Récit:
Cette année là Lorient sera la dernière ville bretonne à être libérée du joug nazi. Le 10 mai 1945, le général Fahrmbacher remet son arme au général Kramer, dans une prairie de Caudan. Les 26.000 soldats allemands de la poche de Lorient sont faits prisonniers. Lorient n'est que ruine mais la base des sous-marins, que la ville actuellement tente de reconvertir, est restée quasi-intacte.
La poche de Lorient aura résisté 277 jours. Neuf longs mois, après que les Allemands s'y soient recroquevillés en août 1944 devant l'avancée des troupes américaines.
C'est Hitler lui-même qui a donné l'ordre à ses combattants de tenir au minimum huit semaines. Pour éviter que les bunkers de Kéroman, d'où partaient les sous-marins allemands "tueurs" de bateaux alliés dans l'Atlantique, ne tombent intacts aux mains des libérateurs.
Le 10 août 1944, ces derniers, alors aux portes de Lorient, décident de ne pas donner l'assaut. Au grand dam des F.F.I. et de leur chef, le lieutenant-colonel Morice. La poche est défendue par 26.000 Allemands bien équipés et leurs défenses sont impressionnantes.
Prendre Lorient était possible: elle aurait coûté très chère en vies humaines. La 6e division blindée américaine, relevée par la 94e division d'infanterie, venue directement d'Amérique via les plages de Normandie, a d'autres missions plus urgentes. Les Américains ont les yeux fixés sur l'Est avec une priorité: l'avancée vers l'Allemagne pour abattre le régime nazi.
A Saint-Nazaire, une autre poche se forme autour d'une autre base de sous-marins: 30.000 Allemands sont pris au piège. Elle tombera aussi le 10 mai 1945.
Ce sont les résistants français qui vont se charger durant ces longs mois de faire le blocus de la poche: les F.F.I., F.T.P., les réseaux, les O.R.A. seront intégrés dans la 19e division d'infanterie de l'armée française commandée, à partir d'octobre 1944, par le général Borgnis-Desbordes. Quelque 12.000 hommes sont mobilisés avec des renforts de résistants venus du Finistère et des Côtes d'Armor.
Rudes accrochages
Débute alors un siège très pénible pour les deux camps. Les accrochages entre assiégés et libérateurs, sans cesse en mouvement, sont nombreux et les victimes se comptent par dizaines tout au long de ces neuf mois. La poche va de Quéven jusqu'à Port-Louis, Étel, la presqu'île de Quiberon, ainsi que les îles de Groix et de Belle-Ile.
Les combats les plus violents ont lieu en octobre et novembre 44. Aux coups de mains des Français, répondent des contre-attaques allemandes. Notamment dans le secteur Belz-Étel où on se battra jusqu'en avril 45.
Pour les civils, la vie est rude: ni pain, ni électricité, ni chauffage. On en est réduit à vendre chiens et chats. En février 1945, 90% des habitants de la poche ont été évacués. Les Allemands, aux abois, sont contraints de récolter les pommes de terre dans les champs. Ils évacuent aussi 3.000 Bellilois pour se réserver les approvisionnements. Les dernières semaines, la situation sera critique sur la presqu'île de Quiberon.
Reddition
Après la capitulation des forces allemandes du nord-ouest auprès du général Montgomery, alors que Berlin n'est que ruines, les soldats allemands de la poche savent que la résistance est inutile. Les négociations en vue d'une reddition des assiégés débutent le 4 mai 1945 au Magouer à Plouhinec.
C'est au café Breton à Étel, le 7 mai, vers 20 h , que les officiers allemands, menés par l'ober Schmitt, le colonel Borst, signent l'accord avec les officiers américains et français.
Au bout de la table, un lieutenant au 2e bureau de la 19e division d'infanterie, Fernand Boulla. Il a alors 24 ans. "Tout a été très vite", explique-t-il en 1995 à notre confrère Yves Guégan, à l'occasion du 50e anniversaire de la libération de Lorient. "Les Allemands ont traversé la rivière en bateau. On s'est réuni au café. Le colonel Borst avait l'accord du général Fahrmbacher. Restait à signer le document qui lui avait été présenté déjà quelques heures auparavant".
Les Allemands acceptent les conditions posées pour la reddition mais demandent aux Alliés de ne pas entrer dans la poche immédiatement. Un délai de 3 jours qui leur permet de déminer les lieux et surtout de détruire leurs archives.
Vision d'apocalypse
La fin de la poche de Lorient sera effective le 10 mai 45: les 12.000 hommes des forces alliées se déploient au petit matin. A 16h , dans un champ à Caudan, le général allemand remet son arme personnelle au général Cramer, commandant les forces américaines dans la région. Lorient peut respirer.
De la coquette ville d'avant guerre, il ne reste qu'une vision d'apocalypse et un champ de ruines. Quelques rares maisons sont intactes, 4.000 immeubles et maisons sont détruits, 3.000 gravement endommagées. Mais l'aviation alliée n'a pu venir à bout de la base de sous-marins de l'Atlantique de la Kreigsmarine, un objectif stratégique.
Un mois après la Libération, la population qui a fui lors des bombardements de l'hiver 43, a recommencé à réinvestir la ville. Au fil des mois, des centaines de baraques vont être érigées. Les prisonniers allemands vont déminer les ruines. La reconstruction de Lorient va durer une vingtaine d'années.
Michel Le Hébel