Fay est un tout petit village, à 1 kilomètre au nord d'Estrées, sur la route qui conduit à Dompierre. Au nord et à l'est s'étend à perte de vue la plaine du Santerre; quelques boqueteaux à 500 mètres, 1 kilomètre y font des taches de verdure; au nord-ouest le terrain, en direction de la sucrerie de Dompierre s'élève très largement, par une pente presque insensible, champ de tir excellent pour les mitrailleuses.
Mais, derrière le jardin de la ferme Howard, le sol est inégal et pouvait mettre à l'abri des balles un ennemi s'infiltrant par le ravin de Dompierre. A l'ouest et au sud, à une distance variant de 300 à 400 mètres, un bois épais, traversé par le ravin de Dompierre couvrait Fay. C'est par là que l'ennemi essaiera toujours de s'avancer.
La grande ferme belge, à 150 mètres au sud, pouvait facilement être enveloppée par un adversaire venant des bois. Malheureusement c'est là qu'était Je seul réservoir d'eau du village. Elle n'était pas occupée par nous.
Le 3 juin, la 10° Compagnie du 41°, capitaine Dorange, renforcée par la 1° section de mitrailleuses de la C. A. 3, remplace à Fay la 9° Compagnie. Depuis le 27 mai, date à laquelle le 3° Bataillon du 41° a pris définitivement possession du point d'appui, un poste de secours y fonctionne, confié au docteur Renaud, interne des hôpitaux de Paris. Pendant 11 jours, Renaud y fera preuve du plus courageux dévouement. Il a
pour l'aider dans sa tâche le caporal-chef brancardier Lécrivain, prêtre de Rennes, et le brancardier Duval, qui montreront la plus grande valeur. Ceux qui les ont vus à l'oeuvre en témoignent. Le lieutenant Bernard, de la 10° Cie m'écrit: De temps en temps un blessé arrive. Le Docteur déchire des draps, fait des gouttières avec des atores; flegmatiquement, doucement il soigne.
Le mitrailleur Hiegentlich me dit : Le dévouement de Renaud, de Lécrivain, de Duval, a été admirable.
Les fantassins sont unanimes dans leur admiration pour ces trois hommes.
La 10° Compagnie prend le dispositif suivant :
La 1° section (lieutenant Le Moal) au nord du village, près de la route de Dompierre.
La 2° section (adjudant Dugast) à l'est, dans le cimetière, organisé défensivement.
La 3°e section au sud, au carrefour de la route d'Estrées et du chemin qui monte vers l'église.
La 4° section (lieutenant Bernard) dans les maisons à l'ouest, au-dessus de l'église.
Le seul canon de 25 est en position à la sortie nord de Fay, battant la plaine par où des engins blindés pouvaient s'avancer. Il détruira 3 autos-mitrailleuses, au moins, et 3 ou 4 caimions. Les mitrailleuses sont établies dans le secteur ouest et dans le cimetière.
Le 2 juin, au matin, la 9° Compagnie ayant changé son dispositif, les tranchées et boyaux de communication ne sont qu'ébauchés. Les hommes sont de préférence installés dans les maisons, dont ils ont percé les murs de meurtrières.
Quelques sapeurs, du Génie divisionnaire, venus pour la pose des mines antichars se joignent aux fantassins.
La 10° Compagnie s'est efforcée d'approfondir les trous individuels ou de groupes déjà existants, et d'amorcer un boyau pour relier les groupes entre eux, et les sections au P. C. de Compagnie.
Ils s'appliquent aussi à poser quelques barbelés, jusque dans la nuit du 4 au 5 juin, à la lueur des incendies.
La nuit du 3 au 4 est calme; la journée du 4 est marquée par quelques bombardements. Dans l'après-midi, un obus tiré de plein fouet, détruit complètement le clocher.
Un obus de mortier tue le caporal mitrailleur Raoul Gaston, de la 1° section de la C. A. 3 qui, obéissant à l'ordre qu'on venait de lui donner, mettait sa pièce en position hors de l'étable, où jusqu'alors elle avait été installée. On l'y replaça d'ailleurs après la mort de Raoul.
Vers 23 heures, sur l'ordre du Commandement, les sapeurs incendient ou font sauter 4 ou 5 maisons dans le secteur ouest; elles paraisaient devoir être gênantes dans une attaque. Il faut noter que la plus importante de ces maisons, la grande ferme Howard, avait déjà été en partie brûlée par les lance-flammes allemands, lors du coup de main avorté du 1 juin. Le Génie français acheva le travail destructeur commencé par l'ennemi. Il n'est pas certain que cet incendie ait été fort utile; du moins, à sa clarté, on put
mettre un peu de fils de fer sur le chemin conduisant au ravin et au bois, et devant les mitrailleuses du secteur ouest. Car à la faveur des couverts, I'ennemi pouvait venir, sans être vu, de Dompierre, et il importait de donner un champ de tir plus étendu aux armes automatiques.
En raison du petit nombre des défenseurs, on avait concentré la défense dans le centre du point d'appui.
Telle était la situation à la fin de la journée, le 4 juin . . .