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Le temps des premiers réseaux

Le temps des premiers réseaux

Dans les années 1940 à 42, si d'embryonnaires réseaux opéraient déjà dans certaines
régions, notamment sur les côtes où des équipes de renseignement très actives
agissaient, l'essentiel de la Résistance s'organisait depuis l'Angleterre.

C'est ainsi que, dans le Morbihan, près du site où se tint la première bataille de la
Libération, avant même celle du Débarquement en Normandie, les premiers
réseaux se mirent en place en décembre 1942 autour de l'opération Cockle
(coquillage en anglais). Celle ci se déroula dans la nuit du 21 au 22 décembre 1942 et se traduisit par le parachutage de deux agents sur l'étang au Duc de Ploërmel depuis
l'Angleterre.

Leur mission consista à recruter et former des petits groupes de volontaires dans le but
de repérer des terrains de parachutage et, par la suite, d'y réceptionner et de camoufler
les armes et les explosifs largués, destinés à servir dans de futurs sabotages et opérations de guérilla. Dès son arrivée, l'un des deux par le biais d'un camarade du commandant de la gendarmerie de Ploërmel, le lieutenant Téophile Guillo. C'est le début du réseau Action.

Ensemble, les trois hommes mettent en place une équipe de jeunes Morbihannais
très active. Guy Lenfant (nom de code Le Breton), organisa plusieurs équipes de
parachutage. Le commandant de la gendarmerie prit la responsabilité de tous les
dépôts d'arme constitués en cachette. Leur transport fut confiée à d'autres recrues,
comme Emile Guimard ou Raymond Guillard. Ce dernier, ainsi, participa à la plupart des parachutages dans le secteur de Sérent et Lizio et au convoiturage des
précieux colis, au moyen notamment d'une Citroën 11 U équipée en gazogène et équipée d'un double fond. Le véhicule appartenait à la famille Malard, deux soeurs
commerçantes à St-Aubin en Plumelec qui, au péril de leur vie et de celle de leur
famille ne ménagèrent pas leurs efforts, aidées par leur employé Henri Tanguy.
D'autres résistants (FFI essentiellement) furent hébergés secrètement dans la région
jusqu'en 1944. Deux jeunes de Saint-Brieuc et Elven furent ainsi cachés à la ferme du
Pelhué, en Plumelec. "Ils étaient recherchés par les Allemands, se souvient Joseph Jégo,auteur de Rage, action, tourments au pays de Lanvaux, interviewé en 2004. Nous
avons assuré leur protection. A l'époque, nous étions encore tranquilles. Les
Allemands ne contrôlaient guère le secteur pour débusquer les réfractaires du Service
du travail obligatoire." Lui même s'est soustrait de ses "obligations" à l'âge de 21
ans. " J'ai été convoqué au Service du travail obligatoire en 43. Je n'avais aucune
envie de partir là-bas. Un ami m'a alors proposé de le rejoindre dans la Résistance. Je
me souviens qu'il m'avait alors dit : comme ça, le jour où il se passera quelque chose ici, on sera au moins deux ! On barrera les routes ! En réalité, nous furent bien plus.

Nous découvrîmes que de nombreux contacts avaient été déjà pris avec des engagés. "Au départ, on nous chargea surtout de porter des messages, en conviant en cachette de points de ralliement." Puis, les choses évoluèrent. En mai 44, Joseph Jégo
participa à la destruction de rails de chemin de fer au Roc-Saint-André et à l'abattage de lignes électriques. Le groupe était aidé en cela par une agente de liaison parachutée
depuis l'Angleterre, Jeanne Bohec, dit Micheline. "C'est elle qui nous a appris à
faire des explosifs faciles à partir de produits en vente en pharmacie. Une autre agente
de liaison, Annick Perrotin, fille de commerçants de Plumelec (et rattachée à la
7e compagnie), a également beaucoup fait pour nous. " Les compagnies de gendarmerie
non plus ne firent guère preuve de zèle pour dénicher les réfractaires au STO. "Des
gendarmes de la brigade de Saint-Jean quittèrent leurs fonctions et rejoignirent le
maquis. Leur brigadier chef se garda bien de signaler leur désertion." Les gendarmes
de Malestroit soutinrent également le maquis dans les mois qui précédèrent la bataille. C'est début février 43 qu'eut lieu le premier parachutage, marquant une étape
clef dans la constitution du maquis. D'autres suivirent jusqu'au mois de juillet dans tout le secteur. Autant d'opérations nocturnes qui n'étaient pas sans attirer l'attention des
habitants avec le risque de venir aux oreilles des ennemis. Le ronronnement des
avions au-dessus des drop-zones s'entendait plusieurs kilomètres à la ronde. Par chance, rares furent les incidents : la nuit du 22 au 23 mai à Lizio, un container frôle une ligne électrique. Le parachute reste accroché aux câbles, provoquant une grande lueur et une détonation. Le court-circuit contact prive la région de courant pendant 24 h. Mais le comité de réception parvient à localiser et récupérer l'indiscrète cargaison... de sept tonnes ! Toutes ces opérations permirent d'affiner le choix des drop-zones. La vaste clairière, bien protégée, de La Nouette en Sérent, retint l'attention des réseaux de résistance du Morbihan, dirigé par le colonel Morice.

Surnommé La Baleine, le terrain fut retenu pour les premières réceptions dès mai 1943
avec l'accord et l'aide de la famille Pondard, propriétaire de la ferme de la Nouette. Il
sera utilisé lors de la fameuse bataille et fera office de base (commandement, infirmerie, dépôt) en juin 1944. Les FFI savent alors qu'ils pourront compter sur plusieurs centaines voire milliers d'hommes, plus ou moins formés, épaulés par les Special Air Service.

C'est quelques semaines avant seulement, que la décision d'organiser l'opération de
déstabilisation, parallèlement au débarquement, depuis le terrain de La Baleine fut prise. Le commandant FFI Morice, de son vrai nom Paul Chenailler, et son adjoint Emile Guimard se trouvaient dans leur poste de commandement à Saint-Aubin en Plumelec quand ils entendirent les vers de Verlaine annonçant Les Sanglots longs des violons de l'automne bercent mon coeur d'une langueur monotone. Quatre agents de mission et trois agentes de liaison sont à leur côté, prêts à intervenir : ordre fut en effet donné de rallier tous les commandants de bataillons pour les aviser de rejoindre l'Etat major dans la soirée. Le Colonel Morice annonça la mobilisation générale avec pour consigne de se rendre au terrain de La Baleine par petits groupes. En l'occurrence, Joseph Jégo rappelle dans son ouvrage que l'Etat major fut quelque peu ulcéré de voir débarquer à La Baleine les troupes de maquisards à près de cent : Dans la région de Ploërmel, citons des actes
de résistance isolés, spontanés : le Liziotais Pierre Golvet fut ainsi l'un des premiers
résistants de la région en permettant dès 1940 à plusieurs prisonniers de s'enfuir.

Après la débâcle française et la constitution de la zone occupée, les Allemands
ordonnèrent aux anciens combattants de se présenter en mairie à leur convocation pour
les démobiliser et les envoyer en Allemagne comme prisonnier de guerre. Pierre Golvet
obtint la complicité du maire de l'époque de Pontivy, Eugène Frotté, pour faire extraire
plusieurs prisonniers de Lizio (il en fut de même à l'échelle de nombreuses communes)
à leur transfert vers l'Allemagne.

En 1944, le Liziotais, remplaçant du maire, fait prisonnier en Allemagne, parvint également à empêcher les Allemands de mettre le feu à la ferme de La Grée-aux-Moines, domicile du commandant Emile Guimard lui-même, activement recherché
par l'occupant. Il est à noter bien sûr "Le périmètre du camp de Saint-Marcel fut sans cesse élargi, au fur et à mesure qu'arrivaient les maquisards. Au bout d'une
dizaine de jours, nous étions deux mille puis deux mille cinq cents et enfin probablement plus de trois mille ! On ne s'attendait pas à autant de monde. Il fallait alimenter le siège en permanence. Tous les fours à pain des fermes environnantes tournaient à plein régime et des charettes apportaient quantité de viande, de cidre... Le rythme était ponctué chaque nuit par les parachutages d'armes et de munitions. Ce fut comme ça jusqu'au matin du 18 juin !" - et la liste est non exhaustive - la participation active des soeurs de la communauté des Augustines, à Malestroit, à commencer par soeur Yvonne Aimée. La communauté accueillit dès mai 40 des réfugiés religieux et civils, une femme enceinte juive traquée par les Allemands en octobre 1941, des soldats du Nord de la France... Elle tint tête à la Wehrmacht désireuse d'occuper la clinique en ne lui concédant qu'une petite partie des locaux tout en continuant à soigner en cachette en 1943 et 1944 des aviateurs américains, des FFI blessés et même le général Audibert, chef de la Résistance de l'Ouest, qui fut hélas repéré et arrêté par les Allemands en découvrant dans ses effets personnels une valise à double fond. La clinique a soigné de nombreux résistants et plus d'une dizaine de parachutistes à l'issue de la bataille de St-Marcel. A l'issue de la guerre, soeur Yvonne Aimée reçut six médailles françaises, anglaises et américaines.

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