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Arrivée dans le Santerre.

Arrivée dans le Santerre.

Compiegne

Quand, le 10 mai 1940, l'armée allemande, forte de 190 divisions, se porte, de toute sa masse, à l'attaque des armées alliées, de la Hollande au Luxembourg, la 19° DI tient le secteur défensif en Alsace; elle garde le Rhin de Neuf-Brisach à Kembs.

Elle est formée sous les ordres du Général Toussaint, des 41° et 117° RI, du 22° régiment de volontaires étrangers, des 10° et 210° régiments d'artillerie, du G.R.D. 21, de 4 compagnies de génies et des services.

Les nouvelles les plus fâcheuses nous parviennent; l'ennemi concentre spécialement son effort sur la charnière de notre ligne: la Meuse dans la région de Sedan et la Semoy. La 9° Armée (Général Corap) et la 2° (Général Huntsiger), attaquées de front par des forces très supérieures en hommes et matériel, doivent reculer en combattant. Le 13 mai, les divisions cuirassées allemandes franchissent la Meuse (dans la région de Sedan, aile gauche de la 2° armée); elles prennent de flanc, par le sud, la 9° armée déjà pressée sur le front nord-est. Une poche se forme qui va s'agrandissant les jours suivants. Les blindés allemands s'engouffrent dans l'énorme trouée creusée par leur choc violent; elles repoussent la gauche de la 2° armée française, et préparent l'enveloppement de l'armée Corap; du même coup, les 7° et 1° armées françaises, l'armée britannique et l'armée belge vont être tournées; pour résister aux 6000 ou 7000 chars allemands nous n'avons que trois divisions cuirassées fortes de 150 chars, soit au maximum 500 chars. Le 16 mai, une panzer division atteint le camp de Sissonne, et bientôt l'ennemi va être à Abbeville, à l'embouchure de la Somme, et à Boulogne; il est maître de la rive droite de la Somme; les armées françaises sont coupées en deux. Le 19 mai, les Allemands passent la Somme à Péronne et se constituent une large tête de pont dans le Santerre.

Tandis que les armées du Nord voient se resserrer autour d'elles une étreinte mortelle, le Commandement se préoccupe de grouper des forces pour tenter une ultime chance. La 19° DI va entrer en scène dans une région ou ne reste pas un seul français.

Le 16 mai, la 19° DI est alertée; le 17, elle commence son mouvement. L'embarquement se fait dans les gares de Brunstatt, Dannemarie et Monteux-vieux, qu'il faut rejoindre à pied. Cet embarquement est lent, car les wagons n'arrivent qu'à peine; les voies sont embouteillées; par ses attaques incessantes sur les gares et les lignes, l'aviation allemandes apporte un trouble considérable dans les communications. La marche des trains amenant des réfugiés de Belgique ou du Nord contribue malheureusement à rendre plus précaires encore ces communications. Il faudra 56 heures à nos convois pour arriver dans la région de Creil-Compiègne ou doivent se faire les débarquements. Il ne sera guère possible de nous transporter plus près du terrain ou l'on nous attend pour essayer d'arrêter le ruée de l'ennemi.

Il nous faut faire un long détour par Besançon, Dijon, Massy-Palaiseau, Archères, Creil, pour aller dans le Santerre.

Nous traversons trop lentement la Franche-Comté. Une magnifique province. Autour de Paris, nos trains s'immobilisent. de malencontreux convois de réfugiés belges descendent vers le sud, ralentissant notre marche. Alors que toutes les heures sont précieuses, et que se joue le destin de la France.

Le 19 mai 1940, le premier train du 41° RI arrive à un vingtaine de km de Compiègne. Il amène l'Etat-Major du régiment, la C.D.T, la C.R.E, une section de la C.A.3. Il est 4h00; le train stoppe; les signaux sont bloqués sur la voie bombardée violemment une heure auparavant. Une équipe du Génie, employée à la réparation de la ligne, compte plusieurs tués.

Chapelets d'entonnoirs; trains déraillés; wagons en miettes; décombres d'une gare. tel est le spectacle qui s'offre au regard. Lentement le train se remet en route. A 2km de Compiègne, le Capitaine Soulas, de l'Etat-Major de la Division, et le Lieutenant Lucas, adjoint au Colonel du 41° RI, précèdent le convoi et se rendent à la gare de Compiègne, ou ils trouvent 2 officiers de la DI arrivés le veille avec le Général Toussaint. On ne sait ou sont les Allemands. Nos troupes débarquent ou elles pourront. le train va poursuivre sa marche, s'il le peut, jusqu'à Roye-sur-Matz. Il est 7h00. A Ressons-sur-Matz, nouvel arrêt. Le chef de gare refuse de laisser le convoi aller plus loin, carn dit-il, l'ennemi n'est pas loin. La DI avertie prescrit de débarquer à Ressons. On procède à cette opération aussi que le permet l'exiguïté du quai (il ne peut recevoir que deux wagons en même temps). A 8h00 cependant; tout est achevé. Le P.C.R.I est installé, les abords du village sont occupés, la D.C.A est en place.

Une fraction du G.R.D 21 passe vers 12h00, montant vers le nord en reconnaissance. A 16h00, la compagnie divisionnaire antichars arrive heureusement pour renforcer les 180 hommes de C.D.T, qui couvrent, avec 3 équipes de FM, les canons de 25 de la C.R.E, et la section de mitrailleuses de la C.A.3, la région de Compiègne.

Partie de Riedisheim et de Mulhouse le 16 mai, à 20h30, la C.D.A.C arrive le 19 à Villers-sur-Gouchy, ou elle passe la matinée dans un bois et se met en route au début de l'après-midi, pour Vandelicourt qu'elle atteint à 16h00. Le soir même, nouveau départ pour Ribécourt, ou, après une marche qui dure toute la nuit, elle s'arrête le 20 au matin. Elle y rejoint des éléments débarqués du G.R.D.21, qui y ont été appelés pour défendre les passages de l'Oise face au sud, le Commandant de l'armée craignant des infiltrations allemandes sur la rive sud de l'Oise. Elle n'y reste d'ailleurs pas. Elle part à 17h00, pour aller dans la région de Boulogne-la-Grasse avec un bataillon du 117°. Elle est bombardée sans dommage par l'aviation allemande.

Dans la nuit du 19 au 20 mai 1940, à 00h00, le 1° bataillon du 41° RI arrive à son tour; il était parti de Geistspitzen (Haut-Rhin) le 17 mai. la voie étant coupée au delà de Creil, il débarque à Canly (9km au sud-ouest de Compiegne) le 19 mai, vers midi. Des avions allemands, survolant le terrain, lancent des bombes qui font sauter un dépôt de munitions, non loin de là. Le soir, le 1° bataillon du 41° RI quitte Creil. Après une courte marche, il est enlevé en camion. L'aviation ennemie était là nombreuses, mais elle ne bombarde pas. Vers 23h00, le bataillon atteint La Neuville sous Ressons et Ricquebourg, à 1km au nord de Ressons-sur-Matz. Il est en place à La Neuville et Cuvilly vers 1h00 du matin; tout de suite, il se met à construire des barricades, car on redoute une attaque de chars au petit jour.

A 22h00 et 24h00, notre G.R.D avait fait connaître qu'il n'y avait aucun ennemi au sud de l'Avre. Cependant à 1h00, on signale la présence d'éléments blindés à la droite du secteur. les éléments débarqués du G.R.D.21 et la C.D.A.C sont envoyés au plus vite pour border l'Oise et protéger notre flanc.

Dans l'après-midi vers 18h00, une douzaine d'avions allemands survolent Ressons, bombardent la gare qu'ils n'atteignent pas; mais la féculerie proche brûle.

Protégées par cette faible couverture, les unités de la Division arrivent péniblement.

Le lundi matin 20 mai, dans la petite gare de Canly, un train transportant la C.H.R et des éléments du 41° RI est bombardé et mitraillé par des avions; il est 5h00. Je suis enveloppé d'éclats de bombe. Les projectiles sont tombés à 150 m de la voie. Le train stoppe: deux blessés seulement. La gare devant nous est détruite et en flammes. On ne peut plus passer. Des avions allemands tournent au dessus de nous. L'un deux est atteint. son équipage saute en parachute. Vers midi nous repartons; notre train repart en arrière, jusqu'à Longueil-sainte-Marie, pour prendre la direction de Compiegne. Des bombes sont tombées sur cette gare aussi mais les voies sont intactes, des bâtiments sont détruits. Nous descendons du train à Verberie.

Arrivée dans le Santerre.

Déjà cette gare a été bombardée.

une quinzaine d'appareils ennemis reviennent, à deux reprises. le premier bombardement atteint la gare et le buffet; le deuxième frappe le 1° bataillon du 117° RI qui nous succède sur les quais de débarquement, couverts d'hommes et de matériel; il y a 3 morts et 15 blessés au 117°. Un mélange effrayant de cadavres d'hommes et de chevaux. Les voitures de la C.H.R du 41° RI n'étaient pas toutes parties encore. Le Bouvier, un conducteur de la compagnie de Commandement du 41°, est blessé. Le camion d'essence qui a reçu des éclats de bombe ce matin à Canly est cette fois incendié. Heureusement, le Lieutenant Austry, de la C.H.R, peut sauver le reste de nos voitures (7 ou 8).

Nous nous dirigeons vers Compiegne. Vers 16h00, nous traversons cette ville, charmante en temps ordinaire. Entre l'Oise, l'hôtel de ville et l'hospice général, tout le quartier est en flammes; bientôt les maisons situées entre la gare et l'Oise seront incendiées. L'aviation ennemie a fait son oeuvre.

Par un détour, nous accédons au pont encore intact et le franchissons. Survolés par des avions allemands, nous atteignons, à 19h00, Ressons-sur-matz; la féculerie brûle toujours; à diverses reprises, au cours de la journée, l'aviation ennemie est venue sur la petite ville, et à 9h00 du matin elle a de nouveau bombardé la gare.

Pour quelques heures encore, l'Etat-major du 41° RI est installé à Ressons, ou règne une grande inquiétude; le bureau de poste ferme; l'exode des habitants continue.

Toute la 19° DI doit se concentrer dans la région. Mais les unités arrivent difficilement.

A 10h00, le bataillon se rend à saint-Maur. Un avion allemand qui revenait de larguer ses bombes sur Compiegne, tombe en flammes. On croise sur notre route, des réfugiés civils, des soldats par petits groupes, les uns à pied, d'autres à vélo ou à cheval. Ce sont des débris de notre armée de Belgique; ils sont fatigués et dans un état lamentable. Tous se plaignent d'avoir été décimés par l'aviation, sans avoir vu un seul appareil français. Le bataillon s'arrête l'après-midi dans les fermes. Les avions ennemis de reconnaissance sont toujours au dessus de nous. A 21h00, départ pour Fescamp, par Orvillers, Sorel, Conchy-les-pots, Boulogne-la-grasse. La nuit est si claire qu'il faut parfois se jeter dans les fossés pour éviter d'être repérés par l'ennemi. Il y a des incendies dans le lointain, on entend au nord-est de notre position une canonnade ininterrompue. Les hommes épuisés portent avec beaucoup de peine leur chargement. Ils accomplissent ainsi une étape de 20km.

A l'aube du 21 mai, le bataillon atteint Fescamp et s'y organise immédiatement en point d'appui fermé.

En cette soirée du 20 mai, la 19°DI reçoit l'ordre d'occuper défensivement, au fur et à mesure de l'arrivée de ses éléments, le massif de Boulogne-la-Grasse, pour couvrir les directions de Montdidier et d'Estrées-Saint-Denis. Les premiers éléments arrivés, c'est à dire le 1° Bataillon du 41°, 2° bataillon du 117°, 3° bataillon du 117°, sont formés en un groupe temporaire sous les ordres du colonel Loichot avec l'Etat-Major du 41° RI, seul Etat-Major de régiment débarqué.

Arrivée dans le Santerre.

A 21h00, le P.C.R.I du 41°  se transporte à Boulogne-la-grasse; le G.R.D.21 borde l'Avre; le 1° bataillon du 41° occupe Tilloloy et s'organise défensivement dans l'immense parc tout entouré de murs du château, sur la route de Compiegne-Roye; les 2 bataillons du 117° sont à Piennes, Renaugies, Fescamp et Bua, à l'est de Montdidier.

Arrivée dans le Santerre.

Nous avons que cette dernière ville n'a pas été visitée par les avant-gardes allemandes, car l'après-midi, au cours d'une reconnaissance qui n'était pas sans péril, le Colonel Paillas, commandant notre infanterie divisionnaire, s'y est rendu en auto, il n'y a trouvé personne. Seuls quelques pionniers y demeuraient, continuant le travail. Quelques rafales de mitrailleuse d'avion l'on vraiment poursuivi à son retour.

Boulogne-la-Grasse, ou s'établit le P.C du 41°, est un fort joli village, au milieu des bois, sur un mamelon qui domine toute la contrée. Nous y passeront deux jours.

Le P.C de la 19° DI qui était le 18 mai à Creil, le 19 à Compiegne, se transporte à Lachelle le 20; il sera le 21 à Cuvilly, le 22 à Tilloloy.

Le 21 voit arriver les bataillons dont on était jusque là sans nouvelles.

D'abord le 3° bataillon du 41° RI. La veille, son convoi survolé par des avions allemands, a atteint la gare de Creil. dans cette gare, encombrée de train, le débarquement ne peut se faire; la ligne bombardée est inutilisable; le convoi est ramené en arrière à Précy-sur-oise, à l'endroit même ou, 20 jours plus tard, mais réduit des 2/3, le bataillon devra défendre le passage de l'Oise. dans la forêt de Chantilly proche, sur la route du Lys, des camions et autocars du 22° train enlèvent, à 23h00, ses hommes et les transportent à 4 ou 5 km de Ressons-sur-Matz; ils y arrivent à 3h00 du matin, le 21, pour aller passer la journée dans un bois, près de Ricquebourg.

Les villages se vident de leurs habitants, évacués par ordre, à moins que la peur n'y suffise.

Les deux aviations sont actives.

L'après-midi, le chef de bataillon et les commandants de compagnies vont reconnaître Crapeaumesnil. Ils sont mitraillés sans perte, par 40 bombardiers ennemis, escortés de chasseurs.

A 21h30, le 3° bataillon du 41° part pour Canny-sur-Matz, à 8km. Il n'y a plus personne dans le village. on construit des barricades aux issues; on creuse des positions de défense pendant la journée du 22. Le chef de bataillon et les commandants de compagnies font une reconnaissance des Loges et du Bois des Loges, en vue d'une occupation défensive éventuelle.

Le 2° bataillon du 41° nous rejoint lui aussi. Il à pu débarquer sans incident un peu avant Compiegne, et aussitôt il est monté à La Neuville-sous-Ressons.

La journée du 21 s'est écoulée tranquille à Boulogne-la-Grasse. On songeait à s'installer défensivement dans ce village. le commandant Nicole, du 210 R.A.L.D, vient y chercher un observatoire et des emplacements de batteries.

Le 22 mai, la 19° DI est à peu près rassemblée; seule son artillerie n'est pas toute arrivée. le groupement temporaire confié au Colonel du 41° RI est dissous, à l'arrivée du colonel du 117° RI et de son E.M.

Le 23 mai, au petit jour, toute la Division se porte en avant en direction du Nord. Elle a, en effet, reçu dans la nuit du 22 au 23 l'ordre, pour le 23, d'abandonner sa mission défensive, de se porter sur la Somme de Bray-sur-Somme en deux temps, le premier devant avancer sa tête sur la ligne tenue par les éléments des G.R d'autres Divisions à hauteur de Marchelepot et au sud de la route Villers-Carbonnel-Amiens.

Toutefois, deux bataillons du 22° Etranger doivent être maintenus sur l'Avre pour en garder les passages.

Par Conchy-les-pots, nous allons à Hallu, sur la route de Chaulnes. Au cours de la marche, à Tilloloy, nous rencontrons le Général Toussaint. Il assiste à la montée des ses régiments. Nous traversons Roye, petite ville sur la grand'-route de Paris à Péronne; elle est évacuée; un escadron du G.R.D de la VII° D.I.N.A l'occupe. On ne sait trop ce qu'il y a devant nous. En fait il y a les Allemands, plus au nord, qui ont passés la Sommes et possèdent sur la rive gauche, de notre côté, une large tête de pont; non seulement Péronne, mais Pont-les-Bries, Saint-Christ sont à eux. notre situation est très précaire. Malgré nos efforts, nous ne pourrons reprendre tout ce terrain, et malheureusement l'ennemi restera maître de la boucle de la Somme. c'est de là qu'il partira à l'attaque le 5 juin.

 

 

 

 

 

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