Pour nous, désormais, il n'est plus question de combat offensif; nous n'avons ni les hommes en assez grand nombre, ni le matériel nécessaire. Nous devons nous résigner à attendre l'attaque allemande. Pour essayer d'y parer, le commandement modifie la répartition des unités et ordonne d'intensifier l'organisation défensive des points d'appui.
La relève des tirailleurs, à Foucaucourt, par le 1° Bataillon du 41° RI, fut marquée d'un incident fâcheux. Plus nerveux que nos fantassins les tirailleurs usaient volontiers de leurs armes sur tout ce qui bougeait ou paraissait suspect. La 3° Compagnie marchait en tête; une sentinelle indigène ouvrit le feu sur les
hommes du 41° qui avançaient en bon ordre; un soldat de la section de tête, Le Rest fut tué; l'adjudant de Compagnie Kermarec, le sous-lieutenant Aladel, et quelques hommes furent blessés et durent être évacués. L'alerte passée, les sections prirent leurs emplacements. La nuit fut très calme, contrairement aux nuits précédentes, car les Africains tiraillaient continuellement. Les positions des armes automatiques,
probablement repérées par l'ennemi, furent changées.
A Foucaucourt, cornme dans les autres points d'appui, on se donna beaucoup de peine pour mettre en état de défense le village. Dans ces premiers jours de juin, le caporal-chef Denis et le soldat Garnier, de la 1° Compagnie, furent tués par le même obus fusant, au cours d'un bombardement sur un bosquet, au sud-est de la route, où était installé leur F. M.
Le P. C. du Chef de Bataillon était un peu après l'entrée sud du village. Le poste de secours était à côté.
Dans la petite cave qui lui servait d'abri, le commandant Hermann reçut, le 2 ou le 3 juin, l'ordre de prendre le commandement du 22° Régiment de Volontaires étrangers. Le capitaine Giovanini, adjoint au Commandant du 2° Bataillon du 117° RI, le remplaça.
Le départ d'Hermann nous fut une perte très sensible. Iferrnann était d'origine alsacienne, et d'une famille de soldats. Il était sous-lieutenant quand éclata la guerre de 1914. Il tenait de sa province une nature un peu rude, un caractère d'une grande droiture, une volonté forte qui n'excluait pas la bonté. Il servait depuis longtemps au 41°, et on l'appréciait. Il connaissait nos Bretons, les aimait, et savait les commander. S'il était rude pour les autres, Hermann l'était d'abord pour lui-même. De bonne heure le matin dans les secteurs les plus calmes, on le rencontrait botté, sanglé, monocle à l'oeil, suivi de son chien, une bête
vigoureuse et qui montrait des crocs solides. L inspection du chef commençait. Car Hermann l'était, par l'énergie de sa résolution au service d'une intelligence claire et d'un cœur loyal. Dans les circonstances difficiles où nous étions engagés, Hermann allait montrer, dans le commandement du 22° Etranger, ce que peut une tête froide, jointe à un courage tranquille et tenace.
Le 3° Bataillon travaillait à Soyécourt depuis le soir du 31 mai. Le commandant Jan conduisait son Bataillon avec une fermeté bienveillante, qui avait conquis les cœurs de tous ses hommes. Il avait une grande expérience de la guerre et de la troupe. Tous ses galons, depuis le premier jusqu'à ceux de lieutenant, avaient été gagnés sur les champs de bataille de la guerre 1914-1918. Tous ceux qui l'ont connu me sauront gré d'évoquer en passant cette belle figure de soldat. On aura fait le portrait de Jan en disant qu'il avait une âme droite, modeste, courageuse.
Qu'il me soit permis d'accorder un souvenir spécial à l'un des officiers du 3° Bataillon: le capitaine Dorange, qui devait tomber héroïquement le 5 juin à Fay. Prêtre du diocèse de Rennes, Dorange avait fait à Paris d'excellentes études de théologie; il occupait une charge importante; un. très bel avenir paraissait lui être promis; sa culture, unie à une grande distinction, l'y prédestinait. Dorange était aussi soldat dans toute la force du terme; Il se faisait remarquer par son caractère généreux, son ardente foi patriotique. Le
colonel de Lorme, qui savait apprécier les hommes, l'avait en haute estime.
Coupe de main allemand sur Fay.
Dans le point d'appui de Fay, la 9° Compagnie (capitaine Dunand) avait relevé la 11°, vers 10h30 le soir du 31 mai. Quelques heures après, un événement assez important devait se produire dans ce petit village. Pour la compréhension des faits, il est utile de rappeler que les sections de la 9° étaient ainsi réparties:
Le lieutenant Payen, avec la 1° section et le mortier de 60, avait pour mission de garder les issues ouest du village, face au ravin boisé venant de la sucrerie de Dompierre. » Elle occupait la ferme Howard et ses alentours.
L'adjudant-chef Le Demnat, avec la 2° section, gardait le carrefour des routes de Dompierre et d'Assevillers, au nord du village.
L'adjudant Le Moal et la 3° section, renforcée d'un groupe de mitrailleuses du sous-lieutenant Vaillant (C. A. 3), installé au cimetière, flanquait le village vers l'est.
Le sous-lieutenant Mauduit, avec sa 4° section, gardait, dans les environs de l'église, les couverts sud du village.
Le P. C. de Compagnie, avec le 2° groupe de mitrailleuses du sous-lieutenant Vaillant, était installé face au nord-ouest la ferme Crow entre le lieutenant Payen et l'adjudant-chef Demnat. (Rapport officiel sur le coup de main.)
La Section de Commandement, sous les ordres du sergent-chef Marrec, devait défendre le P. C. de Compagnie. Elle était dans la ferme Crow.
Le poste de secours du docteur Renault occupait la cave de la ferme Howard, sous la maison de maître. L'endroit assigné au Docteur avait été mal choisi; c'était le plus menacé du village de Fay.
Des deux fermes Howard et Crow, il ne subsiste presque rien; elles ont été la proie des flammes ou se sont écroulées sous les obus.
Pour tout ce qui concerne Fay, Renault est un témoin de premier ordre, car il est resté, dans ce point d'appui, du 26 mai au 8 juin, et il y a fait preuve d'un courageux dévouement, avec le caporal-chef brancardier Lécrivain et le soldat Duval. J'ai eu également à ma disposition quelques notes du
sergent-chef Marrec, et enfin le rapport officiel, très insuffisant. Je mettrai entre guillemets ce que j'emprunte au rapport.
Dans la soirée du 31mai, vers 22 heures, le sergent Raymond, sous-officier adjoint du lieutenant Payen, avait remarqué un affolement anormal des troupeaux de vaches errant en liberté, et le dispositif de veille avait été renforcé. Vers 3 heures, le sous-officier de garde entendait très nettement parler allemand, près de la barricade, derrière la chapelle; il donna l'alerte.
Le sergent-chef Marrec m'écrit: « A 3h50 exactement, une fusillade inouïe vient nous mettre en alerte. Nous sommes attaqués. »
Le rapport continue « Un quart d'heure après, on entendit hurler des commandements et les Allemands au
nombre d'une cinquantaine se ruaient à l'assaut de la barricade. Le soldat Mignard ouvrit le feu au F.M. Au bout de quelques rafales, le F. M. s'enraya. Les Allemands, qui s'étaient repliés, revinrent à l'assaut au lance-flammes, à la grenade, et les défenseurs débordés furent dépassés par les Allemands qui pénétraient dans le village.
La troupe qui attaquait la 9° Compagnie était formée d'une soixantaine d'hommes, selon les uns, d'une Centaine selon d'autres, d'un groupe de reconnaissance; un capitaine les commandait. Des camions les avaient amenés jusqu'à Dompierre. Car chez nos adversaires, mieux organisés que nous, on savait éviter aux combattants les fatigues inutiles, et garder leurs forces intactes pour le combat. A la louange
de nos hommes, on doit constater qu'en dépit de fatigues incroyables, ils combattaient avec courage. L'expérience des jours suivants devait montrer qu'ils valaient bien les fantassins allemands.
Utilisant le ravin de Dompierre, qui descend du nord au sud, pour aboutir au bois du Satyre et à Soyécourt, l'ennemi s'était approché de Fay. Il agira de la même manière du 5 au 7 juin.
Pourquoi venait-il ? Pour un simple coup de main ou une occupation définitive ? Les déclarations des prisonniers feraient plutôt croire à la première explication; mais leur équipement pourrait incliner à admettre la seconde solution. Le docteur Renault écrit: « Plutôt véritable attaque, qui faillit pour nous tourner à la catastrophe, et qui, grâce à la vaillance des hommes, tourna en un succès brillant ».
L'ennemi d'abord attaqua la grande ferme Howard, située à proximité du ravin.
« Vers 3 heures du matin, dit Renault, la section Payen, placée à l'ouest, derrière la barricade regardant le bois, et dans le jardin Howard, est subitement attaquée à coups de grenades, par des mitraillettes et des fusils. Elle riposte mais 2 de ses F. M. s'enrayent presque aussitôt. L'ennemi peut être contenu pendant 10 minutes par nos grenades. Mais elles s'épuisent, et l'attaque allemande, foudroyante, se rue par dessus la barricade, et continue vers les maisons. »
Les lance-flammes des assaillants, note Marrec, mettent le feu aux hangars de la ferme Howard; la voiturette du mortier de 60 en position dans la cour y fut consumée avec le cheval. Le courage des servants du mortier et de leur chef, le sergent Baudry, sauva la pièce.
Payen, une fois l'ennemi passé, parvient à rassembler ses hommes, et, sa position n'ayant plus de sens, il essaie de rallier les autres sections par l'est, en faisant un grand crochet dans la plaine par la crête, au nord de Fay. Mais dans la nuit et la brume, il ne peut approcher les Français qui ne le reconnaissent pas. Il doit gagner Estrées, d'où il ralliera Fay, au petit jour.
Estrées, à 1 kilomètre au sud, était parfaitement tranquille. Ce n'était donc pas la grande attaque à laquelle pouvait penser Payen. Il ne s'agissait que d'une attaque locale.
« Pendant ce temps, les Allemands, après avoir occupé la
ferme Howard, dont ils avaient incendié les communs avec leurs lance-flammes (j'étais - c'est Renault qui parle - à ce moment dans la cave avec mes 8 brancardiers) s'attaquent à la position centrale: le P. C. du capitaine Dunand, mitrailleuses, mitraillettes, lance-flammes... dans la nuit, à bout portant. Dunand résiste; le combat se poursuit, acharné, pendant une heure ou une heure et demie. La mitrailleuse
du sous-lieutenant Vaillant fait un travail énorme.
Finalement, au lever du jour, un certain flottement se produit parmi les assaillants, d'autant plus que la section Mauduit qui n'avait été que peu prise à partie; accourt à la rescousse.
La section Mauduit était, on s'en souvient, aux environs de l'église de Fay, au carrefour central; son intervention courageuse et opportune modifie heureusement la situation; elle contre-attaque dans la direction de l'église.
L'ennemi s'acharnait sur le P. C. L'emplacement des mitrailleuses est en flammes; on installe les pièces dans le P. C. même (ferme Crow). Malheureusement, l'une des mitrailleuses s'enraye et l'on n'en a pas d'autres pour la remplacer.
Pour la suppléer, le sergent-chef Marrec donne l'ordre à sa section de commandement de tirer au fusil jusqu'à épuisement des munitions. Après une demi-heure de combat, l'ennemi se sentant pressé par derrière par la section Mauduit commence de battre en retraite, divisé en deux groupes. Les grenades V. B. de Mauduit avaient fait merveille.
Une partie des Allemands s'échappa par le bois, en direction de l'ouest.
L'autre partie chercha son salut par le nord-ouest, et s'engagea sur la plaine montante ; elle se trouva prise sous le feu de l'unique mitrailleuse qui fonctionnât encore au P.C, et des fusils-mitrailleurs de l'adjudant-chef Le Demnat, en position au nord. Nos armes automatiques causèrent parmi les Allemands des pertes considérables.
A ce moment, le capitaine Dunand donne l'ordre à Marrec de poursuivre les fuyards. Suivi d'un groupe d'hommes, il se jette derrière l'ennemi, avançant avec précaution au milieu des morts et des blessés. Dans une haie d'aubépine; à 50 metres du P. C., un soldat allemand était blotti. Sommé de se rendre, il répond par 3 coups de révolver; Marrec riposte; l'Allemand se croyant perdu se lève et se rend.
Deux groupes de renfort arrivent : le groupe du sergent Muron et celui du caporal-chef Gontier.
Avec cette petite section, Marrec court dégager le poste de secours, et il reprend la ferme Howard; deux Allemands y sont capturés.
Le docteur Renault, entendant enfin des voix françaises, sort du poste de secours avec ses brancardiers. Pendant près de 2 heures, il avait entendu au-dessus de sa tête le bruit des bottes et des voix allemandes. Il put assister à l'épisode final : la capture du deuxième groupe ennemi près de la crête nord.
C'est de ce côté, en effet, qu'après avoir dégagé la ferme Howard, que Marrec porte sa section. Il aperçoit bientôt l'ennemi qui rampe pour essayer d'atteindre ses lignes. Il ouvre le feu. Le groupe, dans l'impossibilité d'aller plus loin, hisse un fusil au bout duquel s'agite un mouchoir. 17 Allemands se lèvent, les bras en I'air. Marrec les désarme et les contraint à se charger des blessés. Il y avait des morts allemands et français. Ceux-ci avaient été emmenés par I'ennemi, et ils étaient tombés vraisemblablement sous nos balles.
Écoutons maintenant Renault :
« Tout est fini : partout des Allemands gisent, morts ou blessés, C'est à mon tour de travailler. Mes brancardiers vont ramener les blessés, français et allemands, quelques-uns même presque jusqu'à Dompierre. Les voitures sanitaires arrivent une demi-heure après.
En une heure, tous les blessés pansés, réconfortés, sont partis vers l'hôpital, indistinctement, les plus gravement atteints les premiers.
Cela me semble de la plus stricte humanité. Mais je dois à la vérité de dire que les médecins allemands que j'ai vus plus tard, ne se sont jamais occupés, tout au moins pour les premiers soins, que de leurs blessés; leur attitude en face des blessés français était indifférence pure et simple. Je raconte là ce que j'ai vu... »
Il y eut exactement 29 prisonniers, dont 14 étaient blessés.16 cadavres allemands, dont celui d'un lieutenant, restèrent sur le terrain du combat, entre l'église, la ferme Howard et la crête.
Les attaquants poussaient devant eux quelques-uns des nôtres qu'ils avaient pris. C'est ce qui explique probablement ce que me dit un sergent de la 9° Compagnie que je vis,
blessé, au poste de secours du Régiment : L'ennemi, après s'être emparé de lui et de ses hommes, les avait contraints à marcher devant les assaillants qui étaient ainsi entrés dans le village; ils avaient dû essuyer le feu de leurs camarades de la 9°.
Le lance-flammes allemand avait laissé des traces dans la grange de la ferme Howard; les morts de l'ennemi y furent déposés provisoirement. Le spectacle de ces cadavres était effrayant; ils étaient figés dans l'attitude de combat, les bras jetés en avant, comme pour écarter la mort implacable.
Peut-être y eut-il également, chez l'ennemi, d'autres victimes demeurées dans les boqueteaux, car le barrage de notre artillerie se montra d'une redoutable efficacité.
Vers 6 heures du matin, le calme était revenu; le jour était complètement levé. On acheva de nettoyer les abords du village. Le groupe Jost s'installa à la barricade. Les groupes Gontier et Bourhis déblayèrent les jardins au nord-ouest; avec l'appui de la section Le Demnat, on rassembla les derniers prisonniers et le matériel abandonné par l'ennemi.
Ce matériel était considérable: 36 fusils, 2 mitraillettes, 3 mitrailleuses légères, 2 lance-flammes, 50 grenades, 10 pots fumigènes et tout un lot d'équipements. Il faut mentionner aussi un appareil téléphonique. Son porteur devant rester dans Fay, s'y cacher, pour pouvoir renseigner ses chefs; il
avait, déclara-t-il, volontairement accepté cette dangereuse mission pour éviter une grave sanction dont il était menacé.
Dans cette petite, mais glorieuse affaire, nous eûmes 1 sergent (Thébaut) et 5 hommes tués, 7 sous-officiers et 8 blessés. Les pertes étaient lourdes. Nos morts furent ensevelis l'après-midi, en des fosses distinctes, près de l'église, à l'est. Les Allemands furent déposés dans une fosse commune, derrière l'église.
L'heureux résultat de ce coup de main avorté (car c'était une chance inouïe d'avoir tant de prisonniers en un tel moment) valut au capitaine Dunand la croix, et au lieutenant Mauduit une citation à l'ordre de l'Armée.
Le soir du 1er juin, la section Dugast, de la 10° Compagnie monta en renfort à Fay, et le surlendemain la Compagnie tout entière, conduite par le capitaine Derange, remplaça la 9°; Celle-ci avait déjà bien travaillé pour améliorer nos défenses. La 10° y ajouta encore, en complétant les réseaux de barbelés; en creusant quelques boyaux de communication; en organisant la protection antichar.
En revenant de Fay, dans l'après-midi du 1er juin, je passai par Estrées, occupé maintenant par le 117° R.I (1° Bataillon). Il y régnait un silence extraordinaire, annonciateur d'événements graves, dont tous sentaient
l'approche. Les hommes, attentifs, veillaient à leurs emplacements de combat.
J'entrai dans l'église qui devait bientôt servir de cible à l'artillerie allemande. Un canon de 25 y avait été installé avec son groupe de servants. Par une meurtrière creusée dans le mur nord, il devait interdire le carrefour aux blindés ennemis.
Le gros du 3° Bataillon du 41° RI était à Soyecourt, employé à des travaux défensifs. Un détachement du Génie posait des mines antichars. Ce qu'on faisait d'ailleurs partout.
Le 2 juin, un incendie s'y déclara. Nos canons de 75 tirèrent beaucoup ce jour là.
Je fus l'hôte, à déjeuner, de Dorange et de ses officiers. C'était la dernière fois que je voyais notre cher Dorange. Il pressentait qu'une tâche difficile lui serait assignée à Fay. Mais on pouvait compter sur son courage. Il le prouva par sa mort, le matin du 5 juin.
Le 3 juin, à 3 h. 30, alerte aux chars, à Soyécourt. Le point d'appui de Fay avait entendu des bruits de moteur, du côté de l'ennemi. Sur les autres points avancés de notre front la même remarque est faite. On comprendra bientôt que ce sont les divisions blindées qui prennent position. Le Bataillon se porte aux postes de combat. L'alerte ne fut pas maintenue.
Une patrouille ennemie se présenta aux lisières nord de Fay, probablement pour couvrir des travailleurs, car déjà, la veille, le capitaine Dunand avait signalé que nos adversaires organisaient le terrain devant le village.
La même patrouille revint encore le soir. Nos F. M. et le mortier de 60, par un tir précis et efficace, l'éloignèrent.
A la tombée de la nuit, la 10° Compagnie et la section de mitrailleuses Chantérac montèrent sans incident à Fay, où elles relevèrent la 9° Compagnie et la section de mitrailleuses du sous-lieutenant Vaillant.
Une modification avait été apportée dans le dispositif de la 11°; il faut la signaler, car elle sera l'occasion pour cette Compagnie de montrer sa valeur, le 5 juin.
Le général Toussaint, commandant la 19° D. 1., s'était rendu compte par lui-même, de l'opportunité d'établir entre Soyécourt et Fay un « poste d'intervalle » dans le bois du Satyre, à cheval sur la voie de 60 qui relie Fay à Soyécourt, au carrefour du chemin sous bois et de la route nationale. Ce poste devait tenir coûte que coûte, et assurer la liberté des mouvements entre Soyécourt et Fay, confiés tous deux
au 3° Bataillon du 41° RI.
Le 1er juin, la section du sous-lieutenant Véron s'y installa et organisa des emplacements de combat. Les mortiers de 81 du Bataillon, aux ordres de l'adjudant Baot (de la C. R. E.), lui furent adjoints; ils devaient tirer à la demande du Commandant de la 10 Compagnie, de Fay. Le capitaine Fauchon avait demandé que les mortiers de 81 fussent envoyés à Fay, où les vues étaient excellentes, au lieu d'être mis en position dans le bois du Satyre où l'on ne voyait rien. Son avis ne prévalut pas. Le bois était fort épais; il gardait nombre de souvenirs de l'autre guerre: trous d'obus, abris enterrés, anciennes tranchées de la ligne allemande. Les hommes creusèrent des trous (un pour 2 hommes) et placèrent un peu de barbelé. A chacun on remit 2 grenades F1 (! ! !) en cas d'attaque par patrouille. C'est tout ce qu'on leur donner dans une situation si critique. Henri Corre écrit dans son journal: « Le sous-bois est d'un noir ou fermer et ouvrir les yeux n'a aucune importance »
Fauchon, dont l'activité était inlassable, alla le 2 juin visiter sa section, dans le bois du Satyre, et poursuivit sa reconnaissance jusqu'à Fay, pour reconnaître un itinéraire et s'entendre avec le capitaine Dunand et le lieutenant Loysel, officier de renseignements ; car la 11° Compagnie avait reçu, comme mission éventuelle, de pousser à Fay des éléments de contre-attaque, en cas de danger pour ce point d'appui.
Le matin et le soir, d'autres patrouilles de la 11° inspectèrent le bois du Satyre et des Fermes.
Le 3 juin, la section de l'adjudant-chef Lebreton releva la section Véron. Il n'était plus prévu de contre-attaque de la 11° Cie sur Fay. La mission était de résister sur place, à quelque prix que ce fût.
Les 3 autres sections de la 11° Cie étaient dans Soyécourt, autour de l'église, avec la 9° chargée du secteur est, et la C. A. 3.
La journée du 4 juin fut une journée d'attente. On continua de s'organiser partout, à Fay, dans le bois du Satyre, et à Soyécourt.