15 Juin 1940
Comme prévu, le 2ème bataillon s'est embarqué en chemin de fer dans la nuit, à Ballancourt, et vers 1 heure les convois hippos et autos de la C. H. R. et du 2ème bataillon sont partis par la route pour accomplir le long trajet jusqu'à la Ferté-Saint-Aubin.
A 8 heures, la compagnie de Cdt et les restes du 3ème bataillon quittent à leur tour Ormoy pour Ballancourt. Le canon tonne vers l'Est. Sur la route, toujours la cohue des réfugiés à pied ou en charrettes; les autos sont déjà loin.
A Ballancourt, pas de train. Cependant toute la 11ème division doit s'y embarquer. Le chef de gare vient de se mettre en civil et prend sa bicyclette pour s'en aller. On touche là du doigt la défaillance des autorités. Il faut pousser jusqu'à la Ferté-Allais et la colonne, un peu plus fatiguée, regagne la grand route pour accomplir sept kilomètres supplémentaires.
A la Ferté-Allais, c'est l'embouteillage. Deux régiments de la 47ème division et des éléments divers se pressent déjà dans la gare pour s'embarquer. Heureusement le capitaine Soula, chef du 3ème bureau de notre division, a fait un coup de maitre. Il a réuni en une seule rame une vingtaine de wagons de tous genres qui dormaient sur les voies de garage (et dans lesquels il a eu l'astuce de comprendre un wagon de pain ) à l'aide d'une dizaine d'hommes du Génie. Mais il manque encore le principal: la locomotive ! Tout le personnel de la gare s'est déjà « replié ». Mais il y a encore de braves gens et des gens braves.
Deux employés de chemins de fer, l'un en retraite, l'autre en congé de maladie, ont pris en main la gare et s'efforcent pour le mieux. L'un d'eux téléphone à deux amis de Pithiviers et, ô miracle, une demi-heure après arrive une locomotive.
Le canon tonne de plus en plus fort sur les rives de la Seine. Au fur et à mesure de leur arrivée, les unités sont embarquées, qui dans des wagons ouverts, qui sur des wagons plats. Les boules de pain récupérées, jointes à des caisses de boîtes de conserves trouvées à point sous le hall de la gare, assurent le ravitaillement. A 13h45 le train s'ébranle, prenant place dans des convois qui se succèdent tous les 100 mètres, et que l'aviation ennemie n'inquiète heureusement pas.
Il n'a pu être question d'embarquer les chevaux et les voitures, aussi les équipages de la C. D. T., du 3ème bataillon, de la C. R. E. et les canons de 47 de la B. D. A. C. forment-ils un convoi qui doit se rendre par la route à la Ferté-Saint-Aubin. Si la colonne hippo de la C. H. R. et des bataillons partie dans Ia nuit put arriver à destination, il n'en fut pas de même de cette deuxième colonne qui, sous les ordres de l'adjudant chef Bernard, ne quitta la Ferté-Allais qu'à 14 heures.
Par suite de l'encombrement intense des routes, elle ne put franchir les ponts de la Loire et fut prise par les Allemands entre Pithiviers et Orléans. Quiconque a accompli ce trajet de Corbeil au Sud de la Loire dans les journées des 15 et 16 juin se rappellera toujours avec tristesse cet exode de la population qui encombrait les routes, sourde à toute discipline, et qui Iut la cause de ce que les canons, les mitrailleuses et les munirions de nombreux régiments n'ayant pu franchir la Loire. Ces unités furent privées des moyens nécessaires pour arrêter l'ennemi et ne purent se reformer ni se réorganiser pour reprendre la lutte.
Vers 19 heures, le 2ème bataillon débarque à la Ferté-Saint-Aubin après un voyage sans histoire.
Cependant à Orléans, le chef de train avait voulu emmener le convoi vers Tours, et ce n'est qu'après une intervention énergique du lieutenant Le Guiner qu'il fut dirigé vers sa vraie destination. Le chef de train avait évoqué comme raison que les ponts de la Loire étant bombardés, il serait dangereux d'y passer. Le 2ème bataillon s'installe dans des baraquements à la sortie Sud de la Ferté-Saint-Aubin.
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