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La Défense de Pressoir-Ablaincourt

Pressoir et Ablaincourt sont deux petits villages très proches l'un de l'autre, à mi-chemin entre Chaulnes et
Berny (ou Vermandovillers).

Toute la défense était, en ce qui concerne l'infanterie; concentrée dans Pressoir, et constituée par le P. C. du lieutenant-colonel Cordonnier, commandant le 117° R. I, les services et la G. D. T. (Compagnie de Commandement) de ce Régiment. II n'y avait dans Ablaincourt que les cuisines roulantes du 3° Bataillon et de la C. D. T., 27 hommes de la 6° Compagnie, 1 section de 25 de la C. D. A. C., 2 canons de 47 antichars, sous les ordres du lieutenant Lebrun de la C. R. E. Autour d'Ablaincourt, étaient en position
deux batteries du 26 Groupe du 10° R. A. D. (48 et 58 Batteries).

De bonne heure, les batteries voient arriver les chars ennemis. De Vermandovillers, nous assistons au bombardement par l'artillerie allemande, et nous voyons des incendies dans ces deux villages.

A la fin de juin 1940, on voyait encore 3 chars hors d'usage. Nos camarades se défendent par conséquent. Peut-être y eût-il encore d'autres chars détruits.

De Vermandovillers, toujours, nos observateurs comptent, dans l'après-midi, 250 véhicules automobiles allant en direction du sud et passant près d'Ablaincourt. II est évident que déjà Pressoir-Ablaincourt sont enveloppés par les engins blindés et l'infanterie de l'ennemi.

Dans la matinée, les batteries au nord et autour de Pressoir sont annihilées par les chars.

Les notes du P. Le Maux, qui était à Pressoir, nous permettent de suivre le déroulement des événements :

Dans l'après-midi du 5 juin, vers 16 heures, les engins blindés font leur apparition dans les champs, au nord-est et au sud-est de Pressoir. Sur la crête, entre Chaulnes et le point d'appui, des obus français éclatent près des chars, paraissant venir d'au delà de Chaulnes.

Les batteries françaises, autour-de Pressoir, sont muettes; elles ont été mises hors d'usage par les obus et par les bombes des avions. La plupart des chevaux sont blessés.

Il ne reste qu'un canon de 75, appartenant à une batterie, en position près du cimetière; mais elle n'a plus de munitions.

Ses servants, harassés, se sont repliés sur le P. C. du Colonel. Le lieutenant Vallée, du 10° R. A. D., montre un magnifique courage. Il est épuisé, comme tout le monde, par suite des nuits sans sommeil et d'un ravitaillement fort irrégulier.

A l'annonce que les chars se déplacent au nord-est vers le village, il rassemble quelques servants et, par un petit chemin exposé au feu des mitrailleuses ennemies, retourne chercher l'unique canon qui subsiste. Les hommes remplacent les chevaux qui font défaut, tirent et poussent leur pièce, tandis que d'autres ramènent un caisson d'une autre batterie, encore rempli d'obus. Vallée met son canon en position près de la barricade.

Debout; pendant que ses hommes sont tapis derrière le blindage ou la barricade, il examine à la jumelle les chars d'assaut, donne la distance. Un obus part; il est trop court, Vallée rectifie son tir; un char est atteint et flambe. D'autres tirent à la mitrailleuse. Les mitraillettes font rage, sans qu'on puisse en déceler
les tireurs. Les balles claquent contre les murs, les ferrailles de la barricade, ou le blindage du 75. En rampant, les servants viennent s'abriter dans la cour de la ferme. Le lieutenant Vallée, toujours près de sa pièce, est frappé au côté par une balle, heureusement détournée par la musette.

Bientôt le tir allemand cesse; le calme dure quelques minutes. Vallée les met à profit pour se porter, avec son canon et ses servants, de l'autre côté de Pressoir, d'où l'on aperçoit une colonne de chars se dirigeant de Chaulnes sur Pressoir. Un char paraît avoir été touché; la colonne s'est immobilisée.

Vallée revient, installe sa pièce sur sa première position, et prend à partie les premiers chars demeurés près de celui qui avait été démoli, et dont on voyait les équipages s'affairer près de leurs camarades. Mais à peine le canon a t-il tiré que la position, non protégée, devient intenable sous le feu incessant de l'ennemi. Les artilleurs doivent alors abandonner la place, et chercher un refuge dans la cour, avec leur Lieutenant; qui consent alors à prendre un peu de nourriture et de repos.

Dans l'après-midi, on essaie d'envoyer des munitions au 2° Bataillon du 117°, à Berny, qui en a réclamé par radio. Deux chenillettes sont chargées; mais elles tentent en vain à plusieurs reprises de passer à travers les chars.

Le commandant Brébant demande qu'au moins on essaie de le ravitailler en munitions par avion. Son message est transmis à la Division. Quelques heures après un avion français se montre au-dessus de Pressoir; peut-être était-ce l'avion désiré!

Il fut pourtant l'objet d'un tir général, aussi bien français qu'allemand; parce que l'on n'apercevait jamais que des appareils ennemis, nos hommes avaient pris l'habitude de tirer sur tout avion qui se présentait. Celui-ci, devant l'accueil, dut faire demi-tour et être abattu, car on ne le revit plus.

Le P. Le Maux dit que la veille (4 juin) une escadrille française ou anglaise était passée au-dessus de Pressoir, volant en direction du Nord. Le fait est si rare qu'il vaut la peine d'être noté.
La nuit vient; un calme profond règne maintenant, tout chargé d'angoisse; quelques rares coups de feu se font seulement entendre. A ce moment on apprend qu'un homme vient d'être mortellement frappé à son créneau; un autre est blessé au ventre; d'autres blessés attendent au poste de secours. Le médecin-commandant Feldmann, les infirmiers, l'abbé Martin et le séminariste Hernandez se prodiguent.

Le P. Le Maux assiste les agonisants. On doit signaler le dévouement courageux du corps médical et des brancardiers.

L'officier de renseignements, le lieutenant Augereau, fait preuve d'une grande activité; on le voit partout, insouciant du danger, Son moral très élevé agit fortement sur les hommes.

Le lieutenant-colonel Cordonnier donne également, en ces jours difficiles, la mesure de son courage, de sa valeur militaire, de sa bonté et de sa fermeté. Il avait fait creuser des tranchées, établir des abris, mais
il était le dernier à s'y retirer. 

Le soir du 5 juin, tous les hommes, même les secrétaires, occupaient un poste de combat. Le lieutenant-colonel, d'une manière ferme et précise, indiquait l'endroit à défendre, sans laisser paraître aucun trouble.

En cette nuit du 5 juin au 6 juin , le P. C. du 117° n'a plus aucune communication, ni par fil, ni par radio; rien ne fonctionnait plus.

En prévision des graves événements qui s'annoncent, on brûle tout ce qui ne doit pas tomber entre les mains de l'ennemi; le journal de marche du Régiment n'est pas épargné.

Les heures de la nuit s'écoulent, tranquilles, pleines de menace pourtant, car les chars d'assaut sont embossés . . . 

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