Herleville que defendait le 2° Bataillon du 41° , diminué de la 7° Compagnie, est dans la plaine du Santerre, presque au centre du triangle formé par Foucaucourt, Vermandovillers et Framerville, à deux kilomètres environ au Sud de la route d'Amiens.
Un chemin de terre, légèrement encaissé, le relie à la sortie ouest de Foucaucourt; une ancienne route, aujourd'hui abandonnée, se dirige sur Soyecourt.
A l'est, sur la route de Vermandovillers, existe un bois épais, le Bois Étoilé, où se peuvent voir encore aujourd'hui les anciens ouvrages allemands de la bataille de la Somme, en 1917. La première ligne ennemie passait à sa lisière, Herleville étant aux mains des Français, Vermandovillers celles des Allemands,
Au nord-ouest; deux ravins assez profonds, descendent des rives de la Somme; l'un d'eux aboutit à l'église d'HerIeville; l'autre est bordé par Je bois Saint-Martin.
Trois batteries de 75 étaient en position sur la route de Vermandovillers, la 7° et la 9° du 10° R. A. D., dans le Bois Étoilé, l'autre du 304° R. A. P dans le chemin même Il y avait en outre 2 canons de 47, le premier vers la droite et en avant du Bois Étoilé, le second sur la gauche du 304° R. A. P., vers le calvaire.
La garnison d'Herleville comprenait, autour du capitaine Thouron, commandant le Bataillon, les 5°, 6° Compagnies et la C. A. 2. Pour une raison d'économie, on avait dû se contenter de défendre la partie sud et la partie ouest du village; la partie nord, celle de l'église fort peu bâtie, avait aussi l'inconvénient de pouvoir être abordée par surprise, puisque le ravin tortueux et profond de 5 ou 6 mètres y aboutissait. Les deux pièces de 75 données au point d'appui étaient pointées, l'une vers le nord, en direction de Foucaucourt, l'autre vers l'est, en direction de Soyecourt.
L'attaque sur Herleville.
Le soir du 4 juin, un observateur a constaté que l'ennemi mettait en batterie des minenwerfer.
Le 5 juin, 3 h 30, le bombardement éclate sur Foucaucourt, et peu après sur Herleville. Au même moment, on voit l'infanterie allemande avancer en fortes colonnes, avec une témérité qui lui vaudra de lourdes pertes: elle descend par la droite de Foucaucourt, très nombreuse, débarquée des camions dans la plaine, et par la gauche, entre Foucaucourt et le bois Saint-Martin, dans le secteur du 31° R. T. A. Dans
son rapport sur la contre-attaque menée dans la journée par l'adjudant Tardiveau, le lieutenant Lucas, adjoint au lieutenant-colonel du 41°, écrit qu'un millier de fantassins ennemis étaient venus par la gauche, accompagnés d'une dizaine d'engins blindés, et , en s'infiltrant par le ravin. Ces données sont conformes à celles que j'ai rapportées des observateurs de Foucaucourt.
Les engins blindés n'allèrent pas à Herleville; le témoignage du lieutenant Ravoux, de la C. A. 2, est corroboré par l'affirmation catégorique des sous-lieutenants Cocault, de la C. A. 2 et Geffray de la 6° Compagnie, qui furent de la bataille jusqu'à la fin.
Il semble que deux auto-mitrailleuses se montrèrent à une certaine distance. Mais un coup en plein de nos mitrailleuses les fit s'éloigner. Le sous-lieutenant Geffray vit trois motocyclistes, dans l'avancée du village à droite.
Plusieurs de ces engins blindés vinrent au nord-est du Bois Étoilé, à un kilomètre d'Herleville. Quelques-uns seront, détruits, mais d'autres ont pu repartir, puisque le sergent Morazin, de la 1° section du 1° Bataillon, en surveillance à la sortie sud de Foucaucourt, vit dans l'après-midi « des chenillettes chargées de fantassins rebrousser chemin ».
Vers 5 h 30 le tir des mortiers ennemis ayant cessé, l'infanterie allemande se trouva à 300 mètres de nos défenses, dans notre dispositif de gauche et de droite; notre canon de 75 dut déboucher à zéro. L'ennemi ne parvint pas à entamer nos défenses; ses rafales de mitraillettes firent chez nous quelques blessés et un tué. L'approche par la plaine était très dangereuse, car nos mitrailleuses la balayaient; l'infanterie s'infiltra par le ravin; c'était facile, car nous avons dit que nous n'occupions pas les alentours de l'église. Il semble que pendant un certain temps une mitraillette fut installée dans le clocher; mais elle n'y resta pas. Du reste, nos 75 prirent ce clocher pour cible.
Plus à droite, grâce à un chemin de champ légèrement encaissé (1 mètre), une partie de la colonne allemande, précédée de ses blindés, réussit à se glisser entre Herleville et Vermandovillers, arrivant ainsi à 300 mètres du Bois Étoilé, auquel la plaine forme comme un glacis. J'ai dit que le 10° d'artillerie avait installé deux batteries dans le bois et que le 304° en avait une également dans le chemin de
Vermandovillers, à 400 mètres environ en arrière et à gauche du bois vers Herleville. Deux canons de 47 antichars flanquaient les batteries. Un groupe de 10 hommes de la 7° Compagnie du 41' R. 1. avait été donné en soutien à l'artillerie.
Vers 5 heures du matin, le 2° Bataillon fait une perte très grave: un obus tue le lieutenant Yves Prigent, adjoint au Commandant de Bataillon, blesse très grièvement le capitaine Thouron, chef du 2° Bataillon du 41°, et le lieutenant Ravoux, Commandant de la C. A. 2. Ils ne seront évacués que le soir, à la nuit
tombante, sur Vermandovillers.
A Herleville, où les bombardements sont intermittents, on est toujours attaqué par l'infanterie ennemie qui, pendant une partie de la journée, entame le point d'appui. Venant par groupes, elle offrait une cible magnifique aux mitrailleuses de la C. A. 2, aux fusils mitrailleurs des voltigeurs, aux 2 canons de 75 du 10° R. A. D. débouchant à zéro leurs obus à balles.
On pouvait croire, dit Ravoux, à leur manière insouciante d'approcher, que les Allemands étaient grisés. Ils furent vite dégrisés, car ils restèrent en grand nombre sur le terrain ou vinrent grossir le nombre de nos prisonniers. On leur avait affirmé, paraît-il, que Paris était tout près. Un Allemand blessé posa au lieutenant Ravoux cette question: « A quelle distance sornmes-nous de Paris ? »
Pendant l'après-midi, l'ennemi viendra encore par groupes (c'était évidemment sa méthode d'attaque), mais il sera moins agressif. Il devait arriver dissocié par la résistance de Foucaucourt, Fay, Soyécourt, et déjà affaibli par ses pertes qui furent fort grandes.
Sans s'arrêter à réduire les points d'appui, qui tous tiennent bon, les Allemands essaient de descendre vers le sud, laissant derrière eux bien des morts et des blessés.
Ils vont essayer de s'emparer du Bois Étoilé et de ses batteries. Le résultat pour eux, en cas de réussite, était intéressant : le 41° R. I. était encerclé.
Vermandovillers, avec sa petite garnison, n'était qu'à 500 mètres . . .