Le Capitaine FAUCHON, Commandant la 11è Compagnie du 3è Bataillon
au Colonel PAILLAS, Commandant l'Infanterie Divisionnaire
Partie de Dietrviller, le 17 mai, en même temps que la 9è Cie du capitaine Dunant, la 11è Cie a été embarquée en train le 18 mai à Dannemarie, avec le reste du 3è bataillon ( Commandant Jan ). Arrivée le 20 mai à Creil. Débarquement sur routede la Lys, en autobus vers 23 h 00. Débarquement le 21 mai, à 3 h 00 dans l'Oise, à 4 ou 5 km de Ressons sur Matz. Marche jusqu'à Ricquebourg et cantonnement bivouac. L'après midi, reconnaissance par le chef de Bataillon et les commandants de Compagnies, à Crapeau-Mesnil, que les civils évacuent. Mitraillade sans perte par des avions ennemis ( 40 bombardiers escortés par des chasseurs ). A 21 h 30, départ à pied du Bataillon pour Carmy-sur-Matz, par La Beslière. Travaux d'organisation défensive du village les 21 et 22 mai. Reconnaissance avec le chef de Bataillon de Les Loges et du bois des Loges en vue d'une occupation défensive éventuelle.
Le 23, à 2 h 30, préparatifs de départ du bataillon. Contre-ordre: on ne s'arrêtera aux Loges que pour s'approvisionner et repartir. Marche par Chapeau-Mesnil, Amy (désertion du soldat Pierre Trumier de la 4° Section en cours de route); passage de l'Avre à Roiglise (tirs de mitrailleuse de D.C.A. contre avions)
l'après-midi marche par Carrepuis (Somme) et Gruny-sur-Cremery, survolés par des avions allemands qui provoquent des incendies vers Nesles. Halte pendant que le Commandant Jan va aux ordres (Eventualité d'une attaque avec chars pour rejeter, d'ordre du Général Frère, les allemands au-delà de la Somme, sur Peronne). Continuation de la marche par Liancourt, Fosse, Fonchette, jusqu'à Puzeaux ou le Bataillon se barricade de nuit, survolé par des avions allemands.
Le 24 mai, départ du bataillon, en marche d'approche, pour prise de contact, par Chaulnes. De Chaulnes, progression - 10è Cie (Capitaine Dorange) et 9è Cie en 1er échelon, suivies des mitrailleuses, la 11è Cie en 2è échelon - sur Vermandovillers, Soyécourt, Estrées et Deniécourt. Les 1er fusants boches apparaissent au-dessus en arrière du bois séparant Soyécourt d'Estrées. Au débouché de ce bois, la 11è Cie traverse en ordre, un tir de barrage ennemi qui lui, tue les soldats Ramel et Lebris. Auparavant, la 9è Cie, quelque peu désaxée vers la droite, avait pris contact avec l'ennemi, et s'était arrêtée au Sud-Est d'Estrées, Diénécourt. Dans Estrées - Déniécourt, le Commandant jan arrête le reste de son Bataillon et s'y organise défensivement. La 11è Cie renforcée d'I.S.M se forme en deux points d'appui fermés, dans la partie Ouest. Nos feux d'armes automatiques arrêtent les éléments isolés d'infanterie de Fay et d'Assevilers. Je suis sans liaison à gauche.
Le 25 mai, amélioration de l'organisation des point d'appui. Récolte des liquides inflammables. Je suis prévenu que le 26 mai à l'aube, la 11è Cie marchera seule, avec I.S.M sur Fay pour enlever ce village et ensuite devenir compagnie de 2è échelon, du 3è Bataillon. Si le Bataillon part appuyer l'attaque que le 1er Bataillon du Cdt Hermann effectuera sur Assevilers, à 3 h30, à ma droite, en débouchant lui aussi par mon P.A . . . Aussi, au coucher du soleil, je me mets en observation à l'Ouest d'Estrées en bordure de la route de Foucaucour et, à la nuit, guide une patrouille avec F.M, rechercher si l'ennemi n'occupe pas la lisière du bois voisin des premières maisons du Sud de Fay, car une mitrailleuse allemande dans ce bois au débouché de l'attaque du lendemain pourrait causer une hécatombe dans la 11è Cie. La patrouille ne reçoit pas de coup de feu, mais repère quelques sentinelles à la corne Sud-Est du bois et près de la 1ère maison de Fay. Au retour, nous vérifions que le local de la bascule, sur la route de Fay, n'est pas occupé. Je rends compte au commandant Jan et demande (ce qui m'est accordé) de me laisser placer à l'Ouest d'Estrées, avant le débouché de l'attaque, une S.M (section Saillard) qu'il récupérera à mon entrée dans Fay, et qui aura pour mission, quand je progresserai sur Fay à l'Est et sur la route de la bascule à Fay, de neutraliser par ses feux les armes ennemies, s'il venait à s'en révéler à la lisière du bois ou à l'entrée Sud de Fay. Au petit jour, en même temps que Saillard, je place le Sergent Roussel avec un tireur et un chargeur de F.M au local à bascule, pour provoquer en temps utile, par quelques rafales de F.M sur le bois, la riposte ennemie qui décèlerait une arme automatique allemande.
Le 26 mai, la 11è Cie attaque en colonne double: à gauche, section Le Breton, suivie à 100 m de la section Philippe; à droite, section Holtz suivie de la section Véron; les deux groupes de mitrailleuses de la section Catherine - Duchemin intercalés entre les deux échelons; je marche au centre droit à la hauteur des éléments de tête, ma section de commandement de l'adjudant Maignant derrière moi, ainsi que le mortier de 60, ou j'ai fait pourvoir au remplacement du Caporal-chef Le Vavasseur permissionnaire par l'intérim de l'Adjudant Baot de la C.R.E . . . L'occupation de Fay, manoeuvré par la droite, et nettoyé par les section Philippe, se fait sans autre incident qu'un blessé (Soldat Bourel de la section Le Breton). La Cie, en colonne double, suit les foulées des colonnes allemandes dans l'herbe humide et s'arrête à 500 m au delà de Fay au sommet d'une crête d'ou les vues sont superbes. Je n'ai aucune liaison avec le 1er Bataillon, dont l'axe de marche était divergent du mien, et n'ai pu obtenir, avant le départ, aucune indication sur la situation à ma gauche. Je m'enterre sur place, en arc de cercle largement étalé, épousant la ligne de faîte des crêtes au Nord et au Nord-Ouest de Fay, avec à droite de la route de Fay, à la sucrerie de Dompierre, mon mortier de 60 et un groupe de mitrailleuses, et à gauche, l'autre groupe de mitrailleuses. Notre crête est balayée par les mitrailleuses allemandes, mais, grâce à nos trous et nos camouflages, nous ne déplorons aucunes pertes. Deux attaques d'infanterie allemande s'élancent alors contre la 11è Cie, dont l'une vers midi. Elles sont repoussées par nos tirs de mitrailleuses et la seconde qui, partie de Dompierre, tentait de nous tourner par la gauche boisée, par le mouvement en avant et les feux des sections Le Breton et Philippe. Les pertes infligées à l'ennemi me permettent de le bluffer et ce n'est que par ordre, vu le retrait du 1er Bataillon sur Estrées, que la Cie rentre, à 23 h 00 à Estrées - Deniécourt, sans que l'ennemi se hasarde à la suivre. Vers 24 h 00, la Cie s'organise dans Estrées sur ses emplacements de la nuit précedentes.
Le 27 mai, le Commandant Jan me demande si je suis volontaire pour retourner occuper Fay. Après réponse affirmative, je pars avec un groupe de combat soutenu à vue par les reste de la section Philippe, patrouiller dans la lisière boisée à gauche de la route de la bascule et constater que Fay était libre, et la 11è Cie, en groupement temporaire avec la 4è section de la C.A.3 (qui n'a plus que trois pièces en état de tirer) fait sans incident, à 15 h 00, l'occupation de Fay, avec mission d'y tenir pour permettre des opérations projetées. Je demande en vain les mortiers de 81 du Bataillon mais j'obtiens un tir d'artillerie sur l'observatoire allemand repéré au crépuscule dans la sucrerie de Dompierre. Les mitrailleuses allemandes n'avaient causé aucune perte à mes éléments avancés de jour à la crête de 500 m en avant de Fay. De 24 h 00 à 1 h 00 du matin, bombardement d'artillerie allemande et Minenwerfer concentré sur le village. Comme nous n'y avions que la section Philippe et le mortier de 60, avec l'Adjudant Baot, les pertes s'y limitent à 2 blessés évacués (Sergent Roussel et le Soldat Gagnot).
Le 28 mai, après midi, un détachement d'assaut allemand vient occuper un petit bois circulaire entre la route de Fay et la sucrerie et celle de Fay à Assevillers et, par des feux nourris de mitrailleuses, soutient d'autres groupements d'assaut attaquant la section Holtz sur son flanc droit. Le Lieutenant Holtz se défend par le feu et le mouvement en avant, tandis que je me porte à sa hauteur avec le groupe Le Goff de la section Le Breton et la mitrailleuse. ( la seule en état de tirer du groupe voisin ). Je commande un feu par salve du groupe Le Goff qui doit s'arrêter, puis un feu fauchant de ma mitrailleuse qui fait taire le boqueteau que les ennemis évacuent. Une rafale de minen arrose le groupe Le Goff, puis un Dornier descend sur lui en vol piqué. Je donne au F.M et la mitrailleuse l'ordre de tirer droit dessus l'avion, tandis que le sergent Le Goff fait tirer tous les fusils et mousquetons de son groupe. A la 3è section, Holtz fait de même. Le Dornier arrête sa descente, et tente de filer en rase motte, puis, après déviation va s'abattre en flammes dans les bois au milieu de nos hourras. Une patrouille du Sergent Gabe au boqueteau des assaillants repoussés. Puis, après visite du Commandant Jan, puis du Colonel Loichot, le dispositif de la Cie est resserré dans Fay pour la nuit et les jours à venir, vue la situation du Bataillon.
Le 29 mai, patrouilles du Sous-Lieutenant Philippe dans le ravin boisé à gauche et du Commandant de Compagnie vers les crêtes occupées par nous la veille. Cette 2è patrouille, ayant reçue des rafales lointaines de mitrailleuses du versant ouest du ravin boisé, je fais tirer la mitrailleuse déplacée au cours d'une précédente alerte du cimetière jusqu'au voisinage de la section Philippe, et le ravin rentre dans le calme.
Après-midi, un groupe ennemi venu de Dompierre met en batterie un mortier derrière le bois au Nord-Est du ravin situé à notre gauche. Sur renseignements précis de mon observateur Le Sagnoux, un tir du mortier de 60, dirigé par l'Adjudant Baot, met rapidement hors de combat le mortier ennemi dont l'équipage se replie, ramenant ses morts. Des éléments ennemis, qui s'étaient rapprochés en sous bois et tiraient à la mitrailleuse, se replient aussi.
La section Véron en liaison avec la section Le Breton, procède à des travaux d'organisation d'emplacements interchangeables de combat pour que la section de manoeuvre puisse faire face à toutes éventualités. La Cie reçoit une note du Commandant Jan, lui transmettant les félicitations du Colonel Loichot. Dans la soirée, une note du Colonel me prévient que deux sections de chars, précédant deux sections de voltigeurs du 1er Bataillon progresseront sur Fay pour nettoyer mes arrières des infiltrations ennemies dans les bois à ma ma gauche, pour donner au Commandant des chars tous renseignements utiles. Ordre exécuté après avoir fait dégager l'un des deux barrages aux issues vers le ravin boisé. Vers 21 h 30, les chars, dont les mitrailleuses produisent en tirant, le même que celui des mitrailleuses allemandes, débouchent sur Fay par le sud et tirent à l'aveuglette sur nous au canon et à la mitrailleuse. Par miracle, personne n'est tué. Malgré nos signaux, les chars continuent à tirer, ne s'arrêtent que lorsque j'ai pu, près de l'église m'agripper au char de tête et me faire reconnaître. Le Lieutenant des char déclare qu'il a juste assez d'essence pour rentrer. Le souvenir de cet incident devait le 7 juin au matin, me faire croire, devant l'arrêt et la cessation de tir d'un char dont le chef se dressait en levant les deux bras, qu'il s'agissait encore une fois d'une méprise d'un de ces nouveaux chars Français, dont on nous avait laisser espérer, à maintes reprises, la contre-attaque en notre faveur et cette méprise, si courte fut-elle, devait faciliter à l'ennemi la mise hors de combat des survivant de la 11è Cie jusqu'alors jamais vaincue.
Le 30 mai, à 3 h 30, dans le brouillard, ruée de stosstruppen utilisant le feu d'une mitrailleuse et d'une mitraillette, contre le groupe Cabe de la section Holtz, terré en trous individuels à quelques mètres devant le carrefour Nord de Fay ( vers la sucrerie et Assevillers ). Notre groupe résiste héroiquement sur place et les allemands se replient en hurlant, en emmenant leurs blessés. Un mort: le soldat Bigot Joseph. Les allemands laissent sur le terrain du matériel qu'une patrouille ramène au jour. A mon arrivée à la 3è section, le Lieutenant Holtz avait fait prendre à temps toutes dispositions utiles. J'ajoute le Sergent Cabe ( déjà cité dans la Sarre ) et les soldats Bigot et Salun Henri sur l'état des proposition des citations de la Cie, immédiatement signalés à ma diligence au Commandant Jan et fais procéder aux obsèques de Bigot au muretin Est de l'Eglise. Je resserre le dispositif de la Compagnie du côté du ravin et passe les consignes au Capitaine Dunant venu reconnaître. Après-midi, patrouille du Commandant de Compagnie dans le ravin, donnant la chasse à une patrouille ennemie. Relève à 22 h 00 par la 9è Cie. Installation dans Estrées - Deniécourt en 2 P.A. fermés avec une S.M pour ossature.
Le 31 mai, organisation des points d'appui . . . Quelques tirs d'armes automatiques sur des isolés allemands venant d'Assevillers. Relève vers 22 h 00 par le 117è R.I . . . Notre Bataillon, dont la 9è Cie reste à Fay, part à Soyécourt relever des éléments du 1er Bataillon. La 11è Cie, s'installe en P.A fermé autour de l'église et de l'école-mairie avec la 4è section ( à 3 pièces ) de la C.A.3, un canon de 25, un canon de 75, tandis que la 10è Cie, les mortiers de 81, les mitrailleuses de 20 et la C.A.3 ( Lt George ) forme un autre P.A fermé dans Soyécourt Sud autour du P.C du Commandant Jan, avec un canon de 75. Pas d'éléments amis entre nous et Estrées. Devant nous le 1er Bataillon ( Capitaine Giovannoni ) à Foucaucourt. A gauche des éléments amis à Herleville, hors de vue . . .