Texte issu du journal de la résistance bretonne n°99 de 1996
Nous voici à Marzan !!! cette commune dont le nom est venu s'ajouter à la longue liste des communes martyrs de France et du Morbihan, avec ses 15 victimes innocentes de la guerre.
Voici un peu plus de 52 ans, en ces lieux, était stabilisé le Front de la Vilaine. Sur la rive gauche, environ 25000 soldats de l'armée allemande, bien armés, aguerris et déterminés à nous créer le plus de soucis possible, pour nous immobiliser ici et empêcher l'utilisation des ports et les approvisionnements des armes alliées. La même tactique était appliquée à Royan, La Rochelle, Lorient et Dunkerque.
En faisant sauter le pont de la roche Bernard le 15 août 1944, la route de Saint-Nazaire nous était barrée sur 60 km, de Billiers à Redon.
Bien entendu, sur le Canal de Nantes à Brest et au sud de la Loire, la même chose était faite par les allemands, enfermant avec eux plus de 100 000 Français qui eurent encore à souffrir de privations et de manque de liberté pendant 9 longs mois de plus que nous. Pourtant, à cette troupe confinée dans son réduit, il lui manquait une chose primordiale: L'ESPOIR. Il avait changé de camp.
La veille, nous étions les soldats de l'ombre, ne nous déplaçant que la nuit en nous cachant pour ne pas être surpris pas cet ennemi implacable, qui toujours, nous recherchait et nous pourchassait. Nous étions à peut près bien armé en armes légères qui nous avaient été parachutées ou que nous avions prises à l'ennemi dans des embuscades que nous lui tendions, quelque fois victorieuses, mais souvent, hélas, meurtrières. Il fallait pourtant harceler cet ennemi redoutable. C'était l'un des principaux objectifs des maquis. Faire en sorte qu'en aucun lieu, à aucun moment, l'ennemi se sente en sécurité ! Je pense sincèrement que cet objectif fut atteint et que nombre d'unités allemandes ne purent rejoindre le Front de Normandie où elles auraient pu faire changer le cours de la bataille. Une citation Américaine à toute les unités F.F.I du département du Morbihan, atteste que nous avons rempli notre contrat.
Nous étions enfin face à l'ennemi, au grand jour. Seule, la Vilaine, dans sa neutralité, nous séparait, elle nous protégeait contre un retour de l'ennemi, mais il fallait ouvrir l'oeil. A plusieurs reprises, il franchit le Vilaine. D'abord le 23 août à Billiers, alors que nous n'étions la que depuis deux ou trois jours, nous eûmes 2 morts et 7 blessés. Il était revenu à la pointe de Penlan pour reprendre les munitions qu'il avait laissées dans sa précipitation quelques jours auparavant ( un prisonnier que nous avions fait nous le confirma lors de son interrogatoire ). La douzaine d'hommes débarqués la nuit repartit la nuit suivante sans rien pouvoir emporter. Au retour à Pénestin, ils n'étaient pas au complet. L'un d'eux se noya en voulant rejoindre à la nage, et peut-être d'autres . . .!!!
Puis ce fut l'attaque du 24 septembre au Moustoir en face de Tréhiguer. Cette fois, l'ennemi était en force et il fit même donner l'artillerie qui tira jusqu'à Muzillac. La 1ère Compagnie du 1er Bataillon F.F.I perdit 6 hommes et eut de nombreux blessés. Avec des renforts arrivés de Vannes en toute hâte, l'ennemi fut repoussé, emportant avec lui une partie de ses morts et blessés. Il brûla aussi des morts dans une meule de paille à Bourgerelle. On nous l'a confirmé. Qu'étaient-il venus faire la ? Peut-être essayer de se ravitailler ? Peut-être tâter nos forces et poursuivre sur Vannes ? Nous ne l'avons jamais su. Toujours est-il qu'il fut contraint de se replier avec des pertes plus importantes que les nôtres.
Il y eut une autre tentative à Noël 1944 à Vieille Roche en Arzal. Là, nous fûmes prévenus à temps par Jean Panneleux résistant de camoël, qui vint jusqu'au bord de la Vilaine, au péril de sa vie, en face de mon poste, nous avertir que les Allemands amenaient des barques à Vieille Roche pour une traversée.
La 1ère Compagnie devenue 10ème compagnie du 3ème Bataillon du 41ème R.I fut avertie et se prépara à recevoir les visiteurs. Les armes automatiques furent tellement bien huilées qu'au moment d'ouvrir le feu, elles étaient gelées. le temps de les dégeler, le plus naturellement du monde, heureusement, les armes individuelles purent ouvrir le feu. Dans la nuit, il y eut des cris, et ce ne furent pas des cris de joie. Il y eu certainement des morts et des blessés et les barques firent demi-tour.
Du côté de Rieux, il y eut aussi quelques tentatives sur la rive droite. Au Pont d'Aucfer, nous déplorons un mort dans les rangs du 9ème bataillon.
Devant le pont détruit de la Roche Bernard, deux hommes de la 11ème Compagnie du 3ème Bataillon du 41ème R.I sautèrent sur une mine.
Le jour de cessation des hostilités, un homme de cette même compagnie ne pensant déjà plus à la guerre, reçut une balle en plein front. Ce fut peut-être, le dernier mort de la guerre et certainement le dernier du front de la Vilaine.