La bataille marqua indiscutablement les esprits et l'occupant en Bretagne, à la veille
de la Libération de la région. Mais elle s'avéra également lourde de conséquences.
Après le décrochage, au soir du 18 juin 1944, une traque sans merci fut entreprise par les
Allemands, malgré les pertes essuyées, notablement plus élevées que du côté français. Les maquisards comprirent dès ce soir que l'occupant n'allait pas en rester là.
Ordre fut donné de se disperser le plus discrètement possible par petits groupes. Peu avant minuit, les stocks de munitions restés sur la zone de La Nouette furent dynamités. "Chaque formation devait dès lors rentrer sur son secteur d'origine. C'étaient les consignes", se souvient Joseph Jégo, résistant
de la 7e compagnie basée à Plumelec*. Joseph Jégo fut de ceux qui prirent la direction du château de Callac, propriété de M. de Lignère, à l'instar du commandant Bourgoin, du colonel Morice, du capitaine
Guimard ou encore du lieutenant Marienne.
Le choix s'est porté sur Callac sur la base de renseignements fournis par les agents qui avaient constaté en fin d'après-midi qu'une troupe n'arrivait de ce côté. Le capitaine Puech-Samson, lui, resta en arrière garde avec l'un des agents de l'Etat major. C'est d'ailleurs lui qui fit détruire le dépôt d'armes
et de munitions. Le décrochage par petits groupes Les deux commandants et le capitaine, accompagnés de trois agents de liaison, partirent pour Callac vers 22 h, par mesure de sécurité, à tour de rôle, chacun
des agents précédant le groupe à environ 50 mètres. Le trajet se déroula sans incident.
Après avoir séjourné au château durant la nuit, les membres de l'Etat major rejoignirent les villages de Folliette et Bréhélin en Sérent en longeant la rivière. Ils y restèrent une douzaine de jours avant de
quitter les lieux pour se diriger vers Lizio et Saint Servant sur Oust. Après un passage éclair au village du Hé puis de Guergnon, le groupe se sépara. Le commandant Bourgoin fut conduit au moulin de Guillac (sur
les rives du canal de Nantes à deux doigts d'être arrêté, il fut évacué vers La Ville-Ursule en La Croix-Helléan. Plusieurs jours après, il partit pour Sainte-Hélène sur le front de la poche de Lorient. Il y resta jusqu'au 7 août 44, jour de la Libération de Vannes.
Le colonel Morice, lui, fut hébergé au bourg de Guillac avant de partir pour le moulin à papier de Bréhand-Loudéac. Le capitaine Guimard resta seul avec ses quatre agents et ses trois agentes de liaison en rapport avec deux agentes de l'extérieur. Quant au groupe dont faisait partie le lieutenant Marienne, il se rendit sur Plumelec, au Pelhué. Joseph Jégo fut de ceux-là; "Nous étions près de cent, la moitié du groupe qui était à la bataille." Au matin du 20 juin, stupeur : un groupe de Russes à cheval approcha à moins de 300 mètres de la ferme, à la recherche de maquisards. "Mon frère compta 35 chevaux.
“Certains corps n'ont jamais été retrouvés.”
Les Russes devaient être au moins autant. On est parti alors en vitesse, laissant derrière nous des
uniformes sur le linge. Dans la cour de la ferme, se trouvait encore un groupe, dont le lieutenant Martin et le chef du ravitaillement. Les Russes sont passés à quelques dizaines de mètres d'eux. Je m'étonne encore qu'ils ne soient pas intervenus et qu'ils ne se soient pas vengés sur la famille : ils n'avaient pu manquer de
voir le groupe resté dans la cour." Le plus vraisemblable, c'est qu'ils ne souhaitaient pas en découdre : "Je pense qu'ils ont fait semblant de ne pas les voir, qu'ils n'avaient aucune envie de risquer leur peau." Il y eut
des actes manqués. "La guerre, c'est ça." C'est un peu la loterie. "On pouvait tomber sur un groupe de salauds comme on pouvait tomber sur des soldats plus arrangeants.
Mais j'ai toujours constaté que, dans un groupe, les premiers l'emportaient sur les seconds..."
Le groupe de Marienne se disloqua à son tour: "Nous partîmes dans les bois et allâmes d'une ferme à une autre." Transformés en fugitifs, les maquisards migrèrent de planques en planques jusqu'à ce que les
miliciens découvrent le 12 juillet le camp improvisé à Kerihuel en Plumelec. L'une des
pires représailles allemandes de la région s'en suivit : dix-huit personnes dont trois fermiers du village et quinze paras SAS furent tués dont le lieutenant Marienne.
D'autres eurent lieu. "Plumelec a payé un lourd tribut, peut-être plus encore que Saint Marcel. Jusqu'à la Libération, tous les habitants des campagnes furent très affectés et effrayés par ces représailles."
De la fin juin au 6 août, la répression fut en effet terrible. Les plans des maquisards furent trouvés, la résistance désorganisée. De nombreux FFI furent capturés, torturés ou tués. "Le 23 juin, plusieurs centaines de soldats sévirent dans tout le bas de la commune. Ils abattirent de nombreux paras
et civils. Certains corps n'ont jamais été retrouvés. Le 27 juin se tint une terrible rafle, certainement la plus importante sur Plumelec." Joseph Jégo fut directement touché par cette vague de représailles sanglantes. Au Pelhué, son père fut arrêté le 30 juin et embarqué pour le fort de Penthièvre où il fut fusillé ainsi que six
autres Plumelecois. Joseph Jégo fut arrêté par les Allemands le 11 juillet. "Je fus surpris alors que je marchais sur une route. J'ai été embarqué pour Josselin avec un jeune para."
Joseph Jégo crut sa dernière heure arrivée.
Les Allemands passent les deux hommes à tabac avec une brutalité incroyable. "Ils voulaient nous faire parler, qu'on balance d'autres camarades. Je ne le sus que plus tard, mais mon compagnon de captivité fut fusillé le 18 juillet." Joseph Jégo échappa de justesse à une mort certaine. Il parvint entre temps à s'évader, le 14 juillet, alors qu'il était détenu dans la cellule de torture. "Mes geôliers m'avaient laissé dans la salle de torture. J'étais allongé, déshabillé, sur une espèce de couche. Ils me surveillaient.
Comme j'avais besoin d'aller aux toilettes; j'ai demandé que l'on me donne mes vêtements prétextant que je ne pouvais sortir ainsi dans la cour. Au retour, je suis revenu sur mon lit. Les soldats, des Alsaciens, me proposèrent alors un livre, puis partirent de l'autre côté du compartiment."
Aussitôt, Joseph Jégo profita du répit pour soulever la crémone de la fenêtre qui donnait sur la rue et s'enfuir...
Au final, l'après la bataille fit plus de victimes que le combat en lui-même. Pour autant, la bataille fut-elle une erreur, comme certains ont pu le penser rétrospectivement ? Les avis restèrent partagés - et le sont encore - Source de terribles représailles, elle permit aussi de fragiliser l'étau allemand et galvanisa les
maquisards partis après la bataille sur d'autres fronts, comme celui de la Vilaine et
de la poche de Lorient . . .