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Chaulnes

Chaulnes

Dans la petite ville de Chaulnes, en grande partie reconstruite après la guerre 1914 - 1918, étaient installés :
l'Etat-Major du colonel Paillas, commandant l'Infanterie Divisionnaire;
le P. C. du 10° R. A. D.;
le P. C. du 210° R. A. L. D.
Des éléments peu nombreux et peu armés en constituaient la garnison :
- 200 hommes du Centre d'Instruction divisionnaire;
quelques uns n'avaient pas de fusil; lès armes automatiques se composaient de 3 F. M. et 2 mitrailleuses;
- 1 Compagnie de pionniers arrivée dans la nuit, démunie d'armes automatiques;
- un groupe d'hommes du 6° et du 8° Génie;
- un faible détachement du Train;
- quelques hommes du 22° Étranger, pour les services.
II n'y avait ni 75, ni 155; il existait seulement 2 canons de 47 de la B. D. A. C. (capitaine Constant) et la 4° Section de C. D. A. C. (canons de 2.5) avec le capitaine Buant.

Seule était occupée et défendue la partie sud-ouest de Chaulnes, en raison du petit nombre des hommes.
Dans la journée du 5 juin, des artilleurs qui avaient perdu leurs pièces, dans l'attaque, viendront se réfugier à Chaulnes.

L'abbé Yves Legrand, sapeur radio, du service des transmissions de Chaulnes, mentionne quelques faits pour les jours qui précèdent l'attaque sur Chaulnes.
Depuis quelques jours les avions de reconnaissance ennemis viennent prendre des photographies: Aucun avion ne les chasse. Toutes les deux heures, les appareils allemands passent au-dessus de nous pour aller bombarder nos arrières, mitrailler les routes, et les trains de ravitaillement; mais ils ne lancent rien sur nous.

Toutes les nuits, un certain nombre de circuits téléphoniques sont coupés, probablement par des animaux errants.

Le 3 juin et le 4 juin, on semble s'attendre à une attaque; on nous fait quitter les maisons et nous rassembler tous dans la grande rue de Chaulnes, qui aboutit à la gare.
Nous fabriquons des murailles de fortune que nous appelons « barrages antichars », Le 6° Génie pose quelques mines.

Le soir du 4 juin, à 22 heures, Legrand note un gros bombardement, auquel ripostent vigoureusement nos batteries de 75 et de 155.

Pendant la nuit du 4 juin au 5 juin, me dit le lieutenant Carmichaël (du 41° R. I officier de liaison à l'I. D.), on perçoit le bruit de chars en marche. Avant même le déclenchement de l'attaque, ils seraient donc venus entre les points d'appui, et auraient gagné déjà les arrières de la D. I. Il n'y a donc pas lieu de supposer que des engins blindés seraient passés par Ham et Nesles.

Citons maintenant le compte rendu du colonel Paillas:
« A 0 h 30, la D. I. fait connaître l'imminence de l'attaque.
Peu après, quelques tirs d'arrêt sont déclenchés par les fusées qui sont ultérieurement identifiées comme lancées par l'ennemi.
A 3 h 45, l'ennemi déclenche un très violent tir d'artillerie sur tout le front, et procède au bombardement aérien des points d'appui, dont celui de Chaulnes.
Vers 4 heures, les P. C. des Régiments signalent une attaque plus particulièrement violente dans le sous-secteur du 117° R. I, où le terrain est plus perméable aux chars.
Dès 4 h 15, plusieurs Compagnies de chars débordent Belloy et Estrées-Deniécourt. 140 chars environ pour la colonne Ouest d'Estrées, 200 pour la colonne Est. Vers 4 h 30, elles sont aux environs de Pressoir. A 5 heures, elles débordent Chaulnes à l'Est et à l'Ouest.

Certains éléments encerclent nos points d'appui, d'autres continuent à progresser en direction du sud.

Vers 5 heures, les communications téléphoniques de Chaulnes sont coupées avec l'extérieur. Auparavant, le Commandant de l'I.D a pu téléphoner avec l'E. M. de la 19°, et également avec le Général commandant la 29°, pour les mettre au courant de la situation. Quelques essais de chars ennemis d'aborder les lisières de Chaulnes en particulier au sud, sont repoussés par les canons de la B. D. A. C., et les chars vont s'embosser dans des zones défilées, à proximité.

Vers 6 heures, le Commandant de l'I. D. profitant d'une accalmie, prescrit aux officiers de liaison avec les
régiments, de se rendre au P. C. de ceux-ci pour rapporter des renseignements précis sur la situation.
La liaison avec le 22° R. M. V. E. est réalisée, malgré les difficultés rencontrées, par le lieutenant Guichemer. Au retour de Marchelepot, le chemin d'aller est coupé par une formation de chars. Guichemer rejoint le P. C. de l'I. D. par un itinéraire détourné. A sa rentrée à Chaulnes il participe au sauvetage de soldats blessés, dans une camionnette en feu, bien que la rue fût prise d'enfilade par un char ennemi.

La liaison avec le 117° R. I. ne peut être effectuée.
L'officier (lieutenant Nail) est blessé mortellement à la sortie nord de Chaulnes, alors qu'il cherchait à se rendre en side à Pressoir, P.C. de son régiment.

De même pour le 41° R. I, Carmichaël est arrêté à 1 kilomètre au nord de Chaulnes par 3 chars. Il doit rentrer sans pouvoir aller plus loin.

Le capitaine Buant de la C. D. A. C. va inspecter sa section de Hyencourt-le-Grand, et pousse jusqu'à Pertain pour établir la liaison avec le Colonel commandant le 112° R. I. de la 29° D. I. Il exécute sa mission, mais au retour son motocycliste est tué aux lisières de Chaulnes par une mitrailleuse de chars.

Vers 9 heures, les blindés allemands viennent se poster au carrefour des routes de Lihons et Vermandovillers à l'entrée Ouest de Chaulnes.

Vers 9 heures encore, des chars venant du sud, prirent position du côté de la gare; d'autres vinrent de l'est. Ainsi l'ennemi, par des mouvements d'infiltration, se rabattait sur nos arrières.

Il n'y eut pas attaque proprement dite par les chars, mais encerclement.

Des chars allemands se trouvaient également dans le bois, entre Chaulnes et Lihons; ce qui confirme les notes que l'on vient de lire sur Lihons.

Quelques chars furent démolis, dont 2 dans Chaulnes, par un canon de 47; mais ce canon fut, à son tour, détruit.

Les Allemands, au dire de Carmichaël, n'avaient pas attaché de prisonniers à la tourelle de leurs engins, mais sûrement, ils faisaient marcher des prisonniers devant leurs chars, pour protéger leur avance; à l'arrêt, toujours pour se mettre à l'abri de nos coups, ils plaçaient autour d'eux un cordon de prisonniers, qu'ils étaient censés garder!

C'est dans ces circonstances que fut tué le capitaine Albrech, de la 19/1 du 6° Génie. Il avait aperçu à peu
de distance un char allemand endommagé, dont l'équipage était descendu. Héroïquement il se dirigea vers lui, armé d'un mousqueton, et muni d'un pétard, avec l'intention de prendre l'équipage et de faire sauter le char. Il fut malheureusement tué.

Tous les renseignements reçus indiquent que les points d'appui tiennent; qu'il y a deux courants principaux d'infiltration des chars à l'Est et à l'Ouest de Ablaincourt-Pressoir et de Chaulnes, et que l'artillerie et la défense contre les blindés leur ont infligé des pertes sévères.

Le résumé, que l'on trouvera à la fin de mon récit, du livre du capitaine allemand Freiherr Von Jungenfeld,
démontre l'exactitude du rapport de l'I. D. que je citerai;
Par contre, quelques batteries d'artillerie d'appui direct dans les sous-secteurs du 22° Étranger et du 117° R. 1. ont subi des pertes et ont laissé des prisonniers entre les mains de l'ennemi.
Le personnel des 34° et 36° batteries du 187° R. A.
Lourde Tractée, en position à l'Ouest de Chaulnes, se replie sur cette localité.

Les renseignements reçus sont transmis par radio à la D.I. Un essai de liaison par officier avec la D.I. ne
peut réussir, les issues étant barrées par des chars.

Pour effectuer un ravitaillement en munitions, l'officier de liaison du 41° (lieutenant Carmichaël) essaie une deuxième fois d'atteindre Lihons, où se trouvent les services du 41°; mais il échoue dans sa tentative et doit rebrousser chemin devant les chars. L'encerclement est complet.

Un détail est à ajouter ici, il m'est donné par L'abbé Yves Legrand:
De 10 heures à 12 heures, les chars allemands tirent sur les maisons. Nous sommes obligés de descendre dans les caves, et de nous y installer avec nos appareils de T. S. F.
Dehors c'est intenable. La mitraille tombe de partout ( avions, artillerie,chars )
Le compte rendu du colonel Paillas continue:
Vers 13 heures, une modification paraît survenir dans la situation générale. Les observateurs de l'I. D. signalent du clocher de Chaulnes, un mouvement de repli des chars venant du sud. Ces chars, au nombre d'une vingtaine remontent vers le nord, en direction de Chaulnes, puis se divisent en deux groupes, dont l'un, obliquant vers l'Est, échappe aux vues, et l'autre qui se dirige vers l'Ouest, est pris à partie
par le canons de 47 de Chaulnes et des batteries d'artillerie situées dans la zone de la 19° D.I.
5 chars prennent feu, les autres se dirigent vers Pertain.

Le capitaine Freiherr Von Jungenfeld confirme ce renseignement; il dit en effet :
Avant midi, un certain nombre de ses chars sont en feu ou détruits. Les Français dirigent sur les blindés allemands un tir très précis et très efficace. Les munitions des chars se font rares; les morts et les blessés sont nombreux. II redoute une contre-attaque des chars français, car l'infanterie allemande n'a pas pu avancer. Elle est bloquée par l'infanterie française.

L'artillerie française, dit-il, tire sur eux de plein fouet et de tous les côtés, spécialement de Ablaincourt et de Chaulnes.

A midi, « nous décidons d'attaquer derrière nous pour détruire des éléments antichars ».
Deux nouveaux chars prennent feu. La lutte est serrée; les divisions blindées ont peu avancé. Nous avons de grosses pertes.

Arrêt du combat de notre côté. On trouvera plus loin tout le chapitre du Freiherr Von Jungenfeld.
Vers 14 heures, le Commandant de l'I. D. adresse un message à la. D. I. pour lui signaler que les points d'appui bien qu'encerclés tiennent, et que de lourdes pertes sont infligées aux chars ennemis, et qu'il y aurait intérêt à déclencher une contre-attaque avec nos chars. Il convient de noter que cette éventualité était redoutée à la même heure par le capitaine Freiherr Von Jungenfeld.

Elle ne se produisit malheureusement pas.

Les messages des Régiments ne signalent pas de modifications dans la situation, et se bornent a des demandes de ravitaillement en munitions. Toutefois, vers 15 heures, un message du 117° R. I. signale la mise en batterie d artillerie ennemie vers la butte Est d'Ablaincourt. Une demande de tir est adressée par l'I. D. au Commandant du 210° R. A. L. D. qui fait exécuter un tir par son 5° Groupe.
A partir de ce moment, Chaulnes est soumis à des tirs intermittents d'artillerie.

Vers 16 heures l'I. D. reçoit de la D. I. le message suivant; « Vous félicite, suis de coeur avec vous » et à 19 h 15 l'ordre suivant; « Tenir coûte que coûte sur place ». Les messages sont transmis aux régiments ainsi que le message lesté jeté par un avion vers 19 h 30 et ainsi conçu; « Tenez bon, nous arrivons ».
Mais entre temps, l'ennemi a lancé de nouvelles vagues de chars et a entrepris la réduction des P. A. encercles. »
Notons que la capitaine Freiherr Von Jungenfeld dont les chars étaient vers 16 h 30 dans la région de Chaulnes-Omiécourt, dit avoir essuyé un tir épouvantable de 75, et subi de grosses pertes. Sa situation était très critique.
Arrivée des avions français. Grâce à la maladresse des bombardiers, nous n'avons guère de pertes. Une pluie de grenades s'abat sur nous. 

Le compte rendu du colonel Paillas continue:
A la tombée de la nuit, la situation est la suivante: A droite au 22° R. V. E. perte des boqueteaux de la
première ligne; mais les localités de Fresnes-Mazancourt, Misery, et plus en arrière Marchelepot tiennent toujours.
Au centre Sous-secteur du 117° R. I. par des attaques d'infanterie et de chars, l'ennemi a enlevé successivement Belloy vers 14 heures; Estrées 16 h 30; Berny 17h 00; Ablaincourt 19 heures; Deniécourt 21 h 30. Le P. A. de Pressoir avec le P. C. du Régiment continue seul à tenir.
A gauche Sous-secteur du 41° attaques d'infanterie non appuyées par chars. Positions maintenues intégralement.

Pour cette journée du 5 juin à Chaulnes, je rapporte quelques remarques de l'abbé Legrand :
Vers 7 heures, on était venu nous dire que les Allemands étaient déjà à 20 kilomètres au sud et qu'il fallait se rendre.
Mais les soldats du 22° Etranger nous disent: l'infanterie
française tient et il ne faut pas se dégonfler. Il ne faut pas se rendre.

Vers 2 heures de l'après-midi, le lieutenant Percerou (du 2I0° R. A. D. qui fut tué le lendemain matin) arrive et déclare: « L'infanterie allemande est en vue. Il faut rassembler vos, munitions et venir vous défendre aux barrages antichars. .

La nuit du 5 juin au 6 juin le pilonnage d'aviation est terrible. . .

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