Des Forces françaises de l’Intérieur engagées à Saint-Marcel partirent également sur le front de la Vilaine. Au 1er septembre 1944, elles tenaient un front de quelque 45 kilomètres allant de Fégréac à l’océan en passant par Redon. Dès le 14 septembre, les Allemands tentèrent une incursion entre Billiers et Arzal en jetant une flottille de bateaux à moteur de trois cents hommes dans la bataille. L’artillerie allemande appuya ce petit Débarquement. Les FFI de Vilaine ne purent accéder au secteur pris d’assaut et la section de Muzillac avait été dissoute quelques jours plus tôt. Heureusement, elle put être rapidement reconstituée. Dans la soirée, ce fut la seule couverture française. Le commandant français alerta également les deux compagnies du premier bataillon en réserve à Vannes. Ces derniers parvinrent sur la place de Muzillac vers 21h au moment où de puissants tirs d’artillerie furent déclenchés. Au cours de la nuit, les FFI parvinrent à enlever les positions prises par les Allemands qui finirent par rembarquer. A l’issue de cet échec, le commandement décida de renforcer le secteur de la Vilaine. Un certain nombre d’opérations permirent la capture de soldats allemands sans compter les tués comme le 20 décembre dans la nuit où les Allemands tentèrent de franchir la Vilaine. Ils furent repoussés, non sans avoir infligé des pertes aux unités françaises.
Le 20 mars 1945 au soir, une patrouille du 4e Rangers traversa la Vilaine dans l’autre sens. Elle parvint à capturer sans coup férir, en plein sommeil, tout un poste ennemi qu’elle ramena dans les lignes alliées. Le même jour, de sérieux accrochages firent une dizaine de tués ennemis et autant de prisonniers. Le 22 mars, une dizaine d’Allemands furent de nouveau abattus et le lendemain une embuscade fit huit prisonniers. Enfin, sur la Vilaine, le 24, les Allemands contre-attaquèrent en passant la rivière avant d’être de nouveau repoussés avec pertes. Ils parvinrent toutefois le lendemain à prendre pied sur la rive nord. Les avant-postes de la Chevalerie furent encerclés. Heureusement pour les résistants bretons, l’ennemi fut de nouveau repoussé, cette fois à la grenade…
Ces batailles parmi tant d’autres illustrent bien la nature des échanges des deux côté de la Vilaine, véritable barrière géographique. Maintes fois, les Allemands tentèrent de percer de l’autre côté de la rivière sans jamais y parvenir.
La Poche de Saint-Nazaire
Après la destruction du pont de La Roche-Bernard, le 15 août 1944, le détachement allemand qui tenait la tête de pont de Marzan et d'Arzal se retire sur la rive gauche. Désormais limitée au nord par la Vilaine, la « poche » de Saint-Nazaire s'étend sur près de 2 000 Km² Solidement établis de part et d'autre de la Loire , les Allemands interdisent aux Alliés l'usage du port libéré de Nantes comme du port de Saint-Nazaire resté entre leurs mains.
1 - Les opérations militaires
Sur le front de la Vilaine qui, seul , intéresse le Morbihan, les Allemands se bornent à des actions locales, d'abord pour protéger la « poche » pendant qu 'il s s'y organisent puis pour sonder les défenses alliées ou simplement tenir leurs hommes en haleine. Au début la faiblesse des effectifs qui leur sont opposés leur permet de passer la rivière comme ils le veulent.
La 2e quinzaine d'août est marquée par une série d'incursions en territoire libéré. Des combats ont lieu les 15 et 16 août dans les marais de Rieux. Le 23, au Grenit en Rieux, un groupe allemand contraint le jeune Bernard Lemée à marcher devant lui et le malheureux est tué au premier choc avec les F.F.I. Une heure plus tard , l'ingénieur Tardivel est abattu d'une balle de revolver à bout portant dans le marais de la Chaussée de Cran. Le même jour un autre groupe franchit aussi la Vilaine mais près de l'estuaire et prend position sur le plateau de Penlan en Billiers ; après un vif engagement où la compagnie l'Hermier a deux tués, il est rejeté à la mer.
Le 27 août, le lieutenant-colonel « Morice » nomme le commandant Caro chef du secteur Vilaine, de Redon à l'embouchure, avec la mission d'empêcher ces incursions ennemies sur la rive droite. Il disposera , outre les troupes déjà en place , de la totalité du 8e bataillon des F.F.1. qui fait mouvement le 28 vers Péaule. Le 12e bataillon, en amont, sera chargé de la défense de Redon.
Le 29, les Allemands franchissent à nouveau la Vilaine pour venir au bourg de Rieux faire sauter le clocher ; ils prétendent qu'on sonne les cloches pour annoncer leur arrivée aux F.F.I. Une section du 8e bataillon les poursuit dans leur repli et perd un homme quand le tir des 88 et des mortiers ennemis s'abat sur elle pour couvrir le retour du commando. Le lendemain, au même endroit, une nouvelle patrouille allemande se heurte au feu des fusils-mitrailleurs et doit se retirer en laissant un blessé, et en abandonnant une mitrailleuse légère et des munitions. Les incursions cessent alors dans ce secteur. Mieux encore , un groupe de la compagnie Scordia , du 8e bataillon , franchit à son tour la rivière le 4 septembre et, guidé par un paysan de Nivillac, attaque un poste allemand avec succès. Néanmoins l'artillerie ennemie pilonne presque chaque nuit les positions des Français et maintient ceux-ci, dans l'ensemble, sur la défensive. Le commandant Caro ne dispose d'ailleurs que d'armes légères prises aux Allemands ou parachutées et ne peut entreprendre aucune action de quelque envergure.
Dans la nuit du 9 a u 10 septembre, on repère des préparatifs pour traverser la rivière sur des radeaux. Au feu des F.F.I. répondent des canons de 105 qui tirent sur le château de la Cour de Marzan. Pour donner le change, un violent tir de barrage s'abat le 13 jusqu'à 15 h 00 sur la région de Rieux puis,le 14 à 17 h 45 , 300 hommes soutenus par l'artillerie, qui canonne Billiers et Muzillac, débarquent en deux points éloignés
de 4 km , au Moustoir en Billiers et au Brouel en Arzal. Une compagnie de renfort du 8e bataillon prend la gauche du secteur, une compagnie du 1er bataillon la droite. A 23 h 00 arrivent 4 jeeps et 5 automitrailleuses américaines pendant que les Allemands envoient sur Muzillac une centaine d'obus de 105 et canonnent Billiers. Le lieutenant Fromentin est tué et sa section se replie. Les assaillants s'avancent de 4 à 5 km vers Muzillac que ses habitants ont précipitamment évacué dans la soirée puis se retirent dans la nuit après avoir incendié deux fermes. Cette opération leur a coûté au moins une quinzaine de tués tandis que les F.F.I. ont perdu 13 hommes, tués , blessés ou disparus. Il semble que le commandement allemand ait voulu vérifier la défense française et faire des prisonniers.
A la suite de cette attaque, le lieutenant-colonel « Morice » déc ide de mettre
désormais à la disp osit ion du commandant Caro qu atre bataillons des F.F.I. : le
1er dont le chef, le commandant « Hervé », a été appelé en ren fort avec deux
compagnies le 14 septembre, le 8e et le l2 e , déjà sur place, et le l6 e , venu des Côtesdu-
Nord, auxquels s'ajouteront un e compagnie de fu siliers marins dans le secteur
maritime et un détachement léger de l'armée américaine qui cantonnera entre Péaule
et Limerzel. Une compagnie de contre-attaque est mise en stationnement à Meucon
pour atteindre dans les deux heures, n'importe quel point menacé ; enfin une
compagnie de transports, créée à Vannes, regroupera les mo yens automobiles pour
être en mesure de déplacer immédiatement les réserves.
Malheureusement les F.F.I. ne possèdent pas d'artillerie et les Allemands tirent presque quotidiennement sur leurs lignes avec deux batteries hippomobiles, l'une de 105, l'autre de 77 et de 88 qui se déplacent sur la route de Pénestin à La Roche Bernard et de La Roche-Bernard à Théhillac. Ces bombardements causent des dégâts, notamment le 29 septembre sur le bourg de Béganne, mais font peu de
victimes.
Par contre le renforcement du dispositif de défense rend les incursions ennemies plus hasardeuses. Le 21 octobre, dans le secteur de Rieux, un commando qui a réussi à franchir la Vilaine doit la repasser une heure plus tard après un bref combat. Une nouvelle tentative, le 20 novembre, aux Vieilles Roches en Arzal, se heurte à une compagnie du bataillon de Vannes qui coule deux péniches de débarquement ; une
vingtaine d'allemands sont tués ou jetés à l'eau. Dans la nuit du 21 au 22 novembre, le poste de garde situé au « Rohello » en Béganne est surpris par un groupe d'allemands qui ont traversé la rivière. Un soldat des F.F.I. est tué et son corps emporté à Saint-Dolay quand l'ennemi se retire. Ce petit succès encourage les Allemands à tenter dans la nuit du 28 au 29 décembre une nouvelle incursion : une dizaine de barques chargées de soldats tentent d'aborder près de Billiers mais elles sont repoussées après une lutte sévère.
Cet échec incite les Allemands à plus de prudence ; ils ne chercheront plus beaucoup à franchir la Vilaine. Leur tentative la plus sérieuse en 1945 aura lieu le 2 février : une forte patrouille passée à la faveur d'une brume épaisse est contrainte dans la soirée de retourner sur la rive gauche.
II - Les résistants morbihannais de la poche de Saint-Nazaire.
Pendant l'hiver 1943 -1944, un groupe affilié à l'Armée secrète s'est constitué à La Roche-Bernard autour de l'adjudant Joseph Le Diagon, commandant la brigade de gendarmerie, et de l'ingénieur des ponts et chaussées Marrée, Il a bénéficié du parachutage effectué dans les marais de Limerzel dans la nuit du 3 au 4 août 1944 puis s'est trouvé isolé dans la « poche ».
Quand le 8e bataillon prend position sur la rive droite de la Vilaine, le groupe de La Roche-Bernard y est rattaché et le 9 septembre 1944, Ie capitaine Villard, officier de renseignement du secteur, franchit la rivière pour nouer un contact avec la Résistance en pays occupé. Il demande que soient fournis régulièrement des renseignements sur tous les aspects de l'activité ennemie; il promet des armes et vers
le 25 septembre un avion parachute sur le bord de la Vilaine, près de Saint-Cry, des fusils, des fusils-mitrailleurs, des grenades, des mitraillettes et des munitions ainsi que le matériel nécessaire pour installer une ligne téléphonique qui reliera en permanence les résistants du canton de La Roche-Bernard au P.C. du bataillon. Le 27 septembre, ce téléphone fonctionne : l'appareil est placé dans le tronc creux d'un
vieux chêne près de la ferme de Larmor en Saint-Dolay ; le fil a été enterré sous l'herbe puis lesté pour tomber au fond de la rivière. Seuls ont le droit d'utiliser ce téléphone l'adjudant Le Diagon, son adjoint Le Calvé (gendarme également) et un instituteur privé de Férel, Paul Le Gall. Les armes parachutées ont été cachées dans le taillis de Kerlieu près de Saint-Cry.
Avant l'installation du téléphone il fallait passer la Vilaine de nuit, en barque, à partir de Cran ou surtout de Larmor pour porter des renseignements aux F.F.I., ou pour aller s'engager dans leurs rangs. Le fermier de Larmor, Élysée Niget, abritait dans sa ferme les candidats au passage jusqu'à la nuit ; certains passèrent à la nage et même plusieurs fois comme Victor Le Guével, de Saint-Dolay, avec, sur le dos, le paquet de leurs vêtements ; non sans risque, car dans ce secteur, la Vilaine, large de 200 mètres, a des remous dangereux et des rives boueuses. Le Guével lui-même, bien que connaissant parfaitement les lieux, s'y englua une fois et faillit y rester.
Le téléphone permet le fonctionnement d'un service d'aide aux russes et aux allemands qui souhaitent déserter. En deux mois, 26 soldats de la Wehrmacht franchissent la Vilaine pour se rendre. Il n'est pas trop difficle de repérer ceux qui désirent vraiment déserter. On les y encourage en insistant sur l'inutilité pour l'Allemagne de continuer une guerre qu'elle a irrémédiablement perdue et en leur proposant une aide
désintéressée. Le soir convenu, on les conduit à Larmor avec armes et bagages. De Rieux ou de Béganne une barque vient les chercher, parfois deux ou trois d'un coup.
Ces disparitions intriguent les officiers locaux de la Wehrmacht qui veulent en avoir le coeur net et tendent un piège. Un sous-officier sarrois, « Pierrot », qui commande la section en stationnement à Saint-Dolay, parle bien le français et inspire une certaine confiance aux gens du pays. Il s'ouvre de son désir de partir à un menuisier qui vient sur réquisition faire des réparations au cantonnement, Marcel Guyon. Celui-ci croit que c'est sérieux. Un premier rendez-vous réunit à la scierie de Saint-Dolay « Pierrot » et quatre autres allemands d'une part, Marcel Guyon, Paul David, débitant , et Pierre Le Pocreau, instituteur privé, d'autre part. Un deuxième rendez-vous, au même endroit, le 21 novembre, aboutit à un accord complet ; le départ est fixé à la nuit suivante. Au moment de se séparer, vers 19 h 00, Pierrot, subitement, brandit son pistolet : « Halte ! Haut les mains ! » Les trois français sont emmenés au P.C. du bourg où les attend le commandant du secteur, qui réside au château de Cadouzan. On les conduit ensuite, à pied , à Cadouzan. David, pieds et mains liés, va rester vingt heures de suite dans une cave. Guyon et Le Pocreau, par contre, sont immédiatement interrogés. Comme ils refusent de parler, ils sont soumis à la torture; renversés la tête en bas entre deux petites tables, ils reçoivent des coups de nerf de boeuf qui ne leur arrachent que des cris de douleur.
Mais les Allemands possèdent une liste de suspects. Au cours de la nuit , ils arrêtent sept autres patriotes : à Saint-Dolay, Auguste Mahé, Alexandre Grayo et Joseph Guihard ; à Saint-Cry en Nivillac : Jean-Baptiste Desbois, boucher, et Maurice Jugan, mécanicien ; à La Roche-Bernard : Jean Bodiguel, boucher et à Férel : Paul Le Gall , instituteur privé. Tous sont emmenés le 22 au séminaire de Guérande où les interrogatoires et les tortures les mettent à rude épreuve. « Pierrot » dit à David : « Depuis quand êtes-vous chef de groupe? Il y a 24 h 00 nous ne savions rien de vous, maintenant nous savons ». Ne répondant pas , David reçoit sur le front un coup de nerf de boeuf qui le met K.O. Ses compagnons connaissent le même traitement, sauf Guihard et Jugan qui n'appartiennent pas au groupe. Le 23, les Allemands, guidés par Paul Le Gall, vont à Kerlieu s'emparer du matériel parachuté et découvrent le téléphone, ce qui aggrave singulièrement le cas des accusés. Le 24 novembre, dans l'après-midi, tous sont emmenés à la prison de Saint-Nazaire où on les met en cellule deux par deux. L'instruction de leur procès est rondement menée et les voici, nantis d'un avocat allemand, qui comparaissent le 8 décembre 1944 devant le tribunal de guerre. Après un simulacre d'audience, un quart d'heure suffit à leurs « juges » pour condamner à mort les huit membres du groupe.
Dans la nuit, leurs gardiens viennent trois fois regarder au judas si l'un d'eux essaie de se sauver ou , peut-être, de se tuer. Au matin , David et Bodiguel se confient qu'ils ont fait voeux d'un voyage à pied à Sainte-Anne-d'Auray.
Le 8 décembre, donc le jour même de leur condamnation, Jean-Baptiste Bodiguel a réussi à lancer un papier par la fenêtre de sa cellule alors que des maçons travaillaient à réparer les dégâts causés à la prison par un bombardement. Un maçon a recueilli le papier et son chef d'équipe l'a envoyé prévenir les familles. La représentante de la Croix-Rouge à La Roche-Bernard, Mme Boissière, a aidé celles-ci à
voir le sous-préfet qui résidait à La Baule mais était en déplacement ; contacté en fin à 22 h 00 à Saint-Gildas-des-Bois, le sous-préfet se met au ssitôt en relation avec le général Jungk et le prie de surseoir à l'exécution des condamnés en attendant une communication importante. Les autorités américaines prévenues menacent le lendemain de fusiller dix officiers supérieurs pour chaque supplicié quand viendra
l'heure de la reddition. Le 16 décembre, le général Jungk commue, pour les huit condamnés, la peine de mort en dix ans de forteresse. Les Allemands les libérèrent après l'entrée en vigueur de l'armistice , le 9 mai 1945.
Au moment même où était anéanti le groupe centré à Saint-Dolay, un autre commençait à l'autre bout du canton une carrière des plus fécondes. Albert Chotard, débitant à Pénestin, prisonnier libéré en février 1943 dans le cadre de la relève, avait pris contact avec l'équipe de Le Diagon mais en restant sur ses gardes parce qu'il trouvait qu'on s'y montrait insuffisamment discret. Avec deux amis, Pierre Perraud,
de Tréhiguier en Pénestin, qui est unijambiste, Jean Panhéleux, de Camoël, et une jeune cousine de Mme Chotard, Eulalie Noblet (« Lili ») qui habite avec ses parents dans leur ferme des Métairies en Nivillac , il constitue une équipe décidée à agir.
Par les ouvriers de l'Organisation Todt qu'il avait interrogés pendant les travaux, Chotard connaissait dans tous leurs détails les ouvrages allemands de la région. Il en établit un plan, depuis la côte jusqu'à La Roche-Bernard, afin de le porter en zone libérée. Dans la nuit du 20 au 21 novembre 1944, Panhéleux et lui partent sous l'église de Pénestin ; deux marins de Tréhiguier, Herlé Cren et Francis Guillouzic leur font passer la Vilaine . Après une traversée de trois kilomètres, sans histoire, ils abordent le rivage de Billiers et vont réveiller le cultivateur de La Bergerie, qui ne s'attendait pas à pareille visite , pour qu'il aille chercher le bateau, ce qui est fait sans retard. Il les conduit ensuite à Coëtsurho en Muzillac où des F. F.I.
doivent monter la garde. On y dort ferme et le chef de poste, en se réveillant, se montre fort embarrassé ! On les emmène d'abord à Prières où Chotard lâche un pigeon pour faire savoir à Pénestin que tout va bien ; il remet ensuite son plan au commandant des F.F.I. du secteur puis, à Vannes, on présente les quatre hommes à Lessoile, officier de renseignement du 1er bataillon des F.F .I. Celui-ci les informe de l'existence à La Baule du réseau « Berry » que dirige l'instituteur Henri Mahé, qui a déjà « fait du renseignement en 1943 et jusqu'en 1944, pour « Jade-Fitzroy ». Cren , qui a servi dans la marine de guerre, s'engage immédiatement ; les trois autres rentrent chez eux la nuit suivante.
« Lili » établit le contact avec Mahé puis Chotard, Panhéleux, Perraud et la jeune fille le rencontrent dans les bois de Monchoix, à un kilomètre d'Assérac. Là, chacun se voit assigner sa tâche. A partir de ce moment, Chotard et Perraud recueillent les renseignements sur les positions, l'armement et l'activité des troupes allemandes de Saint-Dolay à l'estuaire de la Vilaine ; ils remettent leurs rapports à Panhéleux qui passe la Vilaine en canoë, habituellement entre la Grée en Camoël et Broël en Arzal , pour les porter à l'état-major français. De son côté , « Lili », à peu près deux fois par semaine, se rend à La Baule à bicyclette pour en remettre le double à Mahé.
Un jour, Chotard va chercher à Vannes un poste émetteur. De retour, il le dépose à Camoël au moulin d'Ambroise Panhéleux d'où le frère de celui-ci, Jean, le porte à La Baule, la nuit même, à bicyclette. Désormais quand on doit passer, Mahé, grâce à l'émetteur, prévient le service français de renseignement et un bateau qui appartient à la propriétaire du château de Broël traverse la Vilaine pour venir chercher l'émissaire du groupe. Pour l'atteindre, celui-ci doit parfois entrer dans l'eau jusqu'au ventre!.
Le 30 janvier 1945, le bateau de Broël n'étant pas venu , Chotard s'arrange avec Yvonnick Tara, commissaire-priseur de Brest qui s'est trouvé bloqué dans la poche, pour prendre une plate sur la plage de Pourbrantais. Un cultivateur, Joseph Gilbert, transporte le bateau dans une charrette à boeufs, sous des roseaux, et le dépose sous sa ferme du Lienne d'où cinq hommes le transportent à bras jusqu'à la
rivière. Il est 21 h 00 et le brouillard est si dense qu'il faut attendre 5 h 00 du matin pour partir. Perraud, qui conduit la plate, réussit alors à transporter Panhéleux sur la rive droite sans trop de mal mais au retour, tandis que Panhéleux fait route vers Vannes, il se perd dans le brouillard , ne peut voir Chotard qui l'attend sous le Lienne pour lui désigner le terrain d'accostage et touche terre à cinquante mètres d'un poste allemand placé sur la route de Tréhiguier. Il s'aperçoit qu'il se trouve près de la ferme du Branzais, s'écarte et longe le rivage jusqu'à ce que les coups de sifflet de Chotard qui s'impatiente le guident jusqu'à son lieu d'accostage. Le cultivateur du Lienne a tout juste le temps de venir avant le jour pour reprendre la plate et la camoufler chez lui sous des roseaux. Panhéleux reviendra le lendemain par le canoë de Broël.
D'autres passages s'effectuent pendant toute la durée de la poche, surtout à Cran ou du côté de Théhillac soit pour communiquer des renseignements soit pour échapper aux Allemands et l'on est surpris que ceux-ci ne réagissent pas à ces allées et venues incessantes qui pour être clandestines ne sont pas indécelables. Sans doute sont-ils trop peu nombreux pour surveiller efficacement un front si long.