Depuis le 6 juin et le débarquement en Normandie (1 ), des maquis se forment un peu partout
en Bretagne . L'un d'eux se forme près du village de Saint-Marcel (2), au hameau de la Nouette. Le 10 au
matin, le commandant Caro et 500 hommes rejoignent le poste de commandement, afin d'en assurer
la protection.
Dans la nuit du 9 au 10, une cinquantaine d' hommes du commandant Bourgoin (3) sautent sur le camp, et une centaine d'autres vont suivre dans les nuits suivantes .
Sur la demande de Bourgoin, Morice (4) invite les bataillons FFI à rallier la Nouette, par petits groupes, afin de percevoir des armes. Presque toutes les nuits, des avions larguent des containers (5) .
Durant la nuit du 13 au 14, les FFI de Le Garrec (région d'Auray) rejoignent le camp. Une telle activité ne peut passer inaperçue et les Allemands soupçonnent assez vite l'existence du "camp de Saint-Marcel" (6). Le 18, à l'aube, un accrochage oppose deux véhicules de la Feldgendarmerie et des FFI sur la route de Saint-Marcel à l'abbaye.
Ce son t les premiers coups de feu. La garnison allemande de Malestroit est alertée (7), et deux compagnies sont mises sur pied pour investir le camp. Les Allemands ne pensent avoir affaire
qu'à un faible parti de maquisards. Ils se déploient de Saint-Marcel vers le Bois-Joly. Un poste FFI est
surpris, mais l'alerte est donnée. Il est environ 9 heures.
L'ennemi est à son tour pris à partie par un feu nourri qui lui cause des pertes. Il parvient à gagner la
ferme de Bois-Joly, mais il est repoussé en subissant de lourdes pertes. A 10 heures il reprend son
attaque, avec des effectifs doubles, soit deux compagnies; l'axe est le même, mais l'effort est porté vers le nord du Bois-Joly et Sainte-Geneviève. Les Allemands utilisent des mortiers, mais l'attaque est arrêtée devant le bois de Sainte-Geneviève et les pertes sont nombreuses. Le combat cesse vers 12 heures. Une nouvelle attaque débute à 14 heures, l'ennemi ayant reçu des renforts (8).
(1) Nom de code "Ouerlord",
(2) Saint-Marcel est situé à trois kilomètres à l'ouest de Malestroit.
(3) Le commandant Bourgoin appartient au 4th S.A.S bataillon, futur 2ème R.C.P.
(4) Morice est le pseudonyme du colonel Chenailler, chef des F.F.I.du Morbihan.
(5) L'armement perçu est anglais : pistolets, mitraillettes Sten, engins anti-chars, grenades. . .
(6) Un plan retrouvé montre que les Allemands avaient localisé le camp puisqu'ils le situaient au nord de la route de Saint-Marcel à l'abbaye, entre le hameau des Hardis et la ferme de la Nouette.
(7) Un bataillon de la Wehrmacht (500 hommes).
(8 ) Il s'agit des parachutistes de la division Kreta (venus de Josselin), d'un groupement de la 279ème DI (Redon) et de Géorgiens.
Le front s'étend sur 2500 mètres, entre le château de Sainte Geneviève au nord, et le château des Hardys-Behelec au sud. Au nord, les combats opposent Français et Géorgiens; la lutte dure jusqu'à 19 heures sur un front qui se stabilise à hauteur du château.
Au centre, l'attaque allemande est vigoureuse. A 17 heures 30, la ferme du Bois-Joly est prise. Les
Français se replient en lisière des bois, 300 mètres en arrière.
A 19 heures, une contre-attaque française permet de reprendre le secteur du château de Sainte Geneviève, mais échoue devant la ferme du Bois-Joly. De son côté, l'ennemi accentue sa pression
qui s'étend au sud vers les Hardys-Behelec et l'abbaye. Des rassemblements ennemis sont signalés au nord : à moyen terme, c'est l'encerclement. Le commandant Bourgoin et le colonel Chenailler décident de disperser la base ; commencée à 22 heures, l'évacuation se poursuit jusqu'à minuit (9).
Le 19, au matin, l'artillerie allemande pilonne la ferme de la Nouette. Très vite, les occupants constatent
que l'adversaire a disparu . La répression est alors brutale, et une chasse contre les " terroristes"
s'organise dans toute la région (10). Les blessés et prisonniers capturés sont assassinés. . .
(9) L'évacuation concerne près de 2400 hommes, une vingtaine de camions et quatre ambulances. Les F.F.I. regagnent leur maquis d'origine sans rencontrer d'opposition sérieuse.
(10) La poursuite est laissée à des unités dites "de l'est" ; il s'agit d'escadrons ukrainiens et de bataillons géorgiens.
Au cours du combat, une trentaine de Français ont été tués; les pertes allemandes sont beaucoup plus
sévères (11). La capacité des FFI à rassembler d'importants effectifs et la quantité de la dotation en armements ont surpris l'ennemi. Ils expliquent en partie les lourdes pertes des Allemands.
(11) Le chiffre avancé de 560 semble exagéré ; le nombre de 300 Allemands tués (estimation du capitaine Fay, officier de liaison britannique parachuté à la Nouette) paraît plus près de la réalité. . .