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Chapitre 7: Repli derrière l'Oise - 9 juin 1940

9 Juin 1940

Véhicules et colonnes a pied passent sans arrêt. Vers 1h30 des éléments de la 7ème D.I N.A. arrivent et aussitôt prennent position pour couvrir l'Ouest et le Nord du village d'Angivillers. Les diverses unités
du 41ème R. I. prises dans cet immense enchevêtrement d'hommes atteignent ce village à de longs intervalles. A 2h45, les restes du 3ème bataillon arrivent enfin, suivant de loin les compagnies régimentaires passées vers 22 heures et le 2ème bataillon vers 00h30. Tous sont dirigés par le même itinéraire : Pronleroy, Cernoy, Fouilleuse, Epineuse, Sacy-le-Grand, Tourteaucourt et Pont-Sainte-Maxence. Tous, malgré la fatigue, ont continué avec courage cette marche harassante au milieu
des colonnes de camions et des véhicules hippomobiles qu'il faut à chaque moment éviter, Sans arrêt, de 22 heures à 3 heures du matin, les officiers de l'état-major aiguillent dans la nouvelle direction et informent de la nécessité de franchir au plus vite l'Oise les éléments de quatre divisions différentes appartenant au 1er C. À. ou à la 10ème Armée qui passent à Angivillers dans une cohue indescriptible.

La marche, lente et pénible jusqu'à Pronleroy, par suite de l'encombrement, devient plus aisée et plus rapide ensuite grâce aux petites routes empruntées. Et c'est dans un ordre aussi parfait que possible
dans les conditions présentes que les éléments du 41ème R. I. passent à Sacy-le-Grand, à 10 kilomètres de Pont-Sainte-Maxence, entre 7 et 9 heures. C'est une retraite, et non une débâcle: ne voit-on pas, encadrés par une de nos sections, défiler plusieurs des prisonniers allemands du Bois du Satyre que l'on n'avait pu faire conduire au P. C. D. I. et qui trainent leurs bottes sur la route poudreuse ? La matinée, d'abord brumeuse, est devenue splendide. Le ciel est d'un bleu éclatant et on s'attend avec appréhension à voir arriver les escadrilles ennemies, Mais rien dans le ciel, et chacun se hâte pour franchir l'Oise. Cette absence d'avions ennemis semble invraisemblable, mais c'est un fait. Il faut en profiter et passer le pont au plus vite.

Pont-Sainte-Maxence. Rive Nord de l'Oise. Partout des traces de bombardements aériens; maisons et usines éventrées, mais le pont est intact et, affluant par trois routes différentes, les colonnes françaises y défilent de front. Malgré le nombre considérable des troupes et convois, l'embouteillage est faible et le passage se fait en ordre et sans difficultés sur trois lignes; une colonne auto, une colonne hippo et une colonne à pied. L'attente n'est pas trop longue. Chacun a compris le péril qui le menace et obéit aux consignes.

A 12h30 le 3ème bataillon, dernier élément du 41ème R. I., avait franchi le pont. Seuls restaient encore en arrière quelques trainards, ceux qui, à bout de forces, n'avaient pu suivre durant cette longue étape s'ajoutant à d'autres et à tant de fatigues. A 15h30, dans un vrombissement de moteurs, les avions allemands surviennent ; ils passent, lâchent leurs bombes et le pont s'écroule dans la rivière. Nous apprendrons plus tard que tous les avions de chasse du secteur 70, a-t-on dit, avaient eu pour
mission de se sacrifier pour maintenir les avions ennemis à distance des ponts de Creil et de Sainte-Maxence aussi longternps que possible.

La chaleur est forte, le soleil brûle. Après ua pareil effort physique, soutenus jusque là par leur volonté et leurs nerfs, les hommes s'effondrent dans la forêt de Halatte, sur la route de Sainte-Maxence à Creil.

Il faut reprendre des forces avant d'atteindre, à 10 kilomètres encore de Pont Sainte-Maxence, Mont-la-Ville, lieu de regroupement du régiment. On peut enfin prendre le temps de manger les dernières
boites de conserves restantes; piètre ravitaillement. Mais c'est ainsi.

Depuis trois jours nous avons été nourris surtout de kilomètres. Peu à peu, cependant, les unités atteignent Verneuil. Les habitants sont tous là et ne semblent pas réaliser ce qui leur arrive. Ils hésitent à croire que l'ennemi est tout proche et que, cette nuit, demain au plus tard, il sera sur la rive Nord de l'Oise, à quelques centaines de mètres.

La nuit tombe. On a retrouvé la C. H. R. et on tape fortement dans les réserves de conserves et les boules de pain, Des retardataires ont rejoint en traversant l'Oise à cheval sur les débris du pont. Chacun se détend, couché dans le bois. On se sent en sécurité. L'Oise nous protège, et derrière l'Oise, des divisions fraîches doivent être prêtes à recevoir l'ennemi. On parle de repos, de refonte du régiment et de la division, quelque part, à des centaines de kilomètres d'ici: certains auraient même entendu dire qu'il était question de Coëtquidan, C'est que le 41ème R. I. est réduit au tiers de son effectif : un millier d'hommes à peine. Outre les tués et blessés des combats des 19 mai au 7 juin, tout
le 1er bataillon et deux compagnies du 3ème bataillon sont restées dans la Somme; une section de mitrailleurs et une section de voltigeurs sont restées presque entières à Ansauvillers. Enfin, une centaine d'hommes égarés durant le repli n'ont pas rejoint. Quant à la division, elle serait encore plus réduite. Un régiment, le 22ème R. M. V. E., a disparu en entier sur la Somme. Le 117ème serait, parait-il, réduit à deux ou trois cents hommes, et si une partie du 10ème d'Artillerie a pu se replier avec
quelques pièces, le 210ème serait presque disparu et aucun canon de 155 n'aurait pu franchir l'Oise.

Il fait nuit, Le canon commence à gronder vers Creil. Les avions ennemis nous survolent sans arrêt depuis 18 heures. À deux reprises on entend le sourd éclatement des bombes sur la ville de Creil. à
1500 mètres de nous. Le bruit court que la partie Nord de cette ville, sur l'autre rive de l'Oise, serait occupée par les Allemands depuis 19 heures. Mais tous s'endorment, abrutis de fatigue. Nulle inquiétude ne vient troubler notre sommeil. L'Oise n'est-elle pas là, telle une barrière, bordée de troupes fraîches ?

Vers 23 heures un lourd convoi traverse la forêt. Ce sont les compagnies de ponts lourds du Génie qui doivent lancer leurs ponts sur l'Oise pour s'efforcer de faire franchir la rivière aux éléments que la
rupture des ponts a laissés sur l'autre rive. Un pont de bateaux sera bien lancé pendant la nuit et permettra à certains éléments de se replier, mais, dès le matin, il faudra le faire sauter à coups de canon pour éviter qu'il ne tombe aux mains de l'ennemi. et des milliers d'hommes ne pourront franchir I'Oise.


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