Larroque des Arcs, pittoresque mais pauvre village sur les bords du Lot, est encombré par un dépôt d'isolés, Plusieurs centaines d'hommes de toutes armes y sont rassemblés avec quelques officiers.
Au milieu d'eux, le régiment prend conscience de sa cohésion et de sa force, et pourtant, qu en reste-t-il ? Au 25 juin, jour de l'Armistice, l'effectif du 41èmeR. I. est le suivant: 17 officiers, 63 sous-officiers, 446 hommes de troupe.
Le 26 juin, devant le général Lenclud, en deux compagnies commandées par le capitaine Dunand et le lieutenant Hervé, les restes du régiment défilent dans un ordre impeccable. Six de nos chenillettes revenues.de la Somme par leurs propres moyens participent au défilé.
Parmi les isolés plusieurs ont les larmes aux yeux. En termes sobres et bien sentis le général Lenclud félicite le régiment de sa belle tenue au feu, de sa cohésion et de son courage pendant la retraite, et il termine en invitant tous ceux qui l'écoutent à prendre modèle, dans la dure période qui commence, sur notre régiment breton qu'il est fier d'avoir sous ses ordres.
Le 27 juin, au cours d'une prise d'armes, le commandant Jan remet à quelques-uns d'entre nous la croix de guerre.
Le 29 juin, au cours d'une prise d'armes de la VIIème Armée, à Pompadour, le général Weygand remet au capitaine Dunand la Légion d'honneur et à I'adjudant Tardiveau la médaille militaire. Dans une
allocution impressionnante, le général Weygand félicite la VIIème Armée dont le front n'a jamais été enfoncé, qui a toujours résisté suivant les ordres reçus et qui est parvenue à l'Armistice avec une cohésion unique dans toute l'Armée. Il déclare avoir invité le gouvernement à demander l'Armistice dès le 12 juin et déplore le calvaire infligé à l'Armée par son refus.
Le 30 juin, le régiment fait mouvement vers le Nord, en camionnettes. Il restera cinq jours dans des nouveaux cantonnements, à 20 kilomètres au Nord-Ouest de Brive. P. C. R. I. et C. D. T. au château de la Perche, C. H. R. à Chabrignac, 9ème compagnie à Juillac.
Le 6 juillet, il fait à nouveau mouvement vers le Nord et s'installe à 18h30 à Saint-Priest-Ligoure, à 27 kilomètres au Sud de Limoges. Il y restera jusqu'au 6 août, date de sa dissolution. La démobilisation, puis la répartition des démobilisés d'après leurs destinations ne laissent subsister à Saint-Priest-Ligoure qu'environ 200 hommes du régiment. Ce n'est que le 19 septembre 1940, après un dernier défilé, que les restes du régiment quittent le petit bourg où ils ont été parfaitement accueillis, accompagnés par cinq de leurs officiers non encore démobilisés. Ils rentrent enfin le 22 septembre en Bretagne qu'ils ont quittée un an et trois semaines auparavant.
Reconnaissant la brillante conduite du 41ème R. I., le gouvernement du maréchal Pétain a reconstitué le régiment au mois d'octobre 1940.
Le nouveau 41ème R. I. tient garnison à Brive. C'est, avec le 65ème de Nantes, le seul régiment breton d'infanterie qui subsiste à l'heure actuelle.
La citation suivante à l'ordre de l'Armée a été décernée au 41ème R. I. le 29 juin 1940, sous la signature du général Weygand (ordre n° 78 C.): « Superbe régiment dont la fermeté et l'abnégation peuvent être citées en exemple. Les 5 et 6 juin 1940, submergé dans ses points d'appui par des éléments blindés, soumis à des bombardements d'aviation et d'artillerie d'une extrême violence, le 41ème R. I., sous les ordres du lieutenant-colonel Loichot, a tenu magnifiquement, fait de nombreux
prisonniers et ne s'est replié en combattant que sur l'ordre du commandement, accomplissant avec succès un mouvement de repli particulièrement difficile. »
Le 41ème R. I. fait l'objet d'une nouvelle proposition de citation pour sa belle conduite pendant la suite de la campagne.
Alors qu'il se trouvait prisonnier en France, le lieutenant-colonel Loichot a reçu la visite d'un officier supérieur allemand qui a tenu à lui exprimer personnellement son admiration pour la tenue particulièrement courageuse au feu du 41ème R. I. dans la Somme.
Les Anciens du 41ème R. I. gardent fidèlement le souvenir de tous leurs camarades tués, blessés ou prisonniers, et rendent hommage à tous ceux qui, par leur brillante conduite, ont ajouté une nouvelle page de gloire à l'histoire de leur régiment.
Le 1er août 1941,
Lieutenant LUCAS, Lieutenant HERVÉ.
EDITIONS DE MONTSOURIS, 1, rue Gazan, Paris (XIVè)