires et tous ses préparatifs sont terminés.

    Dans ses deux casernes, Mac-Mahon à Rennes, et Rocabey à Saint-Malo, il attend les ordres.

    Ses hommes vivent alors une veillée d'armes qui va se prolonger pendant quelques jours . . . 

    « le 41è R.I reconstitué en 1944 à Coëtquidan - Prise de commandement.De la Sarre au Rhin. »

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