• Le 2° Bataillon du 41° RI, sous les ordres du Commandant Pourcin, avait fait route le 23 mai pour Curchy, à l'est de Chaulnes, en passant par Ricquebourg, Beuvraignes, Hallu et Pouchy.

    Après une marche de 14 heures, il était arrivé à la tombée de la nuit. C'est avec ces hommes fatigués qu'il fallait tenter une opération importante.

    On s'en souvient, la mission assignée pour le 24 mai à la D.I. était de créer des têtes de pont sur la Somme, à Péronne et Cléry, après avoir réduit celles que l'ennemi s'était acquises à Pont-les-Bries, Saint-Christ et Epénancourt.

    Le 2° Bataillon avait à coopérer avec les chars et les chasseurs portés de la 4° D.C.R pour les opérations sur Pont-les-Bries et Saint-Christ. L'occupation de Pont-les-bries impliquait d'ailleurs que l'on fût auparavant maître de Villers-Carbonnel. La 6° Cie du 41° (Lieutenant Duchêne) fut désignée pour coopérer à cette opération avec les chars et les chasseurs portés.

    Sous les ordres du Capitaine-adjoint Dupuis, un groupement suivrait, qui ferait, hélas ! la route à pied, la 6° Cie devant être transportée par les voitures des chasseurs. Une section de mitrailleuses de la C.A.2 accompagnait la 6° Cie.

    Le P.C du Bataillon était établi à Curchy; il y avait autour de lui: une section de la 6° Cie (Sous-lieutenant Geffray); la 7° Cie (Lieutenant Bonnefils); les engins et la section de la C.A.2 (lieutenant Ravoux).

    L'attaque de Villers-Carbonnel et de Pont-les-Bries ( 2° Bataillon du 41° RI )

    Vers 23 heures, le soir du 23, le Lieutenant-colonel Loichot se rendit au 2° Bataillon. L'auto fonça dans la nuit opaque. J'admirai nos chauffeurs qui, dans une telle obscurité, sur des chemins inconnus ne nous égaraient pas. Au loin, dans un village, sur la rive gauche de la Somme, une distillerie, ou peut-être l'unsine de produits chimiques de Nesles, flambait. Une énorme torche. Elle brûla pendant 8 jours au moins.

    En passant par Pouchy et Puzeaux, nous arrivâmes dans une grande ferme à Curchy. Les hommes étaient autour du village et dans les dépendances de la ferme. Le P.C dans une cave profonde. L'obscurité et le silence étaient saisissants. Une poignée d'hommes dans cette immense solitude ! Quelles surprises ne pourraient se produire ?

    Deux femmes restaient dans le village. L'une d'un age assez mûr, et sa fille, une gaillarde aux lèvres peintes qui ne paraissait pas timide. Que faisaient-elles en ce lieu ? On se le demandait.

    L'heure H était 4 heures. Une vingtaine de chars et des chasseurs devaient prendre part à l'opération, s'installer à Villers-Carbonnel, jusqu'au moment ou la 6° Cie de Fonchette amenée par les autos-chenilles viendraient les relever, pour achever l'opération. Puisque nous suivrions à pied, il en résulterait que la 6° serait en pointe isolée du gros du bataillon, à une dizaine de km.

    Les chars n'arrivèrent malheureusement qu'à 5 heures du matin. Les équipages et les chasseurs faisaient très bonne impression, et paraissaient remplis d'ardeur. Les avions allemands nous survolaient et, par ce beau soleil, voyaient tout ce qu'ils voulaient.

    Après les chasseurs, le groupement Dupuis se mit en route. Le médecin Sous-lieutenant Jarry en faisait partie. Traversant la ligne de chemin de fer, le groupement alla jusqu'à Dreslincourt, à 1500 mètres au nord. Brusquement, l'avance s'arrêta. Je ne sais pourquoi; et l'on vint s'installer au abord de la station.

    Pendant que nous restions là inactifs, les chars et les chasseurs étaient entrés dans  Villers-Carbonnel et s'en étaient emparé. Ils avaient eu quelques tués et blessés, mais ils avaient fait 40 prisonniers que les autos-chenilles ramenèrent en arrière, en venant prendre la 6° Cie, le section mitrailleuses du Lieutenant Le Guiner et la section C.D.A.C du lieutenant Froment. à 11h30 seulement, par suite du retard initial, l'embarquement peut se faire à la ferme de Fonchette. La colonne traversa Marchelepot onoccupé, et pénétra dans Villers-Carbonnel.

    Les chars avaient repoussé l'ennemi; mais celui-ci s'était retranchés autour du village, à l'ouest et au nord, à 300 mètres seulement, et tout de suite mis à creuser des retranchements. Les hommes du 41° RI, après avoir rapidement inspecté les maisons, le long de la rue principale, installèrent les F.M, les mitrailleuses et les engins face à l'ennemi, et commencèrent eux aussi à se faire des trous individuels.

    Alors les chars et les chasseurs partirent, vers midi, avec un matériel malheureusement diminué. Car une grave mésaventure leur arriva, conséquence de notre manque antérieur de préparation. Dans Villers-Carbonnel les chars furent à cours d'essence ! Ils n'avaient pas, comme les Allemands, de camions blindés de ravitaillement et de dépannage. une camionnette dut venir bien vite à l'arrière chercher un peu de carburant. Mais que de temps perdu, et le 41° ne disposait des blindés que jusqu'à midi !

    Un gros char B ne put quitter la position aventurée ou il se trouvait dans la plaine, à l'ouest de Villers, faute d'essence et faute d'équipage, car l'officier qui le commandait avait été tué, et ses deux compagnons avaient abandonné leur engin immobilisé pour essayer de gagner le village qu'ils n'atteignirent pas.

    L'attaque de Villers-Carbonnel et de Pont-les-Bries ( 2° Bataillon du 41° RI )

    Un autre char R.35  par suite d'une rupture de chenille, ne revient pas non plus.

    L'attaque de Villers-Carbonnel et de Pont-les-Bries ( 2° Bataillon du 41° RI )

    Un autre avait été mis hors de combat, dès la prise de Villers, sur la route, à l'entrée, par un obus de 37 allemand. Car l'ennemi était établi dans les fermes d'Horgny, au sud-ouest, et l'on ne pu jamais l'en déloger. c'est pourquoi les deux tentatives postérieures du 22° Etranger furent inefficaces.

    L'attaque de Villers-Carbonnel et de Pont-les-Bries ( 2° Bataillon du 41° RI )

    Nous n'avions pas assez d'hommes ! On faisait attaquer une compagnie, là ou il fallu un bataillon. Ce n'était pas la faute du Commandement, mais des Français de la génération précédente qui n'avaient pas voulu avoir d'enfants. Conséquence de cet égoïsme meurtrier: nos jeunes gens mouraient inutilement, leur courage se dépensait en vain.

    La 6° Cie resta donc seule, à Villers-Carbonnel, dans une position assurément hasardée, car elle fort en pointe, et pont-les-bries n'était pas pris, bien que l'ordre en eût été donné.

    Duchêne y songeait bien. Mais les chars n'essayèrent pas, on le comprend; leurs chefs déclarèrent que c'était aux fantassins d'y aller. Ceux-ci vont tenter un commencement d'exécution pour un ordre impossible à réaliser par un si petit nombre d'hommes.

    En effet, dans le village aux maisons dispersées de Villers, la 6° Cie ne pouvait défendre qu'une partie du secteur ouest:

    La 1° et 2° Sections, avec les mitrailleuses de Le Guiner, occupèrent le cimetière civil à gauche et au nord du croisement des routes; la 3° et la 4° Sections firent face à l'ouest; Le canon de 25 fut pointé en direction du nord, au carrefour.

    L'attaque de Villers-Carbonnel et de Pont-les-Bries ( 2° Bataillon du 41° RI )

    Pont-les-Bries, ou il s'agissait d'aller, est sur le canal latéral de la Somme, et sur la rivière. Le Lieutenant Duchêne prit avec lui la 3° Section, moins éprouvée, et il partit. Un par un les hommes passèrent le dangereux carrefour, et parcoururent 300 mètres sur la route qui descend vers Pont-les-Bries. Le feu des Allemands était intense, et Duchêne perdit beaucoup d'hommes, atteints par les obus fusants. De l'endroits ou il était parvenu, l'officier commandant les chars avait pu constater la présence de batteries et de mortiers ennemis. Duchêne estima qu'il était impossible d'aller plus loin, et, ayant obéi, revint prendre position entre le cimetière et la 4° section.

    Pendant toute la journée, mais surtout jusqu'à 16h00, les bombardements furent fréquents et violents.

    La 6° Cie fit 5 ou 6 prisionniers, et elle découvrit, dans une cave, un cavalier du G.R d'une autre division, demeuré là caché depuis 3 jours. Il était absolument hébété par ces jours de transes.

    Les pertes de la 6° Cie furent sérieuses, car à la seule 4° section (Sous-lieutenant Geffray), il y eu 5 tués et 8 blessés. On put déjà constater que, parmi les gradés, les pertes étaient plus nombreuses.

    Vers 16h00, une Compagnie du 22° Etranger (qui pendant l'après-midi s'était emparé de Berny-en-Santerre) arriva en renfort avec son échelon. Elle s'établit dans la partie est de Villers, face à la Somme. Elle subissait, dès lors, avec la 6° Cie, les bombardements.

    Vers 19h00 l'ordre d'évacuer fut donné. Duchêne se refusa d'abord à l'exécuter, il assurait que l'on pouvait et devait maintenir, bien que la position fût dangereusement en pointe. Il fallut, pour qu'il acceptât, un nouvel ordre écrit, donné par le Capitaine du 22° Etranger. Cette décision n'émanait certainement pas du Général commandant la division, ni du Colonel paillas, commandant I.D 19. on ne pouvait emporter les morts. On les laissa dans le poste de secours installé par le Médecin-lieutenant Zarakowitch auprès de l'église. Les blessés furent chargés sur les chenillettes. Comme elles devenaient par là même indisponible pour le transport de matériel, on les porta en totalité à dos d'homme !

    L'attaque de Villers-Carbonnel et de Pont-les-Bries ( 2° Bataillon du 41° RI )

    Le repli se fit en ordre parfait, par des sections échelonnées sur la route, l'une s'arrêtant et faisant le coup de feu, pendant que l'autre passait. La 6° Cie dut ainsi faire face au tir ennemi, et elle rentra à Marchelepot. Le 22° Etranger procéda de la même façon.

    Peut-être faut-il regretter cet abandon de Villers-carbonnel. car jamais, par la suite, le 22° ne peut le garder, en dépit de la tentative renouvelée le 26 et qui échoua, devant une contre-attaque allemande, faite par des engins blindés venus de pont-les-Bries.

    Villers n'était qu'à 7 km de Péronne, et dans la nuit du 25 au 26 mai, nos camarades du 2° Bataillon du 117° allaient s'emparer du village de Belloy, à gauche.

    Pendant que nos camarades de la 6° Cie livraient ce sanglant et inutile combat, que devenait le chef de bataillon et le groupe qui le suivait ?

    Il s'était établi sur la ligne de chemin de fer, autour de la gare; il ne s'y passa rien.

    A la tombée de la nuit, on alla chercher à Marchelepot, les blessés de la compagnie duchêne. Sur la route, à l'entrée de ce village, des chars attendaient le crépuscule pour faire une petite attaque.

    Le lendemain matin du 25, le P.C du 41° RI quitta Hallu, après les obsèques des deux camarades de la 11° Cie tués dans la progression, la veille, pour s'établir à Vermandovillers, au nord-ouest de Chaulnes, à proximité du 3° Bataillon qui était à Estrées, et du 1° Bataillon à Soyécourt. Le 2° Bataillon du 41° RI continuait de travailler dans la région de Licourt, à droite de notre dispositif, ou il sera remplacé quelques jours plus tard par le 112° RI de la 29° Division, qui viendra s'intercaler entre nous et la Somme.

    Chaulnes, ou nous passons, est une petite ville groupée autour d'une belle église neuve; les maisons, elles aussi sont de constructions récentes, comme il arrive souvent dans ce pays ou tout a été détruit en 1914 - 1917. Le Général Toussaint, avec l'Etat-Major de la D.I., y était installé. Il fut rejoint, le 30 mai, par le Colonel Paillas, chargé jusqu'à cette date de la couverture du flanc est de la D.I. avec P.C à Omiécourt.

     


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  • Arrivée dans le Santerre.

    Compiegne

    Quand, le 10 mai 1940, l'armée allemande, forte de 190 divisions, se porte, de toute sa masse, à l'attaque des armées alliées, de la Hollande au Luxembourg, la 19° DI tient le secteur défensif en Alsace; elle garde le Rhin de Neuf-Brisach à Kembs.

    Elle est formée sous les ordres du Général Toussaint, des 41° et 117° RI, du 22° régiment de volontaires étrangers, des 10° et 210° régiments d'artillerie, du G.R.D. 21, de 4 compagnies de génies et des services.

    Les nouvelles les plus fâcheuses nous parviennent; l'ennemi concentre spécialement son effort sur la charnière de notre ligne: la Meuse dans la région de Sedan et la Semoy. La 9° Armée (Général Corap) et la 2° (Général Huntsiger), attaquées de front par des forces très supérieures en hommes et matériel, doivent reculer en combattant. Le 13 mai, les divisions cuirassées allemandes franchissent la Meuse (dans la région de Sedan, aile gauche de la 2° armée); elles prennent de flanc, par le sud, la 9° armée déjà pressée sur le front nord-est. Une poche se forme qui va s'agrandissant les jours suivants. Les blindés allemands s'engouffrent dans l'énorme trouée creusée par leur choc violent; elles repoussent la gauche de la 2° armée française, et préparent l'enveloppement de l'armée Corap; du même coup, les 7° et 1° armées françaises, l'armée britannique et l'armée belge vont être tournées; pour résister aux 6000 ou 7000 chars allemands nous n'avons que trois divisions cuirassées fortes de 150 chars, soit au maximum 500 chars. Le 16 mai, une panzer division atteint le camp de Sissonne, et bientôt l'ennemi va être à Abbeville, à l'embouchure de la Somme, et à Boulogne; il est maître de la rive droite de la Somme; les armées françaises sont coupées en deux. Le 19 mai, les Allemands passent la Somme à Péronne et se constituent une large tête de pont dans le Santerre.

    Tandis que les armées du Nord voient se resserrer autour d'elles une étreinte mortelle, le Commandement se préoccupe de grouper des forces pour tenter une ultime chance. La 19° DI va entrer en scène dans une région ou ne reste pas un seul français.

    Le 16 mai, la 19° DI est alertée; le 17, elle commence son mouvement. L'embarquement se fait dans les gares de Brunstatt, Dannemarie et Monteux-vieux, qu'il faut rejoindre à pied. Cet embarquement est lent, car les wagons n'arrivent qu'à peine; les voies sont embouteillées; par ses attaques incessantes sur les gares et les lignes, l'aviation allemandes apporte un trouble considérable dans les communications. La marche des trains amenant des réfugiés de Belgique ou du Nord contribue malheureusement à rendre plus précaires encore ces communications. Il faudra 56 heures à nos convois pour arriver dans la région de Creil-Compiègne ou doivent se faire les débarquements. Il ne sera guère possible de nous transporter plus près du terrain ou l'on nous attend pour essayer d'arrêter le ruée de l'ennemi.

    Il nous faut faire un long détour par Besançon, Dijon, Massy-Palaiseau, Archères, Creil, pour aller dans le Santerre.

    Nous traversons trop lentement la Franche-Comté. Une magnifique province. Autour de Paris, nos trains s'immobilisent. de malencontreux convois de réfugiés belges descendent vers le sud, ralentissant notre marche. Alors que toutes les heures sont précieuses, et que se joue le destin de la France.

    Le 19 mai 1940, le premier train du 41° RI arrive à un vingtaine de km de Compiègne. Il amène l'Etat-Major du régiment, la C.D.T, la C.R.E, une section de la C.A.3. Il est 4h00; le train stoppe; les signaux sont bloqués sur la voie bombardée violemment une heure auparavant. Une équipe du Génie, employée à la réparation de la ligne, compte plusieurs tués.

    Chapelets d'entonnoirs; trains déraillés; wagons en miettes; décombres d'une gare. tel est le spectacle qui s'offre au regard. Lentement le train se remet en route. A 2km de Compiègne, le Capitaine Soulas, de l'Etat-Major de la Division, et le Lieutenant Lucas, adjoint au Colonel du 41° RI, précèdent le convoi et se rendent à la gare de Compiègne, ou ils trouvent 2 officiers de la DI arrivés le veille avec le Général Toussaint. On ne sait ou sont les Allemands. Nos troupes débarquent ou elles pourront. le train va poursuivre sa marche, s'il le peut, jusqu'à Roye-sur-Matz. Il est 7h00. A Ressons-sur-Matz, nouvel arrêt. Le chef de gare refuse de laisser le convoi aller plus loin, carn dit-il, l'ennemi n'est pas loin. La DI avertie prescrit de débarquer à Ressons. On procède à cette opération aussi que le permet l'exiguïté du quai (il ne peut recevoir que deux wagons en même temps). A 8h00 cependant; tout est achevé. Le P.C.R.I est installé, les abords du village sont occupés, la D.C.A est en place.

    Une fraction du G.R.D 21 passe vers 12h00, montant vers le nord en reconnaissance. A 16h00, la compagnie divisionnaire antichars arrive heureusement pour renforcer les 180 hommes de C.D.T, qui couvrent, avec 3 équipes de FM, les canons de 25 de la C.R.E, et la section de mitrailleuses de la C.A.3, la région de Compiègne.

    Partie de Riedisheim et de Mulhouse le 16 mai, à 20h30, la C.D.A.C arrive le 19 à Villers-sur-Gouchy, ou elle passe la matinée dans un bois et se met en route au début de l'après-midi, pour Vandelicourt qu'elle atteint à 16h00. Le soir même, nouveau départ pour Ribécourt, ou, après une marche qui dure toute la nuit, elle s'arrête le 20 au matin. Elle y rejoint des éléments débarqués du G.R.D.21, qui y ont été appelés pour défendre les passages de l'Oise face au sud, le Commandant de l'armée craignant des infiltrations allemandes sur la rive sud de l'Oise. Elle n'y reste d'ailleurs pas. Elle part à 17h00, pour aller dans la région de Boulogne-la-Grasse avec un bataillon du 117°. Elle est bombardée sans dommage par l'aviation allemande.

    Dans la nuit du 19 au 20 mai 1940, à 00h00, le 1° bataillon du 41° RI arrive à son tour; il était parti de Geistspitzen (Haut-Rhin) le 17 mai. la voie étant coupée au delà de Creil, il débarque à Canly (9km au sud-ouest de Compiegne) le 19 mai, vers midi. Des avions allemands, survolant le terrain, lancent des bombes qui font sauter un dépôt de munitions, non loin de là. Le soir, le 1° bataillon du 41° RI quitte Creil. Après une courte marche, il est enlevé en camion. L'aviation ennemie était là nombreuses, mais elle ne bombarde pas. Vers 23h00, le bataillon atteint La Neuville sous Ressons et Ricquebourg, à 1km au nord de Ressons-sur-Matz. Il est en place à La Neuville et Cuvilly vers 1h00 du matin; tout de suite, il se met à construire des barricades, car on redoute une attaque de chars au petit jour.

    A 22h00 et 24h00, notre G.R.D avait fait connaître qu'il n'y avait aucun ennemi au sud de l'Avre. Cependant à 1h00, on signale la présence d'éléments blindés à la droite du secteur. les éléments débarqués du G.R.D.21 et la C.D.A.C sont envoyés au plus vite pour border l'Oise et protéger notre flanc.

    Dans l'après-midi vers 18h00, une douzaine d'avions allemands survolent Ressons, bombardent la gare qu'ils n'atteignent pas; mais la féculerie proche brûle.

    Protégées par cette faible couverture, les unités de la Division arrivent péniblement.

    Le lundi matin 20 mai, dans la petite gare de Canly, un train transportant la C.H.R et des éléments du 41° RI est bombardé et mitraillé par des avions; il est 5h00. Je suis enveloppé d'éclats de bombe. Les projectiles sont tombés à 150 m de la voie. Le train stoppe: deux blessés seulement. La gare devant nous est détruite et en flammes. On ne peut plus passer. Des avions allemands tournent au dessus de nous. L'un deux est atteint. son équipage saute en parachute. Vers midi nous repartons; notre train repart en arrière, jusqu'à Longueil-sainte-Marie, pour prendre la direction de Compiegne. Des bombes sont tombées sur cette gare aussi mais les voies sont intactes, des bâtiments sont détruits. Nous descendons du train à Verberie.

    Arrivée dans le Santerre.

    Déjà cette gare a été bombardée.

    une quinzaine d'appareils ennemis reviennent, à deux reprises. le premier bombardement atteint la gare et le buffet; le deuxième frappe le 1° bataillon du 117° RI qui nous succède sur les quais de débarquement, couverts d'hommes et de matériel; il y a 3 morts et 15 blessés au 117°. Un mélange effrayant de cadavres d'hommes et de chevaux. Les voitures de la C.H.R du 41° RI n'étaient pas toutes parties encore. Le Bouvier, un conducteur de la compagnie de Commandement du 41°, est blessé. Le camion d'essence qui a reçu des éclats de bombe ce matin à Canly est cette fois incendié. Heureusement, le Lieutenant Austry, de la C.H.R, peut sauver le reste de nos voitures (7 ou 8).

    Nous nous dirigeons vers Compiegne. Vers 16h00, nous traversons cette ville, charmante en temps ordinaire. Entre l'Oise, l'hôtel de ville et l'hospice général, tout le quartier est en flammes; bientôt les maisons situées entre la gare et l'Oise seront incendiées. L'aviation ennemie a fait son oeuvre.

    Par un détour, nous accédons au pont encore intact et le franchissons. Survolés par des avions allemands, nous atteignons, à 19h00, Ressons-sur-matz; la féculerie brûle toujours; à diverses reprises, au cours de la journée, l'aviation ennemie est venue sur la petite ville, et à 9h00 du matin elle a de nouveau bombardé la gare.

    Pour quelques heures encore, l'Etat-major du 41° RI est installé à Ressons, ou règne une grande inquiétude; le bureau de poste ferme; l'exode des habitants continue.

    Toute la 19° DI doit se concentrer dans la région. Mais les unités arrivent difficilement.

    A 10h00, le bataillon se rend à saint-Maur. Un avion allemand qui revenait de larguer ses bombes sur Compiegne, tombe en flammes. On croise sur notre route, des réfugiés civils, des soldats par petits groupes, les uns à pied, d'autres à vélo ou à cheval. Ce sont des débris de notre armée de Belgique; ils sont fatigués et dans un état lamentable. Tous se plaignent d'avoir été décimés par l'aviation, sans avoir vu un seul appareil français. Le bataillon s'arrête l'après-midi dans les fermes. Les avions ennemis de reconnaissance sont toujours au dessus de nous. A 21h00, départ pour Fescamp, par Orvillers, Sorel, Conchy-les-pots, Boulogne-la-grasse. La nuit est si claire qu'il faut parfois se jeter dans les fossés pour éviter d'être repérés par l'ennemi. Il y a des incendies dans le lointain, on entend au nord-est de notre position une canonnade ininterrompue. Les hommes épuisés portent avec beaucoup de peine leur chargement. Ils accomplissent ainsi une étape de 20km.

    A l'aube du 21 mai, le bataillon atteint Fescamp et s'y organise immédiatement en point d'appui fermé.

    En cette soirée du 20 mai, la 19°DI reçoit l'ordre d'occuper défensivement, au fur et à mesure de l'arrivée de ses éléments, le massif de Boulogne-la-Grasse, pour couvrir les directions de Montdidier et d'Estrées-Saint-Denis. Les premiers éléments arrivés, c'est à dire le 1° Bataillon du 41°, 2° bataillon du 117°, 3° bataillon du 117°, sont formés en un groupe temporaire sous les ordres du colonel Loichot avec l'Etat-Major du 41° RI, seul Etat-Major de régiment débarqué.

    Arrivée dans le Santerre.

    A 21h00, le P.C.R.I du 41°  se transporte à Boulogne-la-grasse; le G.R.D.21 borde l'Avre; le 1° bataillon du 41° occupe Tilloloy et s'organise défensivement dans l'immense parc tout entouré de murs du château, sur la route de Compiegne-Roye; les 2 bataillons du 117° sont à Piennes, Renaugies, Fescamp et Bua, à l'est de Montdidier.

    Arrivée dans le Santerre.

    Nous avons que cette dernière ville n'a pas été visitée par les avant-gardes allemandes, car l'après-midi, au cours d'une reconnaissance qui n'était pas sans péril, le Colonel Paillas, commandant notre infanterie divisionnaire, s'y est rendu en auto, il n'y a trouvé personne. Seuls quelques pionniers y demeuraient, continuant le travail. Quelques rafales de mitrailleuse d'avion l'on vraiment poursuivi à son retour.

    Boulogne-la-Grasse, ou s'établit le P.C du 41°, est un fort joli village, au milieu des bois, sur un mamelon qui domine toute la contrée. Nous y passeront deux jours.

    Le P.C de la 19° DI qui était le 18 mai à Creil, le 19 à Compiegne, se transporte à Lachelle le 20; il sera le 21 à Cuvilly, le 22 à Tilloloy.

    Le 21 voit arriver les bataillons dont on était jusque là sans nouvelles.

    D'abord le 3° bataillon du 41° RI. La veille, son convoi survolé par des avions allemands, a atteint la gare de Creil. dans cette gare, encombrée de train, le débarquement ne peut se faire; la ligne bombardée est inutilisable; le convoi est ramené en arrière à Précy-sur-oise, à l'endroit même ou, 20 jours plus tard, mais réduit des 2/3, le bataillon devra défendre le passage de l'Oise. dans la forêt de Chantilly proche, sur la route du Lys, des camions et autocars du 22° train enlèvent, à 23h00, ses hommes et les transportent à 4 ou 5 km de Ressons-sur-Matz; ils y arrivent à 3h00 du matin, le 21, pour aller passer la journée dans un bois, près de Ricquebourg.

    Les villages se vident de leurs habitants, évacués par ordre, à moins que la peur n'y suffise.

    Les deux aviations sont actives.

    L'après-midi, le chef de bataillon et les commandants de compagnies vont reconnaître Crapeaumesnil. Ils sont mitraillés sans perte, par 40 bombardiers ennemis, escortés de chasseurs.

    A 21h30, le 3° bataillon du 41° part pour Canny-sur-Matz, à 8km. Il n'y a plus personne dans le village. on construit des barricades aux issues; on creuse des positions de défense pendant la journée du 22. Le chef de bataillon et les commandants de compagnies font une reconnaissance des Loges et du Bois des Loges, en vue d'une occupation défensive éventuelle.

    Le 2° bataillon du 41° nous rejoint lui aussi. Il à pu débarquer sans incident un peu avant Compiegne, et aussitôt il est monté à La Neuville-sous-Ressons.

    La journée du 21 s'est écoulée tranquille à Boulogne-la-Grasse. On songeait à s'installer défensivement dans ce village. le commandant Nicole, du 210 R.A.L.D, vient y chercher un observatoire et des emplacements de batteries.

    Le 22 mai, la 19° DI est à peu près rassemblée; seule son artillerie n'est pas toute arrivée. le groupement temporaire confié au Colonel du 41° RI est dissous, à l'arrivée du colonel du 117° RI et de son E.M.

    Le 23 mai, au petit jour, toute la Division se porte en avant en direction du Nord. Elle a, en effet, reçu dans la nuit du 22 au 23 l'ordre, pour le 23, d'abandonner sa mission défensive, de se porter sur la Somme de Bray-sur-Somme en deux temps, le premier devant avancer sa tête sur la ligne tenue par les éléments des G.R d'autres Divisions à hauteur de Marchelepot et au sud de la route Villers-Carbonnel-Amiens.

    Toutefois, deux bataillons du 22° Etranger doivent être maintenus sur l'Avre pour en garder les passages.

    Par Conchy-les-pots, nous allons à Hallu, sur la route de Chaulnes. Au cours de la marche, à Tilloloy, nous rencontrons le Général Toussaint. Il assiste à la montée des ses régiments. Nous traversons Roye, petite ville sur la grand'-route de Paris à Péronne; elle est évacuée; un escadron du G.R.D de la VII° D.I.N.A l'occupe. On ne sait trop ce qu'il y a devant nous. En fait il y a les Allemands, plus au nord, qui ont passés la Sommes et possèdent sur la rive gauche, de notre côté, une large tête de pont; non seulement Péronne, mais Pont-les-Bries, Saint-Christ sont à eux. notre situation est très précaire. Malgré nos efforts, nous ne pourrons reprendre tout ce terrain, et malheureusement l'ennemi restera maître de la boucle de la Somme. c'est de là qu'il partira à l'attaque le 5 juin.

     

     

     

     

     


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  • Formation de la division

    La 19° DI, division d'active, a son centre à Rennes. Elle est aux ordres du général d'Arbonneau à la mobilisation.

    Elle est constituée, jusqu'au mois de mai 1940, par:

    - le 41°RI de Rennes, Colonel De Lorme.

    - le 117° RI du mans, Colonel Chalon.

    - le 71° RI de Saint Brieuc, Colonel Astolfi.

    - le 10°RAD de Rennes, Colonel Delalande.

    - le 210° d'Artillerie lourde,de Rennes, Lt Colonel Javourey.

    - le groupe de reconnaissance divisionnaire 21, Commandant Mozat.

    - 2° Cie du 8° Génie (télégraphie et radio).

    - 2° Cie du 6° Génie.

    Pendant la campagne, la 19° DI sera pourvue de 3 aumôniers: les RR. PP. Le Maux, oblat de Marie; Le Pape, mariste, Bourdais, de la compagnie de Jésus. Le troisième était attaché au 41° RI.

    Les hommes se recrutaient spécialement dans les départements de l'Ouest, mais aussi dans la région parisienne.

    D'une manière plus précise, on peut assigner comme origine:

    - 41°: Les départements bretons

    - 117°: La région du Mans

    - 71°: Les départements strictement bretons

    - 10° et 210° RAD: la même origine

    - GRD 21 (formé à Dinan et à Limoges ) la région Bretagne et Limousin

    - 8° Génie: La région parisienne

    Les 5, 6 septembre 1939, elle part de Rennes, débarque dans la région des Ardennes, à Liart, cantonne autour de Rethel, puis au nord de cette ville jusqu'au 9 novembre 1939.

    A cette date, elle est dirigée sur la Lorraine. Elle se concentre d'abord dans la région Dieuze-Château-Salins, puis monte à Hellimer, Hundling, Roulhing, Sarreguemines, pour faire face à la Sarre, entre Sarreguemines et Sarrebruck.

    Le 24 novembre 1939, elle prend possession de ce secteur qui, tout de suite, s'anime davantage.

    La guerre commence pour la 19° DI.

    Combats d'avant-poste devant Sarrebruck

     La 19° Division va rester dans ce secteur du 24 novembre au 8 janvier 1940.

    Le séjour sera pénible, car il faudra se défendre contre les incursions hardies d'un ennemi assez entreprenant. Nos hommes connaîtront d'abord la boue, l'eau, qui remplit tout de suite les tranchées, puis le froid intense du plateau de Lorraine.

    Le dispositif est organisé en profondeur; le 41° RI monte en premier avec le GRD 21.

    Le 41° installe ses avant-postes entre Kerbach et Welferding, en passant par Sarreguemine; dans ce sous-secteur plus tranquille, protégé par la Sarre, et la Blies, le GR restera jusqu'à la fin de notre séjour et laissera à nos successeurs une ligne continue de tranchées et de boyaux.

    Le 41° a une première ligne d'avant-postes au Moulin Neuf, au bois Ermerisch, au Brandenbush, à Grossbliederstroff, Welferding, au nord de la route Grossbliederstroff-Forfach, que borde un ruisseau qui se jette dans la Sarre. Lexing,un joli village traversé par ce ruisseau, constitue le centre de commandement de ces avant-postes; une deuxième ligne est installée au sud du ruisseau entre Lexing et Roulhinh; le PC du Colonel est à Nousswiller. Il a autour de lui la Cie de commandement et la Cie de pionniers de la division, rattachée administrativement au 117°.

    Le PC de l'Infanterie divisionnaire est à Woustwiller, à 5 km de Nousswiller et Sarreguemine. 

    Le PC de la Division est à Hellimer.

    Préparation militaire et morale de la 19°DI

    La région doit être charmante en été; elle est faite de collines, parsemée de bois; des ruisseaux coulent dans les vallées; on y rencontre de nombreux étangs. Pour cette raison, on l'estimait facile à défendre; aussi n'avait-on pas construit dans cette trouée de la Sarre d'ouvrages bétonnés; ceux qui existaient étaient loin en arrière.

    Des trois régiments d'infanterie, c'est le 41° qui passera le plus de temps en première ligne: 22 jours sur 45 que durera notre séjour.

    En cette fin de novembre, la boue a tout envahi: les hommes vivent là dans la nature; il est impossible de se faire des abris enterrés, car ils sont immédiatement envahis par l'eau. Pour se mettre à l'abri des bombardements, il faudra se contenter de légers abris, en surface, faits de rondins, sans consistance. Bientôt à la pluie succéderont la neige, puis un froid de - 25°.

    Le système adopté, pour un secteur aussi étendu, est celui des postes de combat, d'une section chacun, analogues à ceux que nous avons connus en 1916 - 1918. Avec cette différence importante qu'il n'y a pas d'abris souterrains, et presque pas de tranchées pour la raison déjà indiquée: l'eau sourd de partout, même sur l'Ermerisch et le Brandenbusch. A Grossbliederstroff, sur le bord de la Sarre, on organise 4 ou 5 maisons en blockaus.

    Comme l'ennemi s'infiltre facilement entre les postes, distants de 800 mètres ou plus, les corps francs des bataillons, constitués dès l'arrivée en Lorraine, circulent beaucoup toutes les nuits, pour donner à l'ennemi l'impression qu'on est partout. Au 41°, sous les ordres du Lt Duchêne, du sous-lieutenant Bellanger et de l'Adjudant-chef Lebreton, ils se montrent très actifs. Des rencontres avec des patrouilles allemande se produisent. Le procédé adopté par le Colonel de Lorme est vraiment efficace; les coups de main allemands échoueront toujours sur le 41°, sur le 117°. Nos camarades du 71° seront moins heureux.

    Les Allemands qui sont en face de nous, sont de la région de Sarrebruck; ces frontaliers connaissent parfaitement les cheminements de notre secteur; ils sont bien installés dans le village de zingzing, et dans les carrières sous l'Ermerisch.

    Depuis que, par un recul malheureux, une division de gauche, quelques semaines auparavant, a abandonné la hauteur dominante de Spicheren, notre position avancée, sur une longueur de 10 km, est dangereusement exposée. Il faut une vigilance de tous les instants, pour n'être pas tourné et enveloppé.

    Pour coordonner les moyens de défense, le Colonel De Lorme établot au centre, à Lexing, un chef excellent, le Capitaine Thouron.

    Dès que le 41° arrive, le secteur devient agité; parfois même beaucoup. Les bombardements ne sont pas rares, de jour et de nuit. Les Allemands tentent des coups de mains. Il y a, bien entendu, des morts et des blessés.

    Le 117° remplacera le 41° sur ses positions.

    le 71° RI eu moins de chance: un jeune sous lieutenant, de Goësbriand, s'acquit une réputation méritée de très bon et courageux officier; il y gagna dans une circonstance difficile, au bois Ermerisch, une citation à l'ordre d l'armée. Car ce jour là, Goësbriand sauva la situation. Une autre fois, à 8h00 du matin, une section qui se gardait mal fut faite prisonnière, et il y eut des tués. L'ennemi s'était avancé à la faveur d'un brouillard artificiel; plus tard, devant Péronne, le 41° s'emparera de pots de fumigènes dont étaient munis les Allemands.

    A l'égard du 71°, l'ennemi usa de stratagèmes qui n'eurent pas d'effet, pour essayer d'atteindre son moral. Au moyen de disques, il faisait entendre des chansons bretonnes, la Paimpolaise, par exemple. Une autre nuit, il installa une statue phosphorescente de Notre-dame de Lourdes, pour faire penser à une apparition; il recommença la nuit suivante, mais une patrouille alla rendre des comptes et rapporta la statue. Les Allemands avaient tout prévu, et usaient de tous les procédés.

    Le séjour du 71° fut abrégé; il descendit le 27 décembre avec plus de morts et de blessés que les autres régiments. Plusieurs avaient été victimes de la maladresse ou du mamque de sang-froid de leurs camarades. Il est vrai que ces postes de combat, installés dans les bois, très loin les uns des autres, risquaient de donner une impression d'insécurité.

    Le premier mort de la 19° DI fut un soldat du 41° RI: Jouan, un petit Breton de 21 ou 22 ans, ainé d'une famille de 10 enfants, tué par un obus sur son FM, le 20 novembre. Il fut enseveli à Roulhing; un prêtre de sa section, tout couvert de la boue des avant-postes, chanta la messe des morts; la section rendait les honneurs. Après l'absoute, le corps de Jouan fut porté au cimetière contigu à l'église. Le Colonel De Lorme prononça une courte, mais parfaite, allocution. Curieuse coïncidence: une batterie de 75 venait de tirer sur l'ennemi; la sonnerie aux morts dans le silence et dans la brume de novembre, et les canons reprirent leur tir. Ainsi les obsèques de cet humble camarade prenaient-elles un caractère inattendu de grandeur.

    Nos hommes n'avaient pas toujours l'indispensable. Je me souviens qu'un jour le Colonel De Lorme passa en revue, avec le Général d'Arbonneau, le corps franc du 41°, sur la place, détemprée par les pluies incessantes, de Lexing. Plusieurs étaient chaussés de souliers usés, l'un deux même, un vaillant garçon, dont je parlerai dans la troisième partie, avait les pieds dans l'eau. On n'avait pas de chaussures à leur donner. L'un des assistants envoya heureusement une de ses paires de souliers. Les gens de l'arrière, qui parlaient de la ( drôle de guerre ), ne se doutaient pas certes pas de ce dénuement.

    Les hommes supportaient avec courage leur dure vie.

    Il était réconfortant de les visiter à leurs emplacements de combats, et eux-mêmes étaient visiblement heureux de ces rencontres en des lieux dangereux avec leurs aumôniers.

    L'impression de solitude y était angoissante. Nous n'avions pas au même degré ce sentiment dans l'autre guerre, car nos lignes étaient beaucoup plus étoffées, et nos groupes se flanquaient mieux les uns les autres.

    Relevé par le 117°, le 41° Ri vint s'installer à Puttelange; le 2° Bataillon cantonnait sur les hauteurs au sud de la petite ville, le 3° dans les bois de Plaffenboesch; là, les hommes vivaient dans la nature, c'est-à-dire fort mal, presque en plein air, dans la boue d'abord, puis avec le froid rigoureux, dans la neige et le gel. Le 1° Bataillon était installé dans le village de Goebenhouse, à quelques kilomètres au nord. Les maisons de Puttelange étaient en assez piteux état; ceux qui nous avaient précédé n'avaient certainement pas mis d'ordre dans ces demeures vides de leurs habitants. On s'en doute. Mais le commandement n'y veillait peut-être pas assez.

    Il fallait organiser les arrières de notre secteur; il n'y avait à peu près rien; car la ligne Maginot s'interrompait dans cette trouée de la Sarre, ou l'on se croyait fort, parce que les étangs nombreux donnaient l'espoir d'inondations faciles.

    La garnison stable du sous-secteur de Puttelange était constituée par le 41° Bataillon de mitrailleurs coloniaux, le 174° de forteresse, des pionniers, d'autres troupes encore. Il était régi par un Etat-Major particulier. Un Colonel en avait la responsabilité.

    A Puttelange, le PC du régiment était installé dans l'hôtel de ville, sur la petite place ornée d'une fontaine, en face de l'église qui sur sa terrasse dominait la ville. L'artillerie allemande l'à, paraît-il, démolie en juin 1940. Il y avait également un temple et une synagogue qui étaient inutilisés.

    La 19° DI était composée d'hommes qui, en majorité, avaient des habitudes religieuses; il y avait dans les régiments 100 prêtes et 100 séminaristes.

    Tandis que nous étions à Puttelange, j'accompagnai à Morhange le Colonel De Lorme. Il allait remettre la médaille militaire à un soldat du 71°, mortellement blessé la veille à l'Ermerisch. Ce pauvre garçon mourut après notre visite, consolé par le baiser paternel du Colonel, qui n'oublia pas d'aller voir le séminariste Jean Bonis, le sergent aux mains arrachées. Une bienveillance si sincère touchait profondément les coeurs de nos hommes, simples et dévoués.

    Le 27 décembre, le 41° RI remonta en première ligne, ou il relevait le 71° Ri. Le froid était extrême: 20 degrés au-dessous de zéron; la neige couvrait la terre. Il semblait que les adversaires fussent également gelés ! Car nous fûmes fort tranquilles de part et d'autre. Mais il eu beaucoup de pieds gelés. La vie des hommes était fort pénible. Il fallut toutes les 48 heures relever les compagnies du Brandenbush et de l'Ermerisch.

    Le séjour de la 19° DI dans le secteur prenait fin. Pendant 45 jours, il y eut une vingtaine de tués et une centaine de blessés. Nos hommes avaient résisté avec courage au froid et aux coups de main; ils avaient supporté les bombardements et effectués un travail défensif considérable. A notre arrivée, il n'y avait pas de postes aménagé, pas de moyens de défense; en partant nous laissons le secteur paré contre les coups de main.

    Le 4 janvier 1940, la 14° Division ( 35° RI, 152° RI, deux bataillons de chasseurs ) remplacèrent la 19° DI dans le secteur du Brandenbusch; une autre division (la 7° Coloniale), le GRD 21 à Sarreguemines.

    La Division prit ses quartiers autour de Sarre-Union, le PC de la DI était à Dieuze; le 41° RI cantonnait à Sarralbe. Un effrayant verglas, qui depuis quelques jours rendait le ravitaillement fort difficile, gêna considérablement notre déplacement.

    Le Général d'Arbonneau venait de nous quitter, envoyé en mission à Ankara (Turquie). Le Général Toussaint, ancien attaché militaire à Rome, le remplaçait.

    L'Alsace - La garde du Rhin (7 janvier au 17 mai 1940)

     

    La 19° DI partit de Dieuze pour l'Alsace. Le 41° RI débarqua à Montreux-Vieux le 9 janvier. Le froid était extrême. Nous retrouvions la neige et la glace de la Sarre. Les régiments cantonnèrent dans les villages autour de Montreux-Vieux, dans des conditions lamentables; de mauvaises granges, des écuries, ouvertes à la bise froide, accueillirent nos hommes. Heureusement, dès le lendemain, nous quittâmes ces villages inhospitaliers. Le froid était atroce; le verglas rendait la marche très difficile aux fantassins et aux équipages. Nous n'avions pas de camions pour nous transporter. Sur la route glissante, on avançait lentement, des hommes et des chevaux tombaient. Une voiture avec son conducteur et son attelage fut entraînée dans le canal du Rhône au Rhin qui borde la route. Heureusement la glace était épaisse et solide ! Il fallut toute une journée pour faire l'étape. Jusqu'à minuit, le Colonel De Lorme demeura sur la route pour surveiller l'arrivée de son régiment. Comment n'eût-on pas déploré une telle misère ! 

    On vivait sur de vieux concepts.

    Beaucoup de matériel s'imposait. Déjà la 19° DI, dans sa courte campagne en Lorraine, avait perdu la moitié de ses moyens de transport automobile. On ne le remplaçait pas; on ne le réparait pas. Il était visible qu'à l'arrière on ne travaillait pas, ou pas assez.

    Nous étions en Alsace, chère à nos coeurs. On ne saurai assez dire avec quelle cordialité nous y fûmes reçus.

    Préparation militaire et morale de la 19° DI

    Les familles s'ouvrirent à nos Bretons; des lits leur furent offerts; on les conviait à prendre place à table. Cette réception chaleureuse toucha profondément noshommes qui avaient grand besoin de repos. Il y avait une correspondance profonde de sentiments et de caractère entre les Alsaciens et les Bretons: pratique religieuse, âme volontiers sentimentale, volonté portée à l'entêtement, patience dans le travail furent surpris et heureux de voir leurs églises remplies par nos hommes; ils mettaient dans leur estime notre division au-dessus de la 14° qui nous avait précédés. Il regrettaient seulement que nos Bretons fussent trop portés à boire. Mais ils savaient reconnaître leur facilité à rendre service et, d'une manière générale, leur délicatesse dans leurs conversations avec les femmes. Des coeurs profondément français battaient dans ces poitrines alsaciennes; nos Bretons, par leur attitude, les confirmaient dans ces sentiments. Les curés d'Alsace, que mes fonctions m'appelaient à rencontrer souvent, étaient ardemment français, et se montrèrent fort accueillants à nos prêtres et nos séminaristes.

     

    Préparation militaire et morale de la 19° DI

    La 19° Division, concentrée autour de Mulhouse, était en réserve d'armée (VIII° Armée) en 2° ligne. Elle s'échelonna bientôt du sud de Neuf-Brisach à Sierentz. Un de ses bataillons (le 1° du 41° RI) fut, à la fin de janvier, poussé en première ligne, entre Kembs et Hombourg, au bord du Rhin.

    Le 41° RI d'abord à Illfurth (3° bataillon), Tagoslsheim et Luemschwiller, au sud de mulhouse, puis à la fin de janvier à Landser (P.C.R.I), Dietwiller (3° bataillon), Sierents (2° bataillon), Kembs, Niffer, Petit-Landau, Hombourg (1° bataillon) sur le bord du Rhin.

    Le P.C du 41° RI s'était établi dans une assez grande et vieille maison sur la place de Landser; le couvent des religieuses rédemptoristines logeait les officiers de la C.H.R; l'école d'Agriculture des Pères Salésiens servait au cantonnement de la C.D.T.

    La 19° DI devait, le cas échéant, assurer la défense de ce grand secteur: un travail intense fut demandé à nos hommes. Car en vertu des traités de 1815, la fortification de cette région n'était pas admise dans un rayon de 12 km autour de Huningue. Il n'y avait donc pas d'ouvrages entre Sierentz et la frontière suisse. La ligne Maginot, construite en 1934 - 1936, allait du nord d'Altkirch à Sierentz, qu'elle englobait, pour rejoindre ensuite le Rhin à Kembs. Dès le début des hostilités, la construction d'ouvrages bétonnés, au sud de Sierentz, avait été entreprise. Un certain nombre d'entre eux étaient déjà achevés. La ligne Maginot était constituée par des ouvrages d'artillerie à 2 pièces de 75; des ouvrages d'infanterie à 2 canons de 47, 2 mitrailleuses et 2 FM; un champ de rail à 5 bandes et des réseaux de barbelés les protégeaient. Il y avait en outre quelques cuvelages bétonnés pour les FM avec des barbelés. Il restait néanmoins beaucoup à faire pour consolider la ligne Maginot à l'intérieure de cette zone.

    La 19° DI fut employée au renforcement de la seconde ligne de défense et à la construction de bretelles.

    En face de nous, au contraire, les blockaus allemands étaient fort nombreux se flanquant de très près; en face de Kembs, l'ennemi avait édifié sur les premiers contreforts de la Forêt Noire un fort énorme, capable de tenir sous son feu la région entière. Très vite nos fantassins apprirent à construire des blockaus en béton; le travail était dur; ils passaient 6 à 8 heures sur le chantier, et avaient souvent 14 km de marche pour s'y rendre et en revenir. Le dimanche même n'interrompait pas toujours le travail, car on était pressé par le temps; il fallait des fortins, des abris, des fossés antichars.

    Néanmoins, une vie assez régulière s'organisait, conforme aux habitudes de la 19° DI.

    Il ne sera pas inutile de rappeler, pour souligner la préparation morale de la division, que l'approche de Pâques fut l'occasion d'une grande activité spirituelle pour les aumôniers.

    Bien que l'assiduité aux travaux de fortification laissât peu de temps pour des exercices de compagnie ou de bataillon, l'instruction des hommes ne fut pas cependant négligée.

    Au début de mai, le Colonel De Lorme fut appelé au XI° Corps, comme chef d'Etat-Major. C'était pour le 41° RI et la 19° DI une très grande perte. Il nous quittait, regretté de tous. Les hommes du 41° RI avaient en lui une confiance absolue, fondée sur l'intuition parfaitement justifiée de sa science militaire. Sans cesse, ils le voyaient sur le terrain, peu soucieux en apparence des détails, qu'il n'ignorait pas, mais dont il laissait le soin, comme il convient, à ses subordonnés. 

    Il fut remplacé par le Commandant Loichot, qui fut promu un peu plus tard Lieutenant-Colonel. Celui-ci venait du 152°RI, un beau régiment de l'autre guerre.

     

    Préparation militaire et morale de la 19° DI

     

    Entre temps, on bouleversait les cadres de nos régiments; déjà on avait pris au 41° RI, pour l'affecter à la formation des recrues, le chef de bataillon Courtel; des capitaines, anciens combattants de 1914 - 1918, avaient été envoyés à l'arrière, parce que l'on voulait des cadres plus jeunes, et n'avaient pas remplacés.

    Une modification importante survint dans la composition de la 19° DI; on lui ôtait le 71°RI qui devait renforcer une autre division; il devenait le 71° d'infanterie alpine. Ainsi se trouvait compromise l'homogénéité de la 19°.

    En échange, on nous donnait le 22° régiment de volontaires étrangers, unité de formation nouvelle à laquelle le manque de matériel de toute nature n'avait pas permis d'achever son instruction. Il nous arrivait mal équipé. les hommes n'avaient pas de havresac, pas de porte-épée, pas de courroie pour le fusil; des cordes tenaient lieu de courroies, et une toile de tente de havresac !

    Cette unité allait faire preuve de courage devant Péronne; elle était constituée de juifs étrangers, d'ancien soldats de l'armée espagnole et de russes. Les Espagnols spécialement déployèrent un magnifique héroisme dans les combats de la Somme.

    Nous arrivons au moment ou la 19° DI va quitter l'Alsace. Des nouvelles très graves nous parviennent. les Allemands ont envahi la Hollande et la Belgique, et bousculé, sous le poids de leurs divisions cuirassées, la petite armée Corap. Nos armées du nord luttent pour échapper à l'encerclement, car déjà les chars ennemis courent en direction d'Abbeville, et occupent la région au nord de la Somme. Le Général Gamelin veut tenter une suprême manoeuvre: essayer de faire rejoindre l'armée de Belgique, qui descendrait vers le sud, par une armée qui monterait vers le nord, par Péronne, et ainsi enfermer l'ennemi dans la poche qu'il a créé.

    La 19° Division est alertée; on l'estime bonne pour l'attaque et pour la défense. On la met en route, aussi vite qu'il est possible, le 16 mai 1940.

     

     

     


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  • Ce document trouvé aux Archives du service historique de l’armée de terre, résume les opérations du 41° seulement pour la période du 15 décembre 1944 au 4 juin 1945.

    La présentation de cette copie est aussi conforme à l’original que possible - Les indications accessoires n’ont pas toutes été reportées :

    15 / 12 / 44 : Le 1/41 (1er Bataillon du 41°Régiment d’Infanterie) qui fait mouvement de Coëtquidan à Auray s’embarque à Guer à 11h.30 – Arrive le jour même à Auray…

    17 / 12 / 44 : Le 1/41 monte en ligne entre Quiberon et Lorient – P.C. à Locoal-Mendon

    Le Bataillon Caro actuellement en ligne (P.C. Limerzel) va être relevé et viendra se constituer 2/41 à Coëtquidan . Le Bataillon Le Vigouroux sera relevé plus tard. On prévoit son séjour au camp de Meucon

    23 / 12 / 44 : Le 2/41 est relevé et se regroupe à Questembert. 

    24 / 12 / 44 : Les permissions sont suspendues – Postes renforcés (mesures contre la 5° Colonne) 

    28 / 12 / 44 : Le régiment perçoit une partie de l’habillement nécessaire aux Bataillons.

    29 / 12  / 44 : La Cie Tardiveau reçoit ordre de rejoindre le 41 …

    Une tentative de coup de main ennemie sur deux postes du 3/41 est repoussée – Les embarcations pneumatiques ayant été prises sous le feu de l’ennemi avant d’aborder …

    06 / 01 / 45 :Le Général Borgnis Desbordes vient à Coëtquidan. Il inspecte les troupes de la 19° D.I. dont le 2/41 et les HR 

    20 / 01 / 45 : Deux compagnies du Bataillon Gomey arrivent à Coëtquidan pour former la C.C.I. du 41 ème 

    30 / 01 /  45 : Le 2/41, moins la 5° (oreillons) quitte Coëtquidan par chemin de fer pour aller à Saint-Jean-la-Poterie (sud de Redon) réserve du sous-secteur Vilaine

    07 / 02 / 45 :Le camp de Coëtquidan est laissé entièrement aux Américains … 

    10 / 03 / 45 : Par ordre particulier d’opération n° 7 en date du 10 mars (N° 625/3.0)

    1°) - Le 2/41 reçoit la mission suivante «  à la disposition du Commandant du sous secteur Est » préparer une intervention possible soit sur la direction de Ploërmel-Etel, soit sur la direction Ploërmel- Carnac.

    2°) - Le 3/41 – aux ordres du Colonel Commandant le 41° - Préparer une intervention possible :

    soit sur la direction de Sarzeau – Gradd Rohu

    soit sur la direction St Armel – Landrezac

    soit sur la direction Surzur-Ambon

    Le Lieutenant Colonel Duranthon prend liaison avec le Capitaine de frégate Moreau, Commandant le front de mer au P.C. de la Marine à Saint-Gildas à 17h. Le Commandant du 3/41 fait mouvement par camions avec deux  compagnies de Malestroit à Sarzeau où le P.C.C. du 3/41 s’installe… 

    14 / 03 / 45 : Stationnement et mission du Régiment :

    1/41 – Sans changement – P.C. à Mendon – En ligne sur la rive Est de la rivière d’Etel – sous le commandement de Commandant du Sous-secteur EST à Ploërmel

    2/41 – En réserve à la disposition du Commandant du S/Secteur EST P.C à Les Menèques . Cantonnement dans les fermes à proximité.Par ordre n° 664/3.0. du 12 mars :

     Le Colonel Commandant l’I.D.19 fera étudier la possibilité ; tout réserve mobile de 3 compagnies au moins, de en maintenant une faire entrer en ligne une partie du 2/41 dans la région d’Etel de façon :

    1)regrouper le C.F.A.V.V. sur le centre actuel de son dispositif entre Roche Seche à l’Ouest et Kercroc à l’Est

    2) à renforcer la défense côtière face à la presqu ‘île de Quiberon entre Kercroc et Saint-Colomban. 

    E.M.- 41ème R.I.- Saint Armel

    C.A.C.St Armel

    C.H.R.Le Mezo

    C.C.I.Surzur

    Peloton 2 Surzur

    3/41 : P.C. Bataillon-

    Château de Ker Thomas à Sarzeau (S/Secteur C.B.3

    P.C. Sarzeau9° Cie

    P.C. Sarzeau10° Cie

    P.C. Arzon(1 Son F.V. à la pointe de Montenot)11° Cie

    P.C. Château de Coet ThuetC.A.3

    P.C. Château de Kerlevenant(1 S.M. à St-Colombiers

    1 pièce de 45 à Montenot

    Mission du S/Secteur Sud :

    a)-prendre des mesures de sécurité très sévères, spécialement de nuit pour éviter toute surprise de la part soit d’éléments ennemi qui auraient réussis à débarquer sans alerter les postes côtiers , soit des agents de la 5ème colonne.

    b)-Rejeter à la mer, en liaison, avec les postes de la marine installés sur la mer, tout élément ennemi, qui aurait réussi à débarquer dans la presqu’île de Rhuys, en particulier préparer intervention possible dans les directions suivantes :

    Sarzeau - Le Grand Rohu

    Saint-Armel - Landrezac

    Surzur – Ambon (aide à apporter au Commandant du secteur Vilaine, en cas de débarquement ennemi dans la région Damgan-Kervoyal)

    17 / 03 / 45 :Par note de service n° 688/3.0. en date du 17 mars 1945, « le Colonel Commandant le 41ème R.I. aura les pouvoirs et prérogatives du Ct d’Arenerf, Ambon (inclus) carrefour 328-992.

    26 / 03 / 45 : Le 2/41 entièrement en réserve jusqu’à ce jour à Les Menèques prend à son compte le sous- quartier Etel et Kerminihy qui est occupé par la 5° Cie qui se trouve ainsi en liaison à droite avec le 1/41 et à gauche avec le 4° R.I.A.

    22 / 03 / 45 : Un bataillon d’honneur est envoyé par la 19° D.I. à Paris pour cérémonie de la remise des Drapeaux par le Général de Gaulle, Place de la Concorde. Le Lieutenant –Colonel Duranthon reçoit des mains du Général de Gaulle le drapeau du régiment.

    05 / 04 / 45 :Arrivée des Drapeaux et Etendards de la 19° D.I. à Vannes.  

    10 / 04 / 45 : La 6° Cie a relevé dans la nuit du 9 au 10 la 5° Cie dans le secteur de Kerminihy.

    02 / 05 / 45 : A 21 heures l’état d’alerte est donné dans tout le Sous-secteur Sud. « Des bateaux sont rassemblés à Belle-Isle, une tentative de débarquement est possible dans la presqu’île de Rhuys »

    03 / 05 / 45 :A 10 heures, le poste des marins de Penvins signale « 14 bateaux ennemis rentrant dans la rivière de Penerf » Renseignements pris c’est une erreur grossière commise par la marine !!

    Par note de service n° 1211/3.M. du 3.5.45, le Lt-Colonel Duranthon prend le commandement du Sous/secteur Vilaine comme prévu par la Note N° 1176/3.M. du 28.4

    Le Lt-Colonel Duranthon, l’E.M., la section de transmissions, section d’observation, la C.A.C. font mouvement par camions et s’installent à Limerzel (P.C. du Cdt du S/secteur Vilaine).

    Le C.H.R. quitte Le Hezo pour s’installer à Questembert.

    Le Lt-Colonel Tabouis reste à Saint-Armel et prend le commandement des éléments du 41° restant dans la presqu’île de Rhuys …


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    7 05 45 : A 20 h.12 une délégation allemande empruntant le bateau de la Croix Rouge se rend à Etel et signe la capitulation sans conditions devant les officiers supérieurs Français et Américains. Les Honneurs sont rendus par une section de la C.B.2
     

    08 / 05 / 45 :L’Allemagne capitule sans conditions.

    Par note de service N° 1274/3M en date du 7 mai, le Lt-Colonel Tabouis et la C.C.I. rejoignent Questembert – Le Sous-Secteur est supprimé à 0 h. 00.

    09 / 05 / 45 :Par suite de la conclusion de l’ armistice, le 1er Bataillon reçoit la mission d’assurer la garde des côtes de la rivière d’Etel, la surveillance de la ligne de démarcation depuis la limite Nord de son secteur primitif jusqu’à Erdeven au sud… 

    10 / 05 / 45 : Le 3/41 embarqué à Questembert et fait mouvement par voie ferrée pour Landevant où il s’installe. L’E.M., - la C.H.R. – la C.A.C. font mouvement par voie ferrée jusqu’à Pluvigner où ils s’installent… 

    14 / 03 / 45 : Le 3° Bataillon quitte son cantonnement de Landevant et relève les unités américaines dans le secteur de Caudan. 

    22 / 05 / 45 :

    1/- Par décision de M. le Général Cdt la 19° D.I. (N° 1416/3.Y du 22 mai 45) « L’accès de toutes l es localités situées sur la rive Est de la rivière d’Etel est libre à compter du 23 mai » « Le passage sur la rive Ouest reste interdit jusqu’à nouvel ordre »

    2/- Le 3/41 reçoit l’ordre d’assurer la garde des camps américains de Kerfleur (1 Km S.O. de Caudan) – de Kermeigne (1 Km 500 Ouest de St-Séverin) jusqu’à récupération complète du matériel par la 19° D.I.

    03 / 05 / 45 : Par note de service de la 19° D.I. n° 1435/3.M du 23 5 45, le 1/41 est relevé de sa mission le 25.5 45 à 9 heures.

    Le 2/41 (stationné à Plouhinec) mettra en place des postes sur la rive Ouest de la rivière d’Etel pour interdire l’accès de cette rive. … 

    24 / 05 / 45 : Par note de service de la 19° D.I. n° 1401/3.M. en date du 21, le 3/41 détache deux sections de renfort pour assurer la garde des officiers supérieurs allemands au Q.G. de la 19° D.I. à Hennebont

    25 / 05 / 45 : La C.A.C. cesse la garde sur la ligne de démarcation.  

    26 / 05 / 45 : Le 1/41 quitte Locoal-Mendon et la rive Est de la rivière d’Etel. Il fait mouvement par camions sur Locminé et ses environs.  

    31 05 45 : Référence note de la 19° D.I. n° 1451/3.0. du 25.5.45 ayant pour objet l’échange des billets de banque :  Les Unités de la 19° D.I. et des F.F.M.B. sont requises par la Préfecture du Morbihan pour assurer la garde des bureaux situés dans tout le Département » … 

    01 / 06 / 45 :

    I/- Par note de la 19° D.I. n° 1506/3.Y du 31 5 45, l’Etat de siège est levé dans la Poche de Lorient le 1er juin à 0 heures.

    II/- La C.C.I. cesse la garde sur la ligne de démarcation.

    III/- Début des Pelotons d’instruction n° 1 et 2. …

    03 / 06 / 45 :Le 3/41 termine son mouvement et s’installe à Auray caserne Duguesclin. Le P.C. du Bataillon s’installe à la mairie.

    04 / 06 / 45 :Stationnement du régiment le 4 juin :

    P.C.R.I. – CHR – et Peloton : Pluvigner et Château Quéronic …


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  • Le 1er mars 1946, la 19° D.I. est entièrement dissoute sur place à Rottweil. Ceux qui n’avaient pas fini leur temps ou qui voulaient faire carrière furent mutés séparément dans diverses unités en France, en Allemagne ou en Indochine.

    Ce fut l’ultime séparation, car chacun partit de son côté, les uns en Indochine, les autres  ailleurs, où se firent démobilisés.   Ainsi disparut l’ancienne 12° avant de se retrouver plus tard en amicale.

    (Ouest-France du ? janvier 1946)

    Avec les Bretons en forêt Noire

            LA DERNIERE PRISE D’ARMES DE LA 19e DIVISION

    Rottweil - janvier (de notre envoyé spécial) – Ce fut une cérémonie sobre, mais de poignante grandeur que les hôtes Bretons du Général Borgnis-Desbordes assistèrent dans la matinée du jeudi 24 janvier à Rottweil, ce coin de forêt Noire que nos armes conquirent où tant des nôtres sont tombés dans les suprêmes combats de la campagne d’Allemagne. Le Général commandant la 19° Division depuis sa formation, dont il fut l’artisan, jusqu’à cette dissolution imméritée qu’il tenta de tout son cœur d’éviter, avait tenu, avant même que soit connue cette mesure, à remettre en face de leurs anciens soldats, les maquisards, les premiers chefs de la Résistance, les Guillaudot, La Morlais, Berthaud,  Marceau, Morice, Le Garrec, tant d’autres dont les noms sont la fierté de notre province. Cette rencontre sur le sol de l’Allemagne au lendemain de tant d’épreuves, de souffrances, de tant de sacrifices était par elle-même fort émouvante. Les traques du maquis, les déportés politiques, les prisonniers des camps, sans la moindre arrière pensée de vengeance, mais avec par contre, le sentiment qu’enfin ils savouraient les fruits de la justice et mesuraient les moissons de la victoire, assistaient au dernier acte de la revanche. Le sort malheureux que le haut commandement impose à la Division bretonne a accentué le caractère poignant de cette cérémonie. Tout à la fois les invités du Général Borgnis-Desbordes ont salué leurs jeunes camarades, élevant fièrement dans le ciel de la forêt Noire les trois couleurs et ont dit adieu à ces couleurs qui portent en leurs plis, en chiffres d’or, le nom des glorieux régiments bretons: adieu à ces régiments dont les hommes, leurs anciens soldats, jusque là  groupés comme au maquis, vont se disperser le 1er février à travers l ‘armée : adieu à ces bataillons qui ne cherchèrent jamais à effacer leurs noms d’antan, les noms des chefs Le Cléach, Muller, Caro, Le Vigouroux, Frémont…

    Le Général de Monsabert devant le drapeau du 71ème  Régiment d’Infanterie

    Sous un ciel bleu mais sur un sol encore couvert de neige, à 9 heures au long de la Langestrasse, de la Koenigstrasse, de la Hechbrûcktorstrasse, les unités se massèrent. Tenue impeccable, uniformes corrects, armement net. Face à la tribune officielle, parée des écussons de la Division et des différentes unités qui la composèrent, prit place le drapeau du 71° RI de Saint-Brieuc, encadré d’un bataillon, la musique composée d’éléments des musiques du 71° RI et du 118° de Quimper. A sa gauche, se rangèrent les trois régiments d’infanterie de la Division ; le 41° de Rennes, le 71°, le 118° puis les bataillons ou escadrons du Génie, du Train, des Transmissions, la section de l’AFAT, les motos et side-cars du DCR, les compagnies Canon d’Infanterie en bataille ; l’artillerie divisionnaire, n° 19, les FTA ; le bataillon Médica, avec ses voitures légères.

    A 11 heures, sonnerie du garde à vous. Le Général Joppe, commandant l’Infanterie Divisionnaire n° 19, dont le PC est établi à Oberndorf, sur le Neckar, arrivait et prenait le commandement des troupes. Il accueillait peu après à leur descente de voiture, le Général Borgnis-Desbordes et ses hôtes Bretons, alors que la musique donnait le « garde à vous » « aux Champs » et « la Marseillaise » Après s’être incliné devant le drapeau du 71° RI, les invités du Général gagnèrent la Tribune Officielle ou les rejoignirent le Gouverneur Général Widmer, Gouverneur Général du Wurtemberg, le Colonel Barbier, représentant le général Koênig, Commandant en chef français en Allemagne, le Gouverneur Général Garnier-Dupré commandant le Cercle de Rottweil, le Commandant Périgondow de l’armée russe, le major Gazarov de l’armée Polonaise, M. Maisch directeur américain de l’UNRA à Rottweil, le Chanoine Grill, aumôniers de la 19° DI, Mme Lambert Directrice du Service Social de la Division, des Gouverneurs militaires, des officiers français, russes, et polonais. Des familles françaises se massèrent au côté de la tribune officielle. Près d’elles, dignement coiffées de hauts de forme, les notabilités allemandes locales.

    Il était 11 h   15, quand arrivèrent les autos d’où descendirent les Généraux Goislard de Monsabert, commandant supérieur des TOA ; Lanclud, directeur de l’UNRA, commandant en 39-40 de la 19° DI ; Sevez commandant le 1er corps d’armée ; Schlesser commandant la 5° DB. La Marseillaise éclata. Le Général de Monsabert et les autres Généraux qui l’accompagnait s’inclineront longuement devant le glorieux drapeau du 71° RI

    Le Général Borgnis-Desbordes présenta au Général Monsabert les personnalités bretonnes, puis les généraux passèrent devant le front des troupes, en voiture découvertes.

    Après la revue le Général de Monsabert  félicita le général Borgnis-Desbordes de la belle tenue des troupes bretonnes

    (Ouest-France du 25.3 1946)

    LA DISSOLUTION DE LA 19° D.I.

    Voici la lettre adressée par M. Michelet, ministre des armées, au Général Borgnis-Desbordes :

    Mon Général

    Au moment où va être dissoute votre 19° division d’infanterie, cette unité d’élite, issue de la Résistance, a laquelle vous avez su inspirer le véritable sens de la discipline tout en lui conservant le caractère enthousiaste et passionné de ses origines, je veux vous adresser au nom de la France, à vous, à vos officiers et à vos soldat, nos adieux les plus affectueux.

     

    Je me plais à souligner la reconnaissance que la France garde toujours à ces héros de la 19° D.I. qui donnèrent au Pays l’exemple d’une unité courageuse et ordonnée, image de la nouvelle armée dont la France sera fière de s’enorgueillir désormais.

     

    Croyez mon Général, à mes sentiments cordialement dévoués.

                            MICHELET.


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  •     La Division bretonne est en Allemagne

    Dernière parade en Forêt Noire

     L'Etat-major de la 19 D.I.

     Elle occupe le sud du Wurtemberg

    Ces jours-ci, le 25 octobre, croyons-nous, la 19° Division d’Infanterie stationnée depuis fin juin dans la région de Châteauroux, a fait mouvement vers l’Allemagne. Son P.C. s’établit dans le sud du Wurtemberg, entre Rottweil et Siegmarigen. L’heure attendue depuis quatre mois a enfin sonné à la grande joie des soldats de cette unité à qui pesait la prolongation du cantonnement sur les rives de l’Indre ou de la Claise. Nous n’irons pas jusqu’à écrire que la population témoigna de l’hostilité aux Bretons, encore que quelques incidents tendraient à l’établir mais il est bien certain  que la sympathie ne régna point entre les Berrichons et les gars de l’Ouest. Ceux-ci, de plus, eurent à souffrir et du climat trop continental et du ravitaillement pas assez substantiel.

    Cadeau d’anniversaire 

    L’ordre de mouvement vers l’Allemagne est un cadeau d’anniversaire. La 19° D.I. a pris corps, en effet le 25 octobre 1944, en Bretagne, à Rennes et sur les fronts de Lorient et de Saint-Nazaire. 

    Le 8 août précédent un télégramme officiel de l’Etat-Major Général d’Alger, adressé au Général commandant les forces françaises en Grande Bretagne prescrivait de mettre sur pied en Bretagne cette Division et, dix jours plus tard, le Général Borgnis-Desbordes était chargé de cette mission. Le mois n’était pas achevé que déjà ce jeune et dynamique chef se jetait au travail., appuyé par le Général Allard, commandant la XI ° Région.

    Unité Bretonne

    Le Général Borgnis-Desbordes, après des contacts avec les chefs départementaux des FFI et les Commandants des différents bataillons de maquisards, dont plusieurs faisaient face à l’ennemi installé à Brest, Crozon, Lorient, Quiberon, Saint-Nazaire, put constituer des régiments. La tâche fut plus aisée dans les Côtes du Nord ou le Colonel Marceau disposait d’effectifs nombreux, dans le Finistère et dans le Morbihan qu’en Ille et Vilaine où les effectifs étaient bien moindres.

    Les Côtes du Nord donnèrent le 71° R.I. dont le commandement fut confié au Colonel Languillaire, assisté du Colonel Marceau. Le 118° R.I. commandé d’abord par le Colonel Fauche puis par le Colonel Jouteau se fit de deux bataillons du Finistère et d’un bataillon du Morbihan. Le Finistère fournit en outre un bataillon de tradition du 43° RI  qui constitua le centre d’instruction divisionnaire dont le commandement incomba au Colonel Curt. Quand au 41° RI, le vieux et glorieux régiment de Rennes, il fut formé d’un bataillon d’Ille et Vilaine – le Bataillon Frémont – et de deux Bataillons du Morbihan, le tout sous la direction du Colonel Duranthon. 

    Côtes du Nord, Morbihan, Finistère, et Ille et Vilaine donnèrent ensemble naissance au 10° RAD, commandé par le Colonel Vermeil de Conchard, et au 19° dragons, commandé par le Colonel Adol, ainsi qu’aux bataillons ou compagnies de Q.G., de Génie, de Train, de Transmissions, de Santé, et des FTA.

    Des Chefs chevronnés 

    Le Général Borgnis-Desbordes « magnifique soldat, aimé de tous » a dit de lui récemment le Général Allard – riche d’un beau passé militaire, venu d’outre-mer après avoir combattu en Afrique du Nord, en Italie, dans l’Ile d’Elbe, fit preuve de beaucoup de tact dans la composition de l’encadrement de sa division. Aux troupes qui s’étaient illustrées dans la résistance, il fallait des chefs dignes d’elle, alliant la valeur au mérite, capables de comprendre leur âme. Ces chefs, le Général Borgnis-Desbordes les trouva parmi ses camarades de l’armée d’Afrique. Il confia le commandement de l’Infanterie au Colonel Henri Joppé, blessé à Cassino. Le commandement de l’artillerie, c’est au Colonel Conchard , chargé par le Général de Gaulle du ralliement des possessions insulaires à sa cause, qu’il le confia.Enfin, il appela au commandement des régiments des Officiers - nous les avons déjà nommés – qui avaient fait preuve et de courage et de compétence et de noblesse … 

    Fraternité au feu 

    De part et d’autre du côté des maquisards Bretons comme du côté des chefs venus d’Afrique ou des cadres subalternes, il y eut quelque appréhension au premier contact, mais cette appréhension se dissipa vite. Sous le même drapeau ces êtres aux origines différentes, dont plusieurs avaient errées sur des voies opposées, se trouvaient enfin rassemblés par un même idéal et oeuvraient pour un même but. Ces soldats du maquis, ces officiers d’Afrique, ces rescapés du drame de l’obéissance –marins de Dakar et de Mersel-Kébir, combattants de Syrie et autre – s’ouvrirent les uns aux autres, se comprirent les uns les autres, s’aimèrent fraternellement. Et cette fraternité s’accusa au feu, chacun se plaisant à souhaiter qu’elle survive à la démobilisation, malgré les compétitions partisanes, les luttes électorales.

                                                                                      Robert Marcillé


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  • Le 24 décembre 1945 à minuit, à la Caserne ‘Napo ‘de Rottweil en Forêt Noire, il y a de la neige partout. Il fait très froid et l’ennemi n’a rien laissé en état de fonctionnement derrière lui, même pas les chaudières de chauffage central de la caserne.

    Mais, c’est notre premier Noël de Paix et à notre tour comme occupants. Alors, des guirlandes de circonstances ont été installées partout, dans les couloirs, dans les réfectoires... Les repas, depuis la veille, sont améliorés et le vin n’est pas rationné. Des poêles a bois de fortune ont été installés au réfectoire et l’on se promet de passer une nuit de conquérants dans ...la caserne, car tout le monde est consigné pour ne pas risquer de désordres en ville.

    Sans doute grâce à la présence de l’état major de la 19e D.I. du Général Borgnis Desbordes en ville, des souvenirs avaient été confectionnés à notre intention par la fabrique d’insignes Moker de Rottweil. (des boîtes de cigares et cigarettes, des blocs-notes à en-tête de la Division …) Ci-dessous un exemple de ces coffrets souvenirs aux armes du 41ème régiment d'infanterie que les camarades seront fiers de ramener à la maison plus tard.

    Pendant ce temps en ville, des anciens nazis se chargeaient parait-il, de diffuser à notre égard la plus mauvaise publicité. Pour la population, nous sommes les terroristes Bretons qui tiraient dans le dos de leurs soldats au temps de l’occupation allemande en France. . Et le dernier événement connu alimentait les conversations ne contribuait pas à l’apaisement.

    C’est vrai que des camarades de la région de Saint-Méen le Grand, Montfort, se promenant en ville, étaient tombés nez à nez sur le pont du Nekar à Rottweil avec un Allemand bien connu chez nous qu’on surnommait "menton de galoche" Au temps de l’occupation, il était adjudant  au camp d’aviation de Gaël en France et s’était mal comporté avec les civils.

    Alors, ces camarades et la prévôté qui se trouvait à proximité n’ont pu s’empêcher de lui donner une raclée, dont il a dû se souvenir longtemps. Mais, dans la nuit, un des nôtres avait été balancé par-dessus le pont et était retrouvé mort au fond du Nekar le lendemain matin.

    Cette histoire ajoutée à d’autres, ne fît qu’exacerber les esprits au fur et à mesure que les verres se vidaient car la haine et la guerre nous habitaient encore. Certains chantaient la valse des vaches et parlaient d’aller tondre une allemande.

    Notre cordonnier qui avait perdu un proche dans un camp de concentration nazi, ressassait ses souvenirs dans l’alcool. Se levant soudain, il disparaît du réfectoire. On apprendra ensuite, qu’il s’était rendu dans son atelier pour se saisir d’un tranchet avant de se diriger vers la chambre isolée où étaient cantonnés quatre soldats allemands prisonniers, chargés des corvées dans la caserne.


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  • Après la capitulation allemande du 8 mai 1945, le capitaine Jubin raconte dans son livre "Espère à vie" que le Bataillon resta encore sur place quelques semaines afin de s'occuper des nombreux prisonniers allemands

    Entre le 11 mai et le 13 juin 1945, la 3ème  Cie (qu’on appelait toujours la 12ème ) avait rejoint Rohan pour cantonner dans une école au bord du canal. Le capitaine Jubin avait fait un discours de circonstance, relatif à l’opération publique et généralisée d’ échange des billets de banque qui avait pour objet de démasquer dans la population les profiteurs de guerre, invitant donc les camarades ˆ échanger aussi les rares billets qu’ils possédaient.

    Le 14 juin, la 19ème  D.I. toute entière quitta définitivement les lieux. Le capitaine allait pendant ce temps nous quitter pour participer à un stage de déminage dans la région de Plestin-les-Grèves, truffée de mines. Il raconte dans son livre comment il fallait avancer prudemment en sondant le terrain avec une baïonnette inclinée au maximum, afin de détecter le corps de la mine. Car avec la baïonnette tenue verticalement, nous risquions d'appuyer sur la tête du bouchon allumeur ou de toucher une de ses antennes, ce qui aurait bien entendu provoqué l'explosion. Une fois la mine détectée, il suffisait d'introduire une goupille de sécurité dans le trou de l'allumeur et de dépoter. Ensuite, passer à la suivante, toujours avec les mêmes précautions, en restant bien dans l'axe de la rangée...

    Le 18 juin, jour anniversaire de l’appel du Général de Gaulle et sur son invitation personnelle, la 19°ème D.I. (Division d'Infanterie bretonne) était appelée pour défiler à Paris. Certains ont défilé, d'autres pas ; les tenues de bien des camarades de la 12° n’étaient pas assez présentables pour une telle cérémonie. Ceux-là, ils seront juste admis à contenir la foule sur les Champs-Élysées pendant le défilé. La 12° était alors cantonnés au Pont de Neuilly.

    Le 20 juin 1945, tout le 41ème  R.I. rejoint Châteauroux (dont l’ex-12ème) est cantonné à NIiherne dans la grange d’une ferme, où l'auteur l'a rejoint le 25 octobre 1945, après sa convalescence.

    Le 15 octobre 1945, la 3° (ex-12°) est dissoute à son tour. Car à partir de cette date, les Unités sont réorganisées en vue de l’organisation de l’occupation française en Allemagne. La 3°, ex-12° devient alors la 1ère Cie du 41° R.I. sous les ordres du lieutenant Michel. La première Compagnie est toujours rattachée à la 19° D.I. du général Borgnis-Desbordes.

    Le 16 octobre au matin, notre capitaine FTP/FFI Constant Jubin raconte qu'il doit enlever ses galons de capitaine FFI pour devenir sous-lieutenant de l’armée régulière, entouré de plus en plus de planqués pendant l'occupation et qui reprennent du service. On les appelle les "Naphtalinés" Un certain nombre "des petits gars" comme disait le capitaine, quittèrent l'armée, leur engagement pour la durée de la guerre ayant pris fin.

    Les Français se déclinaient alors en catégories :

    -les traîtres qui s'engagèrent dans la milice et les collabos notoires.

    -les dénonciateurs de tout poil responsables de tortures, de déportation...

    -les S.T.O. volontaires pour l'industrie de guerre allemande.

    -ceux qui avaient tenté de jouer sur les deux tableaux.


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  • Récit:

    Cette année là Lorient sera la dernière ville bretonne à être libérée du joug nazi. Le 10 mai 1945, le général Fahrmbacher remet son arme au général Kramer, dans une prairie de Caudan. Les 26.000 soldats allemands de la poche de Lorient sont faits prisonniers. Lorient n'est que ruine mais la base des sous-marins, que la ville actuellement tente de reconvertir, est restée quasi-intacte.

    La poche de Lorient aura résisté 277 jours. Neuf longs mois, après que les Allemands s'y soient recroquevillés en août 1944 devant l'avancée des troupes américaines.

    C'est Hitler lui-même qui a donné l'ordre à ses combattants de tenir au minimum huit semaines. Pour éviter que les bunkers de Kéroman, d'où partaient les sous-marins allemands "tueurs" de bateaux alliés dans l'Atlantique, ne tombent intacts aux mains des libérateurs.

    Le 10 août 1944, ces derniers, alors aux portes de Lorient, décident de ne pas donner l'assaut. Au grand dam des F.F.I. et de leur chef, le lieutenant-colonel Morice. La poche est défendue par 26.000 Allemands bien équipés et leurs défenses sont impressionnantes.

    Prendre Lorient était possible: elle aurait coûté très chère en vies humaines. La 6e division blindée américaine, relevée par la 94e division d'infanterie, venue directement d'Amérique via les plages de Normandie, a d'autres missions plus urgentes. Les Américains ont les yeux fixés sur l'Est avec une priorité: l'avancée vers l'Allemagne pour abattre le régime nazi.

    A Saint-Nazaire, une autre poche se forme autour d'une autre base de sous-marins: 30.000 Allemands sont pris au piège. Elle tombera aussi le 10 mai 1945.

    Ce sont les résistants français qui vont se charger durant ces longs mois de faire le blocus de la poche: les F.F.I., F.T.P., les réseaux, les O.R.A. seront intégrés dans la 19e division d'infanterie de l'armée française commandée, à partir d'octobre 1944, par le général Borgnis-Desbordes. Quelque 12.000 hommes sont mobilisés avec des renforts de résistants venus du Finistère et des Côtes d'Armor.

    Rudes accrochages

    Débute alors un siège très pénible pour les deux camps. Les accrochages entre assiégés et libérateurs, sans cesse en mouvement, sont nombreux et les victimes se comptent par dizaines tout au long de ces neuf mois. La poche va de Quéven jusqu'à Port-Louis, Étel, la presqu'île de Quiberon, ainsi que les îles de Groix et de Belle-Ile.

    Les combats les plus violents ont lieu en octobre et novembre 44. Aux coups de mains des Français, répondent des contre-attaques allemandes. Notamment dans le secteur Belz-Étel où on se battra jusqu'en avril 45.

    Pour les civils, la vie est rude: ni pain, ni électricité, ni chauffage. On en est réduit à vendre chiens et chats. En février 1945, 90% des habitants de la poche ont été évacués. Les Allemands, aux abois, sont contraints de récolter les pommes de terre dans les champs. Ils évacuent aussi 3.000 Bellilois pour se réserver les approvisionnements. Les dernières semaines, la situation sera critique sur la presqu'île de Quiberon.

    Reddition

    Après la capitulation des forces allemandes du nord-ouest auprès du général Montgomery, alors que Berlin n'est que ruines, les soldats allemands de la poche savent que la résistance est inutile. Les négociations en vue d'une reddition des assiégés débutent le 4 mai 1945 au Magouer à Plouhinec.

    C'est au café Breton à Étel, le 7 mai, vers 20 h , que les officiers allemands, menés par l'ober Schmitt, le colonel Borst, signent l'accord avec les officiers américains et français.

    Au bout de la table, un lieutenant au 2e bureau de la 19e division d'infanterie, Fernand Boulla. Il a alors 24 ans. "Tout a été très vite", explique-t-il en 1995 à notre confrère Yves Guégan, à l'occasion du 50e anniversaire de la libération de Lorient. "Les Allemands ont traversé la rivière en bateau. On s'est réuni au café. Le colonel Borst avait l'accord du général Fahrmbacher. Restait à signer le document qui lui avait été présenté déjà quelques heures auparavant".

    Les Allemands acceptent les conditions posées pour la reddition mais demandent aux Alliés de ne pas entrer dans la poche immédiatement. Un délai de 3 jours qui leur permet de déminer les lieux et surtout de détruire leurs archives.

    Vision d'apocalypse

    La fin de la poche de Lorient sera effective le 10 mai 45: les 12.000 hommes des forces alliées se déploient au petit matin. A 16h , dans un champ à Caudan, le général allemand remet son arme personnelle au général Cramer, commandant les forces américaines dans la région. Lorient peut respirer.

    De la coquette ville d'avant guerre, il ne reste qu'une vision d'apocalypse et un champ de ruines. Quelques rares maisons sont intactes, 4.000 immeubles et maisons sont détruits, 3.000 gravement endommagées. Mais l'aviation alliée n'a pu venir à bout de la base de sous-marins de l'Atlantique de la Kreigsmarine, un objectif stratégique.

    Un mois après la Libération, la population qui a fui lors des bombardements de l'hiver 43, a recommencé à réinvestir la ville. Au fil des mois, des centaines de baraques vont être érigées. Les prisonniers allemands vont déminer les ruines. La reconstruction de Lorient va durer une vingtaine d'années.

    Michel Le Hébel


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  • Le front des oubliés (la festung de Lorient)

     De 1942 a 1944, la Poche de Lorient a été fortifiée systématiquement. Le 14 décembre 1941, Hitler avait décidé de constituer le « Mur de l’Atlantique »

    Après l’entrée en guerre des États Unis. Le Mur devait éviter que se constitue un second front à l’Ouest, alors que l’Allemagne poursuivait l’invasion de l’URSS. 

    Pour les Allemands la défense des bases de sous-marins et des grands ports était prioritaires. Il s’agissait de maintenir intact le potentiel de destruction des forces alliées, mais aussi d’empêcher que les ports deviennent les têtes de pont d’un débarquement. 

    Le Pays de Lorient fut donc transformé en camp retranché allemand, ce qui impliquait des moyens matériels considérables. De la Laïta à la rivière d’Étel, est établie une ligne de défense allemande ponctuelle de dizaines d’ouvrages défensifs, notamment sur les collines. A l’intérieur de ce premier dispositif, sont emboîtées trois lignes de repli défensif, de plus en plus resserrées. C’est la forteresse proprement dite : « Festung » en allemand. 

    La Festung Lorient prenait appui sur les deux rives de la rade, avec des fortifications très importantes. Gâvres, Riantec, Kernours, le pont du Bonhomme, délimitaient le secteur protégé sur la rive gauche du Blavet. La festung passait ensuite entre Lanester et Caudan, sur des  terrains  marécageux aujourd’hui remblayés. Il traversait le Scorff en dessous du bourg de Quéven, descendait jusqu’au Ter et rejoignait la côte près du fort du Talud.

     

    3° Cie du 1er Bataillon de marche d’Ille-et-Vilaine du 41° RI

     

    Il faut y ajouter les ouvrages côtiers, depuis la cote 40 à Guidel jusqu’à la Falaise d’Etel. Puis, le contrôle de Belle-Ille et de Groix. Plus les deux batteries de gros calibre : l’une au fort de Grognon à Groix, l’autre au Bégo à Plouharnel. Plus l’impressionnant dispositif anti-aérien : 340 canons en tout, dont 90 d’au moins 75 m/m. Le Festung était conçu comme un château-fort du Moyen-âge, avec une nuance : il était complètement adapté aux armements de son époque. 

    (La batterie Seydlitz de Groix, orientable sur tout l’horizon, a une portée de 30km. La batterie de 340 de Plouharnel a 40 km de portée. Elle bombardera même Vannes, faisant six morts le 16 février 1945, dans la Ville libérée depuis le 4 août précédent)  

    "Une tentative de libération de la ville de Lorient par l'armée américaine ayant échoué, 50.000 F.F.I. prennent position sur un front de 60 km de "long, de la Laïta à Carnac, encerclant 26.000 soldats allemands dans ce que l'on a appelé la « Poche de Lorient ».
    "Une guerre de position de neuf mois commence alors. Elle se termine avec la reddition sans condition signée à Etel le 8 mai 1945."

    Noël 1944 A Saint-Cado

    En ce soir de Noël 1944, c’est sous les couleurs du 41ème R.I. que nous tenions position sur le bras de mer d’Étel, tout près d’un village breton qui s’appelle Saint-Cado dans le Morbihan.

    Ce soir là, j’étais de garde de 10 heures à minuit dans un trou d’homme, creusé sur la berge de la rivière d’Étel, en contrebas d’une prairie, au ras de l’eau. Le bras de mer nous séparait de l’ennemi. Mis à part les tirs ponctuels de l’ennemi, les incursions de patrouilles boches étaient peu probables mais non exclues, puisqu’elles s’étaient déjà produites. Il y avait donc un point de surveillance tous les 100 mètres au ras de l’eau et des postes de mitrailleuses réparties au mieux de la configuration du terrain, au niveau supérieur.

    La nuit était calme et claire. Aucun tir isolé ne se faisait entendre, un peu comme le calme avant la tempête. D’habitude, en effet, les boches devinaient, savaient ou voyaient les camarades rejoindre leur poste pour la relève de la garde. Peut-être avaient-ils déjà des visées infrarouges, ou peut-être voyaient-ils tout simplement avec des jumelles, nos silhouettes se découper sur les hauteurs qu’il fallait parfois franchir pour rejoindre les postes avancés.

    Alors les armes automatiques ennemies se déclenchaient annonçant par la même occasion à ceux qui venaient de passer deux heures de garde, transis au fond de leur trou, sous la pluie ou sous la neige, que la relève arrivait.

    Cette fois, rien de tout cela. Seuls, les pas de mon camarade dégringolant la pente sur le sol glacé pour me remplacer troubla le bruit naturel du clapotis de l’eau sur la berge. C’est vrai qu’il avait bien 10 minutes d’avance sur l’horaire strictement militaire habituel et que les boches ne pouvaient pas le savoir. La consigne avait été donnée d’avancer l’horaire de la relève à cause de Noël.

    Souhaitant un bon Noël à mon camarade au fond de son trou, je remontais prestement la pente pour rejoindre mes camarades revenant comme moi de leur tour de garde. Je pensais au bon "flip breton" qui nous attendait pour nous réchauffer. J’atteignais le petit sentier qui rejoignait à cette époque les premières maisons de pêcheur où se trouvait notre cantonnement et qui formait le première protection contre les balles perdues qui s’écrasaient contre les pignons, lorsque Noël sonna pour moi d’une façon étrangement forte sur le coup de minuit.

    Toutes les bouches à feu ennemies se mirent à cracher en même temps ; les canons (obus, fusants, mortiers ) mitrailleuses, armes individuelles... Je n’eus que le temps de me plaquer contre un rocher se trouvant là bien à propos. Pendant cinq longues minutes le ciel fût embrasé, sillonné de balles traçantes, et la nuit trouée d’éclatements assourdissants. Les balles miaulaient à mes oreilles, certaines martelant le rocher derrière lequel j’étais caché, ou criblant les pignons des maisons voisines. Ce fut pour moi cinq minutes terrifiantes de bruit, d’éclairs, de balles traçantes, déluge de fer et de feu, heureusement protégé derrière mon providentiel rocher de Noël. Puis le silence revenu après tant de bruit me paraissait si impressionnant, que je suis resté prostré un moment à l’écouter religieusement avant de me relever.

    Cela avait été leur façon de fêter Noël 1944, leur dernier Noël d’envahisseurs au Pays de mes ancêtres. Ils fêtaient aussi sans doute en même temps la dernière victoire de Von Rundstedt dans la percée des Ardennes.

    Puis j’ai retrouvé mes camarades, aucun n’ayant été blessé, nous avons doublé la dose de flip breton pour fêter cela et nous nous sommes rendus tous ensemble dans la charmante petite église de Saint Cado, écouter la fin de la messe de minuit en breton.

    Tenir la presqu'île du Plec 

    Le P.C. de la nouvelle 3° Cie (notre ex-12°) se trouve désormais installé à "Listrec" en Locoal-Mandon face aux parcs à huîtres du père Landeau, vite dévasté par les FFI. On disait que l’armée indemniserait. Des reconnaissances de dette auraient été remises aux intéressés !

    La 12° Cie prend position le 20 décembre 1944 sur la presqu’île du Plec et la Pointe du Verdon Nous avions toujours à la section engins le futur célèbre champion cycliste Louison Bobet.

    Voici un rapport du Commandant Frémont qui en dit long sur la situation sur le front fin décembre 1944 :

    Copie document :

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    III° Région militaire

    19° DI

    41° Régiment d’Infanterie

    1er Bataillon

                                                                RAPPORT SUR LE MORAL

                                                   EN EXECUTION D’ UN MESSAGE TELEPHONE

                                                                  DU 21/12/1944

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                                                               1 – GENERALITES

     

                1° D’ordre Militaire .-

     

                Le bataillon est intégré depuis peu dans la nouvelle armée régulière française, dans le cadre du 41° R.I. et par voie de conséquence de la 19° D.I. prévue depuis août comme devant être motorisée dans un avenir plus ou moins éloigné.

     

    A l’époque de ce rattachement, les cinq compagnies F.F.I. d’Ille et Vilaine qui composèrent à elles seules le 1/41° ressuscité, se sentirent transportées de joie. Enfin on reconnaissait en haut lieu leurs mérites certains et tous les espoirs leur étaient permis. Parmi ceux-ci, le bataillon nourrissait celui de se voir rapidement habillé, équipé et armé d’une façon définitive afin d’être engagé, après une période d’instruction et d’adaptation la plus courte possible, dans la lutte décisive contre l’Allemand. Le moral de tous, à ce moment là, était le plus élevé qui se puisse concevoir. Il l’est encore mais à un degré moindre, car tous sentent plus ou moins confusément d’ailleurs, que la volonté d’arriver à ce résultat est insuffisante aux échelons supérieurs. Il n’est en tout cas maintenu à ce niveau que par l’action directe des cadres subalternes sur leurs subordonnés. Quoi qu’on en dise, les liens qui unissent les hommes du bataillon à leurs chefs directs, avec lesquels ils sont en contact permanent sont aussi puissants que divers et j’ai pu me rendre compte à plusieurs reprises que les cadres et la troupe forment un tout qu’il semble impossible de dissocier, sans exposer l’unité à des risques certains de désagrégation. Etre près de la troupe ne signifie pas seulement, à notre sens, faire près d’elle de la démagogie facile et à la portée de tout le monde, mais à partager complètement et avec la plus entière confiance ses joies, ses peines, ses fatigues et ses moments de détente. Le facteur primordial de cet esprit de corps est, sans aucun doute, la confiance absolue qui unit nos soldats aux chefs qu’ils se sont eux-mêmes donnés depuis de longs mois dans la Résistance et dans les Maquis.

     

    En définitive, on peut dire que le bataillon est encore ce qu’on peut appeler un beau bataillon auquel sont fiers d’appartenir les officiers, sous-officiers et soldats qui le composent. Ceux-ci sont désireux de voir encore se renforcer la tenue et l’organisation de l’unité dans le sens précité plus haut et ce, afin de mériter sans aucune équivoque l’estime, l’affection et le respect de la nation toute entière.

     

    D’ordre politique .-

     

    L’unanimité sur ce point est complète. Aucune conversation, et à plus forte raison, aucune discussion de caractère politique n’ont, à ma connaissance jamais été entamées, soit entre militaires appartenant à des compagnies différentes, soit au sein même des unités. Et pourtant les opinions sont extrêmement diverses, bien que la majorité des officiers, sous-officiers et hommes, soient consciemment ou non, de gauche et même d’extrême gauche ; mais ils respectent à cet égard le statut militaire et, bien qu’ils soient des hommes libres, volontaires pour aider à la reconquête de la France, de son Empire et aussi de leurs libertés, ils n’ont pour arriver à ce résultat qu’une idée « combattre » et ceci exclut cela. J’ajoute qu’il en est de même du point de vue confessionnel.

     

    D’ordre social .-

     

    Le milieu social est ce qu’il a toujours été dans l’armée, c’est-à-dire très divers, mais à l’encontre de ce qui existait autrefois, aucun désaccord dû à cet état de choses ne s’est produit. Ce fait n’est pas autrement surprenant si on veut bien considérer que les gradés aussi bien que les hommes du Bataillon ont justement pris les armes pour défendre et faire triompher leur idéal social. Il serait, à mon sens, désirable que les relations qui unissent les officiers, les sous-officiers et les soldats du Bataillon dans le service et en dehors du service soient susceptibles d’être généralisées ce qui permettrait d’augurer favorablement de la solution des problèmes sociaux qui se posent en France.

     

    D’ordre matériel .-

     

    Si le moral, comme je l’écrivais plus haut, est encore ce qu’il est, on ne peut pas dire que c’est grâce à l’amélioration des conditions de vie matérielle du soldat. Bien au contraire, hélas ! Il faut pourtant qu’on se persuade en haut lieu qu’il est indispensable d’assurer à la troupe un minimum de bien-être matériel et physique. Or actuellement, l’impéritie des services est telle que les plus graves préoccupations des commandants de compagnie ont trait à l’alimentation et à l’entretien physique de leurs troupes. Le chef de bataillon et son personnel chargés de l’approvisionnement sont constamment harcelés de réclamations de la part des compagnies, soit parce que le ravitaillement est insuffisant, soit parce qu’il n’est pas régulièrement distribué aux unités en ligne. Dans le 1er cas, l’intendance est seule en cause, dans le second, les difficultés quasi insurmontables que nous rencontrons sont dues uniquement au mauvais état de notre matériel roulant et à l’absence presque totale de pièces nécessaires aux réparations et à l’entretien des véhicules.

     

    Je me garderais bien de passer sous silence la question primordiale de l’uniformité d’armement et de munitions, le ravitaillement en ligne en moyens de combat, l’absence totale d’artifices, de signaux, de fil de fer barbelé, etc ... etc ...

     

    Pour conclure ce paragraphe, je citerai le mot d’un de mes meilleurs officiers, qui est en même temps un vieux compagnon d’armes de 39-40 et de la Résistance au cours de considérations que nous échangions récemment sur l’état du matériel du Bataillon «Il y aurait, me disait-il, des volumes à écrire à ce sujet, aussi bornons-nous seulement à dire que, dans ce domaine, tout manque, même la bonne volonté de pas mal de services »

     

            II – OFFICIERS

     

    La majorité des officiers constituant l’encadrement du bataillon est formé par d’anciens officiers et sous-officiers d’active ou de réserve ayant participé au début de la guerre (campagne 39/40). A une ou deux exceptions près, ils ont en outre, fait partie de la Résistance sous l’occupation. Pour eux, leur plus belle récompense est d’avoir à se battre à nouveau, en uniforme, cette fois contre l’Allemagne et achever ainsi de mériter leur grade obtenu dans la Résistance. Nos autres camarades proviennent uniquement des FFI et doivent leurs galons à leur jeune valeur et à l’énergie dont ils ont fait preuve dans la Résistance pour organiser sous l’occupation allemande des unités entièrement constituées et équipées par leurs propres moyens et à les mener au combat. Il est évident qu’ils manquent de technique militaire, mais leur désir d’apprendre est manifeste ; aussi demandent-ils comme le demande l’ensemble des officiers du Bataillon à être commandés et instruits dans l’art du combat moderne par des chefs et des instructeurs dignes d’eux, tant du point de vue militaire que du point de vue moral, que ces chefs possèdent surtout la même foi et le même idéal que ceux dont ils sont animés.

     

                                               III – SOUS-OFFICIERS

     

    Beaucoup sont à l’image de leurs supérieurs. Presque tous sont mariés et pères de famille. Ceux-ci ont abandonné leur travail et leur foyer pour combattre le boche et faire triompher leur idéal. Dire qu’ils font leur travail avec cœur et surtout avec compétence quand il s’agit de la vie de garnison ou de camp serait sinon complètement faux du moins exagéré, mais par contre, ils remplissent admirablement leur tâche depuis que nous sommes en secteur. Rien d’étonnant à cela, ce sont d’anciens maquisards. Pour certains d’entre eux, les meilleurs et en particulier ceux d’active, il faudrait envisager de les avantager, car ils constituent un personnel d’élite, en leur donnant un avancement mérité et en facilitant, par la suite le recrutement d’officiers de carrière dans le corps des sous-officiers auquel ils appartiennent. A tous le séjour en secteur fait beaucoup de bien, leur instruction y a déjà gagné et les stages de perfectionnement leur permettront encore de le parachever.

     

                                                IV - TROUPE

     

    En général, elle a un moral excellent, car elle est formée uniquement d’engagés volontaires ; mais il faut quand même y distinguer 3 catégories. La plus importante (70% de l’effectif) se composent de jeunes hommes ardents, animés d’un haut idéal patriotique et social. La seconde (20%) braves garçons qui se sont engagés pour faire leur service et qui l’accomplissent comme on le faisait avant 39, par devoir, mais sans conviction profonde. Ce sont quand même de bons soldats et ils s’améliorent grandement au contact des premiers. Quand au reste (10%) il est composé pour la plupart de désœuvrés, de camouflés par force, voire même de paresseux qui se sont engagés sans trop savoir pourquoi. Peut-être espéraient-ils un bien être matériel facile à obtenir puisqu’il ne dépendait pas d’eux-mêmes. Quoique cela, il ne faut pas désespérer de les amener à nos conceptions, j’ai déjà été témoin de conversions de ce genre et leur contact permanent avec les premiers cités ont déjà porté ou porteront leurs fruits.

     

    En tout état de cause et en considérant qu’ils sont tous et tout de même volontaires ils doivent être encouragés et aidés par tous les moyens. Ceux qui désirent rester pour un assez long temps dans l’armée ou y faire leur carrière doivent avoir des facilités pour suivre les cours d’élèves gradés. Et puis le fait est là que, pour la majorité d’entre eux, l’ardeur patriotique qui les anime tranche lumineusement avec l’apathie et la méfiance d’une trop grande partie de la population française. Rien que cela les rend conscients des devoirs militaires qu’ils sont prêts à assumer mais aussi des droits qu’ils se sont acquis et qu’ils continueront d’acquérir, droits que nous, leurs chefs, défendront avec eux par tous les moyens.

     

                                  I – CONSIDERATIONS D’ ORDRE MATERIEL

     

    Nous concevons parfaitement que la dotation matérielle des unités en formation est pénible en raison de la situation actuelle du pays, mais nous rendons moins parfaitement compte que les solutions qui auraient dû ou devraient être possible ont été ou sont rendues difficiles du fait de l’apathie, de l’indifférence voire même de l’hostilité dont font preuve à l’égard de la future armée française, les services de l’ancienne impuissance de ceux-ci à réaliser la situation et à y faire face avec des méthodes nouvelles et efficaces ou, ce qui serait plus grave, sabotage conscient à l’égard des formations nouvelles du fait d’individus ou par la jalousie ou la méfiance ? Or, il faut bien se dire que les bonnes volontés quelles qu’elles soient ne résistent pas à la force d’inertie, mais qu’on ne s’y trompe pas, nous sentons à certains indices que la patience s’émousse et qu’il est grand temps qu’on s’en rende compte en haut lieu. Nous avons jusqu’ici tenu nos hommes avec quelques réalisations et beaucoup de promesses. Ils savent que nous souffrons comme eux de l’état de chose existant. Nous voulons nous battre et nous demandons pour cela les outils qui nous sont nécessaires. Nous ne demandons que cela et, pour concrétiser nos besoins, nous dirons qu’il faudrait doter à bref délai nos unités du matériel, de l’armement, de l’équipement et de l’habillement prévus aux derniers tableaux parus, comme ont été d’ailleurs dotés les bataillons dits « de sécurité et d’instruction » constitués en même temps que le nôtre.

     

                                                 IV - INITIATIVES

     

    Du point de vue matériel, elles ont été, elles sont et elles devront être, nous le craignons, encore très nombreuses, trop nombreuses, car dépassées, présentes ou futures, ont tenu, tiennent ou tiendront toujours du trop fameux  système « D » que de ce qu’on peut appeler véritablement de l’initiative. Comment pourrait-il être autrement puisque trop souvent la réponse à nos demandes est négative ou incertaine.

     

    Heureusement que du point de vue moral, il en a été tout autrement. En effet, il convient de rappeler ici que c’est grâce à leur énergie et à leurs initiatives personnelles que les officiers et sous-officiers qui se sont trouvés placés à la tête de formations issues de la Résistance sont parvenus à organiser leurs unités et à les fournir au commandement mises sur pied avec leurs effectifs, leurs cadres, leur armement et leur matériel, ces deux derniers récupérés d’ailleurs sur l’ennemi.

     

    Pour conclure ce chapitre nous nous bornerons encore une fois à citer textuellement l’un des officiers du bataillon : « Si c’est de notre initiative (et ceci est pris dans le sens le plus large, c’est-à-dire, troupe, sous-officiers et officiers) dont il s’agit, qu’on veuille bien se reporter à la fin d’août 44 et regarder le bataillon d’aujourd’hui pour juger ». Et encore on aura pas tout vu, car on ne lit pas dans les pensées.

     

                                                 VII – SUGGESTIONS ET PROPOSITIONS

     

    Elles ne seront pas précisées, les solutions à apporter aux problèmes posés par ce qui précède dépassant nos facultés de résolution, toutefois nous pensons qu’il serait bon d’envisager plusieurs réformes, à savoir :

     

    1° Réorganisation des services en général et de l’intendance en particulier sur des bases modernes avec un personnel rompu aux nouvelles méthodes adoptées par les établissements industriels et commerciaux de l’époque actuelle.

     

    2° Réorganisation du commandement en supprimant le formalisme archaïque et en confiant les leviers de commande à des hommes dont le but soit de faire la guerre avant tout et tout de suite.

     

    3° Application à tous les échelons du commandement de sanctions efficaces en fonction de leurs responsabilités respectives.

     

    4° Suppression totale aux divers échelons et dans tous les organismes des relations personnelles, des incapables, des fatigués jeunes ou vieux, des inactifs.

     

    5° Suggestion aux services de fonctionner correctement en les invitant à bien se persuader que, s’ils ont été ainsi baptisés, c’était pour servir les armées combattantes.

     

    Et nous terminerons cet aperçu d’ensemble en rappelant cette pensée de l’empereur Napoléon 1erqui n’a pas vieilli malgré les années ; « Les hommes de valeur ne manquent pas en France, mais il faut savoir les choisir et les mettre à leur place » Nous ajouterons quant à nous, qu’il faut également vouloir les choisir et vouloir les mettre à leur place »

     

                                                   Aux Armées le 31 Décembre 1944

                                                   LE CHEF DE BATAILLON FREMONT

                                            COMMANDANT le 1er BATAILLON du 41° R.I.

     

    Début janvier 1945, la section est affectée à la défense de la presqu’île du Plec. C’est Jean-Marie le passeur qui est réquisitionné par l’armée, pour sa connaissance des lieus, des courants et des marées pour assurer la liaison et le ravitaillement par mer, notamment avec la pointe du Verdon.

    Notre camarade Henri Chapon, chef cuisinier de la 12è l’accompagne toujours pour le ravitaillement. Par nuit claire, ou de jour, ils ont souvent été pris pour cible par l’ennemi, mais heureusement jamais atteints.

    Notre secteur postal était le 53.491. Notre sergent-major comptable était le Sergent Guihard. Notre infirmier, sergent fourrier, l’homme sachant tout faire était Arsène Delsaut.

    Le 12 janvier 1945, le Camarade Le Pelletier est blessé à la main par balle. Le 22 janvier 1945 c’est le camarade Lumière qui reçoit une balle dans le bras. Puis, le sergent Yves Sentier tombe gravement malade de la poitrine. Il ne veut pas quitter ses camarades. On l’emmènera de force à l’hôpital. Il sera réformé pour tuberculose le 9 février 1945.

    De janvier à avril, ce ne sont que des échanges de tirs incessants de part et d’autre, à l’arme automatique, au mortier, au canon de 27mm, aux fusants, de jour comme de nuit.

    Parfois, il y a des trêves pour laisser passer des civils de la Poche de Lorient Certains camarades culottés, en profitent pour aller visiter les postes ennemis et proposer aux "affamés" (comme on les appelait aussi) du chocolat américain contre des armes personnelles.

    Quand le front est calme, des musiciens allemands se font entendre, dans les postes d’en face. Évidemment nos mitrailleuses sont aussitôt pointées dans cette direction.

    Un beau jour c’est le lieutenant Louis Correy qui se met aussi à cracher le sang. Lui non plus ne veut pas quitter ses camarades. C’est le médecin qui vient le chercher.

    Plusieurs font des rages de dents, ce qui est mon cas. J’aurais une courte permission pour me rendre à Auray chez le dentiste qui, sans commentaire, m’arrache une dent.

    Nous avions droit quand même de temps à autre à une période de repos dans une ferme un peu à l’arrière, la ferme des Glain. Il y avait là trois belles filles que les militaires courtisaient. Là, nous pouvions dormir en paix relative dans la paille fraîche du grenier, nous laver, nous changer.

    Pourtant, des prémices annonçaient bien quelque chose. Notamment un tir de mortier et de fusants nourris mais heureusement trop courts de quelques mètres, et n’atteignant pas la ferme.

    La peur, le qui-vive, le froid, les désertions, les blessés, les prisonniers … ( Locoal-Mendon)

    La peur, le qui-vive, les nuits froides, la boue, les gardes solitaires dans les postes avancés sous la mitraille ennemie, les patrouilles, les mortiers, les fusants, la tension, mettaient les nerfs à bout. L’hiver avait été très dur. Il y avait des mois qu’on avait pas couché dans un lit. Le courrier ne passait que sur carte ouverte. Le moral en prenait un coup. Il y avait des défections chez nous comme chez l’ennemi ; des rages de dents, des bronchites et ...des abandons de postes devant l’ennemi.

    Parfois, c’était sans conséquence, et personne n’en parlait. Pourtant, un abandon de poste aux conséquences gravissimes fût officiellement démasqué à l’occasion d’un accident de la circulation survenu le 8 avril 1945 à Vannes,

    Ce jour là, un camion  P.38 Citroën en cours d’immatriculation se rendait en mission de Locoal-Mendon à Rennes sous la responsabilité de Jean Macé, sergent à la C.B.I. du 1er Bataillon du 41° R.I. avec à ses côtés le Caporal Daniel Robert.

    Vers 21 heures, à l’angle de la place du Maréchal Joffre et de la place Gambetta,le camion P.38 entra en collision avec une voiture particulière conduite par la femme du colonel Morice.

    Les dégâts n’étant que matériels le colonel Morice demanda dans son rapport que personne ne soit inquiété pour cet accident. Mais les noms des occupants figuraient sur le rapport. C’est ainsi qu’on eût la surprise de découvrir le nom de l’adjudant H. passager hors mission dans le camion, lequel avait quitté son poste sans permission.

    On savait que sa mère était malade, et qu’il souhaitait profiter du camion pour aller l’embrasser. Mais en tant de guerre, ça s’appelle abandon de poste. Et comme l’exemple vient d’en haut, l’un de ses hommes G. V. D. qui était de garde dans un poste avancé de 4 à 6 heures le 9 avril 1945, décida d’en faire autant et d’abandonner son poste de garde devant l’ennemi, pour s’en aller en barque voir une fille qu’il savait retrouver loin de la ligne de front, à Locoal-Mendon.

    Le drame, c’est que ce 9 avril 1945 vers 5 heures du matin, les boches avaient décidé une incursion dans nos lignes, juste à l’endroit du poste déserté, comme s’ils étaient au courant !

    Ces deux abandons de poste simultanés de la part de ces deux monstres d’égoïsme, se sont traduits par un désastre pour notre section. Pourtant ils s’en sont bien tirés. Allez comprendre ! L’adjudant H. n’a été que rétrogradé sergent-chef et le 2ème classe a bénéficié lui aussi de la clémence du Tribunal militaire. Ils n’auront été finalement moins punis que je ne le fus pour la vie par les séquelles de mes blessures. Ils peuvent remercier le Commandant Frémont.

    Après la honte des bavures de Monterfil, et la honte de ces désertions et de ses conséquences, il y avait quelque chose de brisé entre nous. La rancœur allait s'installer pour longtemps contre ceux qui avait trahi la confiance de leurs camarades.

    Enfin, à tout péché miséricorde ! Avec le temps, on pardonne. Mais le 9 avril 1945 est resté pour nous un souvenir de honte et d’humiliation .

    Le dernier coup de main allemand dans nos lignes.

     POTIUS MORI QUAM FEDARI (Plutôt la mort que la honte) devise des Bretons

    Le 9 avril 1945, vers 5 heures du matin,(4 heures 45 dit le rapport officiel) un commando allemand investit par surprise à la faveur des abandons de postes évoqués dans le chapitre précédent, la position occupée par une section de l’ex-12° Cie sur la presqu’île du Plec en Locoal-Mendon.(en langage militaire situé au 187,800 – 315,700 - S.P. 53491)

    Notre poste central c'est  la maison du pêcheur Boulard  qui narguait l’ennemi symboliquement et stratégiquement. Symboliquement par ce que nous avions peint au goudron sur le pignon de la maison, face aux allemands, un grand V de la victoire avec la croix de Lorraine au milieu. Stratégiquement, cette position coupait la route aux patrouilles ennemies tentées d’infiltrer nos lignes.

    Aussi, le pignon de la maison était-il souvent le point de mire des canons de 27 mm et des mitrailleuses d’en face. Et cette partie de la presqu’île était souvent arrosée d’une pluie d’obus et de fusants, suivies de tentatives d’infiltrations jusque là repoussées.

    Pourtant ce matin là, la désertion de nos camarades et surtout l’abandon du poste de garde par V. D., était une porte ouverte dans nos lignes, un peu comme si l’ennemi était au courant qu’il savait et ne risquait rien à cet endroit. Certains se sont posés la question. La copine de notre camarade aurait pu parler à quelqu’un d’autre, de ce rendez-vous. On savait qu’il y avait des militants ou sympathisants de la milice Perrot dans les parages. On avait déjà essuyé un coup de feu dans le dos, entre Locoal et Le Plec. .

    Bref, la brume très épaisse ce matin là, favorisait et protégeait cette incursion ennemie. L’alerte n’a donc pas été donnée. Les camarades qui n’étaient pas de garde dans un des trous d’homme disséminés autour du poste central dormaient donc profondément dans la maison Boulard, les uns dans la cave, les autres à l’étage, tout le monde dans la paille, à même le sol.

    A ce moment là, étaient présents dans le poste : le caporal Hamon, les soldats  Le Poulichet - Delaunay - Vallet - Chiron - Hue - Senant - Fevrier - Coignard – Travadon – Aillet - Pohin – Cavret.

    Les Allemands avantagés avantagés par l’effet de surprise, ont attaqué le poste à la grenade et à la mitraillette. Les Français ainsi réveillés mais encore allongés n’ont pas été touchés. Dans une mêlée indescriptible des camarades dormant à l’étage ont réussi à s’échapper en sautant d’une fenêtre et sont allés se cacher derrière les cages à lapin. Mais ils n’avaient pas eu le temps de se saisir de leurs armes. Le Caporal Georges Hamon a été gravement blessé dès le début de l’attaque.

    Dormant à la cave, contre le râtelier d’armes, l’auteur a pu saisir son fusil américain automatique et s’échapper en tirant sur la silhouette ennemie qui mitraillait l’intérieur depuis la porte.

    Dans la brume encore épaisse, on ne voyait pas d’où venaient les grenades, ni les rafales de mitraillettes. Les camarades cachés derrière les cages à lapins toutes proches ont témoigné et déclaré à l’enquête le lendemain que l’auteur avait d’abord été blessé aux jambes et qu’il a continué à tirer vidant son chargeur avant d’être blessé au bras. Son fusil taché de sang a été retrouvé le lendemain matin, marquant l 'emplacement où il était tombé.

    Comment ne pas être marqué à vie par cet instant où l’on voit son sang s’échapper, où on le sent sortir par la blessure où la terre s’imprègne de sa couleur, où l’on sent la faiblesse vous envahir et qu’un allemand s’approche, mitraillette pointée, donner un coup de botte pour éloigner le fusil et vous retourner le corps de la même manière

    Deux brutes ennemies traînent Le Poulichet (blessé) près de ses camarades : Delaunay - Vallet - Chiron - Hue - Senant - Février et Coignard couchés sur le ventre, les mains sur la nuque, deux mitraillettes pointées dans leur dos.

    Là, on dépouille chacun de ce qu’il possède de visible. On arracha la chaînette que portait l’auteur autour du cou avec une médaille de Jeanne d’Arc reçue dans son enfance au patronage du même nom à Rennes. D’un côté était la Sainte combattante et de l’autre une épée pointe en haut supportant une couronne matérialisée par un trait horizontal et trois points au-dessus figurant la couronne.

    On traîne tout ce monde jusqu’à un dinghy de caoutchouc qui attendait là pour nous emmener sur l’autre rive. Arrivé sur la berge d’en face, on se retrouve dans une petite ferme toute proche, où l’on découvre le même décor que chez nous, la même similitude de vie que la nôtre. C’est la même paille pour litière à soldats.

    Puis, l’on se retrouve dehors, appuyé contre le mur. On nous traite de terroristes pendant que des Allemands nous mettent en joue. On a cru notre fin arrivée. Mais non, un officier donne des ordres. Ils ont besoin de monnaie d’échange.

    Du coup, un soldat allemand me prend dans ses bras et me porte jusqu’à une ferme voisine servant d’infirmerie. Là, on me met nu, on me nettoie le sang qui a coulé sur mon corps. On m’allonge avec trois autres blessés allemands, dans une ambulance qui vient d’arriver.

    Sans attelle et sans plâtre, sur les chemins cahoteux empruntés par l’ambulance, jusqu’à Port-Louis, c’est le parcours de la douleur, Je ne me sens plus qu’à moitié vivant mais conscient. Des obus alliés éclatent de -ci, de-là, le long du parcours, quelques éclats atteignent même l’ambulance.

    Arrivés à Port-Louis, on me descend à bras d’homme maladroits sur le bateau par un escalier de bois aux marches glissantes. Des obus tombent dans l’eau tout près du bateau, soulevant des gerbes d’eau. Apparemment, la peur règne sur le bateau. Des infirmiers s’affairent à ranger fébrilement les blessés et moi avec sur des civières. J’ai une couverture allemande sur moi et voilà qu’on semble me prendre pour un allemand, car on me parle en allemand. Alors, je fais le mort, je ne réponds pas.

    Nous arrivons finalement sans casse à la cale de Lorient où je suis installé avec trois autres Allemands dans une ambulance. J’essaie de me repérer, étant venu à Lorient enfant, voir une tante avant guerre, mais il n’y a plus que des ruines... L’ambulance s’arrête à l’hôpital maritime allemand, devant un bunker avec une croix rouge où se trouve la salle d’opération.

    Blessé, prisonnier, hospitalisé chez l'ennemi.

    Depuis que je suis entré dans ce bunker sur ma civière, après une attente assez courte dans l’entrée, à côté de celle d’un autre allemand, j’ai comme l’impression qu’on me prend toujours pour un allemand, puisqu’on me parle en allemand.

    Ma civière se soulève enfin et sans trop m’en rendre compte, je me retrouve rapidement allongé sur la table d’opération. Je sens confusément que je n’ai plus d’effort de survie à faire dès que je vois le visage du Chef Hartz (médecin chef) se pencher sur moi. Mes nerfs tombent. On me met un masque d’éther sur le visage et je ne sais plus ce qui se passe. Je suis endormi.

    C’est pourtant comme P.G. que je me suis réveillé le lendemain matin par un bruit de clé dans la serrure, en même temps que par une impérieuse envie de rendre. J’étais bel et bien enfermé à clé dans une chambre à deux lits, semble t-il au 2è étage du côté des cuisines, d’après les bruits qui me parviendront.

    Une infirmière rentre avec une cuvette. Je ne puis me soulever seul, mais l’infirmière m’y aidera. J’ai sans doute pris froid aussi pendant ces événements, car je tousse aussi beaucoup, ce qui me provoque des douleurs notamment au niveau de ma blessure au bras. Après m’avoir nettoyé, l’infirmière m’explique que le matériel médical fait défaut, que je n’ai donc pas été plâtré, qu’on m’a seulement posé une attelle, sorte de gouttière métallique, lavé la blessure au Dakin, mis un drain de caoutchouc qui me traverse le bras, et un bandage par dessus.

    On m’a accroché un carton autour du cou avec une ficelle. C’est écrit en allemand... Le seul mot que je retiendrais c'est "Kriegefangenen" (P.G.). L’infirmière se présente : elle s’appelle Simone Joyet. Elle est française et dit avoir été réquisitionnée là lors du blocage de la poche de Lorient. Elle remplit la fonction d’interprète médicale auprès du chef Hartz, parlant couramment l’allemand. Elle est blonde et gentille.

    Sa conversation a dû réveiller mon voisin de lit qui gémit. C’est un sergent chef du 71° R.I. blessé d’une balle au ventre à Landévant. Il sait et dit qu’il va mourir. Il dit aussi qu’on ne l’a pas soigné. L’infirmière dit que l’hôpital n’a plus de médicaments ni les moyens de sauver tous les blessés qui arrivent et que la Croix Rouge n’en fournit pas. Elle ne peut rien dire de plus, car on ne lui fait pas de confidences.

    Quelques jours encore et mon camarade me dira "adieu" dans des souffrances atroces. Ses cris, je les entends encore parfois, ils me réveillent la nuit. Je ne pouvais lui fermer les yeux, incapable que j’étais de me lever. Dans l’état de faiblesse ou je me trouvais ce fût une pénible épreuve pour moi.

    Dans ce contexte ou les obus sifflent, s’abattent et explosent dans un bruit assourdissant, jour et nuit, parfois tout près de l’hôpital (3.000 obus par semaine sur la poche dit le livre "Les poches de l’Atlantique" de Jacques Mordal) je vis la mort de mon camarade conscient juqu’au bout, sans aucun réconfort extérieur. Je ne supporte pas. Mes nerfs craquent. Je veux m’évader. Je tombe au pied de mon lit. Je crie et pour première réponse des blessés (S.S. dit-on !) viennent cogner dans notre porte en criant des menaces en allemand, avant que l’infirmière n’arrive.

    Ce camarade me laissera son nom et son adresse, que je ne pouvais noter. Je n’ai retenu de mémoire que son nom et son origine normande, juste pour lancer un message sur les ondes après la guerre, afin de transmettre ses dernières pensées à sa famille, grâce au journaliste Michel Leroux venu m’ interviewer bien à propos. Mais sa famille m’a t-elle entendu ?

    Sur intervention de l’infirmière, le médecin chef accepte de me transférer dans une salle commune avec des civils blessés. Je passais ainsi sous la protection des civils si l’on peut dire. Nous sommes tous installés dans des châlits militaires superposés. Il y a là des agriculteurs blessés dans leurs champs par des éclats d’obus, un cafetier de Larmor Plage et un tout jeune garçon

    La nourriture ne varie pas. C’est une tranche de pain noir d’environ 7 cm de diamètre par repas, une petite assiette de trognon de choux. Un paysan blessé raconte que les allemands, après avoir pris les choux, ramassent aussi les trognons; les coupent en tranches fines, les stockent en quinconce dans des barils et les maintiennent en état de conservation dans l’eau de mer salée du port de Lorient. Va donc savoir !

    Par contre, le vin rentre à flot ici, grâce au cafetier. C’est interdit. Mais comme on n’est pas sur d’être encore vivant le lendemain,; les infirmières ne sont pas trop regardantes. Certains sont facilement saouls tous les soirs. Évidemment les Allemands (les boches comme on disait) ne sont pas au courant. Ils ont autre chose à faire…

    Ici, avec les civils, je vois du monde ; je fais connaissance avec les autres infirmières de l’étage ; Annie Kerlau de Moëlan-sur-Mer, qui décédera peu après la guerre dans un hôpital Parisien de tuberculose. Et puis aussi Christiane Masson, qui m’invitera à déjeuner chez elle à Paris après la Libération. Et Simone Joyet qui me soigne personnellement et avec qui je resterai en contact jusqu’à son mariage

    Le lendemain de mon installation dans ce nouveau service, j’eus la visite impromptue de l’officier allemand parlant français responsable du commando qui nous avait attaqué. D’emblée, il me braque son revolver sous le nez et se met à m’interroger : "Où sont les Américains ?" "Combien de terroristes êtes-vous de l’autre côté ?" etc.. Il menace de me frapper sur mon bras blessé, il me gifle et part en maugréant en allemand.

    Je fais aussi fait la connaissance d’un autre allemand , parlant couramment le français et l’anglais. Il travaillait avant guerre dans l’hôtellerie en Amérique et s’était trouvé mobilisé pendant un séjour dans sa famille en Allemagne en 1939. Il jouait à la perfection Mozart au piano dans la salle des fêtes de l’hôpital, à l’étage supérieur. C’était grandiose sous le sifflement des obus. Les infirmières me faisaient de leurs mains une chaise à porteur pour me transporter jusque là.

    Évidemment, j’étais le seul blessé F.F.I. survivant de cet hôpital et tout le personnel français était aux petits soins pour moi, conscient que je pourrais leur apporter éventuellement un témoignage favorable, car on sentait bien qu’au fil des jours, la peur changeait de camp.

    La reddition allemande du 8 mai 1945

    On sentait la fin approcher. Un jour, le 7 mai 1945, je crois, l’ordre fut donné de descendre en catastrophe tous les blessés civils et militaires et moi-même, dans les bunkers. L’infirmière Simone Joyet m’expliqua que le bruit circulait que "mille" avions alliés viendraient pilonner Lorient comme ils avaient pilonner Royan peu avant, si les boches ne se rendaient pas.

    "Mille avions" ça me paraissait beaucoup, mais en temps de guerre les bruits les plus fantaisistes circulaient. Ce qui est sûr, c’est que le personnel de l’hôpital avait appris par le chef Hartz que les alliés avaient demandé aux Allemands de proposer une zone de protection pour y regrouper la population civile afin de la protéger des bombardements massifs prévus.

    Bref, me voilà arrivé dans le bunker. Ca sentait l’humidité. Les lits superposés par trois étaient accrochés par des chaînes à des anneaux ancrés dans le béton du plafond. L’infirmière Simone Joyet jugea bon de me placer en haut. Elle fit bien car la panique prit vite le dessus dans mon coin et un blessé renversa son vase sur le lit du dessous... D’autres vases restaient à terre entre les lits et se trouvaient bousculés, ça sentait mauvais. Pour ma part, ma toux me reprend de plus belle. On entendait des gens prier tout haut ou raconter leurs dernières volontés aux infirmières. La peur était contagieuse et collective.

    Comment ne pas penser à la mort dans des moments pareils :! A ce propos, un livre avait été déposé la veille sur mon lit alors que j’étais assoupi. Je l’avais seulement regardé, incapable que j’étais de m’appesantir sur la lecture. Je n’en ai vraiment pris connaissance. que plus tard Mais je pense qu’il convient de le rappeler ici, puisqu’il était resté sur ma couverture quand on m’a descendu dans le bunker.. Il s’agit de " l’Évangile offert aux captifs par les catholiques de France"

    Heureusement, les infirmières conservaient leur sang-froid, allant de l’un à l’autre, distribuant sourire et réconfort... Et le 8 mai 1945, (jour de la fête de Jeanne d’Arc) la capitulation allemande sans condition, conclue la veille à ETEL est signée. Les avions alliés ne viendraient donc pas nous anéantir. Nous fûmes tous ramenés dans nos chambres très rapidement. Pour la première fois les obus cessent de siffler et d’éclater. Il y a longtemps que je n’avais pas aussi bien dormi.

    Tandis qu'à Berlin, le 9 mai 45, le général de Lattre de Tassigny adressait "l'ordre du jour n° 9" à ses troupes, à l'hôpital maritime de Lorient, dans la matinée du même jour, deux FFI blessés arrivent dans une chambre voisine. Les deux avaient reçu une balle à hauteur du cœur. L'un a reçu une balle en plein cœur, l’autre était sauvé, la balle étant passée au-dessus du cœur. Des Allemands avaient voulu faire un dernier carton après la reddition et avant de jeter leurs armes à terre.

    Le 10 mai 1945, j’étais encore virtuellement prisonnier, sous la responsabilité médicale du chef Hartz. Mais, c’est sa dernière tournée ou plutôt sa tournée d’adieu ce matin. Il s’approche de chaque lit, s’inquiète de l’état de santé de chacun. L’infirmière Simone Joyet traduit.

    Arrivé à ma hauteur, il me regarde bien droit dans les yeux de son regard bleu pénétrant me fait traduire la situation et m’annonce que je vais être remis aux autorités médicales militaires françaises le jour même. Il ajoute combien il regrette de n’avoir plus depuis longtemps les moyens de sauver les vies humaines.

    Il me dit que mon bras (qui suppure, est tout bleu, les doigts enflés ne bougeant plus) sera sans doute soigné à temps, que j’aurais peut-être une réduction de fracture dans un hôpital, mais qu’il resterait difforme et diminué, que pour le reste, c’était des blessures superficielles sans conséquences.

    Alors seulement, il me tend la main en me disant au revoir. J’hésite en pensant à mes deux camarades morts ici, mais je sens le regard inquiet de l’infirmière et finalement je lui tend la main gauche en lui disant "Danke" Après tout, je n’ai pas été maltraité, à quelques détails près, et puis, c’est vrai qu’ils n’avaient plus de médicaments pour eux-mêmes, puisque j’ai vu un amputé soigné uniquement à l’eau de Dakin.

    Je suis donc officiellement libéré ce 10 mai 1945, alors qu’on me soutiendra mordicus plus tard officiellement et officieusement que la guerre était finie et que tout le monde était libéré à Lorient le 8 mai 1945 comme si je n’avais pas vu aussi ces camarades blessés par l’ennemi ce jour-la.

    Bref, on me change alors de chambre aussitôt après le dernier passage du chef Hartz. On m’installe dans la belle chambre à quatre lits avec les deux FFI blessés arrivés hier. J’arrive juste pour assister à la mort de celui qui avait reçu la balle en plein cœur je n'avais pas besoin de cela.

    Le survivant me raconta qu'après l'ordre du cessez-le-feu, et qu’ils étaient en train de récupérer les armes ennemies, un boche avait voulu faire un dernier carton sur eux, avant de rendre leurs armes. Deux infirmières militaires françaises rentrent sans frapper nous coupant la conversation. Mais nous sommes heureux de les voir. Elles enquêtent sur la situation de chacun l’état des soins et font l’inventaire de tout. Elles me proposent après examen médical, trois mois de rééducation et six mois de convalescence en établissement militaire spécialisé.

    J’ai tout refusé en bloc ce qui n’est pas obligatoire. Je demande à rejoindre mon unité dès que possible. Je tiens aussi à aller en occupation pour rendre aux boches la monnaie de leur pièce. J’interviens aussi en faveur des infirmières françaises et particulièrement de Simone Joyet qui s’est dévouée pour moi, mais mon intervention est mal perçue. Tous ceux qui ont contribué au moral de l’ennemi doivent payer me dit-on. C’est la guerre et elles seront internées au camp d’internement de Sarzeau. J’irais faire une intervention en leur faveur à la Préfecture de Vannes.

    J’ai bien compris plus tard que j’aurais dû accepter l’offre de la nouvelle infirmière militaire , car des camarades qui sont passés par là, ont été informés et aidés pour leur mise en pension militaire d’ invalidité dirigé dans une école de rééducation, puis reclassé dans un emploi réservé. Alors que j’allais me retrouver seul et démuni devant tous ces problèmes après ma réforme, pour avoir fait ma mauvaise tête.

    Mais, nous sommes le 11 mai 1945 au matin, on entend dire que les troupes françaises arrivent et défilent dans Lorient mais mes ex-infirmières désormais internées ne sont plus là pour me transporter jusque là et je ne manquerais pas de reprocher à ma nouvelle infirmière militaire française de m’avoir privé de cette joie.

    En début d’après-midi, une ambulance vient me chercher pour m’emmener à Kerpape. Je fais donc mes adieux à mon nouveau camarade intransportable pour le moment. Le cauchemar est terminé, ou presque.

    Lorient, l’enfer, les boches

    Spi da Viken, Espère à vie

    La victoire est dans la poche

    Notre Capitaine l’avait dit

    Après cinq ans de guerre, c’est au tour des Allemands de connaître les longs chemins vers les barbelés...Sauf ceux qui pénètrent en prisonniers dans la citadelle de Port-Louis après y avoir tenu cinq ans le rôle de geôliers et de tortionnaires. (Découverte d’un charnier de résistants à la citadelle) .Le général allemand Fahrmbacher estime ses propres pertes à 1.000 morts, des centaines de malades, 68 suicidés et fusillés, dans la poche.

    Les volontaires allemands participeront au déminage des côtes et du port. De l’hôpital de Kerpape, on entend les mines sauter. Le bruit d’une mine antipersonnel qui saute, c’est un Allemand blessé ou tué. Le bruit d’un ensemble de mines qui saute, c’est un carré déminé réussi.

    Les habitants évacués regagneront petit à petit la ville et s’installeront pour longtemps dans des baraques. Il faudra de très nombreuses années pour que Lorient soit relevée de ses ruines.

    Quand à moi, me voilà installé dans un grand dortoir à Kerpape. La première visite médicale est pour me dire que ma blessure au bras n’est pas belle et infectée et qu’on écarte pas l’éventualité d’une amputation le lendemain. Puis un nouveau médecin le Dr Azoulay m’annonce un traitement américain à la pénicilline et mon bras va s’améliorant. J’ai encore une douleur au genou droit qui me gêne pour marcher mais c’est cicatrisé.

    Je commence à écrire de la main gauche à ma grand-mère et je lui confie notamment les adresses de mes infirmières de Lorient, car nous étions convenus de rester en contact après la guerre pour nous raconter mutuellement la fin de ce cauchemar. J’apprendrais même à taper à la machine de la main gauche en attendant de pouvoir me servir tout de même un peu de la droite.

    Le 10 juin 1945, le médecin-chef Azoulay résume sur un certificat médical les soins en cours, pour l’hôpital militaire installé à l’ EPS rue Jean Macé à Rennes plus proche de mon domicile.

    Ce voyage de retour se fera par Pluvigner pour voir défiler la 12° compagnie qui doit rejoindre Niherne près de Châteauroux avant son départ pour l’occupation en Allemagne. Après une nouvelle hospitalisation à l’ EPS de Rennes du 7 juillet au au 24 septembre, je suis à nouveau en convalescence du 25 septembre au 23 octobre où j’obtiens grâce à l’aide du Dr Seignard voisin d’enfance, ma réaffectation le 25 octobre, à l’ex-12° Cie de la 19° D.I. à Niherne en vue de l’occupation en Allemagne.

    C’est là au contact de mes camarades retrouvés que j’apprends ce qui s’est passé pendant mon absence. Le Capitaine raconte plus loin cette période charnière entre la reddition et l'occupation.

    La reddition allemande à ETEL

    La signature officielle de le reddition allemande a eu lieu le 7 mai 1945 à 20 heures au Café Breton à ETEL après différents contacts entre belligérants. Les trois signataires étaient :

    • le colonel allemand BORST, représentant le général allemand FAHRMBACHER ;
    • le colonel KEATING, représentant le général américain CRAMER
    • le colonel JOPPÉ, représentant le général BORGNIS-DESBORDES, commandant la 19ème  D.I

     

    ORDRE DU JOUR N° 11 DU GÉNÉRAL BORGNIS DESBORDES
    en date du 8 MAI 1945



    Hier, 7 Mai, à 20 heures, à ETEL, en présence du colonel KEATING, clef d’État-Major du général commandant la 66ème D.I.U.S et du colonel JOPPÉ, commandant L’I.D 19, représentant le général commandant la 19ème D.I, le colonel allemand BORST a signé la capitulation sans condition des forces allemandes occupant la POCHE DE LORIENT, la presqu'île de QUIBERON et les îles de GROIX et de BELLE ILE .

    Aujourd'hui, 8 mai, jour de fête de Jeanne d'Arc, coïncidence magnifique, les hostilités ont cessé sur le front de LORIENT à 0 heure I minute.
    C’est la marque tangible de votre part dans la Victoire de la France, dans la grande Victoire de tous les Alliés.
    Après vos luttes terribles du maquis qui ont permis de chasser l'ennemi de la presque totalité de la Bretagne;

    Après la dure période de l'automne et de l'hiver où, par un climat rigoureux, avec un habillement insuffisant, un armement disparate et mal approvisionnés en munitions, vous avez
    fait face avec vigueur aux moyens supérieurs de l'ennemi ;

    Après la période meilleure où, mieux équipés et mieux armés, vous avez pris l'ascendant sur l'ennemi, le dominant par vos patrouilles incessantes dans le no man's land, avançant par endroits vos positions, lui faisant presque chaque jour des prisonniers de plus en plus nombreux , vous avez aujourd'hui la considération de toutes vos peines et de tous vos efforts



    VOUS ETES VAINQUEURS

    Vous adresserez une pensée à ceux de vos camarades qui sont morts en combattant à vos côtés
    Et puis vous vous tournerez vers l'avenir.
    Vous serez dignes de votre Victoire.
    Vous serez assez fiers pour écarter de vous toutes vengeances mesquines. Vous resterez
    disciplinés et vous ferez honneur à la France.


    Le général Borgnis-Desbordes
    commandant les F.F.M.B. et la 19ème D.I

     

     


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  • Combats de Saint Marcel

    LES 28 MAQUISARDS-F.F.I, PARACHUTISTES du 4 ème S.A.S et CIVILS MORTS AU COMBAT OU TUES LE 18 JUIN A SAINT MARCEL

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    Lors de la première attaque à 9 heures vers la ferme du bois Joly

    Suzanne Berthelot, 15 ans, originaire de la région parisienne

    Daniel Casa, 20 ans, S.A.S originaire de Marseille

    Jean Le Blavec , 21 ans, F.F.I originaire de Crach

    Paul Le Blavec, 20 ans, F.F.I originaire de Crach

    Joseph Planchais, 20 ans, F.F.I originaire de Bain de Bretagne

    André Robino, 21 ans, F.F.I originaire de Crach

    Lors de la deuxième attaque à 10 heures vers Sainte - Geneviève

    Cpl Henri Adam, S.A.S originaire d’Alsace

    S/Lt Michel Brès, 32 ans, S.A.S originaire de Madagascar

    S/Lt Roger Le Berre, 23 ans, F.F.I originaire de Brest

    Louis-Marie Malbert, 36 ans, S.A.S originaire de St Quay -Portrieux

    Lors des combats entre 14 heures et 22 heures et lors du repli vers Les Hardys-Béhélec et sur la route de Saint Marcel

    Lt Henri Rio, 25 ans, F.F.I originaire d’ Auray

    Sgt Adrien Le Canu, 26 ans, F.F.I originaire d’Auray

    Vers La Petite Haie en Sérent

    Jean-René Mollier, 22 ans, S.A.S originaire de Lac au Villers

    Nicolac Schmitt, 20 ans, S.A.S originaire de Philippsbourg

    Vers La Ville- Glin en Bohal

    Charles Goujon, 29 ans, F.F.I originaire de la Trinité

    Porhoët Lt Le Bouédec Louis, 33 ans, F.F.I originaire de Ploërdut

    Dans un secteur non déterminé

    Serge Fercocq, 19 ans, F.F.I

    Paul Guégan, 47 ans, F.F.I originaire de La Palud Trinité-sur-Mer

    François Le Yondre, 21 ans, F.F.I originaire de La Trinité-sur-Mer

    Robert Ménard, 20 ans, F.F.I originaire de Paris 8e

    Georges Moizan, 21 ans, F.F.I

    Faits prisonniers et fusillés à la Nouette

    Emilien Le Grel, 23 ans, F.F.I originaire de Locoal-Mendon

    Vincent Le Sénéchal, 23 ans, F.F.I originaire de Mendon

    Fait prisonnier et fusillé à Vannes le 18/07/1944

    Laurent Le Lem, 31 ans, F.F.I originaire de Carnac et quatre combattants F.F.I non identifiés

     


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  • Son chef : le capitaine Jubin commandant la 12ème Compagnie

    Le capitaine JubinIl a vécu la drôle de guerre, la captivité en Allemagne, la déportation, la résistance en Bretagne, les combats de la Libération avec la 12ème Compagnie F.F.I d’Ille-et-Vilaine. qu’il a créée. Il a vécu l’occupation, la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, comme officier des Affaires algériennes au cours de laquelle " Paris Match " publia un reportage sous le titre " La bouleversante aventure des époux Jubin "

     

    La formation de la 12ème Compagnie F.F.I.

    Historiquement, l’idée de créer des unités F.F.I. lancée le 27 mai 1943 au titre de l’unification des mouvements de résistance, ne s’est concrétisée qu’à partir du 1er février 1944

    La 12° Compagnie F.F.I. d’ Ille et Vilaine, l’une des premières constituées dans la région a regroupé tous les « maquis refuge » et les « « maquis armé » du secteur sud/sud-ouest du département: Baulon, Bédée, Beignon, Cintré, Concoret (en partie) Goven, Montauban de Bretagne, Monterfil, Montfort, Mordelles, Paimpont, Plélan- le-Grand, Maxent, Saint-Méen-le-Grand. (liste copiée dans le livre du capitaine Jubin et dans l’historique du 3ème bataillon du commandant Meunier) .

    Un appel à rejoindre les rangs F.F.I. a été affiché dans les mairies, et des jeunes volontaires sont venus se joindre aux résistants et maquisards pour former notre unité F.F.I. forte de 326 hommes. La population n’a pas manqué de les appeler les " résistants de la dernière heure " confondant la Résistance et la poursuite des combats de la Libération qui se sont poursuivis jusqu’au 8 mai 1945 et où certains y ont laissé leur vie.

    Concernant les F.F.I. en général, Charles Tillon chef des F.T.P. écrit page 385 dans son livre "On chantait rouge" qu’entre le 1er et le 13 août 1944, selon les secteurs, c’est plus de 50.000 F.F.I. qui servent d’infanterie aux colonnes alliées.

    La 12ème Compagnie F.F.I. d’ Ille et Vilaine a donc eu sa propre histoire dans ce contexte après sa création officielle le 6 août 1944. Il convient en toute honnêteté de lire le livre de son ancien capitaine Jubin, intitulé : "Espère à vie" (Spi da Viken) en Breton. Il y raconte sa vie mouvementée de militaire au service de la Nation. Un chapitre est intitulé : "La Résistance, le Front des Oubliés, l’Occupation"

    Le capitaine Jubin, ancien prisonnier évadé d’Allemagne venu rejoindre sa mère réfugiée à Baulon, où il est entré dans la Résistance avec le commandant Costes a donc été chargé de constituer et d’organiser la 12ème Compagnie avec les difficultés qu’on peut imaginer à cette époque. Il y avait les pressions idéologiques de quelques rares militants du PC et le conservatisme des autres. Il y avait aussi les responsabilités à partager et les grades à proposer selon les états de services antérieurs, les compétences de chacun etc.

    En tout cas, sous la pression des uns et des autres, pour honorer la mémoire de nos martyrs, notre compagnie a changé de nom 3 fois en 3 jours au moment de sa formation :

    • Le 3 août 1944 , elle devait s’appeler "Compagnie Leclerc" en mémoire d’André Leclerc de Talensac vendu à la milice Perrot par une serveuse du café " X " de Montfort-sur-Meu. Il fût arrêté le 18 juin 1944, eut les yeux et les ongles arrachés, Mais, il ne parla pas et fût abandonné dans un champ où il mourut au bout de son sang.
    • Le 4 août, lui succéda aussi éphémèrement le nom de Compagnie Henri Morras pour honorer ce camarade qui venait de tomber, criblé de balles, au retour d’une mission de reconnaissance, à l’entrée du bourg de Paimpont.(Évidemment certains disaient déjà qu’on risquait de confondre avec Maurras, militant bien connu d’extrême droite)
    • Le 6 août enfin, la compagnie devient officiellement et définitivement la 12ème Compagnie F.F.I. d’Ille-et-Vilaine à l’exclusion de toute autre référence, sous les ordres du capitaine Jubin. Elle est rattachée au 3ème bataillon de marche d’Ille -et-Vilaine. sous les ordres du commandant Meunier.

     

    Son fanion est dédié aux anciens de la 12ème Compagnie d'Ille-et-Vilaine - unité issue de la Résistance 

    Ce fanion est pour toujours le témoin de notre existence et de notre présence pendant les années sombres de l’occupation. Il est également le porteur de tous nos souvenirs accumulés au cours de cette période héroïque : celui de nos camarades disparus , de nos combats dans l’ombre et au cours de la Libération, de nos souffrances, mais aussi de notre fraternelle amitié sous les armes et enfin, de notre fierté d’avoir participé à la Libération de notre Patrie et à la défaite du Nazisme.

    Votre ancien capitaine des moments difficiles et parfois tragiques.

    Constant Jubin

     

    HISTOIRE DE LA 12° Cie FFI d'Ille et Vilaine

     

    Les appels à la population libérée

    La 12ème Compagnie qui avait donc ses quartiers entre le château de Monterfil et celui de Paimpont. jusqu’à son regroupement à Coëtquidan le 23 août 44 était toujours sous influence F.T.P.. A la demande de l’État-major F.T.P., des appels à la population ont été affichés dans les mairies, tels ceux qui suivent affichés à Monterfil.

    APPEL À LA POPULATION

    La Libération du territoire entre dans sa phase décisive. Les troupes américaines sont entrées en Bretagne. Elles approchent de nos régions.

    Tous les hommes valides doivent par tous les moyens dont ils disposent saboter les arrières de l’ennemi, couper ses communications, entraver sa retraite.

    Ils doivent si possible rejoindre les Forces Françaises Intérieures de la Région.

    Restez calmes, soyez prudents et disciplinés

    La France compte sur tous ses citoyens

    Courage, soyez avec nous.

    En avant pour la victoire et la Libération de notre Patrie

    F.F.I. _ F.T.P.

    FORCES FRANCAISES INTÉRIEURES

    AVIS A LA POPULATION DE MONTERFIL

    Les Américains ont atteint notre région. Le drapeau tricolore flotte à la mairie. Vous avez accueilli son retour avec émotion. Vous êtes LIBÉRÉS.

    Cependant des allemands sont encore dans nos régions où ils errent par bandes dangereuses. Il faut les faire prisonniers ; les empêcher de se livrer à des actes dangereux.

    Cependant des mauvais français au service de l’ennemi ou des étrangers douteux ; ceux qui par leurs actes et leurs dénonciations ont livré les nôtres aux bourreaux et semé le malheur dans bien des foyers, s’enfuient espérant ainsi échapper à leur juge : le peuple. Il faut les retrouver et les remettre à la justice militaire car ce sont des TRAÎTRES.

    Les F.F.I. sont chargés de mettre de l’ordre et de se livrer aux opérations de nettoyage selon les directives de leur état major en accord avec nos alliés américains. Elles seules ont reçu cette mission.

    Elles ne faibliront pas. Nos groupes sont à l’œuvre.

    Nos camarades des ouvriers des paysans, unis dans la même foi, inconnus de vous pour la plupart luttent encore. L’un d’eux, est tombé face à l’ennemi à Paimpont. Son nom s’ajoute à la liste trop longue de ceux qui sont morts en pleine jeunesse pour que nous retrouvions la paix et la sécurité de nos foyers.

    Les F.F.I. poursuivront leur tâche.

    Tous ceux qui n’appartiennent pas aux mouvements F.F.I. seront désarmés pour éviter les accidents ; pour éviter que des CRAPULES usurpant nos droits ne se livrent à des actes qui nous saliraient.

    Mais il faut nous aider. Ne laissez pas tomber votre enthousiasme du premier jour. Sachez vous plier à la discipline du moment qui est toute militaire. Il faut nous défendre ; car ,

    DES BRUITS CIRCULENT QUI ONT POUR BUT DE NOUS CRITIQUER INJUSTEMENT ET DE NOUS PRÉSENTER COMME DES GENS PEU HONNÊTES, QUI SE SONT LIVRÉS À DES ATROCITÉS, SANS ÂME ET SANS RELIGION.

    CES BRUITS SON DES CALOMNIES lancés par des gens qui sans doute regrettent les années de misère et d’esclavage où chacun redoutait le lendemain.

    FRANCAIS souvenez-vous des arrestations illégales , des massacres de patriotes, des TORTURES subies par les prisonniers des ennemis du peuple : LA MILICE. Pensez à celà avant de nous combattre. Soyez droits et justes.

    Ne faites pas par vos critiques, par vos dissentions, le jeu de tous ceux qui nous ont fait du mal.

    RESTEZ UNIS dans la joie de la liberté retrouvée et dans l’espoir de revoir très bientôt ceux qui sont loin de nous.

    FAITES TAIRE les mal informés, les méchants, les jaloux ; et tous ceux qui n ous salissent pour mieux se camoufler.

    DÉNONCEZ aux autorités régulières ceux qui se font passer pour la CONTRE RÉSISTANCE.

    REJOIGNEZ NOS RANGS tous les jeunes.

    DÉFENDEZ nous les anciens, ceux de 14-18 dont le coeur a été tant meurtri par la défaite de leurs fils et qui maintenant êtes fiers de voir nos 3 couleurs au clocher de votre village.

    PLUS DE TRAÎTRES, de CALOMNIATEURS.

    TOUS DEBOUT POUR REFAIRE UNE FRANCE FORTE, PROPRE, LIBRE

    DIRECTION DÉPARTEMENTALE F.F.I.

    ETAT MAJOR F.T.P.

     MONTERFIL ( Le camps des radars, les FFI, la bavure ) 

    Monterfil est bien indiqué dans l’histoire FFI comme partie constituante de la 12ème Cie F.F.I. d’Ille-et-Vilaine par le regroupement qui s’y est opéré au moment de sa formation.

    Il n’y avait pourtant aucun maquis reconnu ni groupement de résistance organisée dans la commune avant la Libération pour la bonne raison que l’ennemi y avait installé au lieu-dit : « des Chênes Froids » un important centre de radars de détection de la Luftwaffe, portée de 60 km, construits par Téléfunken, de radars d'avertissement et d'approche directement reliés directement à Hamburg.

    Cette implantation ennemie était très surveillée militairement et la milice veillait au grain. Il ne semble même pas qu’il y ait eu des réfractaires au STO, dans ce secteur trop surveillé. Michel Boivin, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Caen et enseignant-chercheur au C.R.H.Q., souligne dans une étude sur la main d’œuvre française exploitée par le 3ème Reich que: « 10% seulement des réfractaires ont rallié la Résistance, par peur du danger, par dissuasions venues du milieu familial ou bien les filières n’étaient pas connues. Trouver un maquis, frapper à la bonne porte, cela n’était pas chose évidente.

    Pour autant, bien avant la Libération, avec l’installation des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) au château de M. Louis-Gabriel Oberthur, (maire de la commune de  1906 à 1945 ), la Résistance était quand même omniprésente à Monterfil. On peut citer l’arrestation en mai 44 à Monterfil du Père Monfortain Plessix. né le 5 mars 1905, déporté. On peut citer le témoignage de Jean Macé chargé de situer sur le terrain l’emplacement des radars en mesurant les distances à l’aide d’un vélo à roue fixe, dont on avait calculé la distance parcourue à chaque tour de pédalier.

    Ces distances étaient reportées sur une copie du plan cadastral par le garde-champêtre Gernigon, qu’on appelait "le père la Pipe" et qui, seul, pouvait accéder au cadastre pour le calquer sur un papier à beurre transparent.

    Le docteur Pierre Dordain de Mordelles, dit "le Cerf" chef du secteur du réseau C.N.D. Castille de la région de Rennes a transmis à Londres les emplacements de ces radars permettant à la R.A.F. de venir les bombarder en rase-mottes le 10 juillet 1944 vers 12 h.

    Le Dr Dordain est décédé dans sa cellule de la prison Jacques Cartier à Rennes le 18 décembre 1943, à 1h45 au retour d’un interrogatoire. (voir « une affaire de trahison » (mémoires d’un agent secret de la France Libre) Colonel Rémy.

    La libération de Monterfil

    Elle de Monterfil sera saluée par la population en général.

    Cependant, la disparition de l’important camp de radars allemand implanté sur la commune, fut source de regrets pour ceux qui avait profité de cette manne économique tombée du ciel et qui avait aussi favorisé la collaboration avec l’ennemi.

    L’arrivée des FFI/FTP (Forces Françaises de l’Intérieur et Francs-Tireurs et Partisans Français) à Monterfil, dès le départ des Allemands, devenait donc pesant pour certains dans ce contexte national de « Libération/épuration » d’autant que la mort sous la torture de résistants ne pouvait plus être ignorée, comme par exemple :

    Émile Gernigon, de Goven, martyr de la résistance. Son domicile servait de boîte aux lettres et de dépôt de matériel, de propagande et de sabotage. Il hébergeait des hommes de la résistance de passage comme le commandant Pétri. Le 24 mai 1944, la Gestapo et la milice ont investi sa ferme de " Bolac " qui a été incendiée. Émile Gernigon était arrêté, torturé, incarcéré à la prison Jacques Cartier, condamné à mort le 20 juin 1944 et fusillé le lendemain matin à Saint-Jacques-de-la-Lande.

    - André Leclerc de Talensac vendu à la milice Perrot et arrêté le 18 juin 1944. Il eut les yeux et les ongles arrachés, Mais, il ne parla pas et fût abandonné dans un champ où il mourut au bout de son sang.(voir le procès de l'assassin Schwaller)

    - Henri Morras » tombé, criblé de balles, à l’entrée du bourg de Paimpont.

    Le premier groupe FFI/FTP arrivé à Monterfil, sur ordre du capitaine Jubin, avait pour mission le contact avec M. Charles Oberthur, maire de la commune en présence de son fils Louis lieutenant F.T.P. et sa sœur Jacqueline, résistante, pour préparer le casernement d’un certain nombre de FFI et l’enfermement des prisonniers allemands et des miliciens capturés.

    Avant toute chose, leur première tâche le 4 août fut de sortir les drapeaux français pour pavoiser la mairie, ainsi que l’affichage également à la mairie de l’appel à la Population et d’un avis à la population de Monterfil

    En attendant l’aménagement du casernement FFI au-dessus des écuries du château, ce sont les salles de classe qui ont fait office de chambrées, au grand dam de L’abbé Detoc curé de Monterfil en 1944.

    L’abbé Detoc se plaindra en effet qu’au départ des F.F.I. « l’état des salles de classe était répugnant car la paille sur laquelle ils avaient dormi, était pourrie sur place et sentait vraiment mauvais. » (page 35 d’un article "Nous Vous Ille " n° 64 d'avril mai juin 2004 ") et pour cause, les paysans refusaient de leur donner de la paille fraîche pour dormir et les F.F.I. avaient dû en faire réquisitionner. Ils ont malgré tout nettoyé les salles de classe.

    La 12ème Compagnie F.F.I. constituée le 6 août 1944 à Plélan-le-Grand, regroupant les anciens F.T.P. des groupes ou maquis voisins, sous les ordres du capitaine Jubin, a dû partager momentanément ses quartiers entre les châteaux de Monterfil et de Paimpont, avant de rejoindre Coëtquidan, pour une formation aux combats dans les poches de Saint-Nazaire et de Lorient. Arrive au château une cuisine roulante récupérée sur le camp de radars allemands, de la commune. Et les Américains offrent des caisses de conserves de corned-beef. Le goût de cette nouvelle nourriture étant alors inconnu, certains ont craché les premières bouchées, craignant qu’elles fussent avariées.

    Oh surprise ! M. le Maire sort une bonne douzaine de fusils Lebel cachés dans le grenier du château et les remet aux F.F.I. qui avaient peu d’armes, sauf celles parachutées sous l’occupation ou récupérées à l’ennemi Comment avait-il pu conserver ces armes et munitions pendant toute l’occupation et si près des Allemands ? Évidemment, les langues allaient bon train.

    Les combats de la 12ème Cie FFI 

    Cette triste évocation de l’épuration ne doit pas nous faire oublier le 6 août 1944 jour de l’attaque contre les Allemands en forêt de Paimpont. Une partie du groupe de Monterfil y a participé.

    A l’occasion de ces événements, un trésor de guerre du groupe de Monterfil disparut aussi. Heureusement qu’en la circonstance l’organisation F.T.P.F était toujours omniprésente. Le document reproduit ci-dessous, montre que le 1er septembre 1944, c’est encore en effet, le commandant Louis Pétri dont l’un des noms de guerre était le commandant Tanguy, qui finance toujours les anciens maquis F.T.P. devenus 12° Cie F.F.I., en attendant la réorganisation de la Nation.

    Pour utiliser les armes allemandes récupérées sur le camp de radars de Monterfil, les prisonniers ukrainiens capturés sur le camp, furent de bons instructeurs

    Copie du document

         F.T.P.F.

     

                 Cie de Monterfil – 12° Jubin

     

               Reçu du Cdt Tanguy

     

               la somme de 50.000 x

     

              

                                le 1er septembre 1944

                                le capitaine Jubin

                                                         (Signé Jubin)

     

    Le 7 août 1944, la 12° Cie reçoit l’ordre de se préparer à partir pour Nantes afin de soutenir les F.F.I. de cette région en difficulté. Dans l’après-midi, tout était prêt pour le départ : les camions avec le plein d’essence, les armes, le matériel, le ravitaillement...

    Nous étions dans la nervosité de l’attente du départ. Les heures passaient, la nuit aussi, nous attendions toujours. Les ordres n’arrivaient toujours pas. Et voilà qu’au matin, on apprend qu’on ne part plus. Il y avait contre-ordre du commandant Costes. On ne partait plus.

    De Gaulle et les F.F.I. de Paimpont à Rennes

     

    Le 19 août 1944, c’est de nouveau l’effervescence dans les rangs par ce que le général de Gaulle arrive à Rennes et qu’il faut des volontaires pour aller rendre les honneurs au général place de la mairie à Rennes.

    En fait, un appel aux volontaires pour aller à Rennes est passé dans les rangs de la section Leclerc. Certains n’étaient pas volontaires parce que malades dans ces camions qui roulaient sur des routes défoncées tantôt à l’essence quand il y en avait, tantôt au gazogène.

    Tel autre ne voulait pas non plus se porter volontaire, car il voulait rester vivre le reste de ses jours dans l’ombre comme au temps des maquis. Il n’ira jamais voter plus tard, car disait-il c’est par ce que j’étais inscrit sur les listes électorales que les "boches " ont trouvé ma trace.

    Le scénario se répéta l’après-midi au cimetière de Paimpont quand le général de Gaulle est venu se recueillir sur la tombe de sa mère. Le capitaine Jubin a écrit à ce sujet :

    « Dans l’après-midi, les 2e, 3e et 4e sections (Guibert, Jouchet et Correy) rendaient à leur tour les honneurs au général venu à Paimpont se recueillir sur la tombe de sa mère. Dès que le général fut à cinq cent mètres, les hommes qui n’avaient jamais fait de maniement d’armes ou alors très peu, prirent la position du « présentez armes ». Les autres manœuvrèrent à mon commandement. Avant que le général n’arriva dans la ligne droite menant au cimetière, je lançai un retentissant « présentez armes », la face était sauvée, il pleuvait à verse, la voiture du général passa lentement

    A  l’entrée du cimetière,  quatre gradés se tenaient au « présentez-armes » Ils avaient été triés sur le volet et avaient fière allure.

    Même scénario, dès que le général s’éloigna de la tombe de sa mère. A sa sortie du cimetière, devant ces garçons habillés misérablement, à peine chaussés, mais raidis dans un « présentez-armes » impeccable, il lâcha ces quelques mots : « merci mes enfants »

    Les camarades de Paimpont qui avaient fleuri la tombe pendant la guerre étaient présents.

    Du 20 au 22 août 1944, on subit de nouveau un entraînement intensif pour apprendre à défiler au pas, à tirer sur cible, à lancer des grenades, à démonter et à remonter les armes ; les fusils, les fusils-mitrailleurs, les mitraillettes, de jour comme de nuit, ou bien les yeux bandés.

    Le 23 août 1944, c’est le départ pour Coëtquidan. Certains camarades qui ne voulaient pas être "embrigadés" dans l’armée régulière nous quittèrent pour rentrer dans leurs foyers.

    Du 23 août au 10 septembre 1944, on subit un entraînement militaire très intense avec tirs et exercices de combat, à blanc. Il y eut quand même des blessés, notamment l’adjudant Lucas.

    Dans le camp de Coëtquidan d’alors, on logeait dans des anciens baraquements allemands en bois. On dormait dans des châlits en bois superposés. Nous avons eu le droit à de la paille fraîche dans la paillasse et deux couvertures allemandes récupérées sur leurs stocks, chacun.

    Coëtquidan, c’était aussi à cette époque, le temps du partage avec les Américains. Ils occupaient une partie du camp avec leur matériel lourd et leurs jeeps. De temps à autre, par nuit noire, nous allions siphonner quelques gouttes d’essence dans leurs réservoirs pour mettre dans nos briquets.

    Près de Coëtquidan, il y avait aussi ce petit village voisin qu’on appelait "Putainville" (Saint-Malo-de-Beignon) aux cafés mal famés et plein de « greluches ». Pour passer inaperçus des patrouilles la nuit, à cause du couvre-feu, on éteignait les rares lampadaires à coup de revolver.

    Parmi tous les jeunes impatients de se battre pour libérer le territoire, il y avait avec nous Louison Bobet, le futur champion du monde cycliste, entouré de ses camarades de St-Méen-le-Grand. On le retrouvera un peu plus loin sur le front de Lorient.

    La longue marche

     

    Le 10 septembre 1944, une colonne interminable de fantassins disparates se forme pour quitter enfin, sans regret, le camp de Coëtquidan à pied, en direction du Front de Redon. Chacun avait reçu pour cela un sac à dos avec havresac, fusils et cartouchières et parfois, c’était mon cas, une ceinture de grenades. Tout ce là était très lourd à porter.

    Nous n’avions pas encore d’uniformes. En ce qui me concerne, c’est en tenue de camps de jeunesse bleu (Pétain) et des bottes allemandes aux pieds, récupérées sur un mort, que j’ai pris la route. C’était mieux que les sabots de bois, (que je serais content de retrouver sur le front pour me tenir les pieds au chaud).

    Une charrette à cheval suivait la troupe et ramassait ceux qui, épuisés, les pieds écorchés, ne pouvaient plus marcher. Certains l’appelaient la charrette "plumeau".

    Nous avons parcouru ainsi harnachés et à pied, les 38 km séparant Coëtquidan de Redon. Toutes les agglomérations furent traversées au pas cadencé. Les chansons de marche parfois obscènes que nous chantions faisait fuir parfois le sexe féminin qui nous regardait passer.

    Nous sommes arrivés vers 17 heures au cantonnement du château de Callou où nous avons pu prendre quelque repos jusqu’à la tombée de la nuit. Pour la nuit, craignant l’incursion de patrouilles allemandes dans la Ville, nous avons pris position autour de Redon, qui dans les fossés, qui sur les ponts d’Aucfer, la Croix des Marins, les Marionnettes, Saint Perreux...

    Le 13 septembre 1944, après avoir trouvé quelques tenues moins disparates, la 12° Compagnie défile au pas dans les rues de Redon sous les ordres du capitaine Jubin, en même temps que le bataillon Evain. Le préfet et le maire de Redon et le commandant Evain passèrent les troupes en revue.

    Le 15 septembre 1944, le Caporal Jean Coudrais est tué accidentellement. Passant avec deux autres camarades devant une fenêtre ouverte de la baraque en bois qui nous était affectée, ils s’accoudèrent à cette fenêtre pour bavarder avec ceux qui étaient à l’intérieur . L’ un de ceux-ci sur le châlit supérieur droit, était en train de nettoyer son fusil. Il venait d’enlever son chargeur, mais une balle était restée dans le canon et le coup partit accidentellement tuant net Jean Coudrais. Soutenu par ses deux camarades, il fit quelques pas jusqu’à l’entrée de la baraque, et s’écroula mort dans le couloir.

     La 12ème Compagnie intégrée au 3ème  Bataillon de marche d’Ille-et-Vilaine

    Pour mémoire, la 12ème Compagnie est rattachée au 3ème Bataillon commandé par le commandant Meunier. Ce 3èmeBataillon comprend les 11ème ,12ème Compagnie Jubin - 13ème, 14ème Compagnie Raton - 15ème Compagnie Pocquet et 16ème Compagnie plus un centre d’instruction en formation à Coëtquidan.

    Ci-dessous, le commandant Meunier avec son chauffeur devant le château du Dresneux en septembre 1944.

    cdt-meunier.jpg (55302 octets)

     Les premières compagnies engagées contre l’ennemi furent les 12ème, 14ème et 15ème dans le secteur de Fégréac. De nombreux accrochages de patrouilles ont lieu avec celles de l’ennemi et se solderont par 4 tués et 15 blessés.

    Forces Françaises de l’Intérieur

    Bataillon d'instruction "André Leclerc"

    Camp de Coetquidan

    ÉTAT NOMINATIF DES OFFICIERS ET SOUS-OFFICIERS

    NOM et PRÉNOM Grade FF Date de nomination

    1-8-1944

    Autorité

    qui a prononcé la nomination

    JUBIN Constant Capitaine . Commandant. COSTES
    GUILBERT Louis Lieutenant . Commandant. MEUNIER
    CORREY Louis Lieutenant . Commandant. COSTES
    OBERTHUR Louis Lieutenant . Commandant. MEUNIER
    LEFICHER Jean Lieutenant .
    CABOT Lieutenant .
    PANON Lieutenant .
    LE CUNF René Lieutenant .
    FRIOUX Jean S/Lieutenant .
    LECLERC Raymond S/Lieutenant . Commandant. COSTES
    GUÉNO Jean S/Lieutenant . Commandant. MEUNIER
    HAMON Henri Adjudant Chef .
    LEMARCHAND Joseph Adjudant .
    JOUCHET Alphonse Adjudant .
    RUFFÉ Edmond Adjudant .
    LUCAS Pierre Adjudant .
    LECOMTE Raymond Adjudant .
    RAHIER Roger Sergent Chef .
    Comm. MEUNIER Sergent Chef .
    THIRIET Marius Sergent Chef .
    SAUVAGE Gaston Sergent Chef .
    HOUSSAY Jean Sergent Chef .
    LOYER Edouard Sergent Chef .
    GUIHARD André Sergent Chef .
    LETOURNEL Robert Sergent  
    DANIEL Jacques Sergent .
    BOBET Pierre Sergent .
    LEBOULAIN Théodore Sergent .
    PARNET Guy Sergent .
    GARCIA Adolphe Sergent .
    GILET René Sergent .
    RENIMEL Maurice Sergent .
    CHOUARAN Louis Sergent .
    ALBERT René Sergent .
    FREDÉRIC Louis Sergent .
    TOQQUET Paul Sergent .
    HOUSSU René Sergent .
    LE GUÉVEL Pierre Sergent .
    FORGET Guy Sergent .

    La 12ème monte en ligne à Fégréac

    Le 10 septembre 1944, dans l’après-midi la section Jouchet va prendre position la première sur la ligne de feu de Fégréac.(front dit de Saint Nazaire) distante d’environ 20 km parcourus à pied

    Le 20 septembre 1944, la 12ème Compagnie monte en ligne à son tour avec les compagnies Delaigle et Robert, soit environ encore 20 km à pied de plus dans les jambes. Nous prenons position de nuit sur une ligne de défense établie le long de la route Fégréac/Carnaval, à hauteur de l’ancien moulin.

    Nos positions étaient en fait assez distantes de celles de l’ennemi, puisque la rivière nous séparait et qu’un certain "no man’s land" existait entre nous. C’était un terrain propice aux patrouilles, aux incursions et aux coups de main des uns ou des autres. Lorsqu'on partait en mission, on disait pour plaisanter qu'on allait chasser du Fridolin" ou "écraser le Doryphore" ou se "payer un boche"

    Aussi, le 22 septembre 1944, le commandement décide d’avancer les positions dans les prairies en contrebas entre la route et la rivière. C’est malheureusement plus humide qu’en haut. et nous ne pouvons guère creuser des tranchées pour nous protéger, sans trouver de l’eau au fond du trou le lendemain matin. Nous aménageons alors au mieux les talus et camouflons les positions à l’aide de branchages, parfois coupés bien à propos par la mitraille.

    De jour comme de nuit nous étions sous les intempéries, parfois trempés jusqu’aux os. En prévision des nuits froides, on reçoit des sur vestes bien chaudes en peau de lapin.

    La nuit, des patrouilles boches venaient nous narguer. Un camarade Alphonse Le Guelvout fut tué lors d’une incursion ennemie la nuit. Mais la riposte a fait aussi quelques victimes dans leurs rangs.

    Le 4 octobre 1944 l’ennemi attaque en pleine nuit le P.C. du capitaine Jubin à la ferme de Bellevue. Les grenades et les rafales d’armes automatiques durent au moins 10 mn. L’ennemi met le feu aux paillers. Mais le capitaine Jubin entourés de ses hommes les plus aguerris, firent merveille et plusieurs allemands furent tués ou blessés.

    Alors, il fut décidé de multiplier les patrouilles d’observation de notre part. Au cours de l’une d’elle, le sergent chef Jouchet fut blessé à la cuisse. Une autre fois, c’est Yves Pellennec qui reçoit une balle dans le pied.

    Heureusement, il y avait une bonne infirmerie à la 12
    ème Compagnie avec le médecin capitaine Stermann et au Bataillon, château du Dresneux, avec le Dr Depasse et Pierre Redo infirmier de Mordelles ( infirmier à l’asile de Saint-Méen dans le civil)

    Le bruit circulait que l'ennemi ne faisait pas de quartier. Pour eux, les F.F.I. c’étaient des terroristes à abattre. Aussi, pour ne pas risquer d’être capturé comme terroriste par une patrouille allemande, il était d’usage dans ma section, de garder une grenade à la ceinture pour ne pas tomber vivant entre leurs mains.

    Parfois, les patrouilles se rencontraient au milieu du no man’s land, car chacun recherchait dans les fermes évacuées à la hâte, les poules et les lapins abandonnés. Pour notre part, nous arrachions les portes et fenêtres des maisons pour faire du feu et faire sécher nos vêtements trempés quand la pluie tombait.

    Évidemment si la fumée montait trop haut, cela nous attirait parfois des tirs de mortiers de la part de l’ennemi. Et qu’avions-nous pour répondre !

    Les F.F.I. intégrés dans l'armée régulière reconstituée (41° R.I.)

     

    Le 5 octobre 1944, nous apprenons dans les rangs que nous ne sommes plus F.F.I.. Le lendemain 6 octobre, nous devons nous rendre par petits groupes (pour ne pas dégarnir le front) au P.C. de la compagnie, replié au château du Dresneux, soit pour signer notre engagement officiel dans l’armée régulière reconstituée, soit pour fixer la date de retour dans les foyers.

    Certains camarades ne veulent pas servir sous les ordres des officiers rappelés que nous appelions "les naphtalinés" (officiers français planqués pendant la guerre, dont les tenues conservées dans la naphtaline, gardaient cette odeur forte de la défaite de 1940)

    Pour ma part, j’ai signé un engagement pour la durée de la guerre. Me voilà donc soldat de la nouvelle armée française reconstituée. A ce titre, je reçois une tenue réglementaire avec des bandes molletières de la guerre 14-18 et des grosses godasses de bidasse à clous pour remplacer mes bottes allemandes que je trouvais pourtant plus confortables.

    Le 10 novembre 1944, on est informé que la 12° Cie est relevée (après 60 jours de ligne) et va être rayée (administrativement) des contrôles pour devenir la 3° Cie du 1er bataillon du 41° R.I. reconstitué. La compagnie rejoint la caserne Margueritte à Rennes le 10 novembre pour compléter son armement et son équipement. Je reçois une capote neuve pour l’hiver, trop étriquée, trop courte, et je bénéficie en même temps d’une permission de 6 jours à la maison, avec mon fusil et ma cartouchière. Nous étions encore responsables de nos armes personnelles jour et nuit.

    Le regroupement se fera à partir du 15 novembre 1944 à Coëtquidan. La dissolution de la 12° Cie F.F.I. d’Ille-et-Vilaine. est officiellement prononcée et le 16 novembre est officiellement créée la 3° Cie du 1er Bataillon de marche d’Ille-et-Vilaine du 41° R.I. sous les ordres du colonel Duranton.

    Du 20 novembre au 14 décembre 1944, nous subissons à Coëtquidan un nouvel entraînement intensif et prise de photos d’identité. Pour la première fois nous étions dans un casernement en dur, avec des vrais lit-cage en fer, des polochons et des meubles à paquetage. Un vrai luxe quoi ! Il s’ensuivit une belle bagarre de polochons dans notre chambrée, les plumes volaient de partout.... Cette destruction de matériel appartenant à l’armée, n’allait pas tarder à entraîner des sanctions au titre de la nouvelle discipline militaire. C’est ainsi que certains se retrouvèrent de " corvée de chiotte "

    Sous les ordres du commandant Frémont chef de Bataillon qui succède au commandant Meunier promu directeur de l’école des cadres de St-Brieuc, nous partons le 15 décembre 1944, pour le front de Lorient. Avant de rejoindre les premiers postes avancés, certains logeront à la caserne Duguesclin à Auray.

    Nous arrivons de nuit, tous feux éteints, à Saint-Cado sur la rivière d’ Étel. Nous finissons la nuit à même le plancher de l’école. Le lendemain 16 décembre, la compagnie est dispersée dans différents postes avancés autour de Belz. A Saint-Cado, j’allais connaître un Noël pas comme les autres.

    Les anciens de la 12° Cie se sont trouvés plus ou moins séparés les uns des autres, au fur et à mesure des changements qui s’opéraient, ce qui ne nous a pas empêché de nous retrouver après la guerre. Chaque chef de section avait d’ailleurs conservé la liste des camarades de son propre groupe. Par exemple, la liste de la section Engins où se trouvait le célèbre Louison Bobet existe toujours.

    Photos prise à Coëtquidan en décembre 1944 :

    (avant le départ pour le Front de Lorient)

    coetquidan2.jpg (49676 octets)

     

     Rangée du haut : 1 et 2 inconnus ? - 3 Le Guével – Desnos – Sauvage .

    Rangée du milieu : Sentier – Joubrel – Houssais – Thiriet – Rivière – Lecomte – LeRay

    Rangée du bas : Rétif – Marchix – Mauny - Collet – Ruffet – Gauthier – Delsaut – Morin

    coetquidan3.jpg (33582 octets)

     

    Rangée du haut : ( de gauche à droite)Alain, Fardeau, Belloeuil, Hocchet, Pelletier, Gicquel, Mauny

    Rangée dessous : Foulon, Riou, Mahé, Derieux, Rigollet, Meran, Carette.

    Rangée suivante : Elaudais, Piel, Treussard, Baffé, Brulard, Pounchou, Pinault, Guihard

    Rangée du bas : Fleury, Rue, Nicolas, Roué, Louison Bobet, Bouchet, Even, Halgand, Rault

    En ce temps là, Louison Bobet futur champion du monde cycliste avait tout quitté lui aussi, même son vélo, pour participer aux combats de la Libération de son Pays. Sur le front de Lorient, il était dans la section d’engins :

    Louison Bobet

    12è Cie -IIIè Bataillon de marche d'Ille-et-Vilaine, issue des maquis bretons

    Section d'engins

    Chef de Compagnie: capitaine Jubin

    Chef de section: lieutenant Raymond Leclerc

    Adjoint:Sergent-chef Marius Thiriet

    Mitrailleuses

    Chef de groupe:..........Sergent Yves Sentier

    Chef de pièce.............Caporal Roger Salmon

    Tireur.........................Yves Pellenec

    Chargeur....................René Nicolas

    Pourvoyeur................Francis Fleury

    Chef de pièce............André Jouet

    Tireur........................Georges Belloeuil

    Chargeur...................Charles Brulard

    Pourvoyeur................Francis Fleury

    Mitrailleurs mécano....Louis Souillard et Emile Elaudais

    Mortiers de 60 mm

    Chef de groupe:..........Sergent Michel Renimel

    aporal pointeur...........Jean Rigolé

    Chargeur...................Louison Bobet

    Artificier....................Francois Roué

    Pourvoyeurs..............René Pelletier et Jean Maury

    Caporal pointeur.......Olivier Treussard

    Chargeur...................Albert Pineau

    Artificier...................Raymond Bouchet

    Pourvoyeurs.............Eugène Gicquel et André Hué

    Caporal pointeur......Lucien Pounchou

    Chargeur.................Pierre Baffé

    Artificier..................René Evain

    Pourvoyeurs............Roger Evain-Raymond Merhand

    ...............................Marcel Gallardo-Robert Derieux

    Mitrailleur mécano.....Emile Elaudais

     


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  • Bataillons et Compagnies FFI qui forment le 41° RI en 1944

    Les bataillons FFI qui forment le 41° RI en 1944 sont issus des départements de l'Ille et Vilaine et du Morbihan.

    En Ille et Vilaine:

         - le premier bataillon FTP du Capitaine Frémont forme le premier bataillon du 41°RI        le 15 Novembre 1944.

         - Le deuxième bataillon FFI forme le premier bataillon du 41° RI le 15 Novembre            1944.

         - Le troisième bataillon FFI du Commandant Meunier de la région de Paimpont est          versé dans le premier bataillon du 41° RI le 15 Novembre 1944.

         - La 12° Compagnie FFI du capitaine Jubin, devient la 3° Cie du premier bataillon du      41° RI en Novembre 1944. 

    En Morbihan:

         - Le cinquième bataillon FFP du Commandant Caro est versé dans le deuxième              bataillon du 41° RI le 15 Novembre 1944.

         - Le huitième bataillon FFI est versé dans le deuxième bataillon du 41° RI.

         - Le Douzième bataillon FFI est versé dans le deuxième bataillon du 41° RI.

     


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  • Résistant de la première heure

    Très jeune, il avait 18 ans en 1940 à l'arrivée des allemands, il se mit au service de la Résistance. En 1941, il organise le premier groupe de résistance de la région d'Hennebont. Les sabotages en tous genres, les actions diverses sont au programme de la lutte.

    Raymond arrivera en Ille-et-Vilaine en 1942 et y fera la connaissance de celle qui deviendra son épouse. Léa et sa famille étaient elles aussi engagées dans la Résistance, son père ( Francis Charpentier)venait en effet d'être révoqué pour faits de rébellion par la gendarmerie nationale. Plus tard, il sera arrêté, déporté et mourra dans le camp de Bergen-Belsen.
    En cette année 1943, Raymond et Léa contactent des étudiants rennais et créent un groupe du Front National, le vrai ! Léa et sa mère seront arrêtées à leur tour.

    Raymond qui a réussi à s'échapper, sera néanmoins pris le 21 avril 1944 et condamné à mort en juillet. Mais son esprit de combattant reprendra encore le dessus et il s'échappera du convoi qui l'envoyait dans les camps, en creusant un trou dans le wagon. Ils s'enfuiront à douze, malheureusement huit seront tués par les Nazis.

    Il rejoint de nouveau la Résistance à Nord-sur-Erdre, puis en tant que Lieutenant au 1er bataillon F.T.P.F. du Morbihan et au 5e bataillon F.F.I. II participera à la libération de la périphérie lorientaise. Ce sera ensuite le front de Lorient au 41e RI où les hommes combattront sans aucun armement digne de ce nom, souffrant du froid, du manque d'hygiène et même de la faim.

    Un journaliste de Ouest-France écrit après sa visite sur le front : "Le cœur sans épouvante et les pieds sans souliers". Les gars ont un moral magnifique et ne demandent qu'à se battre, ils l'ont déjà prouvé! La saison s'avance, les nuits sont fraîches et les hommes demandent des équipements. Les gars sont arrivés à la belle saison et sont à peine habillés : souliers usés, pantalons troués, les vestes crient misère, pas de chandails ni de capotes, pas d'impers ni même de souliers, beaucoup sont encore en sabots ...

    C'est l'armée des "Sans-culottes", elle n'a pas peur du "boche", elle l'attend de pied ferme, elle ne demande qu'à l'attaquer quand sonnera l'heure H. En attendant elle tient !
    Nous ne pensions pas que la situation vestimentaire des courageux Patriotes qui tiennent enfermé 25 000 Allemands fut aussi lamentable !".

    Raymond Le Pen se distingua une fois de plus dans ce traquenard et un de ces compagnons Charles Carnac, a tenu à préciser toute l'estime qu'il avait pour ce compagnon de combat : un excellent copain, un homme de grande valeur.

    Raymond, titulaire de la Légion d'Honneur, de la Médaille Militaire, de la Médaille de la Résistance, de la Croix de Guerre 39-45 avec palme, de la CVR, de la médaille des Évadés, de celle des Engagés Volontaires, de TRN et de bien d'autres décorations militaires, était également Chevalier des Palmes Académiques et Médaille d'Argent de l'Éducation Nationale.

    RAYMOND LE PEN

    Article paru dans la revue « Ami entends-tu... » Quatrième trimestre 2002 communiqué par Madame Charpentier Le Pen.

     


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  • Le prélude à la bataille de saint-Marcel

    Les SAS du 4e régiment sont les premières troupes alliées à combattre en France dans
    le cadre de l'opération Overlord dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, dès 22 h. Plus tard dans la nuit, des sticks des 1er SAS embarqués depuis un aérodrome en Angleterre seront également parachutés dans le Morvan et dans la Vienne, tandis que les autres forces des SAS seront destinées à harceler les Allemands dans leur retraite durant les
    semaines suivant le Débarquement.

    En Bretagne, prélude au grand rassemblement sur la drop zone de La Baleine, près de la ferme de la Nouette (article précédent : L'organisation du maquis dans l'Est du
    Morbihan), quatre sticks "précurseurs" du 4e SAS furent déployés par les airs : deux
    furent parachutés dans les Côtes d'Armor entre Locarn et Duault, les deux autres au dessus de Guéhenno et de Plumelec, dans le Morbihan. Ces derniers représentaient 35
    hommes, placés sous la responsabilité des lieutenants SAS Marienne et Déplante.

    Leur atterrissage à Plumelec ne leur laissa guère de répit : plusieurs commandos
    parachutistes du stick de Marienne furent repérés par les Allemands depuis
    l'observatoire de la Grée, tout proche. Ces derniers dépêchèrent aussitôt des soldats (en l'occurrence de nationalité soviétique) qui parvinrent très vite à capturer quatre SAS :trois radios et le caporal Emile Bouëttard. Ce dernier est blessé à l'épaule. Les Russes
    l'achèvent d'une balle dans la tête, peu avant minuit. Le Breton est la première
    victime de la Libération... Les Russes s'apprêtaient à tuer les trois radios quand
    leur geste fut stoppé net par des officiers Allemands. "Les Russes étaient redoutables",
    se souvient Joseph Jégo. On en a su quelque chose après la bataille de Saint-Marcel.
    Avec les Allemands, ils se sont livrés à de terribles représailles, notamment à
    Plumelec." Il s'agissait souvent d'Ukrainiens et de Georgiens enrôlés par les Nazis sur le
    front Ouest.

    Les 4e SAS parachutés pour préparer
    les sabotages et former les maquisards

    Le prélude à la bataille de saint-Marcel

    La zone de déploiement des Special air services
    Les sticks des 4e SAS furent parachutés à Duault dans les Côtes d'Armor et près de Plumelec
    (Morbihan), à un kilomètre seulement de l'observatoire de la Grée (photo ci-dessous),
    moulin occupé par les Allemands. Les SAS du stick du lieutenant Marienne furent sitôt repérés.

    Le prélude à la bataille de saint-Marcel

     

    Le prélude à la bataille de saint-Marcel

    Lieutenant Marienne

    Joseph Jégo était placé sur les routes avec d'autres résistants, non loin de Saint-Aubin en Plumelec, lorsqu'il assista au parachutage du premier stick de Marienne. "A vol d'oiseau, ils étaient à 4-5 kilomètres."
    Il l'apprend plus tard : le groupe est parachuté à 2 km de l'endroit prévu, par erreur, soit à 1 km seulement du plus haut observatoire
    allemand du Morbihan, à La Grée ! "Le stick de Marienne a été attaqué dans les vingt minutes suivant l'atterrissage. On peut penser que l'existence de cet observatoire n'a jamais été signalée à Londres !" Les échanges de tirs, Joseph Jégo les a entendus retentir pendant 10-15 minutes. "Ils étaient très nourris. Puis, il y eu une
    pause. Ca devenait inquiétant. Avec le camarade qui m'a recruté dans la Résistance,
    nous avons quitté notre poste de garde. Entre temps, l'Etat major de Saint-Aubin s'est replié à La Nouette en Sérent. Nous sommes partis au bourg de Plumelec puis le lendemain à la ferme familiale. C'est là qu'on nous a dit que l'Etat major (placé sous la direction du colonel Morice et du commandant Bourgoin) était parti pour Sérent. A notre
    tour, nous sommes allés là-bas". Les deux sticks qui avaient pour mission de former les
    maquisards au maniement des armes avaient prévu de se rassembler en longeant
    la rivière de la Claie. Leur parachutage éloigné et tragique compliqua donc la
    donne. Pendant que Pierre Marienne et une partie de ses hommes se dirigent vers la
    Claie (rivière) , un autre groupe, mené par le sergent chef Rofast et un capitaine anglais en civil du nom de Hunter, prennent la direction de Saint-Jean-Brévelay. Le jeune agent de liaison Raymond Guillard est chargé par le colonel Morice de récupérer ces deux
    hommes les 6 et 7 juin. C'est également le 7 juin que le groupe de Marienne rejoint
    finalement La Nouette, où arrivent également plusieurs groupes de paras des
    SAS des Côtes d'Armor. Le site de La Nouette (dit La Baleine) est investi depuis par plusieurs bataillons : le 8e bataillon FFI du commandant Caro (cantons de Josselin,
    Saint-Jean-Brévelay et Rohan) ainsi que le 2e bataillon du général de la Morlaix des
    cantons de Ploërmel et Malestroit. Le 4 juin, les opérations de destruction des voies ferrées sont lancées sous le nom de code : « Les dés sont sur le tapis », message diffusé le 4 juin par Radio-Londres déclenchant le Plan Vert. Le lendemain, le message « II fait chaud à Suez » lance le plan rouge : il sonne le début des opérations de guérilla. Les maquisards FFI de la région affluent à La Nouette. Pour les SAS, c'est la stupeur. Formés aux opérations commando discrètes, ils tombent des nues en découvrant un camp retranché de cette ampleur, en totale contradiction avec les consignes de discrétion. Ils doivent composer.

    En plus de leurs missions de sabotage, ils prennent en main la formation des quelque
    3.000 maquisards (dont quatre bataillons de l'Organisation de la résistance armée).
    L'ambiance prévalant sur le camp retranché est surréaliste : plusieurs milliers de jeunes
    plus ou moins disciplinés et préparés aux armes, sillonnent le camp de long en large
    avec le litre de cidre et le casse-croûte. Ils entrent et sortent, parfois sans contrôle aux
    entrées, même si le terrain est couvert de tous côtés par des unités des FFI ou
    parachutistes faisant le guet. Le camp de Saint-Marcel ne cesse de grossir avec
    l'arrivée le 9 juin à l'aube de la 7e compagnie de Plumelec avec plusieurs charrettes de ravitaillement. Parallèlement, les parachutages se poursuivent : celui du commandant Bourgoin*, dit Le Manchot, dans la nuit du 10 au 11 juin. De toutes les batailles d'Afrique du Nord (Syrie, Libye, Tunisie), commandant du 2e Régiment de chasseurs parachutistes (2e RCP), Pierre-Louis Bourgoin prend la direction des opérations (4e Bataillon de l'infanterie de l'air). Il doit son surnom de Manchot pour avoir été amputé du bras droit en Afrique du nord et porte 37 traces de blessure ! Son arrivée précède le parachutage dans la nuit du 12 au 13 juin, des SAS du stick Juillard. Le stick était composé de dix Tahitiens volontaires, qui ont rallié Auckland sur une goélette puis un phosphatier. De là, ils avaient été acheminés en Angleterre, à Cirencester, avec des volontaires néozélandais pour une année de formation au commando. (Les Tahitiens dans la guerre/musée de Saint-Marcel). Enfin, dans la nuit du 17 au 18 juin sont parachutés sur La Baleine les hommes du lieutenant Roger de la Grandière (1er BIA placé sous les ordres du 4e BIA de Bourgoin). Ils ont largué avec quatre jeeps équipées de deux mitrailleuses Wickers d'une puissance de feu de 3.200 coups/minute. Hélas, le container se brise à la réception et une seule mitrailleuse est reconstituée. Les autres sont remplacées par des fusils mitrailleurs. Après la bataille de Saint-Marcel, Roger de la Grandière prend la direction de Pontivy. Il est hélas blessé et achevé par les Allemands alors qu'il couvrait ses hommes dans une ferme de la région de Josselin.

    Le rôle clef des Special Air Service

    Le Special Air Service (SAS) est une unité de forces spéciales britanniques créée en 1941 par le lieutenant David Stirling avec des volontaires britanniques.

    Cette unité d'élite au rôle capitale durant la seconde guerre mondiale s'est illustrée en
    Afrique du Nord puis en Europe par ses raids et commandos très efficaces. Ils
    s'avèrent particulièrement exposés derrière les lignes allemandes. Les SAS étaient
    constitués de cinq régiments : deux régiments britanniques (1er et 2e SAS), deux
    régiments français (3e et 4e SAS) constitués avec l'accord du général de Gaulle et un
    régiment belge (5e SAS). Chaque régiment SAS comprenait "quarante sticks" de dix
    hommes. Les SAS ont payé un très lourd tribus à la guerre. Sur les 215 SAS français
    engagés avant le 8 novembre 1942, seuls 22 étaient encore en vie à la capitulation du 8 mai 1945, soit 90% de pertes.

    Le prélude à la bataille de saint-Marcel


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  • Ce texte est issu du livre de Henry Amouroux " Joie et douleur du peuple libéré - 6 juin au 1 septembre 1944 "

    Le 5 juin, quelques-uns des hommes de du Colonel Bourgoin appartenant à ces unités " Special air service " créées pour jeter le trouble derrière les lignes ennemies ont été parachutés en Bretgane¹

    1. Les S.A.S. datent, à l'initiative du Lt David Sterling, de juillet 1941

    Delplante est parti à la recherche de Marienne et, l'ayant retrouvé, il a gagné le P.C. du Colonel Morice et Colonel Guimard, à Saint Marcel, lieu de rassemblement de tous les résistants de la région, groupés là, en principe, dans l'attente d'un débarquement de diversion dans la presqu'ile de Quiberon, feinte imaginée par les Alliés au même titre que la feinte qui fit croire à un débarquement sur les côtes du Pas-de-Calais et du Nord.

    D'autres parachutistes - notamment les rescapés d'un combat qui s'était déroulé dans la forêt de Duault - devaient arriver à Saint Marcel et y découvrir, selon le Boterf, historien de la Bretagne dans la guerre, un spectacle surprenant, aussi bien par sa gouaille bon enfant que par son imprudent désordre et sont patriotique laisser-aller.

    D'après tous les témoignages, le maquis de Saint Marcel, surnommé à quatre lieues à la ronde " La Petite France ", vit et recrute à ciel ouvert. La garde, mal ou peu assurée, laisse entrer et sortir qui veut. Les bistrots des villages voisins reçoivent la visite de maquisards bavards et vantards. Un parachutage a-t-il lieu ? C'est sous le regard non seulement de tous les FFI du camp, mais encore de leurs familles et de leurs amis, informés de l'événement: J'avais tout à fait l'impression, écrira le radio Jean Paulin, de me trouver un soir de 14 juillet avant guerre, attendant le feu d'artifice qui devait clôturer la fête et qu'une population en gaieté s'apprêtait à applaudir.

    Les maquisards spéculaient sur le patriotisme indiscutable de la population et se sentaient d'autant plus en sécurité qu'ils étaient chaque jour rejoints par de nouvelles recrues qui prenaient parfois plaisir à narguer ouvertement les Allemands.

    Comment le passage de très nombreux avions alliés (150 entre le 6 et 17 juin) parachutant hommes et matériel à quatre kilomètres de l'observatoire allemand de la Grée-en-Plumelec; comment les fréquents sabotages opérés par les " sticks " parachutés, mais également par les maquisards dans la région de Malestroit et de Ploërmel; comment les imprudences commises par des unités, s'affichant par bravarde cocardière, à l'image du bataillon volontaires de Pontivy empruntant en plein jour les routes du Morbihan avec, pour le précéder, une avant-garde de 80 cyclistes armés; comment autant de bruyants et visibles indices d'une mobilisation populaire alimentée, armée, encadrée et dirigée depuis Londres, n'auraient-ils pas inquiété les Allemands et ne les auraient-ils pas incités à réagir brutalement contre une résistance jugée assez rassemblée pour que ses pertes soient lourdes, assez mal équipée pour qu'elle ne soit pas en état de rester efficacement ?

    Lorsque les Allemands attaquent, le 18 juin, après que sept des huit feldgendarmes envoyés en patrouille vers 4h30 ont été tués - mais le huitième s'est échappé et il a donné l'alarme - quelles sont, à Saint-Marcel, les forces en présences ?

    Du côté des maquisards, 2700 hommes environ: 8° bataillon FFI du Commandant Caro, 2° bataillon du Lt Colonel Le Garrec, bataillon du Général de réserve de La Morlaix, compagnies des Capitaines Cosquer et Bessières et 200 parachutistes du Colonel Bourgoin. Assez bien équipés en armes automatiques, les résistants sont totalement démunis d'armes lourdes. Les avions alliés ont bien parachuté quatre mitrailleuses Vickers mais, en arrivant au sol, elles ont toutes été détériorées par la fusion des grenades incendiaires placées dans les mêmes containers. Dans la nuit qui précède l'attaque, l'armurier Le Gall va certes réussir à reconstituer l'une de ces mitrailleuses qui sera placée sur l'une des quatre jeeps que les appareils alliés avaient précédemment larguées, chacune d'elles étant soutenue par six parachutistes, mais comment une seule mitrailleuse pourrait elle répliquer victorieusement au feu de toutes les armes allemandes ? 

    Selon le mot de Robert Aron, l'occupant va mettre en jeu des unités croissant selon une « progression  géométrique » : une patrouille (celle des huits felgendarmes), puis un bataillon, puis un régiment, enfin une division.

    Le combat de Saint-Marcel se déoulera d'ailleurs au rythme de l'arrivée des renforts allemands. Ne parlons pas des gendarmes liquidés à l'aube. C'est à 6H30 que deux cents hommes d'un bataillon allemand, venu de Malestroit, se lanceront à l'assaut des lignes françaises près du château des Hardys. Fauchés par les armes automatiques des maquisards, rejetés par une contre-attaque d'un détachement de parachutiste commandé par le lieutenant Marienne, qui dirige, debout, les opérations dans la jeep équipée de la mitrailleuse Vickers, les survivants allemands devront se replier.

    L'occupant ne saurait rester sur cet échec. Si, vers midi, une certaine accalmie règne sur le front, c'est tout simplement parce que l'allemand attend l'arrivée de nouvelles troupes alertées à Vannes, à Coëtquidan et même à la Baule. Des unités antiparachutistes, des Géorgiens, de l'artillerie, des blindés, représentant au total l'effectif d'une division, vont successivement arriver sur la nationale 774.

    Renseignés par de nombreux villageois, Bourgoin et les autres chefs de la Résistance n'ignorent rien de la mise en place du dispositif allemand. Mais ils ne peuvent le désorganiser. Aussi Bourgoin demande-t-il à Londres l'intervention de l'aviation alliée.

    Celle-ci se présentera vers 16 heures, alors que les combats ont déjà repris au nord, au sud et à l'est des Hardys et de Sainte-Geneviève, sur un front d'environ deux kilomètres. Mais à l'action des Thunderbolt et des Mosquito est trop brève pour briser l'assaut allemand. Sans doute les avions mitraillent-ils les camions rangés sur la nationale 774, ils ne peuvent rien contre des troupes qui, dans les bois, se trouvent au contact avec les maquisards.

    Aussi, d'un commun accord, les résistants et le commandement des parachutistes décident-ils d'abandonner le camp à 22h30, abandon qui doit être suivi de la dispersion de tous les combattants dans le Morbihan et dans les départements voisins. Encore faut-il tenir jusqu'à 22h30, alors que la pression ennemie se fait toujours plus vive.

    Les heures qui suivent verront donc des combats acharnés autour de positions – Le Bois-Joly, le château Sainte-Geneviève- dont la provisoire sauvegarde permet l'évacuation des familles de paysans, des blessés, d'abord transportés à Sainte-Geneviève, puis, au fur et à mesure que l'étau se resserre, d'une partie des armes, des paquetages, des postes émetteurs, de ce qui peut trouver place dans une vingtaine de camions devant lesquels une route, jusqu'au dernier moment, restera miraculeusement libre.

    Les F.F.I. des bataillons Le Garrec, Caro, de La Morlaix se battront bravement, les parachutistes accumuleront les actions d'éclat, attaquant furieusement à 20 heures avant de subir une contre-attaque lancée, quinze minutes plus tard, par un ennemi qui sait la victoire à sa portée, mais le résultat de tant de sacrifices sera décevant.

    Il existe plusieurs façons de lire un bilan. Si l'on évoque seulement les pertes de la journée, la victoire paraît être du côté de la Résistance. Les Allemands auraient, en effet, perdu 560 tués, les Français 50 parachutistes et 200 maquisards. Comme tant d'autres engagements à la comptabilité aujourd'hui impossible, puisque faussée par la propagande, le chiffre des morts allemands paraît surévalué. Cependant, même si la Wehrmacht a perdu deux fois plus d'hommes que les maquisards et que les parachutistes, est-ce cela qui importe dès l'instant où le terrain doit être abandonné à un ennemi impitoyable ?

    Terminée la bataille de Saint-Marcel, une autre bataille commence. Ou, plus exactement, commence la chasse à l'homme. Les villageois, jusqu'alors enthousiastes, généreux, imprudents, se terrent.

    Selon Le Bortef, les maquisards qui ont quitté Saint-Marcel découvrent le 19 juin au matin, « une population claquemurée derrière ses volets dans l'attente anxieuse des premières réactions de l'occupant »< . Réactions qui seront immédiates et cruelles.

    Avant de se replier de Saint-Marcel, Bourgoin – qui vient d'être nommé lieutenant-colonel, mais il l'ignore - a rendu leur liberté à tous les prisonniers allemands. A l'un deux, il a remis une lettre adressée au général allemand, commandant la région : «  Les parachutistes français, libres, écrit-il, sont des soldats d'une armée régulière portant un uniforme et se battant à visage découvert. Ils observent les lois de la guerre et respectent les conventions internationales. J'espère que les troupes allemandes feront de même. »

    Bourgoin est-il informé des directives données le 18 octobre 1942 par Adolf Hitler ? Je ne sais pas. Mais en juin 1944, voici près de deux ans que le Führer a ordonné d'exterminer « jusqu'au dernie, au combat comme à la poursuite » même lorsqu'ils sont « en uniforme  régulier de soldats », tous les « individus faisant partie des commandos et employés comme agents secrets, soboteurs, etc. ». Se constituent-ils prisonniers, toute pitié doit « être refusée » à ces « gredins ».

    Sans doute le texte du 18 octobre 1942 ne concerne-t-il pas les soldats ennemis capturés ou qui se rendent au cours de batailles normales (attaques sur une grande échelle ou opérations importantes du débarquement par mer ou par air), mais les parachutistes français de Bourgoin, lâchés derrières les lignes allemandes, et à plus forte raison les maquisards et ceux qui les aident seront considérés et traités comme des « gredins » indignes de pitié.

    La chasse qui commence vise indistinctement tous ceux et toutes celles qui, de loin ou de près, ont participé à la Résistance. Les plus exposés sont évidemment les blessés de la bataille de Saint-Marcel. Plusieurs d'entre eux, dont 17 parachutistes, ont pu être transportés clandestinement à la clinique de Malestroit. Le 23 juin, lorsqu'un détachement allemand procédera à une inspection, ils seront tous sauvés grâce au courage et à la présence d'esprit du docteur Quéinnec et des sœurs augustines.

    Revêtus de tenues religieuses par la mère supérieure et par l'économe, mère Marie de la Trinité, plusieurs parachutistes purent ainsi s'abîmer en longues prières dans la chapelle, cependant que le docteur Quéinnec fit passer pour des victimes d'un récent bombardement des hommes atteints pendant la bataille.

    C'est un miracle. Mais les miracles ne se reproduisent pas.

    A Sérent, à Guéhenno, où cinq parachutistes et dix-huit maquisards ont trouvé la mort dans une embuscade, à Plumelec, à Bot-en-Guégon, à Caradec, à Pluvigner, où huit maquisards eurent les jambes, puis la colonne vertébrale brisées à coups de barre de fer, à Kergoët, à Locminé, les Allemands, et parfois les miliciens, vont faire régner la terreur.

    Sans doute les drames qui ont eu pour théâtre une partie de la Bretagne sont-ils moins connus des Français que d'autres drames. La mémoire collective a retenu Tulle et Oradour. Elle a oublié – si jamais elle les a sues – les horreurs commises par cette colonne du 2è régiment de renfort de parachutistes qui, sur son passage, pille le bourg de Guégon, mitraille les passants, exécute un enfant de quatorze ans, le jeune Bertho, accusé d'avoir ravitaillé le maquis, fusille quatorze garçons près du Faouët et sept autres à Pluherlin massacrés, ceux-là, sous les yeux de leurs parents et amis.

    A Locminé, où malgré les ordres allemands des jeunes gens ont suivi le cortège funèbre de leur camarade Jean Annic, trente-deux d'entre eux seront arrêtés le 3 juillet puis exécutés. Le 12 juillet, toujours à Locminé, Allemands, Géorgiens et membres de la « formation Perrot », ayant rassemblé tous les hommes de dix-huit à quarante cinq ans dans la cour de l'école communale, feront avouer à deux anciens maquisards de Saint-Marcel des caches d'armes : sous un pommier, des fusils ; dans une tombes, des grenades et des mitrailleuses. Les deux maquisards seront fusillés et, le 25 juillet, vingt-quatre garçons de la région seront tués d'une balle dans la nuque par deux gradés du commando S.D. De Rennes. 

    Le commando Bourgoin avait réclamé pour ses parachutistes le respect des lois de la guerre. Lorsqu'ils capturent, près de Château-Remaison, cinq maquisards et neuf parachutistes, les hommes du capitaine Walter Holtz ne tiennent aucun compte des protestations des parachutistes faisant état de leur qualité de combattants réguliers. Au même titre que les maquisards, ils seront abattus d'une rafale de mitraillette.

    Dans leur chasse aux résistants, les Allemands sont aidés par quelques Français qui mettent à profit le patriotisme parfois imprudent de toute une population pour obtenir des renseignements, se glisser dans les réseaux ou, plus simplement, retrouver, dans les bois où ils se terrent, les rescapés de Saint-Marcel.

    Si Bourgoin, et le colonel Morice pourront, jusqu'à la fin, échapper à toutes les recherches, bien des résistants – maquisards et parachutistes – devaient tomber dans les filets tendus par le trio infernal que forment Zeller, Munoz et Gross.

    L'ex-officier Louis-Maurice Zeller, dit Marc Evrard, ou encore Marc Denis, a été rayé des cadres de la marine pour trafic de stupéfiants. Sauvé de la noyade par des soldats allemands, c'est, affirmera-t-il à son procès, afin de prouver sa reconnaissance à ses bienfaiteurs qu'il s'engagera dans la L.V.F., servira à Saint-Brieuc d'agent recruteur pour la Légion antibolchevique puis, de glissades en trahisons, acceptera sans barguigner le rôle d'agent de renseignements.

    Comme d'autres agents allemands, il est à la recherche de Bourgoin, et sans doute la prime de cinq millions promise par les Allemands n'est-elle pas étrangère à sa passion de chasseur. A défaut de capturer immédiatement Bourgoin, du moins espère-t-il capturer un parachutiste qui, en parlant sous la torture, le mènera directement ou indirectement jusqu'à l'homme qu'il recherche.

    L'un des adjoints de Zeller s'appelle Munoz. Un malin, le traître Munoz. Comme il a arrêté le lieutenant parachutiste Grey et le sergent Jego, c'est vêtu de l'uniforme de Grey qu'il parade dans un café de Guéhenno. Sans penser à mal – comment penser à mal devant ce para de la France libre à la recherche de ses copains ? -, des consommateurs bavards, mais malheureusement exactement renseignés, fournissent des indications sur la retraite du lieutenant Marienne, l'un des héros de la bataille de Saint-Marcel.

    En compagnie de plusieurs maquisards et de six parachutistes, Murienne, « le lion » de Saint-Marcel, est caché près de Kerihuel, dans les dépendances d'une ferme occupée par deux beaux-frères, Gicquello et Danet.

    Le 12 juillet, au petit matin, lorsque Munoz, accompagné de plusieurs « faux maquisards », et toujours revêtu de l'uniforme du lieutenant Grey, se présente chez Danet, pourquoi le fermier se méfierait-il ? C'est donc lui qui conseille Munoz et à sa bande d'aller réveiller huit maquisards qui dorment dans un appentis. Réveil brutal. Les maquisards sont saisis, désarmés, jetés à plat ventre sur l'aire de la ferme. Marienne, le lieutenant Martin, les sergents Maddy et Judet, le caporal Baujon, les premières classes Blettein et Flamant n'ont rien entendu. A quelques centaines de mètres de la ferme, ils dorment toujours sous les parachutes dont ils se sont fait des abris.

    Le sergent Judet, seul rescapé du drame, a laissé un rapport sur cette matinée du 12 juillet 1944.

    « Deux miliciens étaient entrés sous notre tente, braquant, sur nous une mitraillette et nous injuriant à qui mieux mieux. Nous fûmes conduits à la ferme qui nous ravitaillait. En arrivant dans la cour, je vis étendus par terre, les mains sur la tête mais encore vivants, une vingtaine de civils et une dizaine de femmes debout. Nous fûmes mis face au mur, les mains en l'air et nous fûmes fouillés.

    Le capitaine Marienne et le lieutenant Martin furent séparés de nous et, sur un ordre, se couchèrent aux côtés des civils, dans la même position que ces derniers. Jusque là, je croyais encore simplement être fait prisonnier et j'échafaudais déjà des plans d'évasion, lorsque j'entendis une rafale et vis un de mes camarades, immédiatement à ma droite, se crisper. J'ai sauté par-dessus le corps de mon ami et je me suis enfui à travers les buissons. »

     A l'exception de Judet, tous les parachutistes et tous les maquisards seront exécutés ainsi que le fermier Danet et l'un de ses voisins, le lieutenant Morizur, qui avait servi de guide à de nombreux parachutistes.

    Avant d'incendier le hameau, Zeller et trois des meurtriers de Marienne et de ses camarades se feront photographier devant leurs victimes.

    Tragique photo que celle de ces Français chasseurs de Français. Armes à la main ou à la bretelle, les voici debout, goguenards et triomphants au milieu des cadavres. On les devine ivres d'un succès dont ils espèrent qu'il en annonce bien d'autres !

    Au bénéfice des Allemands, Zeller et ses complices réussiront, en effet d'autres « affaires ». Ce sont eux qui arrêteront le lieutenant Alain de Kerillis qui a été parachuté dans la nuit du 7 au 8 juin et qui se cache, avec trois paras blessés et neuf hommes valides mais épuisés, près de la ferme de Kerlanvaux. Kerillis ne sera pas tué immédiatement. Zeller a ordonné de l'enfermer, en compagnie du lieutenant Fleuriot, dans une cellule de la prison-école de Pontivy. Il attend d'eux une information sur la cachette de Bourgoin. Interrogés, et l'on sait ce que cela veut dire, pendant près de trois semaines, le lieutenant Fleuriot, qui succombera sous la torture, et le lieutenant Alain de Kerillis ne parleront pas.

    Les Alliés approchent. Il devient urgent de se débarasser de témoins qui deviendraient de terribles accusateurs.

    En uniforme Allemand, Zeller, Munoz et Gross assisteront, le 23 juillet à l'exécution d'Alain de Kerillis ; de Jamet, le lieutenant de gendarmerie de Quimperlé ; du radio « Rolland », de Morlaix, et de l'architecte Donnart qui, sous le pseudonyme de Le Poussin, avait considérablement contribué à l'organisation de la Résistance dans le Finistère.

    Avec ces quatre résistants tombe le lieutenant Grey.

    Celui dont Zeller et Munoz avaient, tour à tour, revêtu l'uniforme pour mieux approcher et abuser les résistants.

     

     

     


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  • Le temps des premiers réseaux

    Dans les années 1940 à 42, si d'embryonnaires réseaux opéraient déjà dans certaines
    régions, notamment sur les côtes où des équipes de renseignement très actives
    agissaient, l'essentiel de la Résistance s'organisait depuis l'Angleterre.

    C'est ainsi que, dans le Morbihan, près du site où se tint la première bataille de la
    Libération, avant même celle du Débarquement en Normandie, les premiers
    réseaux se mirent en place en décembre 1942 autour de l'opération Cockle
    (coquillage en anglais). Celle ci se déroula dans la nuit du 21 au 22 décembre 1942 et se traduisit par le parachutage de deux agents sur l'étang au Duc de Ploërmel depuis
    l'Angleterre.

    Leur mission consista à recruter et former des petits groupes de volontaires dans le but
    de repérer des terrains de parachutage et, par la suite, d'y réceptionner et de camoufler
    les armes et les explosifs largués, destinés à servir dans de futurs sabotages et opérations de guérilla. Dès son arrivée, l'un des deux par le biais d'un camarade du commandant de la gendarmerie de Ploërmel, le lieutenant Téophile Guillo. C'est le début du réseau Action.

    Ensemble, les trois hommes mettent en place une équipe de jeunes Morbihannais
    très active. Guy Lenfant (nom de code Le Breton), organisa plusieurs équipes de
    parachutage. Le commandant de la gendarmerie prit la responsabilité de tous les
    dépôts d'arme constitués en cachette. Leur transport fut confiée à d'autres recrues,
    comme Emile Guimard ou Raymond Guillard. Ce dernier, ainsi, participa à la plupart des parachutages dans le secteur de Sérent et Lizio et au convoiturage des
    précieux colis, au moyen notamment d'une Citroën 11 U équipée en gazogène et équipée d'un double fond. Le véhicule appartenait à la famille Malard, deux soeurs
    commerçantes à St-Aubin en Plumelec qui, au péril de leur vie et de celle de leur
    famille ne ménagèrent pas leurs efforts, aidées par leur employé Henri Tanguy.
    D'autres résistants (FFI essentiellement) furent hébergés secrètement dans la région
    jusqu'en 1944. Deux jeunes de Saint-Brieuc et Elven furent ainsi cachés à la ferme du
    Pelhué, en Plumelec. "Ils étaient recherchés par les Allemands, se souvient Joseph Jégo,auteur de Rage, action, tourments au pays de Lanvaux, interviewé en 2004. Nous
    avons assuré leur protection. A l'époque, nous étions encore tranquilles. Les
    Allemands ne contrôlaient guère le secteur pour débusquer les réfractaires du Service
    du travail obligatoire." Lui même s'est soustrait de ses "obligations" à l'âge de 21
    ans. " J'ai été convoqué au Service du travail obligatoire en 43. Je n'avais aucune
    envie de partir là-bas. Un ami m'a alors proposé de le rejoindre dans la Résistance. Je
    me souviens qu'il m'avait alors dit : comme ça, le jour où il se passera quelque chose ici, on sera au moins deux ! On barrera les routes ! En réalité, nous furent bien plus.

    Nous découvrîmes que de nombreux contacts avaient été déjà pris avec des engagés. "Au départ, on nous chargea surtout de porter des messages, en conviant en cachette de points de ralliement." Puis, les choses évoluèrent. En mai 44, Joseph Jégo
    participa à la destruction de rails de chemin de fer au Roc-Saint-André et à l'abattage de lignes électriques. Le groupe était aidé en cela par une agente de liaison parachutée
    depuis l'Angleterre, Jeanne Bohec, dit Micheline. "C'est elle qui nous a appris à
    faire des explosifs faciles à partir de produits en vente en pharmacie. Une autre agente
    de liaison, Annick Perrotin, fille de commerçants de Plumelec (et rattachée à la
    7e compagnie), a également beaucoup fait pour nous. " Les compagnies de gendarmerie
    non plus ne firent guère preuve de zèle pour dénicher les réfractaires au STO. "Des
    gendarmes de la brigade de Saint-Jean quittèrent leurs fonctions et rejoignirent le
    maquis. Leur brigadier chef se garda bien de signaler leur désertion." Les gendarmes
    de Malestroit soutinrent également le maquis dans les mois qui précédèrent la bataille. C'est début février 43 qu'eut lieu le premier parachutage, marquant une étape
    clef dans la constitution du maquis. D'autres suivirent jusqu'au mois de juillet dans tout le secteur. Autant d'opérations nocturnes qui n'étaient pas sans attirer l'attention des
    habitants avec le risque de venir aux oreilles des ennemis. Le ronronnement des
    avions au-dessus des drop-zones s'entendait plusieurs kilomètres à la ronde. Par chance, rares furent les incidents : la nuit du 22 au 23 mai à Lizio, un container frôle une ligne électrique. Le parachute reste accroché aux câbles, provoquant une grande lueur et une détonation. Le court-circuit contact prive la région de courant pendant 24 h. Mais le comité de réception parvient à localiser et récupérer l'indiscrète cargaison... de sept tonnes ! Toutes ces opérations permirent d'affiner le choix des drop-zones. La vaste clairière, bien protégée, de La Nouette en Sérent, retint l'attention des réseaux de résistance du Morbihan, dirigé par le colonel Morice.

    Surnommé La Baleine, le terrain fut retenu pour les premières réceptions dès mai 1943
    avec l'accord et l'aide de la famille Pondard, propriétaire de la ferme de la Nouette. Il
    sera utilisé lors de la fameuse bataille et fera office de base (commandement, infirmerie, dépôt) en juin 1944. Les FFI savent alors qu'ils pourront compter sur plusieurs centaines voire milliers d'hommes, plus ou moins formés, épaulés par les Special Air Service.

    C'est quelques semaines avant seulement, que la décision d'organiser l'opération de
    déstabilisation, parallèlement au débarquement, depuis le terrain de La Baleine fut prise. Le commandant FFI Morice, de son vrai nom Paul Chenailler, et son adjoint Emile Guimard se trouvaient dans leur poste de commandement à Saint-Aubin en Plumelec quand ils entendirent les vers de Verlaine annonçant Les Sanglots longs des violons de l'automne bercent mon coeur d'une langueur monotone. Quatre agents de mission et trois agentes de liaison sont à leur côté, prêts à intervenir : ordre fut en effet donné de rallier tous les commandants de bataillons pour les aviser de rejoindre l'Etat major dans la soirée. Le Colonel Morice annonça la mobilisation générale avec pour consigne de se rendre au terrain de La Baleine par petits groupes. En l'occurrence, Joseph Jégo rappelle dans son ouvrage que l'Etat major fut quelque peu ulcéré de voir débarquer à La Baleine les troupes de maquisards à près de cent : Dans la région de Ploërmel, citons des actes
    de résistance isolés, spontanés : le Liziotais Pierre Golvet fut ainsi l'un des premiers
    résistants de la région en permettant dès 1940 à plusieurs prisonniers de s'enfuir.

    Après la débâcle française et la constitution de la zone occupée, les Allemands
    ordonnèrent aux anciens combattants de se présenter en mairie à leur convocation pour
    les démobiliser et les envoyer en Allemagne comme prisonnier de guerre. Pierre Golvet
    obtint la complicité du maire de l'époque de Pontivy, Eugène Frotté, pour faire extraire
    plusieurs prisonniers de Lizio (il en fut de même à l'échelle de nombreuses communes)
    à leur transfert vers l'Allemagne.

    En 1944, le Liziotais, remplaçant du maire, fait prisonnier en Allemagne, parvint également à empêcher les Allemands de mettre le feu à la ferme de La Grée-aux-Moines, domicile du commandant Emile Guimard lui-même, activement recherché
    par l'occupant. Il est à noter bien sûr "Le périmètre du camp de Saint-Marcel fut sans cesse élargi, au fur et à mesure qu'arrivaient les maquisards. Au bout d'une
    dizaine de jours, nous étions deux mille puis deux mille cinq cents et enfin probablement plus de trois mille ! On ne s'attendait pas à autant de monde. Il fallait alimenter le siège en permanence. Tous les fours à pain des fermes environnantes tournaient à plein régime et des charettes apportaient quantité de viande, de cidre... Le rythme était ponctué chaque nuit par les parachutages d'armes et de munitions. Ce fut comme ça jusqu'au matin du 18 juin !" - et la liste est non exhaustive - la participation active des soeurs de la communauté des Augustines, à Malestroit, à commencer par soeur Yvonne Aimée. La communauté accueillit dès mai 40 des réfugiés religieux et civils, une femme enceinte juive traquée par les Allemands en octobre 1941, des soldats du Nord de la France... Elle tint tête à la Wehrmacht désireuse d'occuper la clinique en ne lui concédant qu'une petite partie des locaux tout en continuant à soigner en cachette en 1943 et 1944 des aviateurs américains, des FFI blessés et même le général Audibert, chef de la Résistance de l'Ouest, qui fut hélas repéré et arrêté par les Allemands en découvrant dans ses effets personnels une valise à double fond. La clinique a soigné de nombreux résistants et plus d'une dizaine de parachutistes à l'issue de la bataille de St-Marcel. A l'issue de la guerre, soeur Yvonne Aimée reçut six médailles françaises, anglaises et américaines.


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  • Le récit d'une folle journée

    C'est un fait d'histoire plutôt méconnu : la première bataille de la Libération, le jour
    même du Débarquement en Normandie, s'est déroulée dans le Morbihan, entre Sérent
    et Saint-Marcel. Depuis la défaite de 1940, il y eu certes de nombreux engagements, mais jamais de bataille à proprement parler. L'occupant s'était toujours heurté à des forces mobiles s'évacuant rapidement. A Saint-Marcel, les effectifs engagés, la volonté de tenir sur place, l'acharnement de l'ennemi dans la riposte ont marqué la journée du 18juin 1944 qui restera dans l'histoire de la Bretagne et de la France libre.

    Utilisée comme base de réception de renforts et d'armes par le commandement FFI, le
    terrain de La Baleine à côté de la ferme de La Nouette à Sérent accueillit dès le 1er juin des bataillons (bataillons Caro et de la Morlaix) en vue de préparer une vaste opération de diversion. Péparée de longue date, elle est destinée à fixer des divisions
    allemandes nombreuses en Bretagne et susceptibles de venir en renfort sur le front de la Normandie.

    Le 4 juin, la BBC diffuse le message conventionnel "Les dés sont sur le
    tapis", ordonnant le plan vert, qui se traduit par la mise en application d'opérations de
    destruction de voies ferrées.

    Le 5 juin,nouveau message : "Il fait chaud à Suez", ordre d'application du plan rouge, donnant le coup d'envoi d'opérations de guérilla.


    Dans la nuit du 5 au 6 juin, un petit détachement du Régiment de chasseurs parachutistes est largué dans la région de Plumelec. Cet élément précurseur,
    commandé par le lieutenant Marienne, est attaqué malheureusement par les Allemands (lire chapitres précédents) et essuie des pertes : c'est le premier mort de la campagne de Libération en France. Le stick réussit malgré cela à joindre le PC du commandement FFI à La Nouette.

    Dans la nuit du 9 au 10 juin, le commandant Bourgoin est parachuté à Saint-Marcel avec
    200 hommes de son régiment avec armement, jeep et munitions. C'est à partir
    du 10 juin que commencèrent les parachutages massifs d'armes et de munitions qui permirent d'armer les maquisards bretons. Pendant la semaine du 11 au 18 juin, le terrain de Saint-Marcel est survolé par plus de 150 avions ! En une seule nuit, le 17 juin, 35 avions déversent 750 containers d'armes, quatre jeeps équipées et 50 hommes.

    En plus de la défense fixe du terrain constituée par les deux bataillons, d'autres bataillons commencent à affluer vers Saint-Marcel afin de percevoir leur armement.

    Le 10e bataillon (commandant Le Coutaller) traverse le département aller et retour pour
    recevoir le matériel d'une compagnie complète ! Le 1er bataillon (commandant
    Hervé) perçoit également son armement à Saint-Marcel. Aussitôt, armés et équipés, les
    unités regagnent leur zone d'action.

    Dans la nuit du 13 au 14 juin, le 2e bataillon FFI (commandant Le Garrec) arrive à
    Saint-Marcel pour être équipé à son tour. Ce bataillon venait de subir dans les bois de
    Saint-Bily une dure attaque, devant laquelle, faute d'armes, il ne put que chercher à s'éclipser dans les bois où l'ennemi n'osa pas le pourchasser. Le 2e bataillon ne
    dut rester que trois jours au terrain de parachutage. Ce séjour fut prolongé par les
    circonstances, le mauvais temps n'ayant pas permis les réceptions d'armes attendues.

    Ilétait encore à Saint-Marcel le 16 juin et prit une importante part à la bataille. Le 18 juin, au lever du jour, au moment où se déclencha la bataille de Saint-Marcel, la
    situation des unités françaises était la suivante :

    - le terrain de parachutage dont le centre était situé à 1 km au nord du
    hameau de La Nouée était couvert de tous côtés par des unités FFI et des parachutistes.

     

    Le récit d'une folle journée

    Le PC était installé dans la ferme de La Nouée.
    Le lieutenant-colonel Morice, chef
    départemental FFI, assurait le commandement
    de ses troupes, le commandant Bourgoin
    dirigeant son unité de parachutistes et
    l'ensemble des opérations.
    - A côté de l'Etat major, dans les dépendances
    de la ferme, était installé le service de santé par
    le médecin commandant Mahéo.
    - Le bataillon Caro avec 1.000 hommes bien
    armés couvrait le nord et l'ouest du dispositif.
    - Le bataillon de la Morlaix (500 hommes)
    couvrait le nord-est du quadrilatère.
    - Le bataillon Le Garrec (1.000 hommes)
    couvrait le sud et le sud-est. - La liaison entre
    les bataillons Le Garrec et de la Morlaix était
    assurée par l'unité de parachutistes (200 hommes).
    - Les jeeps armées formaient avec une section
    de parachutistes une unité mobile à grande puissance de feu sous les ordres du capitaine Marienne.

    En cas d'attaque, l'ordre était de tenir sur place.

    Ci-dessus : document FFLSAS

    Les excellents champs de tir des armes automatiques couvraient la position et des
    avant-postes bien placés permettaient d'éviter toute surprise. Différents itinéraires
    de dispersion avaient été toutefois définis avec lieux de regroupement en cas
    d'attaque trop puissante de l'ennemi.

    Le 18 juin, les Allemands ne pouvaient plus ignorer la présence, dans la région de Saint-Marcel, d'un rassemblement de forces adverses. Les 150 avions parachuteurs
    n'avaient pu mener leurs missions, on s'en serait douté, sans se faire repérer à un
    moment ou à un autre par les postes de guet allemands, en particulier celui du moulin de La Grée en Plumelec et celui du château de Villeneuve.

    Dès le 15 juin, les projecteurs de l'aérodrome réquisitionné de Meucon éclairaient les avions larguant leur containers. Plusieurs parachutages trompés par des signaux ennemis avaient d'ailleurs été capturés par les Allemands. Convaincus d'une menace imminente, ce sont ces derniers qui prirent les devants, le 18 juin, au petit jour...

    4 h 30. Poste de surveillance, château des Hardys-Béhélec, 4 h 30 du matin, heure
    solaire : le feu est ouvert. Deux voitures de Feldgendarmes allemands pénètrent dans le camp par la route de Saint-Marcel à L'Abbaye. La première voiture réussit à
    traverser le barrage, mais la deuxième est sitôt détruite par un anti-chars. Les
    Feldgendarmes du premier véhicule ouvrent le feu sur le poste des maquisards qui tient
    la route, tuant le chef de poste, le sergent chef Le Canut, et blessant deux FFI du
    bataillon Le Garrec. Les maquisards ripostent : cinq Allemands sont tués, deux
    sont faits prisonniers. Un seul parvient à s'échapper. Il donnera l'alarme. C'est vers
    6h30 que la garnison allemande de Malestroit, à 3 km de Saint-Marcel, est prévenue.

    Cette garnison comprenait un bataillon de la Wermacht de 500 hommes.
    Aussitôt, deux compagnies sont mises sur pied pour attaquer le camp. Un plan
    retrouvé quelques jours plus tard par le recteur de Saint-Marcel révèlera aux
    Français ce que les Allemands connaissaient du camp : ils le plaçait au nord de la route
    de Saint-Marcel, à L'Abbaye. C'est sur cet axe, naturellement, que se concentra l'effort
    allemand, conforté par le fait que c'est sur ce secteur que se produisit l'embuscade au petit matin du 18 juin. L'axe d'attaque se porte sur un front d'environ 500 mètres au nord-est du camp, du côté du Bois-Joly. Cinq FFI et une bergère tués à bout portant Profitant de la protection offerte par les haies et les chemins creux, les troupes ennemies progressent sans être vues. L'un des hommes, suivant le chemin sortant du calvaire de Saint-Marcel vers Les Grands-Hardis, réussit à atteindre le poste situé à 100 mètres au sud de la ferme du Bois-Joly, sans avoir été découvert. Accompagné d'autres Allemands, ils débusquent un poste FFI : ils abattent cinq FFI ainsi que la bergère de la ferme qui gardait ses vaches dans la prairie voisine. L'effet de surprise est réussi pour les Allemands, mais l'alerte est belle et bien donnée. Entre Sainte-Genevieve et la route, tout le monde était à son poste.

    A 9 h du matin, l'aumônier de Saint-Marcel, l'abbé Guyodo, s'apprêtait à donner la messe à Sainte-Geneviève. Il confessait lorsque se déclencha la fusillade vers Le Bois-Joly. Il se rendit aussitôt sur les lieux du combat pour donner aux blessés le secours de son ministère. Les armes automatiques françaises ouvrirent le feu dans toutes les directions. Surpris à leur tour, les Allemands se jettent dans les champs de blé pour accentuer leur progression. Ils se couvrent par des grenades fumigènes et atteignent vers 9h30 la ferme du Bois-Joly. Une contre-attaque à coup d'armes automatiques les rejettent de la ferme. Les pertes sont importantes. Les Allemands se font faucher, ils préfèrent se replier sur Saint-Marcel. Cette première action dura trois quarts d'heure. Elle engagea la 2e compagnie du 3e bataillon, deux sections du 12e bataillon et une section de parachutistes. Les mortiers allemands à l'action A 10h, l'attaque allemande reprend.


    La direction générale donnée est la même, mais l'effort se déplace tout de même plus
    nettement vers le nord du Bois-Joly et Sainte-Geneviève. L'effectif est doublé : deux
    compagnies sont cette fois engagées. Cette deuxième attaque voit l'entrée en action des mortiers allemands qui prennent à partie les lisières du bois de Sainte-Geneviève, d'où partent les rafales françaises les plus nourries. La bataille fait rage jusqu'à midi.
    Les Allemands cloués au sol par les tirs automatiques, subissent de lourdes pertes
    dans les champs de blé et les prairies du sud de Sainte-Geneviève. Les blessés affluent à Saint-Marcel où ils sont évacués. Du côté français, aussi, les pertes sont importantes.
    Les premiers blessés sont dirigés vers le château de Sainte-Geneviève où Mlle Bouvard prodigue les premiers soins. L'évacuation des blessés vers le poste de secours se fait ensuite par des jeeps des paras qui assuraient le service par les chemins creux. Le poste de secours de La Nouée reçoit les blessés soignés sur place avant de les évacuer à la tombée de la nuit. Au poste de La Nouée, le commandement ne reste pas inactif. Il n'intervient pas pour le moment dans la bataille : les chefs du secteur avaient leurs troupes bien en main, les positions initiales restaient inviolées. Mais il se constitua des réserves prêtes à entrer en action pour une contre attaque si les troupes devaient se replier. Ces réserves de la valeur d'une compagnie, prélevée sur le 12e bataillon et renforcée par des paras, furent disposées au centre de la zone d'action de l'ennemi dans les bois, à 400 m au Nord du Bois-Joly.


    L'Etat major interallié de Londres fut alerté vers midi. Il lui fut demandé des secours par les airs et des ordres. Une légère accalmie se produisit vers midi, mais le combat ne cessa pas pour autant. Les Allemands restèrent sur place et tirèrent sur tout homme qui se vit voir.

    A 14h, l'attaque reprend et s'étend. Elle déborde nettement au nord du château
    de Sainte-Geneviève et comprend au sud le secteur des Hardys-Béhélec.

    Le front s'étire désormais sur 2.5 km. Alors que dans la matinée seules les troupes allemandes étaient engagées, désormais des renforts allemands mais aussi georgiens sont intégrés. Ce sont les Georgiens qui attaquent les Français au nord-est du dispositif de la compagnie Laralde. L'ennemi avance dans les taillis à l'Est de Sainte-Geneviève. Mais les paras tiennent. Les bois sont en feu. Vers 14h30, la défense à
    hauteur du château de Sainte-Geneviève est démantelée par la perte des servants de
    deux FM tués à leur poste. L'ennemi se jette dans la brèche et arrive jusqu'au château. Il est pris à partie par des armes automatiques placées à la hâte et ne peut déboucher. Les lignes se fixent dans cette région jusqu'à 19h00.


    Au centre, l'action qui n'a pas cessé, reprend de la vigueur en direction de la ferme du
    Bois-Joly. A 17h30, les lignes françaises deviennent intenables. La ferme est prise. Il
    faut reporter le front sur l'arrière, en lisière des bois. Au sud de la route de L'Abbaye, le
    calme avait été relatif une partie de la matinée. L'ennemi avait pris un contact
    assez lâche entre le château des Hardys-Béhélec et le village de Saint-Marcel.


    L'après-midi, en revanche, l'attaque s'étend à ce secteur où les Allemands essayent de
    progresser vers l'Ouest. Ils y sont contenus. L'arrivée des bombardiers alliés Vers 16h, le secours demandé à Londres intervient dans les combats. Un escadron de chasseurs
    bombardiers effectue des tirs sur les rassemblements ennemis et attaquent à la
    bombe les colonnes arrivant depuis plusieurs itinéraires. A 19h00, une violente contre attaque venant du nord-est est déclenchée sur le flanc de l'ennemi. Elle progresse malgré les difficultés du terrain et les réactions allemandes. Le château de Sainte-
    Geneviève et ses alentours sont repris. Mais l'ennemi s'accroche au centre du dispositif et il est impossible de reprendre le Bois-Joly.

    A 20h00, l'action allemande continue à s'étendre. Non seulement, toute la face Est du camp subit la pression, mais le combat gagne le Sud où une attaque se déclenche en
    direction des Hardys-Béhélec suivie d'une autre sur L'Abbaye. Le bataillon Le Garrec,
    déjà fortement attaqué entre le château et le Bois-Joly, doit faire face à cette nouvelle
    action venant du Sud. Les troupes allemandes viennent du camp de Coëtquidan. Elles ont débarquées vers 18h00 sur la RN 776. L'attaque de ces troupes fraîches est extrêmement brutale. Malgré de lourdes pertes pour l'assaillant, elle progresse.


    L'artillerie qui entre en jeu et les balles incendières mettent le feu aux bois en
    arrière des défenseurs. Une contre-attaque à la grenade menée par le lieutenant Rio,
    qui est tué dans l'action, rétablit la situation un moment menacée. Quant au bataillon
    Caro qui n'avait pas jusqu'ici pris à partie, il subit de son côté vers 20h00 une dure attaque.


    Ces troupes fraîches repoussent durement les Allemands par un feu nourri d'armes
    automatiques. A la même heure, le PC de La Nouée apprend que sur tous les
    itinéraires des camions amènent des renforts. Le secteur Nord resté calme jusqu'ici semble s'agiter. Les postes avancés voient au Sud de Saint-Abraham les Allemands se masser. Inquiets, le colonel Morice et le colonel Bourgoin tiennent conseil, peu avant la
    tombée de la nuit : leurs troupes ont résisté en restant sur leurs position, sauf à hauteur du Bois Joly. Mais la consommation de munitions avait été forte, surtout pour les FM (forces mobiles).


    De plus, l'acharnement allemand permet de prévoir que le lendemain, dès le point du
    jour, l'attaque en force reprendrait. L'artillerie commence d'ailleurs à se faire
    entendre. Ils estiment donc qu'il y a lieu de prévoir un repli. Les ordres de Londres
    indiquent que les projets du haut commandement ont été modifiés. Ils prescrivent que maquisards et paras se dispersent tout en continuant la guérilla.


    Les ordres du mouvement donnés à la tombée de la nuit du 18 juin ne sont donc
    que la stricte exécution des ordres du haut commandement. Le décrochage commence vers 22h00. Il dure une grande partie de la nuit. Les bataillons, après avoir couvert leur mouvement par une arrière garde restée en contact avec l'ennemi jusqu'au départ des gros, se dispersent dans leurs secteurs où ils se disloquent par compagnie voire par section. En l'occurrence, le bataillon Le Garrec prend la direction d'Auray et
    Pluvigner, le bataillon Caro la direction de Saint-Jean-Brévelay, Locminé et Josselin, le
    bataillon de la Morlaix la direction de Sérent et Pleucadeuc. Les unités
    parachutistes se dispersent elles aussi par sections pour aider à la constitution des
    douze bataillons FFI du Morbihan.

    Le PC FFI s'installe à Callac où il continue à diriger la nouvelle phase des opérations à venir : sabotages et guérilla.

    Le 19 juin au petit jour, les Allemands comprennent que l'armée qui les avait si durement atteints la veille a disparu. Ils se vengent sur les paysans et détruisent le village de Saint-Marcel, les châteaux et les fermes en nombre. Ils torturent et déportent de nombreuses personnes sans pouvoir toutefois obtenir de renseignements précis sur les combattants. Reste que la portée du combat est importante.

    De Saint-Marcel, des liaisons ont été prises avec tous les départements bretons. Les contacts sont conservés avec Londres par les équipes radio du colonel Bourgoin et les parachutages d'armes se poursuivent sur différents terrains à une cadence qui ne se ralentit jamais. Quinze mille hommes sont armés par le 4e régiment de chasseurs parachutistes. Le dernier poste de commandement est Sainte-Hélène où pas moins de vingt nouvelles jeeps armées sont reçues par parachutage et sur planeurs. Sur tout le Morbihan, l'ennemi ne connaît plus le repos. Empêcher tout mouvement aux isolés, harceler les convois, retarder par des destructions tout déplacement de troupes, telle est la mission dont sont chargées les Forces françaises de l'Intérieur du 20 juin au 1er août 1944.

    Elle est remplie malgré les représailles, les tortures, les fusillades, les incendies.
    L'Allemand est traqué dans les villes. Tout mouvement se heurte à des sabotages et des destructions qui bloquent les convois et les livrent aux coups de l'aviation alliée.
    Jusqu'au jour de la Libération, plus un train ne circulera librement en Bretagne...


    D'après Le Maquis breton et le Bulletin des

    Amicales FFI du Morbihan, juillet 1947

    LE BILAN

    Trente Français furent tués et soixante blessés. Ils furent évacués au cours de la nuit et dispersés dans les fermes. Malgré les perquisitions et les menaces allemandes, tous ceux qui avaient besoin de soins
    chirurgicaux furent opérés et soignés en clinique. Les pertes ennemis furent estimées selon une fourchette très large d'une petite centaine à 560 !
    Si les estimations tendent vers 70 tués allemands (50 morts et 20 disparus), il est difficile en revanche d'évaluer les pertes des soldats ukrainiens et georgiens faits prisonniers sur le front Est et enrôlés dans les
    armées du Reich. Une certitude : le chiffre de 560 avancé après la guerre ne tient plus.
    Ces pertes étaient dues à l'imprudence des attaquants qui sous-estimèrent les capacités de défense françaises et furent fauchés en masse dans le champ de blé par les armes automatiques. Les Français relâchèrent leurs prisonniers. Cet acte eut des suites tantôt heureuses, tantôt malheureuses. Les
    prisonniers avaient pu connaître les noms des chefs de l'orgaisation. Les Allemands s'en servirent pour les traquer. Il est intéressant de constater dans le rapport de la Feldgendarmerie de Ploërmel que les
    troupes qui les combattaient "n'étaient pas des terroristes, mais une armée hiérarchisée et bien tenue". Les Allemands admettèrent pour la première fois, sur les arrières de la bataille de Normandie, l'existence d'une
    force réelle qui leur infligea des pertes cruelles. Elle était en relation constante avec l'Etat major interallié puisqu'elle avait fait venir l'aviation dans le combat. Cette armée fut d'autant plus dangereuse qu'ils ne
    connaissaient pas l'effectif ni les positions.


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