• La retraite de la 1° Compagnie

    La 1° Compagnie, aux ordres du lieutenant de Saint-Sever est en pointe; la 4° section avec le sous-lieutenant Primel; ouvre la marche; puis viennent la section de Commandement avec le sergent-chef Rougé, adjoint de Saint-Sever, la.2° section, adjudant Héry; la 3° section, adjudant-chef Rochard, et enfin la 1° section, sergent-chef Levitre; cette dernière a mission, s'il y a lieu, de protéger le repli. Quelques éléments de la C. A. 1 et du Génie suivaient la 1° Section.

    La Compagnie descendit tout droit sur Rosières. Nos hommes voyaient sur la plaine les cadavres et les équipements de nombreux Allemands, résultat superbe de la belle défense du 41° R.I. et du 10° R. A. D. Devant Herleville, une tête se leva en dessus de la luzerne. Celle d'un soldat ennemi, blessé à la jambe, qui déclare: s'exprimant en français: «Je suis un pauvre soldat comme vous » Il était là depuis 2 jours, et avait soif. Tous les bidons étaient vides. Dans l'impossibilité où il était de le transporter, la 1° Compagnie
    le déposa sur le bord du chemin, pour qu'il pût, plus facilement, être remarqué par les sanitaires allemands.

    A quelques kilomètres, au sud de Foucaucourt, la 1° Compagnie fit halte pour attendre le gros du Bataillon. Il ne vint pas, parce que, comme on le verra, il avait pris d'abord la route de Lihons, allongeant ainsi son parcours.

    Tout alla bien, jusqu'à 1 kilomètre environ avant Rosières.

    Les hommes, en ordre parfait, avançaient en colonne sur chaque côté de la route. Un petit avion, que l'on crut être, singulière erreur, un avion de la 19 D.I (qui n'en eût jamais) survolait la Compagnie, comme il fit du reste pour toutes les autres formations de la Division; C'était, on s'en doute, un appareil allemand de reconnaissance.

    Un peu avant Rosières, 1 kilomètre disent les uns, 500 mètres selon d'autres, le bombardement ennemi s'abattit à gauche de notre colonne, à 250 mètres environ. Le tir venait du sud.

    La surprise provoqua un léger flottement dans la marche; la Compagnie quitta un instant la route, pour avancer à travers les champs, puis la reprit. On accéléra l'allure pour franchir ce mauvais endroit; bientôt la marche normale recommença.

    Les 2 sections de tête s'engagèrent dans Rosières, là où la rue principale se dirigeant vers le sud était coupée par une barricade. L'ennemi était, nous l'avons dit, dans le village depuis la veille. Une fusillade intense accueillit les sections.

    Primel avec sa 4° section, passa sans difficulté la barricade. Mais à peine Rougé et la section de commandement I'atteignirent-ils, qu'un tir violent de mitrailleuses et de canons antichars les arrêta;.Rougé, suivi de quelques hommes, passa cependant. Le reste de la Compagnie prit une autre direction;
    tandis que Rougé rejoignait le lieutenant de Saint-Sever pour prendre avec lui la direction de Caix.

    La dispersion commençait.

    Les deux sections de queue : la 3° et la 1°, guidées par Rochard et Levitre (une cinquantaine d'hommes), au lieu de traverser le village, s'orientèrent vers la ligne de chemin de fer et le passage à niveau. Une colonne du 10° R. A. D., avec quelques officiers les suivait. La fusillade avait presque cessé dans le village; mais, au passage à niveau, les mitrailleuses allemandes prirent tout le groupe sous leur feu
    intense; des minen tombaient aussi, sans doute parce que les chevaux et les fourgons des artilleurs attiraient les coups des mortiers. Poursuivis par les minen, les artilleurs s'éloignèrent. Les fantassins se mirent à l'abri, un instant, dans les maisons à gauche de la route, et en bordure du passage à niveau.

    Déjà on ne voyait plus Saint-Sever, ni Primel, partis dans une autre direction.

    Pèle-mêle, le gros de la 1° Compagnie s'engagea entre les wagons et une usine proche; le reste, un très petit nombre, emprunta la route de droite.

    Par bonds, les voltigeurs essayèrent de progresser dans la plaine, où les balles sifflaient de toutes parts. Ils s'y dispersèrent.

    Le sergent-chef Levitre (1° section) rassembla quelques hommes, et prescrivit au sergent Morazin de mettre son F. M. en position, face à Rosières, à 200 mètres du village, sur un chemin de terre, bordé d'arbres. Les coups de l'adversaire paraissaient venir d'une usine. Mais on avait beau observer, on ne voyait rien; on lâcha quelques rafales, au jugé. Des mitrailleurs aussi s'étaient mis en batterie à l'entrée même du village, et tiraient. Levitre, avec quelques hommes qui l'entouraient, le soldat Bougeard, tireur, le caporal Piratais, le sergent Calvez, et quelques autres, essaya une dernière résistance. Le lieutenant Leclerc de la Herverie, qui venait de Soyécourt et était arrivé avec un canon de 75 en même
    temps que la 1° Compagnie, mit en batterie sa pièce, mais inutilement. Le sergent Morazin s'était installé
    avec son F. M.; mais il lui fut impossible de tirer, car l'herbe trop haute limitait son champ de tir à quelques mètres, et il risquait de frapper les nôtres, éparpillés de tous côtés pour éviter les balles allemandes.

    Dès lors, chacun se tira d'affaire comme il put.

    Les uns partirent vers la droite (c'est-à-dire vers l'ouest) vers Caix et Cayeux, où étaient les Allemands; quelques autres avec Marazin, obliquèrent vers la gauche; c'était la bonne direction, et ils échappèrent à l'étreinte allemande, après bien des dangers. La pièce de 75 elle-même restée la dernière fut cependant sauvée, par la résolution du lieutenant de la Herverie (1).

    Pour mettre de la clarté dans mon récit, je dois maintenant distinguer, dans la 1° Compagnie, un certain nombre de groupes:


    - Groupe Morazin;
    - Groupe Levitre;
    - Groupe Saint-Sever;
    - Groupe Primel.


    On va voir combien leur histoire est dramatique.

    (1) On trouvera les renseignements sur ce point au chapitre: Retraite du 10° R. A. D.

     

     

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