A Vermandovillers, la nuit tombée, on évacue les derniers prisonniers.
Du côté d'Ablaincourt, on voit passer des chars allemands.
Avec beaucoup de difficulté, on peut amener les blessés de Foucaucourt, Soyécourt, Herleville, que les ambulances transportent au delà de Lihons, au G. S. D. Il faut louer le courage, en ces jours de combat, des conducteurs de sanitaires et des brancardiers, car le risque est grand sur les chemins, dans l'obscurité; il arrive que des engins blindés leur envoient quelques balles.
A la chute du jour, nous ensevelissons un des nôtres, le sergent Fuzel et un Allemand. Une section rend les honneurs.
Un infirmier autrichien et un autre prisonnier suivent le corps de leur camarade.
Le capitaine Levreux s'occupe de tout avec beaucoup de calme et de courage. Dans les heures difficiles que nous vivons, il exerce avec savoir-faire et autorité le commandement de sa Compagnie et du village; il paraît fatigué.
Nons le sommes tous.
Partout la résistance continue, à Foucaucourt, à Soyécourt, à Herleville, à Fay.
Toutes les heures arrive l'appel par radio de la 10° Compagnie de Fay, encerclée : « Nous tenons toujours, envoyez des renforts, des munitions, des vivres » Hélas! rien ne peut passer.
Nous sentons tous que demain sera la lutte suprême, puisque tout est tombé à notre droite. Déjà l'ennemi est au delà de Chaulnes, et descend sur Roye; il est même derrière nous à Rosières.
Nous avons l'ordre formel de ne pas nous replier, et personne n'y songe.
Le médecin-commandant Le Cars se demande où il pourra soigner les blessés.
Dans leurs tranchées, les hommes continuent de creuser et de veiller.
Notre situation est tragique. Dans une dépendance de la ferme un dernier blessé allemand agonise.
Pour le 41° aussi, c'est l'agonie!
Tandis qu'autour de lui l'étreinte se resserre.
Car les camions allemands, en longues colonnes, descendent sans arrêt, à notre droite, par toutes les routes, vers Chaulnes, vers le sud; leurs phares font des trous de lumière dans les ténèbres, leurs klaxons retentissent.
On perçoit le vrombissement de quelques avions; les projecteurs de la D. C. A. ennemie (le lieutenant Lucas en compte 7) fouillent le ciel; deux de ces projecteurs sont déjà en place à 4 ou 5 kilomètres au sud de Vermandovillers. . .