12 Juin 1940
A 1 heure, le 2ème bataillon est installé sur ses nouvelles positions, face à l'Ouest. Le décrochage s'est fait sans grandes difficultés, et une fois le regroupement terminé, on s'aperçoit que les pertes sont moins fortes qu'on ne l'avait craint. L'ennemi ne semble pas vouloir exploiter cette nuit son avantage, mais il est indispensable de le repousser au plus tôt de l'autre côté de l'Oise, En effet, cette percée menace dangereusement les arrières du 3ème bataillon et du G. R. D. qui bordent l'Oise, face au
Nord
Dès 3h30, cinq chars d'assaut et un peloton de cavaliers portés sont mis à la disposition du régiment. A 3h45, le 2ème bataillon repart en avant, appuyé par ce nouveau renfort, Surpris, les Allemands n'offrent
que quelques résistances isolées. En peu de temps l'ennemi est rejeté dans l'Oise et le 2ème bataillon s'installe aux lisières Ouest du bois du Lys, Il semble qu'inquiet de la résistance qu'on lui a opposée, l'ennemi ne s'est pas trouvé assez en force pour se maintenir sur la rive gauche, ce qui expliquerait le manque d'énergie qu'il a montré pour conserver une position, qu'il avait mis tant d'acharnement à conquérir. Cependant quelques isolés parcourent encore les bois et le commandant Pigeon est blessé vers 6h30, par une rafale de mitraillettes, alors qu'il allait en auto prendre la liaison avec le 3ème bataillon. Le lieutenant Le Guiner, l'officier le plus ancien du 2ème bataillon, en prend le commandement.
Matinée assez calme. Notre artillerie tire sans arrêt, mais d'une façon un peu désordonnée; une batterie arrose même la section du lieutenant Payen, sans dommages heureusement, car ses hommes sont bien enterrés.
Au début de l'après-midi, le 3ème bataillon signale des éléments ennemis sur l'autre rive de l'Oise; des coups de feu s'échangent de part et d'autre sans grands résultats. A 17 heures débarque au P. C. R. I. un bataillon du 107ème R. I. qui, ayant perdu contact avec son régiment, a été récupéré par notre division. Il reçoit l'ordre d'occuper la rive de l'Oise dans l'intervalle entre le 2ème et le 3ème bataillon, ce qui permettra ainsi une défense un peu plus étoffée. Le régiment commence à devenir un peu disparate, puisque maintenant il compte en plus de ses unités propres trois sections de la
4ème compagnie du 257ème, un bataillon du 107ème R. I., une section du 34ème cycliste et même deux marins chargés de servir une pièce de 47 de marine montée sur plate-forme fixe en ciment et incorporée, parait-il, dans la * Défense de Paris*.
Vers 18 heures, bombardement par minen des maisons proches du Pont de Précy. A 18h15, la situation devient mauvaise. La division nous apprend en effet que l'ennemi a franchi l'Oise en amont de Creil et qu'il se trouve dans la forêt de Halatte. Il faut envisager un repli probable pour la nuit.
A 18h25 le G. R. D. nous signale que, vivement pressé par l'ennemi et menacé de débordement par sa droite, par suite du repli des éléments de la division voisine occupant Saint-Maximin, il a dû se
replier lui même sur la Nonette et à Gouvieux. Le 3ème bataillon et surtout la section de Toutevoie et celle de Précy sont en mauvaise posture.
Cependant le moral est bon. Le soir descend. On s'attend à une rude attaque pour le lendemain, attaque par le Nord et par l'Ouest. On tiendra, mais vraiment la position était meilleure dans la Somme, et puis on avait réussi à maintenir intacts nos points d'appui malgré deux jours d'attaque, tandis que maintenant. . .
20h10. Un ordre arrive de la division: repli à partir.de 21 heures.
Mission : atteindre la région de Noisy-le-Grand-Noisiel pour défendre les passages de la Marne.
Itinéraire : Viarmes, Belloy, le Mesnil-Aubry, Gonesse, le Bourget, Bondy, Rosny, Neuilly-sur-Marne: encore 56 kilomètres! Une batterie d'artillerie tirera sans interruption jusqu'à 24 heures pour couvrir le repli et faire illusion. L'ordre de repli est aussitôt transmis aux divers éléments avec l'ordre de marche
suivant : 4ème compagnie du 257ème, 2ème bataillon, compagnie de Commandement, 107ème R. I., 3ème bataillon du 41èmeR. I.
Ainsi il faut encore se replier, parce que l'ennemi est passé. . . autre part.
Peu après nous apprîmes que l'ennemi avait occupé la partie Nord de Chantilly, atteint Gouvieux, et que des autos-mitrailleuses avaient même poussé jusqu'à la Morlaye, à 5 kilomètres au Sud du 3ème bataillon.
Pour la troisième fois en cinq jours le régiment est très sérieusement menacé d'encerclement.
Le décrochage se fait à l'heure dite, sans difficultés, contrairement à ce qu'on craignait. La batterie laissée en arrière-garde tire à pleins tubes et fait du bruit pour quatre. La division coloniale qui devait nous relever un jour prochain et qui était depuis la veille à Viarmes et à Luzarches couvre notre marche et s'installe derrière le marais de Goye et le ruisseau de Royaumont. La marche est longue et pénible.
Depuis trois semaines, nourris au hasard du ravitaillement trouvé sur place, privés de sommeil, les hommes et leurs cadres sont profondément harassés. Et l'on va encore couvrir 56 kilomètres durant cette nuit.
Viarmes, Près de Saint-Martin-du-Tertre des batteries de 75 tirent sans arrêt et les obus allemands qui les cherchent ne tombent pas loin de la route, jusqu'à Belloy, pas d'embouteillage, bien que deux divisions empruntent le même itinéraire. Par contre la petite route de Belloy à Mareuil est encombrée.
Fort heureusement c'est peu après la grande route nationale jusqu'à Ecouen. De Villiers-le-Bel on aperçoit Saint-Denis et Paris dans le jour qui se lève. Çà et là des grosses fumées, résultat des bombardements des jours précédents.
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