Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Chapitre 3: L Alerte

10 mai

Nuit agitée. Les avions passent et repassent sur nos têtes. Jamais
on n'avait entendu tant de ronronnements de moteurs. Explication dans
la matinée: c'est l'offensive générale des armées allemandes.

Depuis trois mois, le régiment cantonne en Haute-Alsace, entre
Mulhouse et Bâle. P. C. R. I, C. D. T., C. R. E., C. H. R. et 9ème compagnie à Landser.
Le reste du 3ème bataillon à Dietwiller, le 2ème bataillon à Sierentz, le 1er bataillon sur les bords du Rhin, a Kembs, Hombourg et Petit-Landau.

Depuis trois mois, travail relativement au ralenti dans un pays splendide, parmi des populations accueillantes.
Quel beau printemps après ce terrible hiver si rude et si froid.

Les boules blanches ou roses des arbres fruitiers innombrables s'étagent
sur les pentes verdoyantes des coteaux, entre les villages aux grands toits et les bosquets.

La forêt de la Hardt, réveillée, s'est couverte de sa parure vert tendre et, dans les allés devenues ombreuses, les biches s'enfuient effarouchées à la venue du cavalier.

La montagne allemande, de I'autre côté du Rhin, élève ses lignes successives de sommets étagés.


Douces montagnes au nom sauvage de forêt Noire, si jolies le soir, lorsque le soleil couchant éclaire leurs pentes aux tons mauves et orangés.


Dans I'atmosphère limpide les hauteurs bleuâtres des Vosges découpent leurs sommets arrondis, tandis que le Jura suisse va s'abaissant jusqu'à rejoindre la forêt Noire pour recevoir Bâle, la ville propre et nette.

Et comme fond de décor étincellent les glaciers des Alpes bernoises.

Pays idyllique. La guerre est oubliée. Chacun fourbit ses armes sans penser à mal.

Casemates bétonnées ou en rondins, barbelés, champs de rails, fossés anti-chars, tranchées, font partie intégrante du paysage.

On ignore la guerre. Les dimanches sont redevenus des dimanches.

A la sortie de la grand'messe ont se croit presque revenu dans son bourg. Mulhouse a repris sa gaieté : repas, spectacles, promenades...C'est le printemps.


Coup de tonnerre, la guerre commence. Combien vont en souffrir ?

Endurci par cinq mois de marches et de contre-marches, par un mois et demi aux avants-postes de Sarre où il a fait la rude expérience du feu, le 41ème R. I. a échappé à la contagion de la facilité et du laisser-aller.

Tous s'y connaissent et s'estiment. C'est pourquoi il sera plus prêt que
d'autres à se tremper dans la dure réalité et à supporter vaillamment les fatigues et les dangers de la campagne qui va commencer.

11 - 15 mai

Le régiment est alerté: il se prépare à partir ou à se défendre sur place. Préparation des armes, du matériel. Préparation aussi des coeurs et des esprits. Il faut se remettre en train, se convaincre que les avions qui nous survolent sans cesse, poursuivis par les éclats de la D. C. 4., sont des engins de mort et non plus de simples observateurs; que les rives opposées peuvent cracher le feu d'une minute à I'autre; se dire que demain il faudra se battre...

Chaque jour les nouvelles sont plus mauvaises: la Hollande, la Belgique, le Luxembourg sont envahis.

Nos permissionnaires officiers, sous-officiers et soldats reviennent rapidement; certains de leurs trains ont été bombardés par les avions; plusieurs hommes du 41ème ont été blessés et ne nous rejoindront pas.

La population reste calme; Colmar et Thann ont reçu quelques bombes. A Mulhouse tout est tranquille, mais à tous moments, la circulation est interrompue par suite des alertes.

Le régiment reçoit l'ordre d'étudier la défense de la falaise de Sierentz à Habsheim... plan de défense depuis trois mois,.. et cependant, dans la forêt de la Hardt, les casemates et tranchées aux-quelles
nous avons travaillé depuis trois mois restent inoccupées ; les gros ouvrages sont à peine tenus.

 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article