• Le P. C. de la 19° Division avait heureusement quitté Chaulnes le matin du 3 juin, pour s'établir à Rouvroy.

    Dès les premières heures du 5 juin, les alentours étaient infestés d'engins blindés ennemis; ils venaient même à l'entrée du village. Le général Lenclud sentait que l'attaque glissait sur sa droite. La nécessité s'imposait à lui pour pouvoir exercer plus facilement son commandement de porter son P. C. plus légèrement à gauche et à même hauteur.

    Ce changement se fit d'accord avec le général Sciard, commandant du 1° Corps, à la demande du général Lenclud.

    Il envoya le lieutenant Grasset à Guerbigny, préparer l'installation du P. C. Puis les diverses fractions de l'État-Major se glissèrent entre les chars allemands, et commencèrent d'arriver vers 10 h 30 à Guerbigny, où se trouvaient déjà les Compagnies télégraphique et Radio, la Compagnie hippomobile de la D.I. et la C. H. R. du 117° R.I. Le général Lenclud quitta le dernier le village de Rouvroy.

    Vers midi, l'État-Major tout entier était établi à Guerbigny, auprès des écoles, au carrefour proche de l'église. Une demi heure après le départ du Général, l'aviation allemande écrasait de ses bombes la ferme qui venait d'être abandonnée.

    Le rapport du 1° Corps d'armée confirme ces données. Il note, en effet, pour la journée du 6 juin :
    L'ennemi lance, dans l'étroit couloir des sous-secteurs Centre et Est, anéantis, de la 19° Division, une masse d'engins blindés que des observateurs évaluent à 700 ou 800.

    Cette masse, pendant la journée, se répand en éventail sur les arrières de la 19° D.I. (Le P. C. doit être évacué vers 17 heures) et gagne les arrières de la 29° D.I. (Le P. C. est évacué à 16 heures) et même les arrières de la 7° D. I. N. A . . . 

     


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  • Déjà, dans la nuit du 5 juin au 6 juin, nous l'avons vu, la C. H. R. du 117° R. 1., le G. R. du 210° R. A. L. D., la Compagnie télégraphique (204 T), la Compagnie radio (204 R), la Compagnie hippomobile, s'étaient établis à Guerbigny.

    Ils y passèrent la journée du 6 juin.

    La Compagnie Radio capta quelques messages.

    Dans la matinée, au moins une partie de l'État-Major de la D. I. s'était installée à Guerbigny, avant 10 heures certainement.

    Dans l'après-midi, une panique se produisit, provoquée on ne sait par qui : des chars allemands arrivent! 

    La Compagnie télégraphique, une partie de la Compagnie radio, s'en allèrent. Le capitaine Lévy était absent; revenant sur ces entrefaites, il remit de l'ordre assez facilement dans sa compagnie (204 R).

    Vers 16 heures, un camion du 6° Génie, chargé d'hommes, sauta sur une mine, et accidentellement fit sauter le pont, sur l'Avre, par où auraient pu s'écouler les convois; il n'y eut pas de tués, mais 2 hommes furent assez grièvement blessés.

    C'était le résultat de l'affolement.

    A 17 heures, des chars, réels ceux-là, furent signalés; on posa des mines sur la route.

    Tout de suite les voitures, dispersées de tous les côtés, allèrent se concentrer à Davenescourt, où, dans un bois, elles subirent un léger bombardement d'avions.

    Davenescourt n'était, du reste, qu'une halte; car à 23 h 30, le 6 juin, la 204 R. alla cantonner à Brunswiller, au sud de Montdidier, où elle arriva le 7 juin, à 1 h 30.

    Un poste, détaché du 41° R.I, put le rejoindre en ramenant tout son matériel.

    Le 8 juin, un autre poste revint également, mais il avait dû abandonner son matériel, pour passer de nuit les lignes ennemies. A ce moment, la Compagnie Radio était au Plessier, à l'Est de Saint-Just-en-Chaussée.

    A la date du 8 juin, la composition de la Compagnie Radio était la suivante: 93 sous-officiers et sapeurs, et 1 officier, sur un effectif de 140 hommes et 20 officiers . . .


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  • Déjà le 5 juin, les chars ennemis s'étaient établis entre Chaulnes et Lihons, et ils avaient fait leur apparition derrière le 41°; parfois ils laissaient passer nos voitures sanitaires; d'autres fois, ils les mitraillaient. Mais sur la route de Vermandovillers à Lihons, leur présence n'était pas permanente, puisque le long convoi de prisonniers avait pu passer sans encombre.

    Derrière nous, à Lihons, la journée commence tranquille.

    Le silence de la nuit n'avait été rompu que par les bombes tombées, vers minuit, aux environs immédiats.

    Vers 9 heures, les Allemands lancent, plusieurs obus sur l'église; le G. R. D. y avait un poste d'observation, établi dans le clocher. Le transept, du côté de l'Évangile (côté nord habituellement) et la coupole sont assez fortement endommagés; le clocher n'est pas touché.

    Au cours de la matinée, on assiste de Lihons au bombardement par avions, en piqué, de Rozières. Sur le terrain d'aviation, au Sud-Est, les engins blindés de l'ennemi évoluent.

    Pendant un moment, on avait eu l'illusion qu'ils étaient français!

    L'après-midi d'abord fut assez calme.

    Deux ou trois fois des auto-mitrailleuses ennemies, en reconnaissance, se présentèrent par le sud de Lihons, sur la route de Chilly. Chaque fois un canon de 25 du G. R. D. s'en chargea.

    Vers 16 heures, des avions allemands cherchent nos canons de 155, lâchent 2 bombes de très gros calibre.

    Soudain vers 17 heures (selon Sérouet, 16 h 30 selon Gandon) Lihons est soumis à un bombardement, en piqué, d'une extrême violence, pendant une demi heure environ.

    Par vagues et presque sans arrêt, les avions jettent leurs bombes et torpilles sur les positions et sur le village; une centaine de projectiles tombent ainsi, creusant des trous profonds à 3 ou 4 mètres seulement, parfois, des positions individuelles de nos hommes. Quand le bombardement cessa, plusieurs maisons étaient en flammes, des munitions entreposées près de l'église avaient sauté; la poussière et la fumée étaient si épaisses qu'il semblait que la nuit fût venue.

    Une heure plus tard, des avions allemands lancent des fusées exactement sur nos positions, et pendant 3 heures l'artillerie des chars exerce un bombardement. d'une grande violence. Le clocher, particulièrement visé, s'abat; L'église a beaucoup souffert, mais ne prend pas feu. Nos pièces de 155, du 304° R. A. P. et nos 75, répondent au tir des chars ennemis.

    En dépit de la violence des bombardements, il y a chez nous peu de victimes; on compte 7 ou 8 morts au G. R. D., et un au 41° RI (le caporal Jules Saliot). L'adjudant-chef Le Lévé, de la C. H. R. ne sera pas retrouvé. Tous ces morts resteront demain entre les mains des Allemands.

    Sans se laisser émouvoir par l'avalanche d'obus, notre artillerie avait continué son tir sur les colonnes ennemies en marche.

    Dans l'après-midi, un sous-officier de la Compagnie de Commandement, à Vermandovillers, s'était offert pour aller au ravitaillement à Lihons. Il ne revint pas; il dut se trouver dans la bagarre; nul ne sait s'il fut pris ou tué.

    Après tout ce tumulte, le calme se rétablit avec la nuit.

    Seule, de l'arrière, une grosse pièce française à longue portée, envoyait de temps à autre un obus dont on suivait sa course par son sifflement . . .

    Un autre récit écrit par Eric Abadie ( issu du forum Picardie 1939 - 1945 )

     Lihons est très ancien village du Santerre. Il est situé à l’intersection de plusieurs routes traversant le pays.
    En mai/juin 1940, ce bourg est une position importante dans le système de défense de la ligne Weygand sur le plateau. Sa garnison, en voie d’installation, sera constituée par le G.R.D. 21, la C.H.R. du 41e R.I. et son train de combat, le P.C. du 304e Régiment d’Artillerie portée, venu en soutien de la Division. Des 75 et des 155 seront en batterie à Lihons.

    30 Mai 1940 :
    1 heures 30, le chef d’escadron reçoit l’ordre de porter le GRD 21 sur Lihons pour réorganiser les escadrons et installer la défense de ce point.
    Arrivée des premiers éléments.
    Liaisons avec le Capitaine de Boismenu commandant la C.H.R du 41ème RI qui s’y trouve déjà. Répartition du village entre les unités. Les hommes du 41ème coopèrent à la défense et ont creusé des tranchées.
    Dans la matinée le chef d’escadron donne son ordre de défense en 6 postes de combat. L’escadron motocycliste du G.R. occupera la lisière ouest, l’escadron à cheval, la lisière nord, l’escadron de mitrailleuses, la lisière sud. Soit :
    1/ Ouest – Nord : Capitaine de Silans.
    Moyens - l’escadron moto.
    - 2 canons de 25 + 1 peloton de mitrailleuses.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre la route de Harbonnières et la route de Vermandovillers.
    2/ Nord – Est : Lieutenant Goasguen.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    - 1 FM.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre le PA de Silans et le PA Crémière.
    3/ Nord-Est – Est : Sous-Lieutenant Crémière.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    - + 1 GM + 1 canon de 25 + 1mortier de 60.
    Mission : Battre la zone comprise entre le P.A Goaguen et la route de Chaulnes.
    4/ Est – Sud-Est : Sous-Lieutenant Rabut.
    Moyens - Ceux de son peloton.
    Mission : Interdiction de la zone comprise entre la route de Chaulnes et la route de Chilly.
    5/ Sud : Lieutenant Fenwick.
    Moyens - 2 FM.
    - 1 canon de 25.
    - renfort de voltigeurs du 41ème RI.
    Mission : Interdiction de la route de Chilly et de la zone allant jusqu’à la route de Méharicourt.
    6/ Sud-Ouest : Aspirant de Nicolay.
    Moyens - ?
    Mission : Interdiction de la route de Méharicourt.
    7/ Réserve : 1 canon de 25 (escadron à cheval), non loin du PC, qui commande le débouché de la route de Chaulnes sous les ordres du Lieutenant Taniou.
    Les postes N° 2 et 6 dépendent du Capitaine Tardieu.
    Les postes N° 3, 4 et 5 dépendent du Capitaine Brandner.
    Dans la journée, tout l’effectif se met ferme au travail. A la fin de la journée, les épaulements d’armes sont terminés, les boyaux reliant ces emplacements sont fortement amorcés, les barricades sont construites.

    31 Mai 1940 :
    Toute la journée, le travail continue. Les boyaux se terminent, 2 ou 3 rangées de ronce artificielle entourent le village. La position présente un caractère défensif très sérieux.

    1 Juin 1940 :
    On termine la pose des fils de fer.
    Installation d’un observatoire dans le clocher par le Lieutenant Berger (chef de poste : Maréchal des Logis Marjollet).
    Dans l’après-midi, de très nombreux prisonniers allemands sont amenés par le 41ème RI vers Chaulnes.
    Le 304ème RAP, à la disposition de la 19ème DI, installe des batteries aux environs de Lihons et renforce la défense du village de 2 canons de 75. L’Etat-Major du 304ème RAP s’installe à Lihons.

    2 Juin 1940 :
    Le Général Toussaint, commandant par intérim la 19ème DI, appelé à un autre commandement, passe le commandement de la DI au Général Lenclud qui commandait la 11ème DI.
    A cette date, le stationnement de la DI est le suivant :
    - I /41ème RI à Foucaucourt.
    - II /41ème RI à Herleville.
    - III / 41ème RI à Fay – Soyécourt.
    - II /117ème RI à Berny.
    - III /117ème RI à Belloy.
    - I /22ème RMVE à Fresnes – Mazancourt.
    - II /22ème RIMVE à MarchélePot.
    - III /22ème RMVE au Bois Est de Fresnes-Mazancourt.
    Le chef d’escadron fait construire deux barricades en pavés (1 sur la route de Chaulnes).
    Les C.R de renseignements de la DI signalent que des blindées ont été vues entre Dompierre et Chuignes et au Sud de Cappy.

    3 Juin 1940 :
    Atterrissage d’un avion sur le terrain de Méharicourt, une patrouille est envoyée pour rechercher des parachutistes. Rien.
    Envoi du peloton Sorel à Rosières près à intervenir pour des atterrissages éventuels.

    4 Juin 1940 :
    Arrivée de deux pelotons motos du 3ème GRDI à Lihons.
    L’un est envoyé à Méharicourt, l’autre à Rosières pour remplacer le peloton Sorel qui revient à Lihons.
    L’inspection du Général Lenclud, est fort satisfait des travaux d’organisation de la défense. Il déclare aux officiers de son Etat-Major que si Lihons est attaqué, le GR pourra s’y maintenir grâce à son travail.

    5 Juin 1940 :
    « Vers minuit, le 5 juin, un violent tir d’obus fusant s’abat sur Lihons pendant une demi-heure environ. Les dégâts sont peu importants, et la garnison ne souffre pas de ce tir.
    A 4 heures du matin, le bombardement recommence par fusants et percutants. De nombreux obus tombent sur le village ; plusieurs maisons sont détériorées. La lisière nord-nord-ouest est spécialement atteinte ; néanmoins il n’y a pas de victimes. L’artillerie ennemie cherche visiblement a repéré l’emplacement des batteries d’artillerie.
    Vers 4 h. 30, dans le jour naissant, on entend un lourd vrombissement. Une dizaine d’avions allemands, en ligne de file apparaissent ; ils se préparent à piquer et, par trois fois, descendent, lançant de petites bombes qui font à peu près les mêmes trous que les obus de 77. Elles glissent vers leur but, en s’accompagnant d’un sifflement strident, comme celui d’une sirène. Les bombes tombent sur le carrefour central du village. Quelques maisons sont touchées ; il y a aussi quelques blessés.
    Des chars se dirigeant dans l’axe Nord-Sud, vont évoluer entre les lisières Est de Lihons et le bois de Pressoir. Quatre coups de canons sur le clocher, puis disparaissent vers les bois de Chaulnes.
    Vers 5 heures, accalmie. Les téléphonistes du G.R. en profitent pour réparer les lignes coupées. Peine inutile, car le bombardement reprend bientôt. Les chars allemands, qui ont rapidement progressé, arrivent sur le village et le débordent, sans essayer d’y pénétrer, ou sans le pouvoir. Car ils sont accueillis par nos canons de 25, et les pièces du 304e R.A.P. tirent à bout portant. Il semble que plusieurs chars soient mis hors de combat ; les autres s’en vont.
    Un témoin, le sergent Gandon, de la C.H.R. note que si Lihons put être défendu avec succès jusqu’au bout, on le doit aux pièces lourdes de nos camarades artilleurs. Présence opportune, car le G.R.D. 21 n’a que 4 canons de25 antichars à opposer aux engins blindés qui eussent pu entrer dans Lihons par 7 ou 8 routes.
    Les avions allemands continuent de survoler le point d’appui, mais à ce moment ils ne bombardent plus.
    Le calme se rétablit peu à peu. Les premiers blessés arrivent au poste de secours.
    8 h 45 : l’observatoire signale de nombreux chars à l’Est (vers Chaulnes) au Sud (vers Chilly) et au Sud-Ouest (vers Méharicourt).
    Vers 9 heures, le G.R.D. a son premier mort de la journée.
    Les blessés sont maintenant nombreux, surtout du groupe du canon de 25 de l’escadron hippomobile, déjà si éprouvé le 19 mai. Deux obus, lancés par un char, atteignent la coupole et la sacristie de l’église.
    9 h 30 : Un 155 GPF volatilise un char en direction de Pressoir.
    Pendant l’après-midi, les hommes de la C.H.R. du 41ème s’organisent, selon la mission qui leur est indiquée. Par une chaleur accablante, ils creusent des trous individuels, surveillés par les appareils ennemis de reconnaissance, qui continuent de tourner au-dessus de Lihons.
    Les prisonniers faits par le 10ème R.A.D. au Bois Étoilé, et par le 41e à Herleville, arrivent ; leur vue donnent un courage nouveau à nos hommes.
    11 heures : Ordre du général porté par l’officier de liaison, les chars sont descendus jusqu’à Fransart et Fouquescourt et entourent le PC de la DI.
    Il faut tenir coûte que coûte et rechercher la liaison avec le 41ème RI. Une liaison moto est envoyée immédiatement vers Herleville.
    14 heures : Des chars apparaissent de nouveau aux lisières Ouest des bois de Chaulnes et de Pressoir. Prise à parties des PA Goasguen et Crémière. Le canon de 25 du Lieutenant Crémière immobilise un char et une AM.
    Vers 15 heures, le Maréchal des Logis Houet est grièvement blessé ainsi que 2 cavaliers de son équipe de 25 par un obus de char. Le Lieutenant Robin, le médecin auxiliaire Gauthier et un infirmiers vont chercher les blessés.
    17 heures : Aux lisières de Chilly, 5 chars stationnent une demi heure et vont rejoindre d’autres chars en direction de Chaulnes.
    19 heures : Une patrouille fournie par la CHR du 41ème RI et commandée par l’Adjudant Martinet va dégager des artilleurs du 304 aux lisières des bois de Pressoir.
    Vers 19 heures, les avions allemands laissent tomber quelques bombes ; l’alerte n’est pas sérieuse.
    Vers 20 heures : Recueil d’éléments du 10ème RAD et du 117ème RI.
    A 21 heures, l’abbé Sérouet, qui sert d’aumônier au G.R., conduit au cimetière le corps du cavalier Paul Robert, tué le matin ; l’escadron motorisé rend les honneurs. Ce 5 juin, le G.R.D. n’a que 2 tués (1), mais les blessés sont nombreux, et plusieurs sont gravement atteints.
    La nuit est venue. Plusieurs engins blindés sont tapis dans un petit bois, à 700 ou 800 mètres à l’est, dans la direction de Chaulnes.
    Les heures s’écoulent dans le calme ; vers minuit, des avions ennemis lancent des fusées, et jettent quelques bombes sur le village. »


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  • Les 1°, 2° et 3° Bataillons du 22° Etranger qui défendaient Fresnes, Mézancourt, Marchelepot et Misery n'existent plus au soir du 6 juin 1940.

    La bataille à fait rage, il y eu beaucoup de mort et de blessés malgré une défense acharnée.

    La 19° D.I se trouve désormais amputée de deux régiments, seuls le 21° G.R.D.I et le 41° RI combattront encore . . . 


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  • Le monument aux morts de Soyécourt
    Lieu du souvenir des héros du village

    Le monument aux morts de Soyécourt a été érigé dans les années 20 par souscription publique et à l’aide de dons de Jersey de Chatellerault et des familles des soldats tombés sur son sol.

    Voici les inscriptions relatant la mémoire du village envers ses héros morts pour la France.

    Régiments des soldats tombés sur le sol de Soyécourt pendant la guerre 1914-1918 : 17-18-34-47-49-54-81-109-124-138-149-158-164-168-205-208-213-218-219-239-269-273-276-364-408 et 409ème RI

    Habitants de Soyécourt tués aux cours de la première guerre mondiale

    Militaires
     Basset Richard
     Boitel Vincent
     Desmarquay Gontran
     Duquesne Alphonse
     Fontaine Georges
     Lupard Narcisse
     Moilet Emile
     Persent Gratien
     Poussin Elie

    Victimes civiles
     Boitel René
     Houssard Elie
     Bazin Berthe
     Boulanger Alina
     Eteve Florentine
     Gosset Octavie

    Régiment des soldats tombés sur le sol de Soyécourt pendant la guerre 1939-1945 : 41ème RI

    Habitants de Soyécourt tués aux cours de la deuxième guerre mondiale

    Militaires
     Dournel Jean
     Maille Joseph
     Persent Adrien

    Victimes civiles
     Boitel Hernest


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  • De Chaulnes où se trouve l'I. D., on ne répond plus aux appels du 41° R. 1. Vers 8 h 30, ce sera fini.

    La nuit a été marquée par le bombardement des P. A.

    Chaulnes en, particulier est soumis à un bombardement intensif par avions, qui détruit de nombreux immeubles, notamment le bureau de la Poste (en face du P. C. établi dans la maison du notaire) où se trouvait le central des transmissions.

    Du côté ennemi, la nuit paraît être marquée par le ravitaillement des chars, qui signalent leur présence par
    des fusées.

    De notre côté, au petit jour, les Capitaines Berthelot et Cazeau apportent toute leur activité à unifier et coordonner les mesures de défense prises à l'intérieur du centre de résistance.
    Le 6 juin, au jour, l'ennemi continue son travail de réduction des points d'appui, par des attaques d'infanterie et chars, avec effort sur l'axe Pressoir-Chaulnes-Roye.

    Au P. C. de l'I. D., les communications ne fonctionnent plus avec la D.I.

    Avec les Régiments, elles se limitent au 22° R. V. E. qui répond seul aux appels.

    Pressoir, P. C. du 117° R. I., tombe aux mains de l'ennemi à 5 h 30 (plutôt 6 h 30 - voir ce que j'ai écrit précédemment).

    L'effort de l'adversaire se porte alors sur Chaulnes.

    Des chars ennemis, suivis d'infanterie, pénètrent dans la partie nord de cette localité et attaquent au canon les immeubles occupés par les pionniers et les éléments du C. 1. D., qui défendent les barricades du P. A. formant réduit.

    Un duel s'engage entre les chars et les pièces de 47.

    A 7 h 30, le Commandant de la B. D. A. C. rend compte qu'il n'a plus aucune pièce en état de tirer.

    A 8 heures, se présente au P. C. de l'infanterie divisionnaire un officier allemand qui demande
    au colonel Paillas de faire cesser le feu pour éviter une effusion de sang inutile.

    Cet Officier venait du P. C. du général allemand déjà installé dans la mairie, sur la place de l'église (témoignage du capitaine Berthelot).
    Il était sans arme et en bonnet de police, accompagné du Commandant de la B. D. A. C. Il demanda très correctement au Colonel français de le recevoir. Il fit valoir, en faveur de la reddition immédiate, que la garnison s'était très bien battue; nos équipes antichars étaient maintenant hors de combat; nous étions attaqués dans la région de Chaulnes par 3 divisions, et complètement bloqués par les chars; toute résistance était actuellement vaine, et ne pourrait que causer des victimes inutiles; la ville serait écrasée
    en 1h 30 si l'on ne se rendait pas.

    Le colonel Paillas refusa et le combat continua.

    Des fantassins ennemis, bientôt suivis par un char, pénètrent dans la rue principale, et les défenseurs refluent vers le P. C. de l'I. D. qui tombe aux mains de l'ennemi vers 8 h 30.

    II faut signaler une perte douloureuse, en ce matin du 6 juin.

    Le lieutenant Percerou, professeur agrégé à la Faculté de Droit de Rennes, est frappé mortellement en servant une mitrailleuse. Percerou était adjoint au colonel Javourey, du 210° R. A. L. D.; il mourut le lendemain à Saint-Quentin.

    Le colonel Paillas loue et admire son grand courage.

    Après la reddition de Chaulnes (après 8 heures du matin par conséquent), un Général de la 1° Panzerdivision s'arrêta à Chaulnes et fit venir le colonel Paillas. Le Général posa au Colonel quelques questions: mais celui-ci répliqua en allemand qu'étant soldat, il n'avait pas à répondre et
    tourna les talons.

    Il y avait à ce moment là 800 prisonniers environ, sur la place. Pendant l'arrêt du Général, on les obligea à se coucher tous sur le sol. On craignait sans doute qu'ils ne tirassent sur lui!

    Les officiers prisonniers ne furent pas interrogés.

    Jusqu'au matin du 3 juin, le P. C. de la D. I. avait été
    installé à Chaulnes; il fut transféré ce jour là à Rouvroy.

    Heureusement, car il eût été pris, et nous eussions été sans commandement ! Par la radio, nous restions en communication avec le général Lenclud.

    Ainsi, en ce matin du 6 juin, notre situation devient tragique:
    la ligne de résistance que constituait la division a été rompue au centre, parce que l'ennemi a fait porter sur ce point l'effort d'un millier de chars; les deux extrémités demeurent; celle de gauche (41°) n'est pas encore enveloppée par l'ouest à cause de sa liaison avec la 7° D. I. N. A.; mais celle de droite (22° Étranger) ne s'appuie plus sur rien, et si l'on regarde le plan, l'on voit que les routes vers l'arrière lui
    sont fermées, par où pourrait lui venir le ravitaillement en vivres et en munitions. Je ne dis pas les renforts, car il n'y a pas de troupes derrière nous! Et si nous n'avions pas tenu hier, ce matin les auto-mitrailleuses ennemies eussent pu se présenter devant Compiègne, ou se répandre sur les arrières des divisions qui combattent encore sur l'Aisne.

    Si l'on y songe, on appréciera mieux le sacrifice accepté par les restes de la 19° Division et sa lutte courageuse.

    Aujourd'hui 6 juin, l'Allemand va pouvoir utiliser ses chars contre le 22° Étranger; il se réserve d'achever demain le 41° R. I.

    Pour le 22° Étranger, il n'y a plus qu'à combattre jusqu'à l'épuisement total des munitions (il n'y en a presque plus); jusqu'à la mort, obéissant ainsi à la terrible consigne donnée par le général Weygand. 

    L'encerclement est complet . . . 


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  • Depuis hier, nos camarades du 117° R. I., à Pressoir, sont complètement entourés. De Vermandovillers, nous assistons à la fin du combat, dans l'incendie.

    De bonne heure, quelques coups de feu rappellent que l'ennemi est aux lisières du point d'appui. Très vite, la cadence du tir s'accélère, pour devenir endiablée. Les chars et les mitrailleuses allemandes tirent de tous les côtés, de plein fouet, car il y en a partout.

    Un obus de 77 tue le guetteur, dans une maison où se tenait le P. Le Maux.

    Une tranchée-abri avait été creusée à proximité du P. C. Le personnel y descend avec le Lieutenant-colonel, Mais ils étaient là comme dans une souricière dont ils ne pourront plus sortir. Car cette tranchée est maintenant couverte par une nappe de balles de mitraillettes dont on ne saurait voir les tireurs.

    La situation s'aggrave à 6 heures. A ce moment en effet, un projectile incendiaire met le feu à l'extrémité de la grange où sont à l'abri les chenillettes, les munitions, le camion chargé d'essence. Tout ne va pas tarder à sauter, avec les hommes qui sont autour de ce matériel explosible.

    Pendant quelques minutes encore l'ennemi continue de tirer, en se rapprochant. Enfin le feu cesse. Un officier allemand surgit de derrière la haie voisine.

    Il n'y a plus de 117°. . . !!!  Il est 6 h 30

    Officiers et soldats sont rassemblés et conduits à Péronne.

    Quelques hommes, légèrement blessés, doivent marcher d'abord, et bientôt, dans leur épuisement, s'arrêter.

    Le P. Le Maux obtient qu'ils attendent l'arrivée d'une ambulance qui les conduise dans les hôpitaux. Deux blessés graves et l'aumônier trouvent place dans la voiture d'un médecin allemand.

    Le P.Le Maux passera une huitaine de jours à Saint-Quentin. Les blessés y affluèrent très nombreux, surtout au début. Un jour, il en arriva 1060. Une trentaine de médecins ne suffisaient pas à la besogne des opérations et des pansements urgents, malgré l'aide du personnel infirmier . . . 

    Au moment où disparaissait le 117°, un petit groupe d'hommes conduit par l'adjudant Chantrel, le sergent
    observateur Fouqueray (prêtre) et le sergent Biziou (séminariste), échappe à l'ennemi, et se replie sur un petit bois, derrière Pressoir.

    Ils y tiennent encore un peu de temps. Mais ils se rendent compte que tout est fini; une partie du groupe décide de partir. Biziou refuse et reste dans le bois avec l'adjudant et quelques hommes. Ils s'y défendent.

    Le sergent Fouqueray et Jacques Monthion s'en vont, sous les balles des chars. Mais n'étant pas. d'accord sur la route à suivre, ils se séparent. Monthion arrive le soir du 6 juin à Méharicourt, et rejoint la C. H. R. du 117°, demeurée libre. Fouqueray, après bien des péripéties, traverse les lignes allemandes, arrive au Mans, et un peu plus tard retrouve les restes de la 19° Division.

    L'adjudant Chantrel fut capturé par les Allemands. On ignorait ce qu'était devenu Biziou. On sait maintenant qu'il a été tué, seul, dans un champ, à Maucourt, à 1 kilomètre de Méharicourt. Enterré d'abord sur place, son corps a, depuis, été porté au cimetière de Maucourt . . .


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  • Chaulnes

    Dans la petite ville de Chaulnes, en grande partie reconstruite après la guerre 1914 - 1918, étaient installés :
    l'Etat-Major du colonel Paillas, commandant l'Infanterie Divisionnaire;
    le P. C. du 10° R. A. D.;
    le P. C. du 210° R. A. L. D.
    Des éléments peu nombreux et peu armés en constituaient la garnison :
    - 200 hommes du Centre d'Instruction divisionnaire;
    quelques uns n'avaient pas de fusil; lès armes automatiques se composaient de 3 F. M. et 2 mitrailleuses;
    - 1 Compagnie de pionniers arrivée dans la nuit, démunie d'armes automatiques;
    - un groupe d'hommes du 6° et du 8° Génie;
    - un faible détachement du Train;
    - quelques hommes du 22° Étranger, pour les services.
    II n'y avait ni 75, ni 155; il existait seulement 2 canons de 47 de la B. D. A. C. (capitaine Constant) et la 4° Section de C. D. A. C. (canons de 2.5) avec le capitaine Buant.

    Seule était occupée et défendue la partie sud-ouest de Chaulnes, en raison du petit nombre des hommes.
    Dans la journée du 5 juin, des artilleurs qui avaient perdu leurs pièces, dans l'attaque, viendront se réfugier à Chaulnes.

    L'abbé Yves Legrand, sapeur radio, du service des transmissions de Chaulnes, mentionne quelques faits pour les jours qui précèdent l'attaque sur Chaulnes.
    Depuis quelques jours les avions de reconnaissance ennemis viennent prendre des photographies: Aucun avion ne les chasse. Toutes les deux heures, les appareils allemands passent au-dessus de nous pour aller bombarder nos arrières, mitrailler les routes, et les trains de ravitaillement; mais ils ne lancent rien sur nous.

    Toutes les nuits, un certain nombre de circuits téléphoniques sont coupés, probablement par des animaux errants.

    Le 3 juin et le 4 juin, on semble s'attendre à une attaque; on nous fait quitter les maisons et nous rassembler tous dans la grande rue de Chaulnes, qui aboutit à la gare.
    Nous fabriquons des murailles de fortune que nous appelons « barrages antichars », Le 6° Génie pose quelques mines.

    Le soir du 4 juin, à 22 heures, Legrand note un gros bombardement, auquel ripostent vigoureusement nos batteries de 75 et de 155.

    Pendant la nuit du 4 juin au 5 juin, me dit le lieutenant Carmichaël (du 41° R. I officier de liaison à l'I. D.), on perçoit le bruit de chars en marche. Avant même le déclenchement de l'attaque, ils seraient donc venus entre les points d'appui, et auraient gagné déjà les arrières de la D. I. Il n'y a donc pas lieu de supposer que des engins blindés seraient passés par Ham et Nesles.

    Citons maintenant le compte rendu du colonel Paillas:
    « A 0 h 30, la D. I. fait connaître l'imminence de l'attaque.
    Peu après, quelques tirs d'arrêt sont déclenchés par les fusées qui sont ultérieurement identifiées comme lancées par l'ennemi.
    A 3 h 45, l'ennemi déclenche un très violent tir d'artillerie sur tout le front, et procède au bombardement aérien des points d'appui, dont celui de Chaulnes.
    Vers 4 heures, les P. C. des Régiments signalent une attaque plus particulièrement violente dans le sous-secteur du 117° R. I, où le terrain est plus perméable aux chars.
    Dès 4 h 15, plusieurs Compagnies de chars débordent Belloy et Estrées-Deniécourt. 140 chars environ pour la colonne Ouest d'Estrées, 200 pour la colonne Est. Vers 4 h 30, elles sont aux environs de Pressoir. A 5 heures, elles débordent Chaulnes à l'Est et à l'Ouest.

    Certains éléments encerclent nos points d'appui, d'autres continuent à progresser en direction du sud.

    Vers 5 heures, les communications téléphoniques de Chaulnes sont coupées avec l'extérieur. Auparavant, le Commandant de l'I.D a pu téléphoner avec l'E. M. de la 19°, et également avec le Général commandant la 29°, pour les mettre au courant de la situation. Quelques essais de chars ennemis d'aborder les lisières de Chaulnes en particulier au sud, sont repoussés par les canons de la B. D. A. C., et les chars vont s'embosser dans des zones défilées, à proximité.

    Vers 6 heures, le Commandant de l'I. D. profitant d'une accalmie, prescrit aux officiers de liaison avec les
    régiments, de se rendre au P. C. de ceux-ci pour rapporter des renseignements précis sur la situation.
    La liaison avec le 22° R. M. V. E. est réalisée, malgré les difficultés rencontrées, par le lieutenant Guichemer. Au retour de Marchelepot, le chemin d'aller est coupé par une formation de chars. Guichemer rejoint le P. C. de l'I. D. par un itinéraire détourné. A sa rentrée à Chaulnes il participe au sauvetage de soldats blessés, dans une camionnette en feu, bien que la rue fût prise d'enfilade par un char ennemi.

    La liaison avec le 117° R. I. ne peut être effectuée.
    L'officier (lieutenant Nail) est blessé mortellement à la sortie nord de Chaulnes, alors qu'il cherchait à se rendre en side à Pressoir, P.C. de son régiment.

    De même pour le 41° R. I, Carmichaël est arrêté à 1 kilomètre au nord de Chaulnes par 3 chars. Il doit rentrer sans pouvoir aller plus loin.

    Le capitaine Buant de la C. D. A. C. va inspecter sa section de Hyencourt-le-Grand, et pousse jusqu'à Pertain pour établir la liaison avec le Colonel commandant le 112° R. I. de la 29° D. I. Il exécute sa mission, mais au retour son motocycliste est tué aux lisières de Chaulnes par une mitrailleuse de chars.

    Vers 9 heures, les blindés allemands viennent se poster au carrefour des routes de Lihons et Vermandovillers à l'entrée Ouest de Chaulnes.

    Vers 9 heures encore, des chars venant du sud, prirent position du côté de la gare; d'autres vinrent de l'est. Ainsi l'ennemi, par des mouvements d'infiltration, se rabattait sur nos arrières.

    Il n'y eut pas attaque proprement dite par les chars, mais encerclement.

    Des chars allemands se trouvaient également dans le bois, entre Chaulnes et Lihons; ce qui confirme les notes que l'on vient de lire sur Lihons.

    Quelques chars furent démolis, dont 2 dans Chaulnes, par un canon de 47; mais ce canon fut, à son tour, détruit.

    Les Allemands, au dire de Carmichaël, n'avaient pas attaché de prisonniers à la tourelle de leurs engins, mais sûrement, ils faisaient marcher des prisonniers devant leurs chars, pour protéger leur avance; à l'arrêt, toujours pour se mettre à l'abri de nos coups, ils plaçaient autour d'eux un cordon de prisonniers, qu'ils étaient censés garder!

    C'est dans ces circonstances que fut tué le capitaine Albrech, de la 19/1 du 6° Génie. Il avait aperçu à peu
    de distance un char allemand endommagé, dont l'équipage était descendu. Héroïquement il se dirigea vers lui, armé d'un mousqueton, et muni d'un pétard, avec l'intention de prendre l'équipage et de faire sauter le char. Il fut malheureusement tué.

    Tous les renseignements reçus indiquent que les points d'appui tiennent; qu'il y a deux courants principaux d'infiltration des chars à l'Est et à l'Ouest de Ablaincourt-Pressoir et de Chaulnes, et que l'artillerie et la défense contre les blindés leur ont infligé des pertes sévères.

    Le résumé, que l'on trouvera à la fin de mon récit, du livre du capitaine allemand Freiherr Von Jungenfeld,
    démontre l'exactitude du rapport de l'I. D. que je citerai;
    Par contre, quelques batteries d'artillerie d'appui direct dans les sous-secteurs du 22° Étranger et du 117° R. 1. ont subi des pertes et ont laissé des prisonniers entre les mains de l'ennemi.
    Le personnel des 34° et 36° batteries du 187° R. A.
    Lourde Tractée, en position à l'Ouest de Chaulnes, se replie sur cette localité.

    Les renseignements reçus sont transmis par radio à la D.I. Un essai de liaison par officier avec la D.I. ne
    peut réussir, les issues étant barrées par des chars.

    Pour effectuer un ravitaillement en munitions, l'officier de liaison du 41° (lieutenant Carmichaël) essaie une deuxième fois d'atteindre Lihons, où se trouvent les services du 41°; mais il échoue dans sa tentative et doit rebrousser chemin devant les chars. L'encerclement est complet.

    Un détail est à ajouter ici, il m'est donné par L'abbé Yves Legrand:
    De 10 heures à 12 heures, les chars allemands tirent sur les maisons. Nous sommes obligés de descendre dans les caves, et de nous y installer avec nos appareils de T. S. F.
    Dehors c'est intenable. La mitraille tombe de partout ( avions, artillerie,chars )
    Le compte rendu du colonel Paillas continue:
    Vers 13 heures, une modification paraît survenir dans la situation générale. Les observateurs de l'I. D. signalent du clocher de Chaulnes, un mouvement de repli des chars venant du sud. Ces chars, au nombre d'une vingtaine remontent vers le nord, en direction de Chaulnes, puis se divisent en deux groupes, dont l'un, obliquant vers l'Est, échappe aux vues, et l'autre qui se dirige vers l'Ouest, est pris à partie
    par le canons de 47 de Chaulnes et des batteries d'artillerie situées dans la zone de la 19° D.I.
    5 chars prennent feu, les autres se dirigent vers Pertain.

    Le capitaine Freiherr Von Jungenfeld confirme ce renseignement; il dit en effet :
    Avant midi, un certain nombre de ses chars sont en feu ou détruits. Les Français dirigent sur les blindés allemands un tir très précis et très efficace. Les munitions des chars se font rares; les morts et les blessés sont nombreux. II redoute une contre-attaque des chars français, car l'infanterie allemande n'a pas pu avancer. Elle est bloquée par l'infanterie française.

    L'artillerie française, dit-il, tire sur eux de plein fouet et de tous les côtés, spécialement de Ablaincourt et de Chaulnes.

    A midi, « nous décidons d'attaquer derrière nous pour détruire des éléments antichars ».
    Deux nouveaux chars prennent feu. La lutte est serrée; les divisions blindées ont peu avancé. Nous avons de grosses pertes.

    Arrêt du combat de notre côté. On trouvera plus loin tout le chapitre du Freiherr Von Jungenfeld.
    Vers 14 heures, le Commandant de l'I. D. adresse un message à la. D. I. pour lui signaler que les points d'appui bien qu'encerclés tiennent, et que de lourdes pertes sont infligées aux chars ennemis, et qu'il y aurait intérêt à déclencher une contre-attaque avec nos chars. Il convient de noter que cette éventualité était redoutée à la même heure par le capitaine Freiherr Von Jungenfeld.

    Elle ne se produisit malheureusement pas.

    Les messages des Régiments ne signalent pas de modifications dans la situation, et se bornent a des demandes de ravitaillement en munitions. Toutefois, vers 15 heures, un message du 117° R. I. signale la mise en batterie d artillerie ennemie vers la butte Est d'Ablaincourt. Une demande de tir est adressée par l'I. D. au Commandant du 210° R. A. L. D. qui fait exécuter un tir par son 5° Groupe.
    A partir de ce moment, Chaulnes est soumis à des tirs intermittents d'artillerie.

    Vers 16 heures l'I. D. reçoit de la D. I. le message suivant; « Vous félicite, suis de coeur avec vous » et à 19 h 15 l'ordre suivant; « Tenir coûte que coûte sur place ». Les messages sont transmis aux régiments ainsi que le message lesté jeté par un avion vers 19 h 30 et ainsi conçu; « Tenez bon, nous arrivons ».
    Mais entre temps, l'ennemi a lancé de nouvelles vagues de chars et a entrepris la réduction des P. A. encercles. »
    Notons que la capitaine Freiherr Von Jungenfeld dont les chars étaient vers 16 h 30 dans la région de Chaulnes-Omiécourt, dit avoir essuyé un tir épouvantable de 75, et subi de grosses pertes. Sa situation était très critique.
    Arrivée des avions français. Grâce à la maladresse des bombardiers, nous n'avons guère de pertes. Une pluie de grenades s'abat sur nous. 

    Le compte rendu du colonel Paillas continue:
    A la tombée de la nuit, la situation est la suivante: A droite au 22° R. V. E. perte des boqueteaux de la
    première ligne; mais les localités de Fresnes-Mazancourt, Misery, et plus en arrière Marchelepot tiennent toujours.
    Au centre Sous-secteur du 117° R. I. par des attaques d'infanterie et de chars, l'ennemi a enlevé successivement Belloy vers 14 heures; Estrées 16 h 30; Berny 17h 00; Ablaincourt 19 heures; Deniécourt 21 h 30. Le P. A. de Pressoir avec le P. C. du Régiment continue seul à tenir.
    A gauche Sous-secteur du 41° attaques d'infanterie non appuyées par chars. Positions maintenues intégralement.

    Pour cette journée du 5 juin à Chaulnes, je rapporte quelques remarques de l'abbé Legrand :
    Vers 7 heures, on était venu nous dire que les Allemands étaient déjà à 20 kilomètres au sud et qu'il fallait se rendre.
    Mais les soldats du 22° Etranger nous disent: l'infanterie
    française tient et il ne faut pas se dégonfler. Il ne faut pas se rendre.

    Vers 2 heures de l'après-midi, le lieutenant Percerou (du 2I0° R. A. D. qui fut tué le lendemain matin) arrive et déclare: « L'infanterie allemande est en vue. Il faut rassembler vos, munitions et venir vous défendre aux barrages antichars. .

    La nuit du 5 juin au 6 juin le pilonnage d'aviation est terrible. . .


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  • Fouquescourt est à l'est de Rouvroy, à 2 ou 3 kilomètres en direction de Nesles.

    Depuis le 29 mai, la Compagnie télégraphique, la Compagnie hippomobile, la Compagnie Radio de la Division y sont installées. Le 1° juin, on y a construit des barrages; on a percé des meurtrières dans les murs ,du village pour s'y défendre. Le 2 juin, on a confectionné et essayé des bouteilles d'essence antichars.

    Le 5 juin, à 0 h 15, la Compagnie Radio est avisée que l'attaque allemande prévue est imminente. Elle prend les dispositions de combat.

    A 3 h 30, les localités environnantes Chilly, Hallu, Maucourt, Chaulnes sont bombardées.

    L'aviation ennemie survole continuellement Fouquescourt.

    Par radio, on apprend qu'une importante colonne blindée se dirige sur Fransart, au sud de Fouquescourt, sur la grande route de Roye. On passe maintenant les télégrammes en clair pour aller plus Vite.

    Un poste de guet est installé dans le clocher; on le relie par une ligne téléphonique avec le P. C. du capitaine Levy.

    Plusieurs chars sont signalés en route pour Fouquescourt.

    Un sergent a une idée ingénieuse: il relie quelques bidons vides d'essence avec du fil téléphonique de campagne; il les installe devant la barricade, et avec ces engins barre les rues.

    A 8 h 20 des autos blindées précédant les chars, se présentent, mais s'arrêtent, inquiètes devant ces mines d'un genre nouveau. Elles n'osent passer ce barrage, et se contentent de tirer sur tout ce qu'elles voient, soldats ou voitures.

    Elles entrent dans quelques cours de fermes, mitraillent et rendent inutilisables les voitures. Leur tir prend les rues d'enfilade; l'adjudant de la Compagnie Radio s'en va faire une reconnaissance, mais il n'a
    vu un char, ou une auto blindée derrière lui qui envoie plusieures rafales, et lui brise la cuisse droite.

    Un char ennemi, en panne au bout du village, est tenu en respect par une vieille mitrailleuse (qui s'enraye souvent), si bien que le conducteur du char ne pouvait descendre pour le réparer.

    A 19 heures arrive un télégramme qui prescrit de tenir coûte que coûte, dans Fouquescourt.
    Mais à 20 heures, le capitaine Lévy revient de la Compagnie télégraphie, en apportant un ordre de repli sur Guerbigny.

    Parmi les soldats les uns se réjouissent; mais les autres voient et font remarquer « que l'on recule ».
    Comment expliquer ce changement subit d'ordre! Le sergent Collin, qui était au bureau de la Compagnie
    Radio, l'expliquerait ainsi: Après le télégramme de 19 heures, les 3 Capitaines (de la 204 R, 204 T, et Compagnie hippomobile) se seraient réunis, auraient délibéré sur la situation difficile. Car, dit
    un autre témoin, une estafette de la Compagnie Radio aurait averti, dans la soirée, du retour des chars ennemis qui, dans la journée, s'étaient approchés de Fouquescourt et l'avaient attaqué.
    Les Commandants de Compagnies se seraient jugés menacés d'encerclement, repérés par l'avion d'observation allemand (qui, de fait, était descendu très bas sur le village) et sur le point d'être attaqués sans pouvoir se défendre efficacement.

    Ils auraient donc exposé, par téléphone, la situation à la Division. D'où ce télégramme de 20 heures qui modifiait l'ordre antérieur et assignait un autre lieu de cantonnement.

    Un départ, sans ordre de la Division, aurait, dit toujours Collin, rompu la liaison avec celle-ci, et jamais le capitaine Lévy ne s'y serait résolu.

    Les 3 Capitaines firent donc partir leurs Compagnies. Les voitures quittèrent Fouquescourt, une par une, pour se former en convoi à 3 kilomètres au Sud, et de là filer sur Guerbigny.

    L'E. R. 26 ter, qui se trouvait avec le G. R. D. 21 marcha très bien, et se replia toujours avec cette unité.

    Les postes détachés dans les divers P. C. de la 19° D. I. s'éteignirent l'un après l'autre dans les journées du 5 juin et du 6 juin.

    Le sergent Collin note : « C'était triste d'appeler ainsi un poste qui ne répondait plus. Anxieusement on s'interrogeait: Un tel répond-il encore! »

    Le 6 juin, la Compagnie Radio demeura à Guerbigny . . . 


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  • Méharicourt est situé entre Lihons et Rouvroy, à 3 kilomètres au sud de Lihons, sur la route qui va de Ham à Rosières, en passant par Nesles, Puzeaux, Hallu.

    On n'y avait pas installé de point d'appui. Seuls l'occupaient la C. H. R. du 117° , les services du 210° R. A. L. D. (de la 19 D. I) et peut-être ceux du 304° Régiment d'artillerie portée venu en renfort de notre Division.

    Dès le matin du 5 juin, le lieutenant Menigoz, qui commandait une centaine d'hommes de la C. H.R. du 117° (le reste avait été réparti dans les bataillons comme spécialistes, brancardiers, etc ... ) cesse d'être en liaison avec le P. C. R. I, déjà encerclé.

    Vers 6 heures et 9 heures, les avions allemands bombardent Méharicourt.

    Vers 10 heures, on voit des chars ennemis évoluer sur le terrain d'aviation laissé par les Anglais, entre Lihons et Méharicourt; deux de ces chars se présentent à 200 mètres, sans entrer. AuI dire de Guilloineau (sergent de la C. H R. du 117° ) , des artilleurs faits prisonniers furent embarqués dans les chars.

    Dans la matinée encore, les engins blindés arrêtent et capturent un détachement de permissionnaires de notre G. R. D. 21, qui rejoignaient leur unité, à moins d'un kilomètre de Méharicourt.

    Vers 17 heures, les champs autour du village se remplissent de fuyards de l'artillerie; ils s'en vont vers l'arrière disant qu'ils n'ont plus de pièces et que les chars les ont écrasées, en passant, littéralement par-dessus.

    Le lieutenant Menigoz s'inquiétait de la situation; d'accord avec le lieutenant Bécan, du 210° R. A. L. D. qui commandait le G. R. (convoi de Ravitaillement) d'un groupe de ce Régiment, il envoie dans l'après-midi un officier du 210° R. A. L. D. à la D. I pour rendre compte et provoquer des ordres. Il lui est prescrit de résister sur place. On achève donc de préparer la défense du village, et quelques mines dont on disposait sont mises en place.

    De temps en temps, les occupants de Méharicourt sont bombardés et mitraillés. La riposte n'était possible qu'avec de faibles moyens; les fusils, 2 F. M. qui se trouvaient à la C. H. R, par mégarde; les F. M. 15 des artilleurs et 1 mitrailleuse Saint-Étienne.

    Un avion, après avoir survolé Méharicourt, prend feu et s'abat du côté de Vrély.

    Vers 21 heures, le Lieutenant du 210° reçoit un ordre de repli et évacue le village.

    La Division, informée, prescrit aux fantassins de suivre les artilleurs, et après une courte halte à Rouvroy, tous arrivent à Guerbigny; leur nombre s'était accru dans là soirée du 5 juin, et au cours de la nuit, des rescapés du 117° R. I ; cuisiniers, employés divers.

    Des artilleurs affirment avoir vu le matin du 6 juin, quatre chars allemands sauter sur les mines de Méharicourt.

    On voit par ces faits que les engins blindés étaient maîtres de la région autour de Méharicourt. Déjà, en effet, dans la soirée du 5 juin, ils avaient occupé Hallu et Chilly, au sud de Chaulnes, et dès le matin menacé Fouquescourt plus bas encore; ces engins étaient passés, très tôt, entre les points
    d'appui, de telle sorte que les arrières de la division furent envahis de fort bonne heure . . .


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  • Les Compagnies du 3° Bataillon (capitaine de Franclieu) étaient dans les bois, autour de Misery; le P. C. occupait le village.

    Pendant cette journée du 5 juin, les Compagnies doivent quitter le bois pour se concentrer dans le village et le défendre, maison par maison.

    Quand s'achève la journée du 5 juin , le 22° Étranger conserve presque toutes ses positions, hormis la première ligne des boqueteaux au nord de Fresnes et Misery. Il continue de couvrir à I'ouest la 29° Division. Mais il est pratiquement encerclé, car les engins blindés ennemis ont submergé le 117° presque tout entier, envahi les arrières de la 19° Division, qui tiennent cependant, pénétré dans le secteur de
    la 29° Division au sud, puisque dès le matin du 5 le P. C. du 112° R.I., à Pertain, est déjà investi. Les 2 Panzerdivisions sont descendues jusqu'à Chaulnes et Méharicourt, dont elles ne peuvent s'emparer; mais qu'elles débordent, Chilly et Hallu, et plus loin Fouquescourt.

    On voit donc que M. Henry Bidou a écrit trop tôt, et sur des documents incomplets, son livre : « La Bataille de France, (Genève, éd. du Monde, 1941.) Il est souhaitable que dans une réédition ou des travaux postérieurs, il indique plus exactement les positions respectives des 19° et 29° Divisions.

    Car il ne paraît pas vrai que « le gros de l'attaque avec chars, aviation, infanterie portée, artillerie, était devant la gauche française sur le front du 112°, (Henry Bidou, page 166) Mon récit très précis le démontre suffisamment.

    D'ailleurs la gauche française, dans la bataille du 5 juin, était à proximité d'Amiens, et la zone occupée par la 29° Division était moins favorable à l'évolution des chars, sur le front Nord; le front Est était couvert par la Somme et le canal latéral (1). Presque tout l'effort des divisions cuirassées ennemies a porté sur le 117° d'Infanterie.

    Il reste que, le soir du 5 juin, la situation est très grave; il n'y a pas de secours à attendre, parce qu'il n'y a pas de réserves derrière nous, et que la 29° Division est déjà tournée dans son secteur d'Omiécourt, Pertain - Licourt, où elle tiendra encore pendant une quinzaine d'heures.

    Nous achèverons de nous rendre compte de l'ampleur de la force, de la violence de I'attaque allemande, en notant les événements qui remplissent la journée du 5 juin pour les éléments cantonnés à Méharicourt et Fouquescourt.


    (1) Il importe de faire remarquer que la limite entre la 19° D. I. et la 29° D.I.
    (général Cérodtas) était constituée par la voie ferrée de Chaulnes à Péronne qui coupe obliquement la plaine du Santerre. Toutefois, pour des raisons de communication avec l'avant, la 19° avait conservé Marchelepot (P. C. du 22° R. V. E.) et la partie ouest de Misery (P. C. du III/22°). Il en résulte que vers le nord la 29° D.I tenait un front étroit, et qu'avant de l'atteindre, les divisions allemandes à l'ouest,
    et particulièrement au nord, devaient se heurter à la 19° Division.


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    La Défense de fresnes - Mézancourt

    Fresnes est sans doute le plus pittoresque des villages où nous avons livré bataille, et l'un des plus charmants de cette zone. L'église domine, à l'ouest, la dépression profonde de 10 mètres, formée par les carrières. Elle était la plus jolie de toutes celles qui, dans les années d'après-guerre, ont été construites dans la Somme. Faite de belle pierre (ce qui est exceptionnel dans la région), elle comportait une seule
    nef, de style roman, terminée par un beau sanctuaire en cul-de-four. La flèche s'élevait à gauche de la façade; à droite, séparée du porche, on remarque une élégante lanterne des morts. Cette église est presque entièrement détruite; le mur du côté nord est écroulé; la voûte est tombée. La flèche, percée par les obus; monte encore, comme une pointe de dentelle, au-dessus de la vaIlée. Les oiseaux, les
    pigeons, comme dans toutes les églises de notre secteur, ont pris possession des ruines. Quand on y pénètre, on entend un bruissement d'ailes qui fuient.

    A droite,en direction de Villers-Carbonnel, et au sud en direction de Marchelepot, c'est la plaine.
    A gauche, vers l'ouest, le terrain monte en pente douce vers Berny. Deux chemins, bien encaissés, par endroits bordés d'arbres et de buissons, descendent de ce village et fournissent un cheminement qui permet une approche dissimulée et facile.

    Des boqueteaux parsèment la plaine, autour de Fresnes. Il faut citer notamment, au nord et à l'est du cimetière, à 400 mètres des dernières demeures, le bois du Crapaud et le bois des Cliquets.

    En direction de la route d'Amiens, distante d'un kilomètre, la batterie du lieutenant Durosoy, du 10° R. A. D.
    avait un bon champ de tir. Quand je visitai Fresnes, au début de juillet 41, il y avait relativement peu de destructions, en dehors de l'église et de la ferme du château. Les maisons alentour portaient surtout
    la marque des balles et des obus.

    Tel est le cadre dans lequel se déroule l'action des 1° et 2° Bataillons du 22° Étranger.

    A 4 heures du matin, un tir violent de l'artillerie allemande pilonne toutes ses positions, particulièrement les
    boqueteaux et les maisons. Le poste de secours est bombardé sans arrêt; c'était aussi le P. C. du Bataillon; sur la maison où se tient le P. Le Pape et ses alentours tombe une vingtaine d'obus. Ce tir intense dure jusqu'à 11 heures; il continue ensuite, mais avec des pauses, jusqu'à 17 heures, pour reprendre avec plus d'intensité jusqu'à 19 heures.

    Notre artillerie réagit pendant quelque temps sur les pièces allemandes; mais plusieurs batteries sont réduites au silence, peu d'heures après, par les chars.

    A 5 heures, il y a deux blessés graves à la 2° section de la batterie Durosoy; le lieutenant Artigaux et le servant Bedfert. Cette section était en position dans une ferme, au nord-est à la lisière de Fresnes. Déjà une vingtaine de chevaux étaient tués ou blessés. Le soir, il n'en restera plus.

    Dans le bas-fond de Berny, la section de la C. A. 1 voit ses 4 mitrailleuses démolies; néanmoins, le lieutenant Janel, avec sa première Compagnie, y tiendra toute la journée et ne se repliera que le soir, à 22 heures, ramenant 20 hommes.

    Un peu au nord de Fresnes, à 400 ou 500 mètres, dans le bois du Crapaud, Un groupe demeure ferme; il est composé d'une petite section de fantassins et d'une section de mitrailleuses.

    Sur tout le front du 22°, l'infanterie ennemie se porte à l'attaque. Par Berny, elle s'infiltre sur les arrières de la 1° Compagnie, qui résiste, mais perd beaucoup de monde.

    Les Allemands font malheureusement des prisonniers, puisque dans l'après-midi, à 16 h 30, le médecin lieutenant Villey en verra passer une colonne, avec deux officiers, dans Berny. Ceux-là peut-être auxquels fait allusion le capitaine de chars Freiherr Von Jungenfeld, quand il note dans son livre: « Ainsi combattaient les chars » qu'entre 12 heures et 16 h 30 sa Compagnie capture 120 prisonniers
    d'un Régiment Etranger.

    Vers 7 heures, la fusillade est vive à Fresnes; nos F. M. et nos mitrailleuses répondent aux armes automatiques de l'ennemi.

    Vers 8 heures, le capitaine Lenhard, blessé, est apporté au poste de secours. Les brancardiers partis pour ramener le lieutenant Jacquet du bois du Crapaud reviennent et annoncent qu'il est mort.
    Un obus tombe sur l'église, dont le clocher est déjà criblé par les projectiles. Le lieutenant Parent, du 10° R. A. D., observateur du 1er groupe, y est très grièvement blessé. Les hommes qui le conduisent au poste de secours essuient les coups de feu d'un char allemand caché derrière un buisson; l'artilleur Hervé est blessé au bras.

    Vers 9 heures, les secrétaires et agents de transmission sont armés et envoyés sur une position, en avant du point d'appui. Les lignes téléphoniques ont été coupées dès le début de l'action; on ne peut les remettre en état.
    Le commandant Volhokoff et son adjoint, le capitaine Guey, sortis pour aller encourager les combattants,
    doivent revenir, car à tout instant les agents de liaison viennent demander des ordres pour les chefs de section.

    Dans le village même de Fresnes, le 1° Bataillon n'a plus qu'une mitrailleuse; une bombe d'avion l'écrase. Un char d'assaut arrive jusqu'au P. C. du Bataillon; il s'éloigne d'ailleurs tout de suite.

    Autour du bois du Crapaud, après un pilonnage par l'artillerie, l'ennemi avance, gagne un peu de terrain. La section de mitrailleuses est anéantie; sur les 4 pièces, il n'en subsiste plus qu'une seule. On l'installe dans un solide abri allemand de l'autre guerre, qu'un séminariste-soldat prévoyant avait renforcé de rondins. Vers 10 heures, il n'y a plus dans le bois que 10 ou 12 hommes avec les lieutenants Cléry et AndraI. Ceux-ci mettent en place les hommes munis de grenades, en leur donnant l'ordre formel de ne
    les lancer qu'au moment où l'ennemi sera à une quinzaine de mètres, car il ne faut user qu'avec grande parcimonie des munitions. Les officiers utilisent la mitrailleuse, l'un comme tireur, l'autre comme servant.

    Les Allemands progressent, et, croyant toute résistance annihilée, s'approchent en riant. Mais ils sont accueillis par les grenades des voltigeurs, et les balles de la mitrailleuse. Ils se retirent, laissant
    de nombreux morts sur le terrain. Pour réduire le petit groupe du 22°, les 105 arrosent le bois. Le lieutenant Cléry est tué; des soldats sont blessés; la mitrailleuse est détruite. Le lieutenant Andral, avec 2 ou 3 survivants, revient dans le village, pour coopérer à la défense et empêcher l'ennemi de pousser sur le 2° Bataillon, dans Mazancourt, en arrière du 1°.

    Les blessés affluent au poste de secours du 1° Bataillon, et les brancardiers, malgré la violence du bombardement, accomplissent sans se lasser leur mission. Deux lieutenants blessés arrivent.

    Le premier étage de la maison, dans les caves de laquelle est établi le poste de secours, est atteint par un obus incendiaire.

    Un commencement d'incendie se déclare; lés brancardiers parviennent à le maîtriser.
    Un second poste de secours avait été installé dans les caves de l'école, à 300 mètres environ sur la gauche du point d'appui. Le médecin-auxiliaire Blanc, qui en a la charge, signale la situation critique. de son poste. Le tir de l'artillerie, concentré à ce moment sur l'église toute proche, avait démoli une partie de l'école. Le médecin-lieutenant Ameur donne l'ordre à Blanc d'évacuer les blessés sur le poste principal,
    et de se joindre à lui, après avoir averti les sections du changement.

    Les agents de liaison ne font que courir du P. C. vers l'avant. Des chenillettes transportent des munitions aux carrières, en dépit des fréquents bombardements par avions. L'un des conducteurs est blessé.

    Vers 12 heures, toutes les munitions en réserve dans les camions sont distribuées; la fusillade diminue d'intensité; mais il y a toujours de violents tirs d'artillerie et de minenwerfer.

    L'ennemi se sert surtout de fusants, plus que de percutants. Les arbres des boqueteaux sont criblés de leurs éclats. Presque tous les chevaux sont maintenant tués. Vers 14 heures, de nouveau l'infanterie allemande avance dans les blés et la luzerne haute, de sorte qu'il n'est pas facile de suivre sa progression.

    A 15 heures, la 1° section de 75 du lieutenant Durosoy entre en scène avec efficacité. Placé à Fresnes avec une mission antichars, cet officier va faire pendant deux jours un magnifique travail. Il a si bien disposé les deux pièces de la 1° section derrière le mur du verger, au nord-est du château, face à la plaine et aux boqueteaux, que les Allemands ne purent les repérer qu'à la fin pour les bombarder
    avec un minenwerfer.

    Durosoy a noté les faits d'une manière très précise.
    Du haut du mur où il se tient en observation, il voit à 15 heures l'ennemi s'infiltrer dans le bois du Crapaud.
    C'est le moment où, le lieutenant Cléry ayant été tué et la dernière mitrailleuse ayant été écrasée, le lieutenant Andral ramène les survivants. Les nôtres n'étant plus dans Je bois, les canons de 75 peuvent le prendre comme objectif, d'un tir de plein fouet. Durosoy fait demander au chef de bataillon Volhokoff s'il doit agir. On lui donne toute liberté. Il charge ses pièces d'obus à balles; une dizaine d'Allemands
    se lèvent et se replient sur le chemin creux qui conduit à Horgny. Jusqu'alors l'ennemi ne s'était guère montré.

    J'ai dit. Pourquoi. Durosoy avec ses obus poursuit les Allemands jusqu'à la ferme d'Horgny (2000 mètres) et balaie tout le ravin qui servait de cheminement.

    Entre temps, l'ennemi essaie de pousser en avant un petit engin blindé, et une pièce de 105 hippomobile, par le chemin de terre qui relie Fresnes à la route d'Amiens.

    Durosoy ne tire qu'un seul obus; l'attelage s'effondre; les chevaux sont décapités; le canon est renversé, une roue brisée; 4 morts sont étendus à côté de la pièce. En passant le lendemain avec le P. Le Pape, Durosoy peut voir les résultats de son tir. Si le 105 avait pu se mettre en position, c'en eût été fait de toute résistance. Fresnes eût été intenable.

    Vers 16 heures, Durosoy signale une progression de l'ennemi. Un fort groupe, se dissimulant dans les luzernes, avance à 1500 mètres. Les canons ouvrent le feu; les mitrailleuses entrent en action; les Allemands refluent vers la grande route.

    Dès qu'il aperçoit un groupe, Durosoy tire; mais toujours un seul obus, car malheureusement les munitions sont comptées. Ses hommes sont admirables et pleins d'ardeur.

    A ce moment à la 2° section (qui ne dispose plus que d'une pièce), deux artilleurs sont tués: le maréchal des logis Ogier et le canonnier Fontenand. Plusieurs autres sont blessés.

    Des brancardiers du groupe de Santé divisionnaire sont grièvement atteints, en allant relever des camarades.

    Les mitrailleuses en position devant le point d'appui continuent d'envoyer leurs rafales.

    Maintenant l'ennemi n'insiste plus.

    Le lieutenant Durosoy va prendre liaison avec le commandant Volhokoff (1° Bataillon) et le commandant Carré (2°). Ils n'ont plus de communication avec personne; on manque de munitions, de vivres et d'eau.

    Durosoy envoie le cycliste Leroux à Marchelepot pour essayer de rétablir une liaison. Celui-ci poursuivi par un sidecar allemand doit revenir sans avoir pu remplir sa mission.

    Vers 18 heures, on ramasse les munitions des morts et des blessés; on garnit des bandes de mitrailleuses; mais on manque de chargeurs pour les F. M. et de cartouches pour les fusils.

    A la tombée de la nuit, un avion français survole le terrain au sud-ouest de Fresnes; il est accueilli par des balles traceuses d'une cinquantaine de chars répartis sur 3 ou 4 kilomètres. Tout le monde peut comprendre que le 22° est encerclé.

    A 22 heures, le lieutenant Janel, qui a tenu pendant toute la journée sur la hauteur, en avant des carrières, se replie avec ses 20 hommes de la 1° Compagnie, et 1 F. M.; 4 fantassins sont tués au bas de Fresnes, et 4 autres blessés.

    Avant la tombée de la nuit, le P. Le Pape avait vu passer, au sud de Marchelepot, le long de la voie ferrée (entre ce village et Chaulnes) une colonne de prisonniers. Ce renseignement est confirmé par le capitaine Freiherr Von Jugenfeld (So Kampften Panzer!)
    (19 heures... Aux environs d'Omiécourt, 1000 hommes se sont rendus sans opposer grande résistance; aux environs d'Ablaincourt 1200 en ont fait autant.)


    Les prisonniers d'Omiécourt appartenaient évidemment à la 29° Division; les fantassins d'Ablaincourt à la 19°. . .

     


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  • Le 22° Régiment de Volontaires étrangers était passé, le 2 juin, sous le commandement du chef de bataillon Hermann, venu du 41° R.I.

    Assumer cette fonction en pleine bataille n'était pas une tâche facile. Hermann la remplit à merveille.

    Le 22 ème Etranger

    Le 22° R. V. E. était installé défensivement au sud de la route d'Amiens à Saint-Quentin.
    Le 1° Bataillon (commandant Volhokoff) occupait le bas-fond, à droite de Berny; sa ligne se prolongeait au sud des fermes d'Horgny et dans les boqueteaux au sud de Villers-Carbonnel. Le Chef de Bataillon, avec sa seetion de Commandement, et une partie de la Compagnie de mitrailleuses défendait la partie nord de Fresnes, autour du château.

    Nous savons que, malheureusement, Villers-Carbonnel, pris le 24 mai par le 41° RI, n'avait pas été conservé, et que la tentative du 26 mai pour s'emparer de ce village et des fermes d'Horgny, avait été infructueuse.

    Le 2° Bataillon (commandant Carré) était dans la partie sud de Fresnes-Mazancourt.
    Le 3° Bataillon (capitaine de FrancIieu), dans Misery et autour de cette localité.
    Le P. C. du Chef de Corps et les Compagnies régimentaires, à Marchelepot.

    Dans le point d'appui de Marchelepot se trouvait également la Compagnie de Pontonniers 312/2, commandée par le capitaine Penot. Unité de Réserves générales du Génie, cette Compagnie avait été mise à la disposition du 22° R. V. E. le 31 mai 1940 pour organiser la défense antichars.

    Après avoir mis en place 1100 mines environ devant la ligne de surveillance de l'infanterie, elle concourut avec des moyens réduits (1 F. M., 2 mitrailleuses Saint-Étienne, et ses mousquetons) à la défense du village; elle aura 3 tués et 6 ou 7 blessés.

    Par sa gauche, le 22° Étranger était en liaison avec le 117° de.Berny; par sa droite, avec le 112° R. I. de la 29° Division.

    Un bataillon du 112° était à Misery, avec le bataillon du Régiment Étranger.

    Le matin du 5 juin, de très bonne-heure, le 22° est violemment bombardé sur toutes ses positions. Comme le 41°, il a surtout à compter, en cette première journée, avec l'infanterie ennemie.

    Quelques chars cependant se présenteront à l'ouest; un grand nombre par le sud, pour attaquer spécialement Chaulnes, Pertain et Omiécourt; ils tourneront le 22° Etranger, et couperont ainsi toutes ses communications avec l'arrière, celles des bataillons avec le P. C. R. I . . . 


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  • Pressoir et Ablaincourt sont deux petits villages très proches l'un de l'autre, à mi-chemin entre Chaulnes et
    Berny (ou Vermandovillers).

    Toute la défense était, en ce qui concerne l'infanterie; concentrée dans Pressoir, et constituée par le P. C. du lieutenant-colonel Cordonnier, commandant le 117° R. I, les services et la G. D. T. (Compagnie de Commandement) de ce Régiment. II n'y avait dans Ablaincourt que les cuisines roulantes du 3° Bataillon et de la C. D. T., 27 hommes de la 6° Compagnie, 1 section de 25 de la C. D. A. C., 2 canons de 47 antichars, sous les ordres du lieutenant Lebrun de la C. R. E. Autour d'Ablaincourt, étaient en position
    deux batteries du 26 Groupe du 10° R. A. D. (48 et 58 Batteries).

    De bonne heure, les batteries voient arriver les chars ennemis. De Vermandovillers, nous assistons au bombardement par l'artillerie allemande, et nous voyons des incendies dans ces deux villages.

    A la fin de juin 1940, on voyait encore 3 chars hors d'usage. Nos camarades se défendent par conséquent. Peut-être y eût-il encore d'autres chars détruits.

    De Vermandovillers, toujours, nos observateurs comptent, dans l'après-midi, 250 véhicules automobiles allant en direction du sud et passant près d'Ablaincourt. II est évident que déjà Pressoir-Ablaincourt sont enveloppés par les engins blindés et l'infanterie de l'ennemi.

    Dans la matinée, les batteries au nord et autour de Pressoir sont annihilées par les chars.

    Les notes du P. Le Maux, qui était à Pressoir, nous permettent de suivre le déroulement des événements :

    Dans l'après-midi du 5 juin, vers 16 heures, les engins blindés font leur apparition dans les champs, au nord-est et au sud-est de Pressoir. Sur la crête, entre Chaulnes et le point d'appui, des obus français éclatent près des chars, paraissant venir d'au delà de Chaulnes.

    Les batteries françaises, autour-de Pressoir, sont muettes; elles ont été mises hors d'usage par les obus et par les bombes des avions. La plupart des chevaux sont blessés.

    Il ne reste qu'un canon de 75, appartenant à une batterie, en position près du cimetière; mais elle n'a plus de munitions.

    Ses servants, harassés, se sont repliés sur le P. C. du Colonel. Le lieutenant Vallée, du 10° R. A. D., montre un magnifique courage. Il est épuisé, comme tout le monde, par suite des nuits sans sommeil et d'un ravitaillement fort irrégulier.

    A l'annonce que les chars se déplacent au nord-est vers le village, il rassemble quelques servants et, par un petit chemin exposé au feu des mitrailleuses ennemies, retourne chercher l'unique canon qui subsiste. Les hommes remplacent les chevaux qui font défaut, tirent et poussent leur pièce, tandis que d'autres ramènent un caisson d'une autre batterie, encore rempli d'obus. Vallée met son canon en position près de la barricade.

    Debout; pendant que ses hommes sont tapis derrière le blindage ou la barricade, il examine à la jumelle les chars d'assaut, donne la distance. Un obus part; il est trop court, Vallée rectifie son tir; un char est atteint et flambe. D'autres tirent à la mitrailleuse. Les mitraillettes font rage, sans qu'on puisse en déceler
    les tireurs. Les balles claquent contre les murs, les ferrailles de la barricade, ou le blindage du 75. En rampant, les servants viennent s'abriter dans la cour de la ferme. Le lieutenant Vallée, toujours près de sa pièce, est frappé au côté par une balle, heureusement détournée par la musette.

    Bientôt le tir allemand cesse; le calme dure quelques minutes. Vallée les met à profit pour se porter, avec son canon et ses servants, de l'autre côté de Pressoir, d'où l'on aperçoit une colonne de chars se dirigeant de Chaulnes sur Pressoir. Un char paraît avoir été touché; la colonne s'est immobilisée.

    Vallée revient, installe sa pièce sur sa première position, et prend à partie les premiers chars demeurés près de celui qui avait été démoli, et dont on voyait les équipages s'affairer près de leurs camarades. Mais à peine le canon a t-il tiré que la position, non protégée, devient intenable sous le feu incessant de l'ennemi. Les artilleurs doivent alors abandonner la place, et chercher un refuge dans la cour, avec leur Lieutenant; qui consent alors à prendre un peu de nourriture et de repos.

    Dans l'après-midi, on essaie d'envoyer des munitions au 2° Bataillon du 117°, à Berny, qui en a réclamé par radio. Deux chenillettes sont chargées; mais elles tentent en vain à plusieurs reprises de passer à travers les chars.

    Le commandant Brébant demande qu'au moins on essaie de le ravitailler en munitions par avion. Son message est transmis à la Division. Quelques heures après un avion français se montre au-dessus de Pressoir; peut-être était-ce l'avion désiré!

    Il fut pourtant l'objet d'un tir général, aussi bien français qu'allemand; parce que l'on n'apercevait jamais que des appareils ennemis, nos hommes avaient pris l'habitude de tirer sur tout avion qui se présentait. Celui-ci, devant l'accueil, dut faire demi-tour et être abattu, car on ne le revit plus.

    Le P. Le Maux dit que la veille (4 juin) une escadrille française ou anglaise était passée au-dessus de Pressoir, volant en direction du Nord. Le fait est si rare qu'il vaut la peine d'être noté.
    La nuit vient; un calme profond règne maintenant, tout chargé d'angoisse; quelques rares coups de feu se font seulement entendre. A ce moment on apprend qu'un homme vient d'être mortellement frappé à son créneau; un autre est blessé au ventre; d'autres blessés attendent au poste de secours. Le médecin-commandant Feldmann, les infirmiers, l'abbé Martin et le séminariste Hernandez se prodiguent.

    Le P. Le Maux assiste les agonisants. On doit signaler le dévouement courageux du corps médical et des brancardiers.

    L'officier de renseignements, le lieutenant Augereau, fait preuve d'une grande activité; on le voit partout, insouciant du danger, Son moral très élevé agit fortement sur les hommes.

    Le lieutenant-colonel Cordonnier donne également, en ces jours difficiles, la mesure de son courage, de sa valeur militaire, de sa bonté et de sa fermeté. Il avait fait creuser des tranchées, établir des abris, mais
    il était le dernier à s'y retirer. 

    Le soir du 5 juin, tous les hommes, même les secrétaires, occupaient un poste de combat. Le lieutenant-colonel, d'une manière ferme et précise, indiquait l'endroit à défendre, sans laisser paraître aucun trouble.

    En cette nuit du 5 juin au 6 juin , le P. C. du 117° n'a plus aucune communication, ni par fil, ni par radio; rien ne fonctionnait plus.

    En prévision des graves événements qui s'annoncent, on brûle tout ce qui ne doit pas tomber entre les mains de l'ennemi; le journal de marche du Régiment n'est pas épargné.

    Les heures de la nuit s'écoulent, tranquilles, pleines de menace pourtant, car les chars d'assaut sont embossés . . . 


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  • Le commandant Brébant ne se tenait pas pour définitivement battu. Accompagné de son État-Major et de sa section de commandement, il cherche une ligne de retraite avec l'espoir de se rattacher à un point d'appui solidement organisé. Poursuivi par les Allemands, Brébant s'oriente vers le sud-est.

    A 400 mètres à gauche sur la route d'Ablaincourt-Chaulnes, on remarque un chemin de terre; il s'encaisse
    rapidement à mesure qu'on avance, et conduit à un bois, petit mais épais, situé au sud de Fresnes, en face de la route qui conduit à Marchelepot. A cet endroit, le chemin forme une tranchée naturelle de 3 mètres de profondeur, et pourtant le bois domine encore le carrefour. Quand je le visitai en juin 1941, il y avait encore quelques équipements militaires.

    Quittant la ferme Namont, la petite troupe du commandant Brébant traversa la route d'Ablaincourt et s'arrêta d'abord dans le boqueteau, au sud-est de Berny, à gauche de cette route sur laquelle circulaient des motocyclistes allemands. Les hommes du 117° tirèrent sur eux.

    Le groupe traversa ensuite obliquement la plaine pour s'engager dans le chemin de terre dont j'ai parlé, et qui conduit à Marchelepot, par le sud de Fresnes. A ce moment l'équipe du lieutenant Bernardin se trouva séparée du Chef de Bataillon.

    Le sergent Chartrain, partit en éclaireur, le rejoignit près d'un tout petit bois, à proximité du chemin encaissé. Tandis que le lieutenant Bernardin continuait d'avancer, le commandant Brébant s'arrêta un instant et établit un plan de feu. L'ennemi le harcelait et l'arrosait d'obus de mortier.

    Le tir de nos hommes faisait des pertes chez l'ennemi, mais ils en subissaient aussi. C'est alors que fut blessé le sergent-chef Lamotte qui eut le pied traversé par un éclat; néanmoins il ne laissa pas d'aller jusqu'au bout avec son Chef de bataillon. Le capitaine de Nadaillac, atteint grièvement, dut être transporté sur un brancard improvisé de branchage. Un soldat, dont le nom m'est inconnu, eut le bras arraché, et marcha seul jusqu'au moment où, ses forces le trahissant, il dut accepter le soutien d'un camarade.

    Bientôt, le groupe Brébant abandonna ce boqueteau. Avec le plus grand calme, et faisant preuve du courage magnifique que tous lui connaissait, le Chef de Bataillon entraînait ses hommes. Vers 18 heures, en suivant le chemin creux, et après avoir en cours de route, repoussé les attaques de petits groupes allemands constitués sans doute par les équipages des chars répandus sur la plaine, il arriva dans le
    bois, au sud de Fresnes, qui surplombe la route. La fusillade crépitait de tous les côtés. On ne savait d'où elle venait.

    Les Allemands qui attaquaient Fresnes-Mazancourt, distant seulement de 400 mètres, étaient par là. Les obus de l'artillerie allemande tombaient sur la gauche de la colonne. Des hommes du 117°, blessés pendant ce repli, ne se relevèrent pas.

    Le Chef de Bataillon arrêta là son monde, l'installa dans le bois, envoya en reconnaissance un officier et un sous-officier. Des chars ennemis circulaient aux alentours. Brébant s'orientait, cherchant de quel côté repartir. Le feu de l'ennemi n'avait pas cessé tout à fait; on entendait encore le sifflement des balles.

    Une heure après, vers 19 heures, le groupe se remit en marche, pour gagner ensuite un autre bois, au nord -de Marchélepot, où il retrouva une section de canons de 47 du 94° R. A., et des éléments du 22° Étranger, qu'avaient rejoints le lieutenant Bernardin et son équipe. Il avait fallu encore essuyer quelques balles. Nos hommes, qui n'avaient rien mangé ni bu depuis longtemps, reçurent de leurs camarades
    du Régiment Étranger, ce dont ils avaient un besoin urgent.

    A la nuit tombante les blessés furent évacués, parmi eux le sergent Chartrain, atteint plusieurs heures avant dans le chemin creux; ils furent dirigés sur Senlis.

    Le commandant Brébant, et son groupe, résistèrent encore pendant toute la nuit du 5 juin, et la journée du 6 juin, jusqu'à 18 h 30. Bréhant fut capturé le dernier, après une lutte désespérée. Le P. Le Pape, qui vécut en captivité avec lui, l'a entendu raconter le fait suivant: les Allemands auraient contraint un officier russe du 22° Étranger, prisonnier, à lui porter des offres de reddition :  On m'oblige, lui cria-t-il, à vous demander de vous rendre; mais vous pouvez résister; Ils ont dit que je serai tué; cela ne fait rien . . .


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  • De minuit à 2 heures du matin, le 5 juin, l'aviation ennemie montre déjà une grande activité.

    Vers 3 h 30, un bombardement violent et lointain se fait entendre; il tombe sur Belloy. Déjà quelques obus
    arrivent sur Berny.

    Les fusées vertes montent sur toute la ligne, à l'horizon; elles paraissent venir des lignes allemandes. Nos artilleurs hésitent à répondre; avec raison, car, si chez nous elles appellent le tir d'arrêt, chez l'ennemi elles sont un signal de rassemblement pour les chars.

    La fusillade crépite du côté de Belloy; bientôt de nouvelles fusées sont lancées; cette fois, ce sont les nôtres. Notre artillerie entre en action et tire tant qu'elle peut.

    Le barrage roulant se rapproche de Berny. La poussière est aveuglante; les obus tombent de tous les côtés; les projectiles de gros calibre sont nombreux. Le sol tremble sous les coups; les carreaux se brisent sous la violence des vibrations; des maisons encore intactes sont détruites.

    Jusqu'à 8 heures, le bombardement dure avec la même violence. Un déluge de fer s'abat sur Berny. Pour se défendre contre les éclats, on entasse devant les ouvertures, des lits, des matelas, des tables.

    Les hommes sont aux créneaux, dans les maisons, ou sur leurs emplacements.

    Le jour se lève bientôt. Sur tout le front, les armes automatiques font entendre leur crépitement ininterrompu.

    L'ennemi ne bombarde pas seulement par son artillerie, mais aussi avec son aviation. Un vieux biplan d'observation, qui semble invulnérable aux balles de nos mitrailleuses, ne cesse d'évoluer au-dessus de Berny pour diriger le tir des artilleurs allemands.

    A partir de 6 heures, les canons des chars interviennent, car il y en a partout. Berny est entouré. Dès le petit jour, tous les chemins, qu'ils aillent vers l'avant ou vers l'arrière, sont occupés par les auto-mitrailleuses allemandes; auss les deux chenillettes de ravitaillement, envoyées de Pressoir,
    essaieront-elles par deux fois, mais en vain, d'atteindre Berny, pour y apporter les munitions demandées par le commandant Brébant, au moyen de la radio. Bientôt, il n'y aura plus de transmission avec personne, et les communications avec Belloy sont impossibles.

    Vers 8 h 00 ou 9 h 00, le motocycliste du bataillon envoyé au P. C. du Colonel, se heurte sur la route d'Ablaincourt aux automitrailleuses ennemies. Par chance, il peut revenir.

    Vers 8 heures, des hommes arrivent de Belloy; ils annoncent que des engins blindés attaquent le point d'appui.

    A 8 h 30, le tir des deux artilleries, française et allemande, ralentit. De l'emplacement de ses mitrailleuses, le lieutenant Bodin voit à la jumelle, des éléments du 3° Bataillon rassemblés sur la route d'Amiens. Ils sont prisonniers.

    A 9 heures, on voit défiler à grande allure dans les couloirs d'infiltration Assevillers-Berny, Barleux-Belloy, et sur la route nationale entre Belloy et Berny, des colonnes blindées. Une partie de la colonne, dit le caporal Lermier, se dirige sur Estrées; une autre partie revient avec des prisonniers.

    Un canon de 25 essaie vainement d'atteindre ces chars; ils sont trop loin pour lui: mais plusieurs blindés sont détruits par le 75 antichars, en position à l'ouest du village.

    Des mitrailleurs ennemis descendent des chars, et s'infiltrent dans lés champs de blé; quelques fantassins apparaissent de l'autre côté du petit chemin qui relie Belloy à Berny; le groupe Lermier tire dessus au F. M. et au fusil; ces fantassins disparaissent,· mais les mitrailleurs allemands, qui ont repéré le groupe, le prennent pour cible.

    A la droite de Berny, nos mitrailleuses et nos F. M. donnent à plein débit et sans interruption. 

    Un grand nombre d'avions allemands survolent Berny, mitraillant, bombardant tout à leur aise.

    Le commandant Brébant est installé dans une tranchée avec son adjoint, le capitaine de Nadaillac qui sera blessé en fin de journée, Bernardin et quelques hommes; tous sont armés de fusils. La cour du P. C. n'est plus que trous d'obus.

    II n'y a plus de communication ni avec la Division ni non-plus avec le P. C. du Régiment. On ne saurait, du
    reste, obtenir un tir du groupe d'artillerie, puisque les batteries ont été réduites par les chars entre 9 et 10 heures.

    A 9 h 30, plusieurs blessés de Belloy, soutenus par des camarades, peuvent échapper à l'étreinte allemande. On soigne les blessés, on réarme les autres qui se joignent aux groupes de combat de la 5° et de la 7° Compagnies.

    Jusqu'à 9 heures, il n'y avait à Berny à déplorer qu'un mort et deux blessés. Maintenant ils vont se multiplier.

    La ferme Namont, P. C. du Bataillon, recevait des obus de tout calibre; plusieurs tombèrent sur une aile de la maison; le sergent Pierre, le caporal Bereschet, le soldat Chevrier, sont tués et d'autres encore.

    Le Iieutenant Bodin est projeté au fond d'une cave par un obus qui éclatera côté de lui, au moment où avec un fusil il tirait sur l'avion d'observation allemand, descendu très bas.

    Aucune blessure apparente; son porte-cartes est couvert d'éclats; la commotion l'a rendu sourd et il souffre violemment de la tête. Il reprend néanmoins son commandement et va réorganiser le secteur de sa Compagnie devenu trop vaste pour le petit nombre d'hommes dont il dispose; une seconde blessure vers 2 heures de l'après-midi, un éclat d'obus dans la poitrine, le met définitivement hors de combat.

    Sur le front de la 7° Compagnie, les combattants diminuaient.

    Sur le front de la 5°, il y avait sous le bombardement persistant des situations dramatiques, La maison occupée par le groupe de combat Cocadan s'écroule sous les obus. Le caporal Gautreau, les soldats Douveneau et Journet sont ensevelis sous les décombres avec leur fusil mitrailleur:

    Les deux soldats furent vite dégagés, mais Gautrau était à ce point couvert de pierres et de poutres qu'on pouvait désespérer de l'en sortir; sous les obus, au prix d'un travail acharné, ses camarades Touffiet et Le Coëdic finirent par le tirer de cette tombe. Il était temps, car il allait, faute d'air, étouffer. Immédiatement Gautreau retourne au créneau.

    Des chars apparaissent devant la 5°, se déplaçant autour du petit bois, sur la route d'Amiens. L'un d'eux s'arrête. Le renseignement est transmis au canon de 75, dans le jardin près de la ferme. Le Lieutenant du 10°.R. A. D. tire 3 obus; au premier obus, une gerbe de flammes s'élève du char. A la grande joie de nos hommes, mais le 75 est repéré, et maintenant les obus s'abattent plus drus autour de la pièce et du groupe Cocadan.

    On voit maintenant les chars avancer en colonne dense, entre Berny et Estrées.

    La 6° Compagnie est prise à partie. Cette Compagnie a une section isolée loin dans la plaine, et le reste est un peu trop dans la nature. Les mitrailleuses ,allemandes tirent à bout portant sur les fantassins mal défendus par un armement inférieur en puissance. Le sergent chef Juhen, le soldat Joseph Gautreau (frère du caporal dont je viens de parler) sont tués par une même rafale. Beaucoup d'autres sont tués ou blessés. Le reste est fait prisonnier.

    Par la gauche de Berny, les chars avancent et dépassent le point d'appui. Tout à l'heure, ils vont ,se présenter au contact de la 7°, au nord-est. Nos 75 font tout ce qu'ils peuvent. Ils semblent avoir endommagé plusieurs autres chars mais faute de plates-formes pour le tir antichars, Ils pivotent trop lentement pour que leur tir soit vraiment efficace sur des engins qui se déplacent rapidement. Toujours
    le manque de matériel adéquat se fait sentir. Les obus perforants font bientôt défaut.

    Le capitaine Ortolo, commandant la 6° Batterie du 10° R. A. D. est tué. Les canonniers Joseph Le Corre et
    Marcel Marchand sont frappés mortellement à leur pièce.

    Vers midi de la fumée monte de Belloy.

    Nos camarades du P. C. du 3° Bataillon semblent être prisonniers, écrit le caporal Gautreau.

    A travers champs, par bonds, un soldat. accourt vers Berny. A la jumelle, on reconnaît un Français. Il porte a la main un F. M. ou un fusil. Enfin, malgré les Allemands qui tirent dessus, il réussit à atteindre le village et rend compte, parait-il, que Belloy tient toujours.

    Dans ces conjonctures, il était inévitable que se sachant enveloppés, ne voyant venir à leur aide aucun char, aucun avion français, quelques hommes ne sentissent se développer en eux de l'inquiétude ou du découragement.

    Vers midi, le lieutenant Bodin, de la 7° , pour une défense facile de son secteur nord, modifie les emplacements de combat de ses hommes. Pour exécuter ce mouvement, il fallait traverser la rue battue par le feu d'une mitrailleuse ennemie; personne ne fut touché par elle. Mais un char s'approche du village et ouvre le feu. Deux soldats d'une section voisine, qui s'étaient joints au groupe du caporal Lermier,
    sont grièvement blessés; un troisième est bien touché; le caporal Lermier est lui aussi gravement atteint; le reste de son groupe est capturé. L'équipage du char allemand prend les 4 blessés, les place sur l'engin, et les transporte ainsi 500 mètres plus loin, et les abandonne dans un champ de blé, au sud de Berny. L'un des blessés meurt bientôt; dans la nuit, un deuxième expire pareillement. C'est seulement le 6 juin, vers 7 heures, que Lermier et l'autre survivant furent relevés par les Allemands. On ne saurait expliquer
    le procédé de l'équipage ennemi autrement que par le désir de se protéger contre le tir de nos canons antichars, puisque nos camarades furent abandonnés sans aucun soin sur la plaine. A Berny, on les eût soignés tout de suite.

    Jusqu'à midi, les engins blindés avaient seuls attaqué Berny. A partir de cette heure, l'infanterie entre en scène. Le docteur Villey, qui a vécu dans le point d'appui tous ces tragiques moments, déclare qu'avant midi les fantassins allemands n'étaient pas arrivés en contact. Cette indication est confirmée par le récit, que je rapporterai, à la fin de cette troisième partie, d'un officier d'une Panzerdivision.

    Le caporal Gautreau dit également : A la même heure il semble que l'infanterie allemande monte maintenant à l'attaque. Nous ne voyons pas beaucoup d'ennemis devant nous. Ils doivent profiter des replis de terrain et des champs de luzerne pour s'infiltrer.

    Le Lieutenant du 10° R. A. D. prend son revolver. Il donne l'ordre à ses hommes de retourner à la pièce. Il part le premier; tous le suivent. Le 75 recommence à cracher, mais cette fois des explosifs. Il tire à vue sur l'infanterie allemande qui grouille dans le lointain, du côté de Belloy.

    Pendant ce temps, le sergent-chef Cocadan, monté à son observatoire, fait du tir au lapin sur quelques motocyclistes allemands qui passent sur la route d'Amiens à Saint-Quentin.

    Au F. M. défense de tirer, si ce n'est sur un objectif assez important, pour ne pas dévoiler inutilement l'arme automatique. D'ailleurs, nous ne voyons rien, et nous encaissons tout. Rien de plus démoralisant pour un soldat que de passer une journée entière à « recevoir », sur la défensive, sans pouvoir faire un seul geste de défense.

    Le lieutenant Guillotin envoie au P. C. de la 5° Compagnie le jeune Pierson chercher des ordres. Malgré les obus qui pleuvent presque constamment, il accomplit très bien sa mission: il y a toujours ordre de tenir; des renforts de chars et d'avions doivent arriver et nous dégager !

    On remarquera l'attente générale chez les hommes de la 19° Division d'une contre-attaque. Si elle eût pu se produire, c'eût été probablement, devant Péronne, un grave et sanglant échec pour les Allemands. Le chapitre que je citerai d'un ouvrage allemand permet de le penser.

    Gautreau continue :
    Le Commandant du 2° Bataillon du 117° fait aussi savoir que 40 chars ennemis, environ, ont été détruits.
    Cela nous rend un peu de confiance et de courage.
    Cependant notre 75 nous attire toujours des orages; de gros obus éclatent à proximité. Nous attendons de
    seconde en seconde l'engin qui nous ensevelira.
    Puis l'accalmie se fait. Le Lieutenant du 10° R. A. D. laisse ses hommes à l'abri; il repart seul, continuant à
    liquider ses munitions, jusqu'au dernier obus.

    Telle est la situation, vue de la 5° Compagnie.

    Le docteur Villey note qu'à son poste de secours, dans une ferme, à la sortie sud de Berny, depuis le matin les blessés affluent en très grand nombre; quelques-uns sont venus de Belloy.

    A partir de midi, l'infanterie allemande est autour de Berny; devant, derrière, partout. Les fermes sont la proie des flammes; l'église est dans le plus triste état; il faut combattre dans les incendies.

    Les blessés ne peuvent être évacués, car rien n'arrive ni ne peut partir.

    De midi à 15 heures, on se bat dans le village; mitraillettes et fusils mitrailleurs échangent leurs rafales. Deux fois les hommes du 117° repoussent les fantassins ennemis qui les ont tournés, protégés par les chars. Officiers et soldats refusent de se rendre. Le lieutenant Eynaud, de la C. A. 2, recevra des compliments des officiers allemands pour sa défense opiniâtre.

    Avec ses canons de 25, le lieutenant Cormier ne cesse de tirer sur les chars, jusqu'au dernier obus.
    A 15 h 15, le docteur Villey éprouve des craintes pour ses blessés, car son poste de secours est établi dans la cave d'une grande ferme, et celle-ci est en feu.

    Une fois de plus, il sort, pour se rendre compte; il n'entend plus d'obus français, plus rien.

    Maintenant tout Berny est en flammes; la fumée est si épaisse, si dense, que la visibilité est très mauvaise; on ne voit même plus le clocher.

    La 5° Compagnie se bat encore, dit le docteur; mais il y a déjà de nombreux prisonniers au 2° Bataillon.

    A 15 h 45, le docteur Villey aperçoit, dans la cour de la ferme, une dizaine de soldats allemands; ils sont entrés par le sud de Berny, et ils fouillent le village. Ils se saisissent du médecin. Celui-ci, qui parle allemand, obtient l'évacuation des blessés qui sont encore dans le poste de secours (une trentaine) et pour lesquels il redoute l'incendie.

    Un soldat ennemi lui demande s'il y a encore des combattants dans Berny. Villey refuse de répondre. Cet incident incite à penser qu'il n'y avait plus guère, à ce moment, de résistance dans le point d'appui.

    Avec ses infirmiers et brancardiers, Villey sort ses blessés de la cave, et les conduit dans un chemin creux, vers Belloy, où se tiennent des voitures sanitaires allemandes.

    Revenons à la 5° Compagnie, à la section du lieutenant Guillotin, au nord-ouest de l'église; il suffit de transcrire les notes de l'abbé Gautreau.
    Un peu après midi, je suis au F. M. J'aperçois devant moi sur la route, et venant de la direction de Villers-Carbonnel, une longue colonne de chars; ce sont des renforts allemands.
    Ces chars eux-mêmes nous prennent à partie.
    Je ne sais s'ils ont repéré notre créneau; toujours est-il qu'ils tirent avec de petits canons antichars; les obus font de légers trous et des lézardes dans les murs de notre maison.
    Un de ces projectiles vient frapper juste au-dessus de notre tête. Mon camarade et moi sommes tous couverts d'une fine poussière.
    Le lieutenant Guillotin, à proximité, juge qu'il est inutile de nous exposer plus longtemps, et nous donne
    l'ordre de retourner à la cave.
    Bientôt le calme se rétablit, les tirs ont cessé.
    Le lieutenant Eynaud, qui s'est établi dans un petit bois avec ses mitrailleurs, est finalement obligé de se rendre.

    Le sergent Cocadan part seul aux nouvelles au P. C. de la Compagnie. Une heure passe sans qu'il revienne. On le croit mort.
    Enfin, quelqu'un l'aperçoit dans la rue, sans armes. Sans tourner la tête de notre côté, il nous crie : Cachez vous !!! les Allemands sont là ! Il est prisonnier.
    Bientôt, à travers les carreaux brisés, nous voyons quelques motocyclistes ennemis sillonnant les rues.
    Que va-t-on faire?
    Le lieutenant d'artillerie est décidé à se défendre jusqu'au bout : Allez les gars! chacun à sa fenêtre! Il tire
    son revolver et nous le suivons. Je cherche un emplacement de tir, ainsi que plusieurs camarades.

    Une heure s'écoule; les Allemands passent, mais n'entrent pas.
    Puis une heure encore... Nous imaginons d'attendre la nuit, pour essayer ensuite de nous esquiver.
    Mais voici qu'au travers des fissures du plafond, nous apercevons des lueurs d'incendie. Nous ne pouvons nous résigner à brûler vivants. Il faut sortir.

    Auparavant, nous entassons dans la cave tout ce que nous avons d'armes et de munitions. Des motocyclistes en sidecars sont là, tout interloqués de trouver encore des Français dans le village.

    Partout, nous voyons, à travers champs, les motorisés et. l'infanterie allemande, qui descendent en masse.

    Nous sommes prisonniers. Pour certains camarades, c'est la fin d'un cauchemar.

    Pour moi, je n'ai jamais imaginé pouvoir être prisonnier, les larmes me montent aux yeux. Plusieurs également se cachent des Allemands pour s'essuyer les yeux.

    Sans le savoir, je passe à quelques mètres du cadavre de mon frère.

    Dans Berny en feu, la lutte a pris fin. Les Compagnies ont succombé l'une après l'autre. La grande ferme, en face de l'église, au sud, beaucoup d'autres maisons ont été la proie des flammes ou se sont écroulées; l'église est détruite. On entend s'élever le chant des soldats allemands.

    Dans se cadre dévasté, vers 16 h 30, défilent, devant le docteur Villey, des prisonniers du 22° Étranger.

    Jusqu'à 19 heures environ, dans le chemin qui va de Berny à Belloy, Villey continua de donner ses soins aux blessés français et allemands. L'ennemi lui apporte les combattants frappés dans le combat que le commandant Brébant, entouré de sa section de Commandement, soutient encore. Car la permission ne fut pas accordée au docteur d'aller lui-même les chercher.

    A 19 heures, l'ennemi lui déclara qu'ils avançaient, et le fit conduire en auto à Albert, où il arriva à 19 h 30. Il Y avait là déjà un rassemblement important de prisonniers de la 19° D. I.; déjà les hommes de Belloy étaient parmi eux . . .


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  • La Défense de Berny

    Vers minuit, dans la nuit du 3 au 4 juin, l'arrivée de la 7° Compagnie du 117° acheva le groupement du 3° Bataillon de ce Régiment dans le point d'appui de Berny.

    La journée du 4 juin s'y passa assez tranquillement. Quelques obus vers 9 heures, un court bombardement vers 18 heures.

    Les Compagnies furent ainsi réparties :
    La 6° sensiblement à l'ouest, un peu dans la nature, du côté du cimetière. Une section très isolée occupait le point d'appui de liaison, au croisement des routes Belloy - Deniécourt, Estrées-Berny.
    La 5° sur le front nord de Berny, au-dessus et à gauche de l'église.
    La 7° Compagnie au nord-est et à l'est à la sortie nord, la section Laroche; au nord-ouest, Rouméas avec un groupe de mitrailleuses; la section de commandement et la section Vrignaud avec un autre groupe de mitrailleuses au nord et au nord-est; la section Frèrebeau au sud-est, devant la grande ferme. L'adjudant-chef mitrailleur Deletang était adjoint à la 7°.
    Le P. C. du chef de bataillon Brébant était dans la ferme Namont, à l'angle gauche (nord) du carrefour constitué par la rue transversale de Berny et la grande route de Chaulnes à Péronne.

    Berny, nous l'avons dit, est dans une immense plaine; aucun obstacle au nord, à l'ouest, au sud; à l'est, la région est un peu plus accidentée; par suite, elle était moins favorable aux mouvements des chars.
    Le 3° Bataillon avait beaucoup travaillé; les hommes, avec simplement leurs outils portatifs et quelques pioches trouvées dans le village, avaient creusé des tranchées et des boyaux; la défense avait été spécialement organisée dans les maisons; le 2° Bataillon accepte ce dispositif.

    Le 4 juin, à 16 heures, le Chef de Bataillon réunit les Commandants de Compagnies, et leur communique un compte-rendu d'observation émanant de la Division, qui précise une activité sensiblement accrue de l'aviation ennemie, et une note prescrivant l'emploi de bouteilles d'essence, comme armes antichars.

    Mode d'emploi : entourer le goulot de la bouteille avec de l'ouate, imbiber celle-ci avant usage avec
    l'essence, mettre le feu et projeter le tout sur l'avant du char. . .

     


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  • En arrière d'Estrées, à 1 km, le tout petit village de Deniécourt aligne ses maisons le long de la route de Chaulnes à Dompierre. A certains endroits mal nivelés, autour de l'église neuve, et sur l'emplacement du château détruit pendant la grande guerre, on devine encore le tracé des tranchées ou des positions de batteries allemandes.

    Le P.C. du commandant Pierret, chef du 1° Bataillon du 117°, y est établi; il n'a autour de lui que sa section de Commandement, sa 2° Compagnie, 3 mitrailleuses de la C.A.1, 1 canon de 25, une section de 4 mitrailleuses de 20 mm, 1 canon de 75 et son équipe de la 6° batterie, commandée par l'aspirant de la Motte-Rouge. Le règlement prescrivait que les mitrailleuses de 20 mm étaient mises à la disposition du 1° Bataillon de chaque régiment; en la circonstance, c'était un inconvénient, car la section de mitrailleuses de 20 mm supprimait une section de mitrailleuses ordinaires.

    Deniécourt était également l'observatoire avancé du 3° groupe du 10° R.A.D, appui du 41° RI.

    Le capitaine de Nantois, de la 9° Batterie, s'y était installé le soir du 4 juin.

    Pendant la journée du 5 juin, le rôle du capitaine de Nantois fut important. On l'a vu par le récit que j'ai fait du combat autour du Bois Etoilé. Par des renseignements précis, cet officier dirigea efficacement les tirs du groupe. Son nom reviendra plusieurs fois dans ce paragraphe.

    L'artillerie et l'aviation ennemies s'étaient montrées fort actives les 3 et 4 juin. Le début de la nuit du 4 juin ne fut marqué que par les tirs de harcèlement du 3° groupe du 10° R.A.D et par ceux d'un groupe de 155 du 210° sur Assevillers et les pentes entre Becquencourt et Assevillers. Il n'y eut pas de réaction du côté allemand.

    La défense de Deniécourt

    Le 5 juin, à 2 h. 30, des fusées verdâtres déclenchent les tirs d'arrêt du 3° groupe. Le capitaine de Nantois demande par téléphone de ne pas continuer ces tirs, car les fusées étaient allemandes et partaient des lignes ennemies. Les tirs d'arrêt furent néanmoins achevés et même répétés. L'artillerie agit ensuite par concentration sur certains points fixés par le commandement.

    Je dois tous mes renseignements sur Deniécourt au commandant Pierret et au capitaine de Nantois.

    L'attaque allemande débute par un bombardement très violent d'artillerie, vers 3 heures du matin. La rue était remplie de fumée; les tuiles des toits volaient en éclats; des pierres étaient projetées dans toutes les directions.

    Le capitaine François, commandant de la C. A. 1, et le lieutenant Hélion, officier adjoint, rejoignent le Chef de Bataillon. La mesure fâcheuse qui avait fait renvoyer à l'arrière, malgré leur protestation, avant le 15 mai, les capitaines de réserve âgés de plus de 40 ans, avait malheureusement privé le commandant Pierret de son adjudant major et des capitaines des 2° et 3° Compagnies.

    Vers 3 h 30, les chars ennemis apparaissent, en nombre considérable, de chaque côté de Deniécourt, une centaine environ à l'est et 80 à l'ouest.

    La défense avait été bien organisée: emplacements de tir, observatoires, solides barricades, etc... Mais en raison des instructions reçues, rien n'avait été préparé entre les points d'appui. C'eût été un travail inutile, puisqu'on n'avait personne à y mettre.

    Bien renseignés et guidés par leur aviation, les chars passent donc dans les intervalles, à 1.500 ou 2.000 mètres, hors de portée de nos canons de 25 et même de 47.

    Cependant un certain nombre de gros chars se présentent à la lisière nord de Deniécourt, pour détruire les armes antichars. C'est ainsi que le canon de 75 placé en D. C. B., à environ 30 mètres à l'est de la route de la Bascule à Ablaincourt, ne peut tirer qu'un seul obus, car le canon de 88 d'un gros char de 60 tonnes le coupe en deux de son premier coup, blessant mortellement l'aspirant de la Motte-Rouge (il avait
    la tête ouverte) et tuant plusieurs sous-officiers ou soldats.

    La défense de Deniécourt

    Le canon de 25 est aussi mis hors d'usage. Il n'y avait donc plus à Deniécourt d'armes antichars.

    Le capitaine de Nantois expose ainsi les faits qui marquent le début de l'attaque:

    Tout le monde est mis en alerte, aussi bien aux batteries qu'à l'observatoire par une préparation d'artillerie en 105 et quelques 150, exécutée par l'ennemi sur le village d'Estrées avec une précision remarquable et une rare intensité. Quelques tirs allemands balaient également la région comprise entre Estrées, Deniécourt et Soyécourt. Au petit jour, les fusées verdâtres de la nuit se répètent; elles jalonnent un
    front du carrefour de Bussus au carrefour ouest d'Assevillers. Elles sont donc bien émises par l'ennemi.

    Des engins automobiles, puis des chars, sortent d'Herbécourt et se dirigent vers le Bois Noir.
    A tout hasard, je donne à ma batterie (la 9° au Bois Étoilé) les éléments d'un tir destiné à battre une partie du front jalonné par les fusées verdâtres.
    Les chars s'y rassemblent en effet.
    Bien que soumise à un intense bombardement par avions (12 appareils survolent, par groupe de trois, le Bois Étoilé, 2 de chaque groupe mitraillant, et le troisième lançant des bombes incendiaires, et cela à 3 reprises), la batterie tire à mon commandement. Les nuages d'éclatement couvrent une dizaine de chars. Lorsqu'ils se dissipent, deux chars sont immobilisés, un troisième brûle. J'ignore ce que sont devenus
    les autres, mais ils ne débouchent pas.
    Les tirs ennemis, à l'ouest d'Estrées et de Deniécourt se multiplient. Une ligne téléphonique est détruite. II ne sera plus possible de la réparer. Je n'ai plus d'autre liaison qu'un E. R. 22 qui me met en communication avec le 3° groupe.

    A 5 h 15, les chars franchissent la route nationale Foucaucourt-Estrées. La droite des chars passe, pour
    l'observatoire, 300 mètres à gauche du carrefour des routes de Deniécourt et de Soyécourt à Estrées. La gauche de l'attaque ennemie est à l'est d'Estrées; elle n'est pas visible de l'observatoire.
    Les chars se sont d'abord placés en bataille sur la ligne jalonnée par les fusées verdâtres, fusées qui devaient être répétées en cours d'action, et chaque fois annoncer le rassemblement d'une nouvelle vague d'engins blindés. Ils ont ensuite avancé à toute vitesse nord-nord-ouest, sud-sud-est, jusqu'à dépasser la zone de nos tirs d'arrêt (le déclenchement de ces tirs au petit matin avait été sans doute pour eux un
    précieux renseignement).

    La défense de Deniécourt

    Après avoir passé la route nationale en évitant le village d'Estrées, ils ont marqué le pas pour s'aligner; puis, un char sur trois en avant, ils ont progressé lentement à travers champs dans l'intervalle des villages, c'est-à-dire des points d'appui et s'ils suivaient la route un instant, la quittant toujours avant chaque carrefour. Dès qu'une arme antichars se révélait, presque toujours en attaquant le char avancé, les deux autres chars du même groupe venaient à son secours. Il m'a été dit qu'en certains points un char,
    deux chars, avaient été touchés, mais qu'il est arrivé bien rarement que le troisième fut démoli avant d'avoir réduit au silence la pièce antichars.

    La pièce de la 6° batterie fut détruite avant d'avoir pu toucher les chars. Un peu avant 5 heures, j'avais prévenu l'aspirant de la Motte-Rouge du déploiement des chars. Il était déjà à son poste avec ses hommes. Je remonte ensuite à mon créneau d'observation.

    Vers 5 h 15, alors que les chars s'apprêtaient à longer par l'ouest le village de Deniécourt pour attaquer plus à l'arrière, l'un d'eux est vu par la Motte-Rouge au sommet d'une petite crête à gauche de la route Deniécourt-Estrées. Il tire; un premier obus manque le char; une seconde cartouche était déjà chargée, lorsque deux chars qui étaient au nord-est de la ferme Dollé, venant au secours de leur char de pointe, tirent: un de leurs obus éclate sans faire aucun mal, à l'entrée d'une cave; un autre, hélas! percute sur la
    volée même de la pièce; la coupant et volatilisant en même temps une fragile clôture de ciment, à travers laquelle tirait le canon pour en faire autant de projectiles supplémentaires. L'aspirant et ses hommes sont tous tués ou blessés.
    Vers 5 h 30, la première vague de chars, après avoir longé le mur de la ferme de l'observatoire (ferme Dollé) et quitté la route et tourné le village par l'ouest, disparaît vers le sud. Aux alentours immédiats de l'observatoire, un calme relatif est revenu. Estrées brûle et est attaqué par l'infanterie allemande.

    Le 117° R.I y résiste opiniâtrement.
    Estrées ne tombera que vers 15 heures, et des éléments isolés y résisteront jusqu'à 17 heures. Le bombardement s'allonge par moment et menace la ferme de l'observatoire.

    Un peu avant 6 heures, tombent dans la cour quelques chapelets de petites bombes lancées par des avions qui la survolent et la mitraillent. Mon grenier est traverse par les balles. La pièce du rez-de-chaussée où est installé le poste radio reçoit balles et éclats, mais les deux radios, le brigadier
    Charles Coïc et le canonnier Morice, continuent sans se troubler l'écoute permanente.

    A 6 h 15, pour la première fois, des balles de mitrailleuses terrestres viennent frapper le créneau d'observation. Je fais abriter mon personnel d'observation dans une cave et reste seul dans le grenier. De nouveaux chars isolés passent par intervalle. Mais la fumée des incendies couvre une grande partie du paysage. Je descends afin de resserrer ma liaison avec l'infanterie, et, faute de vues, de profiter des
    renseignements qui lui parviendraient.

    Il est 7 heures. Je vois d'abord l'aspirant de la Motte-Rouge, à demi-couché sur l'épaulement de la pièce, appuyé sur le coude droit la jambe gauche en l'air, sans connaissance, mais respirant fortement; en pendant: de l'autre côté de la pièce, étendu sur le dos, mi-soulève, son pointeur Proult, tué sur le coup; tous les deux face à l'ennemi. D'un trou voisin sortent les autres servants, tous plus ou moins touchés. Personne n'était venu encore à leur secours, parce qu'ils étaient en vue de deux chars arrêtés sur la crête d'Estrées Avec l'aide d'un fantassin du 117°, nommé Le Yaouane, qui s'est mis spontanément à ma disposition,
    j'ai pu ramasser tous les blessés et les mettre a l'abri, soit dans une grange, soit dans une cave. Les chars arrêtés semblent n'avoir rien vu; mais le bombardement reprend, intense, atteignant pour la première fois la ferme. Ce n'est qu'une demi-heure après que j'ai pu faire relever le mort, et que je l'ai enseveli décemment dans une pièce de la maison.

    Les infirmiers et les brancardiers du Bataillon ont pu nous rejoindre vers les 9 heures et donner aux blessés des soins un peu moins sommaires que ceux qu'ils avaient reçus de moi et de mes hommes. Mais ce n'est qu'à 12 heures que profitant d'un arrêt dans le combat dont je parlerai plus
    loin, je pus donner l'ordre de les transporter au poste de secours du Bataillon.

    De 7 heures à 12 heures, j'occupai mon grenier seul, car il était parfaitement inutile de risquer plusieurs dans un lieu traversé de balles et d'éclats. C'est ainsi que je vis. trois chars allemands qui revenaient de la direction de Soyécourt, passaient à 500 mètres de l'observatoire, puis regagnaient leur ligne de départ. Blessé à l'oeil gauche vers 10 heures, mon oeil droit me suffit jusqu'au soir.

    Je descendais aussi par moment pour prendre liaison avec l'infanterie, surveiller mon poste radio, etc... Je trouve que mes radios sont trop exposés; je leur donne l'ordre formel de descendre dans la cave avec leur appareil, puis je remonte observer; quelque trois quarts d'heure après je redescends, et je trouve mes radios à leur ancienne place; je m'en étonne, et le brigadier de me répondre: (( Nous vous avons obéi, nous sommes descendus et avons installé l'appareil; mais on entendait mal; alors nous sommes"
    remontés ici, puisque l'écoute y était meilleure ))

    La ferme de l'observatoire est à nouveau bombardée par avions en fin de matinée.

    Estrées est débordé par l'est; les premiers fantassins ennemis parviennent jusqu'à un petit bois à notre droite et à mi-chemin d'Estrées.

    Depuis 11 heures, je préparais le déménagement de l'observatoire: il était devenu impossible de travailler dans un endroit où téléphone et plan directeur étaient criblés de balles, où la fumée de l'incendie d'Estrées empêchait toute observation sérieuse.

    Un peu avant midi, je vois l'infanterie allemande déborder le village.

    A midi, une accalmie se produit dans tout le secteur: l'ennemi ramasse ses morts. Il devait en remplir 12 camions et 12 remorques, et les charger au point que les roues des camions enfonçaient là où les chenilles des chars avaient à peine marqué.

    Ma décision est prise: je donne l'ordre d'évacuer les blessés de la 6° batterie jusqu'au P. C. de Bataillon.

    A 12 h. 15, je quitte la ferme avec mon détachement et mon matériel. Je gagne Deniécourt. Je me présente au chef de bataillon Pierret. Il devait dans la journée me faire profiter de tous les renseignements qui lui parvenaient; et à mesure que l'action avançait, que les incendies se multipliaient enlevant toute vue, le renseignement d'infanterie devenait la principale source d'information.

    Il fut également convenu qu'en cas d'assaut, les artilleurs prendraient leur place dans les groupes de combat d'infanterie, s'armant, puisqu'ils n'avaient pas d'armes individuelles, des fusils des premiers tués. 

    La ferme Dollé, qu'abandonnaient par nécessité le capitaine de Nantois et ses artilleurs, est située à une courte distance de Deniécourt, mais elle forme un groupe important de bâtiments isolés dans lesquels les artilleurs eussent pu facilement être enveloppés. Il fallait donc qu'ils rejoignissent le gros du Bataillon.

    Le capitaine de Nantois installa son observatoire dans la maison où se trouvait déjà celui du Bataillon, légèrement au nord, vers le centre du point d'appui. Le poste de radio fut rapidement monté dans le P. C. de la 2° Compagnie. Le capitaine de Nantois circula tout l'après-midi entre son observatoire, le P. C. de Bataillon et son poste de radio.

    Le commandant Pierret signale qu'après la destruction de ses armes antichars, les chars ennemis s'approchèrent du point d'appui et ouvrirent le feu. Il était difficile de circuler, car les obus pleuvaient, les balles traceuses des mitrailleuses se multipliaient. Deux chars touchés par nos projectiles et
    immobilisés à 500 mètres, au sud de Deniécourt, furent remorqués, en plein combat, par des chars de dépannage.

    Cette première vague de 180 chars était accompagnée d'autos blindées transportant de l'infanterie. Celle-ci, débarquée ,derrière les pentes, s'installa sur les crêtes dans des tranchées qu'elle creusa immédiatement. Les chars continuèrent leur marche vers le sud et attaquèrent notre artillerie (canons de 75) établie notamment dans un boqueteau et dans le chemin au nord et autour d'Ablaincourt. Nos batteries furent rapidement réduites au silence. Le commandant Pierret apprit le lendemain, par des officiers du 10° R. A. D. prisonniers, qu'après une héroïque défense beaucoup de nos artilleurs furent tués sur leurs canons; les officiers survivants furent hissés sur les chars ennemis. D'autres faits du même genre m'ont été signalés.

    De Deniécourt, On put constater pendant toute la matinée et une partie de l'après-midi, que les villages voisins étaient également bombardés et attaqués.

    Aidés par les notes du commandant Pierrot et du capitaine, de Nantois, nous pouvons suivre les péripéties de la bataille.

    A 14 heures, le bombardement recommence intense sur Estrées, et à Deniécourt, sur la ferme de l'observatoire. Quelques obus tombent au centre de Deniecourt.
    A 15 heures, l'infanterie ennemie dont nous avions déjà aperçu vers 11 heures quelques éléments débordant Estrées par l'est et prenant pied dans un petit bois entre Estrées et Deniécourt, achève cette manoeuvre en nombre et occupe définitivement le petit bois.

    A 15 heures également, la ferme où est l'observatoire commence à brûler. La section Chasseray s'y maintiendra jusqu'au soir dans une atmosphère irrespirable, sans pour cela demeurer inactive. Elle ira chercher en avant, à 15 h 30 deux artilleurs blessés (maréchal des logis chef des Ormeaux et canonnier Schirlin). Elle harcèlera par ses tirs tous les mouvements de l'ennemi qu'elle peut apercevoir. Elle ne se
    rendra que sur l'ordre du Chef de Bataillon et la dernière du point d'appui.

    A partir de 15 h 30, on signale des infiltrations d'infanterie ennemie à l'ouest d'Estrées et de Deniécourt. Je fais tirer mon groupe:

    Le bombardement de Deniécourt s'intensifie.

    A 16 h 30, les premières colonnes de prisonniers français ramenés des arrières français dans les lignes allemandes, sont vues marchant sur la route de Fresnes-Mazancourt. Elles sont importantes; l'une d'elles comprend un grand nombre d'officiers, dont plusieurs en pantalons, un État-Major sans doute. Et cela, en montrant la profondeur de la pénétration ennemie, jette une certaine inquiétude dans les esprits. Elle est augmentée par des messages du P. C. du 117°, enlevant tout espoir de secours.

    Je donne alors une partie de mon détachement, à l'infanterie, ne gardant que les radios et deux observateurs.

    Le commandant Pierret, n'ayant plus de ligne téléphonique, rendit compte pendant toute la journée au P. C. R. I. des événements et demanda des munitions. On ne pouvait, lui fut-il répondu, envoyer de chenillettes; elles ne sauraient passer à travers les chars; mais on priait le 41°, à gauche, de ravitailler Deniécourt. Ce n'était pas davantage possible, pour la même raison: le point d'appui était encerclé.

    Au cours de l'après-midi, cependant, on vit arriver assez bas, un gros avion français. Parfaitement encadré par la D. C. A. allemande, il fit demi-tour à 500 mètres du village. Cet avion, envoyé sur la demande du lieutenant-colonel Cordonnier apportait des munitions qu'il devait lâcher en parachutes. Atteint par l'artillerie ennemie, il alla tomber un peu plus loin.

    Sans cesse le commandant Pierret avait espéré voir apparaître des avions et des chars français qui le dégageraient. Vain espoir!

    Après la chute d'Estrées, vers 17 h 30, une colonne de chars et de voitures blindées descendit de ce village vers Deniécourt et prit position autour du point d'appui, qui est bientôt encerclé. Les chars tirent sur le village leurs petits obus et de nombreuses rafales de balles traçantes. « Les fantassins du 117° cherchent à atteindre tout ce qu'ils voient. Mais les canons de 25 et les mitrailleuses lourdes sont démolis.
    Il leur reste quelques fusils-mitrailleurs et des mortiers. »

    Des incendies se déclarent dans les parties qui n'avaient pas encore été détruites, allumés par les obus incendiaires et les balles traceuses. Par ce bombardement, le groupe de mitrailleuses de la section Desert, et plusieurs fusils-mitrailleurs sont mis hors d'usage.

    Derrière les chars, des autos blindées amènent des renforts d'infanterie, qui essaient de s'approcher du village et de s'y infiltrer.

    Du P. C. du Bataillon, l'adjudant-chef Bourigan fait ouvrir le feu sur cette infanterie.

    Le caporal Peccate, secrétaire du Commandant, va sous les balles chercher dans une grange un F. M. resté dans un side-car. Du premier étage du P. C., il tire jusqu'à épuisement de ses munitions. 

    Tous les hommes, dans ces circonstances difficiles, font preuve d'un grand courage, sans perdre leur calme. Citons ici ce fait que rapporte le commandant Pierret, L'adjudant chef du Génie qui avait, avec sa section de sapeurs, posé des mines toute la nuit, vint le trouver le matin pour lui proposer d'aller chercher ses, hommes et de renforcer avec eux la ligne de défense de Deniécourt. Rampant entre les chars ennemis, il parcourut ainsi les 500 mètres qui séparaient la ferme où ils se tenaient du point d'appui, et de la même manière, avec beaucoup de courage et d'audace, il ramène ses 40 hommes.

    A 19 heures, Deniécourt est en flammes. Les balles traçantes ont mis le feu aux fourrages entreposés dans les granges. La chaleur et les suies des incendies rendent pénible le séjour dans le village. Nous attendons l'assaut. Les artilleurs doublent les guetteurs d'infanterie. Les grenades sont distribuées. De rares bouteilles d'essence peuvent être équipées dans le cas où les chars pénétreraient dans le
    village.

    Le capitaine de Nantois, dont je cite les notes, rend ce témoignage: « La tenue de tous est sans faiblesse. Fantassins et artilleurs (et sapeurs) sont prêts à résister. J'ai été particulièrement heureux de vivre ces moments aux côtés du lieutenant Tartonne, commandant la 2° Compagnie. Ce très jeune officier, animé avant tout de l'esprit de devoir, donnait des ordres avec un grand calme et une parfaite connaissance de son métier. J'ai vu à quel point ses hommes avaient; confiance en lui, combien aussi son autorité était
    grande dans l'ensemble du Bataillon.

    Le village brûle; le bombardement continue; il n'y a plus de liaison possible avec la section Chasseray qui résiste toujours dans la ferme de l'observatoire. La circulation devient très difficile à l'intérieur de Deniecourt, dont les rues sont battues constamment par le feu des armes automatiques ennemies.

    Vers 20 heures, ajoute le commandant Pierret, le nombre des chars allemands déjà bien grand est encore augmenté. Son Bataillon est à bout de munitions.

    Devant lui Estrées et Belloy, à sa droite Berny, ont succombé. Il ne sait pas que tout le reste du dispositif de la Division tient encore, que le sous-secteur ouest en particulier tiendra jusqu'au 7juin, de Fay à Lihons.

    A plusieurs reprises, le Commandant a reçu du P. C. R. I. des messages lui confirmant avec de plus en plus de netteté, qu'il n'avait à attendre aucun secours, aucun ravitaillement en munitions.

    Il fallait envisager la fin de la résistance.

    Pour parler des derniers instants de combat, je cite encore le capitaine de Nantois.

    Le commandant Pierret convoque « à 21 heures, à son P. C. tous les officiers présents dans le point d'appui. En m'y rendant, je vois s'élever les fusées de rassemblement des chars.

    Le Chef de Bataillon déclare qu'i! n'a plus de munitions et va se rendre. Ainsi est-il fait.

    En rejoignant mes hommes en compagnie du lieutenant Tartonne, je vois des fantassins qui déjà abandonnent leurs armes. Je rassemble les artilleurs, et, avec eux, je détruis tout mon matériel optique et transmissions. Tous les documents sont brûlés. Après avoir jeté mon pistolet dans un brasier, je n'avance à leur tête dans la rue principale où nous rencontrons les premiers soldats allemands. Il est 21 h 30.

    Nous sommes conduits à l'ouest du village. Le commandant Pierret et son adjudant-major, le capitaine François, sont emmenés à part.

    Avec le lieutenant Tartonne et les autres officiers d'infanterie, je traverse trois rangées: de véhicules, l'une de chars, l'autre de voitures légères blindées, la troisième de motocyclettes; tout cela presque jointif, constituait l' encerclement du point d'appui. Nous sommes conduits à la côte 88; là, on nous fait asseoir sur le sol, et des hommes nous gardent la mitraillette braquée.

    Seules de toute l'artillerie du secteur, les batteries du Bois Étoilé tirent encore. Je les entends et reconnais nettement ma batterie.

    Un officier supérieur s'approche de moi. Il veut savoir comment, artilleur, je suis au milieu de l'infanterie. Je lui réponds que je suis l'observateur du groupement. Alors il me dit en français: « Je vous dois mes beaux compliments pour le mal que vous nous avez fait ». Il me parle des pertes subies par eux, m'offre de garder mes armes, si je les ai encore. »

    Je termine par cette remarque du commandant Pierret; quand les derniers groupes furent capturés, et tous les hommes rassemblés à la lisière ouest de Deniécourt, les officiers allemands qui avaient conduit l'attaque firent appeler le Commandant, le saluèrent, et l'un d'eux lui dit:(Vous vous êtes bien battus; mais, malheureusement pour vous; vous n'aviez pas d'avions, pas de chars, et plus d'artillerie. )

    Des ambulances automobiles vinrent prendre les blessés, artilleurs et fantassins, parmi eux les lieutenants Mallet et Janffret, du 117°, et l'aspirant de la Motte-Rouge, du 10° R. A. D. Il était agonisant et mourut à son arrivée à Albert . . . 

     


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  • De la traque aux représailles

    La bataille marqua indiscutablement les esprits et l'occupant en Bretagne, à la veille
    de la Libération de la région. Mais elle s'avéra également lourde de conséquences.

    Après le décrochage, au soir du 18 juin 1944, une traque sans merci fut entreprise par les
    Allemands, malgré les pertes essuyées, notablement plus élevées que du côté français. Les maquisards comprirent dès ce soir que l'occupant n'allait pas en rester là.

    Ordre fut donné de se disperser le plus discrètement possible par petits groupes. Peu avant minuit, les stocks de munitions restés sur la zone de La Nouette furent dynamités. "Chaque formation devait dès lors rentrer sur son secteur d'origine. C'étaient les consignes", se souvient Joseph Jégo, résistant
    de la 7e compagnie basée à Plumelec*. Joseph Jégo fut de ceux qui prirent la direction du château de Callac, propriété de M. de Lignère, à l'instar du commandant Bourgoin, du colonel Morice, du capitaine
    Guimard ou encore du lieutenant Marienne.

    Le choix s'est porté sur Callac sur la base de renseignements fournis par les agents qui avaient constaté en fin d'après-midi qu'une troupe n'arrivait de ce côté. Le capitaine Puech-Samson, lui, resta en arrière garde avec l'un des agents de l'Etat major. C'est d'ailleurs lui qui fit détruire le dépôt d'armes
    et de munitions. Le décrochage par petits groupes Les deux commandants et le capitaine, accompagnés de trois agents de liaison, partirent pour Callac vers 22 h, par mesure de sécurité, à tour de rôle, chacun
    des agents précédant le groupe à environ 50 mètres. Le trajet se déroula sans incident.

    Après avoir séjourné au château durant la nuit, les membres de l'Etat major rejoignirent les villages de Folliette et Bréhélin en Sérent en longeant la rivière. Ils y restèrent une douzaine de jours avant de
    quitter les lieux pour se diriger vers Lizio et Saint Servant sur Oust. Après un passage éclair au village du Hé puis de Guergnon, le groupe se sépara. Le commandant Bourgoin fut conduit au moulin de Guillac (sur
    les rives du canal de Nantes à deux doigts d'être arrêté, il fut évacué vers La Ville-Ursule en La Croix-Helléan. Plusieurs jours après, il partit pour Sainte-Hélène sur le front de la poche de Lorient. Il y resta jusqu'au 7 août 44, jour de la Libération de Vannes.

    Le colonel Morice, lui, fut hébergé au bourg de Guillac avant de partir pour le moulin à papier de Bréhand-Loudéac. Le capitaine Guimard resta seul avec ses quatre agents et ses trois agentes de liaison en rapport avec deux agentes de l'extérieur. Quant au groupe dont faisait partie le lieutenant Marienne, il se rendit sur Plumelec, au Pelhué. Joseph Jégo fut de ceux-là; "Nous étions près de cent, la moitié du groupe qui était à la bataille." Au matin du 20 juin, stupeur : un groupe de Russes à cheval approcha à moins de 300 mètres de la ferme, à la recherche de maquisards. "Mon frère compta 35 chevaux.

    “Certains corps n'ont jamais été retrouvés.”

    Les Russes devaient être au moins autant. On est parti alors en vitesse, laissant derrière nous des
    uniformes sur le linge. Dans la cour de la ferme, se trouvait encore un groupe, dont le lieutenant Martin et le chef du ravitaillement. Les Russes sont passés à quelques dizaines de mètres d'eux. Je m'étonne encore qu'ils ne soient pas intervenus et qu'ils ne se soient pas vengés sur la famille : ils n'avaient pu manquer de
    voir le groupe resté dans la cour." Le plus vraisemblable, c'est qu'ils ne souhaitaient pas en découdre : "Je pense qu'ils ont fait semblant de ne pas les voir, qu'ils n'avaient aucune envie de risquer leur peau." Il y eut
    des actes manqués. "La guerre, c'est ça." C'est un peu la loterie. "On pouvait tomber sur un groupe de salauds comme on pouvait tomber sur des soldats plus arrangeants.

    Mais j'ai toujours constaté que, dans un groupe, les premiers l'emportaient sur les seconds..."

    Le groupe de Marienne se disloqua à son tour: "Nous partîmes dans les bois et allâmes d'une ferme à une autre." Transformés en fugitifs, les maquisards migrèrent de planques en planques jusqu'à ce que les
    miliciens découvrent le 12 juillet le camp improvisé à Kerihuel en Plumelec. L'une des
    pires représailles allemandes de la région s'en suivit : dix-huit personnes dont trois fermiers du village et quinze paras SAS furent tués dont le lieutenant Marienne.

    D'autres eurent lieu. "Plumelec a payé un lourd tribut, peut-être plus encore que Saint Marcel. Jusqu'à la Libération, tous les habitants des campagnes furent très affectés et effrayés par ces représailles."

    De la fin juin au 6 août, la répression fut en effet terrible. Les plans des maquisards furent trouvés, la résistance désorganisée. De nombreux FFI furent capturés, torturés ou tués. "Le 23 juin, plusieurs centaines de soldats sévirent dans tout le bas de la commune. Ils abattirent de nombreux paras
    et civils. Certains corps n'ont jamais été retrouvés. Le 27 juin se tint une terrible rafle, certainement la plus importante sur Plumelec." Joseph Jégo fut directement touché par cette vague de représailles sanglantes. Au Pelhué, son père fut arrêté le 30 juin et embarqué pour le fort de Penthièvre où il fut fusillé ainsi que six
    autres Plumelecois. Joseph Jégo fut arrêté par les Allemands le 11 juillet. "Je fus surpris alors que je marchais sur une route. J'ai été embarqué pour Josselin avec un jeune para."

    Joseph Jégo crut sa dernière heure arrivée.

    Les Allemands passent les deux hommes à tabac avec une brutalité incroyable. "Ils voulaient nous faire parler, qu'on balance d'autres camarades. Je ne le sus que plus tard, mais mon compagnon de captivité fut fusillé le 18 juillet." Joseph Jégo échappa de justesse à une mort certaine. Il parvint entre temps à s'évader, le 14 juillet, alors qu'il était détenu dans la cellule de torture. "Mes geôliers m'avaient laissé dans la salle de torture. J'étais allongé, déshabillé, sur une espèce de couche. Ils me surveillaient.

    Comme j'avais besoin d'aller aux toilettes; j'ai demandé que l'on me donne mes vêtements prétextant que je ne pouvais sortir ainsi dans la cour. Au retour, je suis revenu sur mon lit. Les soldats, des Alsaciens, me proposèrent alors un livre, puis partirent de l'autre côté du compartiment."

    Aussitôt, Joseph Jégo profita du répit pour soulever la crémone de la fenêtre qui donnait sur la rue et s'enfuir...

    Au final, l'après la bataille fit plus de victimes que le combat en lui-même. Pour autant, la bataille fut-elle une erreur, comme certains ont pu le penser rétrospectivement ? Les avis restèrent partagés - et le sont encore - Source de terribles représailles, elle permit aussi de fragiliser l'étau allemand et galvanisa les
    maquisards partis après la bataille sur d'autres fronts, comme celui de la Vilaine et
    de la poche de Lorient . . .

    De la traque aux représailles

    De la traque aux représailles

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  • Estrées est un village de 200 habitants environ; tout en longueur, il aligne sur un vaste espace ses maisons au nord et au sud de la route d'Amiens, qui le traverse.

    Au moment où se déclenche l'attaque allemande, la garnison comprend: dans la partie nord, la 1° Compagnie, dans la partie sud, la 3°. Il y a, en outre, à l'extrémité est, dans une grange, à l'intersection de la route nationale et du chemin de grande communication d'Assevillers, un canon de 75. Le point d'appui dispose également de 4 canons de 25, de 5 groupes de mitrailleuses, d'un groupe de mortiers de la C. A. 1, et d'un groupe de mortiers de la C. R. .E.

    A 3 h. 10, Estrées est bombardé par l'artillerie avec une violence inusitée. Immédiatement des incendies s'allument.

    A 4 heures, les observateurs de la section Suzarelli viennent avertir leur Lieutenant de l'approche des chars. On les voit s'avancer en longue ligne horizontale et serrée, entre Fay et la route d'Assevillers.

    A Fay, les incendies se multiplient, allumés par les obus allemands.

    Suzarelli va se rendre compte. Une demi-heure après on le rapporte blessé d'un éclat d'obus à la tête. Car les chars arrosent Estrées d'un tir précis. Le canon de 75 antichars, pourtant bien camouflé dans son hangar, envoie un projectile; immédiatement repéré, il est détruit par un obus qui tombe en plein dessus. le sous-lieutenant Suberville, du 10° R.A. D., qui commande ce canon, est très gravement blessé; transporté dans une grange, près du poste de secours, dans la partie ouest dEstrées, il meurt dans la journée d'une
    mort affreuse. Le local où il a été mis est situé à proximité d'un dépôt de munitions. Ce dépôt est incendié par un obus; le feu gagne la grange, et Suberville est enveloppé par les flammes.

    La défense d'Estrées


    Les engins blindés arrivent à 600 mètres d'Estrées; l'infanterie ennemie progresse derrière eux.

    Notre artillerie, nos mitrailleuses, un fusil-mitrailleur, répondent tant qu'ils peuvent. Jusqu'à 8 heures, le vacarme est infernal.

    Les chars s'arrêtent, alignés, à 600 mètres; ceux de droite et ceux de gauche continuent d'avancer, pour contourner et entourer Estrées.

    7 chars sont détruits par nos canons de 25, mais à leur tour ceux-ci sont mis hors d'usage. En outre, 3 ou 4 chars sautent sur les mines posées les jours précédents par le Génie.

    Vers midi, les blindés allemands stoppent; les fantassins se retirent dans les boqueteaux au nord d'Estrées. Bien à tort les hommes du 117° s'imaginent que l'ennemi recule. Il s'arrête tout simplement pendant une heure, pour ramasser ses morts. Le capitaine de Nantois regardait ce travail s'opérer de son observatoire de Deniécourt.

    Chez nous, les blessés affluent au poste de secours, du côté de la route de Fay, pour y recevoir les soins du docteur Tarot.

    Les chars allemands sont autour d'Estrées, et embossés aux deux extrémités de la route d'Amiens, qu'avec leurs mitrailleuses ils peuvent prendre d'enfilade. Ainsi balaieront-ils tout le village.

    Vers 13 heures, le bombardement recommence, très violent et encore plus précis. Il dure un quart d'heure pour permettre la reprise de l'attaque par l'infanterie.

    A ce moment s'écroule, sous les coups des obus, le clocher de l'église d'Estrées. Il y avait un canon de 25 à l'abri du mur nord; il n'aura guère servi.

    Vers 13 h 30, l'infanterie ennemie ayant rejoint ses engins, tout le dispositif se remet en mouvement.

    A 14 heures, l'adjudant-chef Poirier (2° section de la 2° Compagnie) a un bras arraché par un éclat d'obus ou de bombe; chose étonnante, il n'y a pas d'hémorragie. Poirier, de l'autre main, continue de tirer, jusqu'à ce que d'autres blessures sur tout le corps le mettent définitivement hors de combat. D'après le médecin-lieutenant Villey (du 117°) qui le soigna à Marcoing (Nord), l'adjudant aurait été atteint par 3 obus de char. Villey dut l'amputer d'une jambe. Mais Poirier qui était resté 4 jours sur le terrain fut pris de gangrène
    gazeuse. La transfusion du sang ne servit de rien. Ce valeureux soldat eut une terrible fin. Ancien adjudant
    infirmier du 117°, il avait demandé à retourner dans une Compagnie de voltige.

    La résistance continue, énergique. Mais les tués sont nombreux, et les blessés beaucoup plus encore. Le caporal Calmettes (de la section Poirier, en avant du village) est blessé à 15 heures; son caporal-adjoint Achille Guichaoua est tué; 6 de ses hommes sont blessés, presque tout le groupe, en un mot.

    On est dans l'impossibilité absolue d'évacuer ces blessés; il faut les garder à Estrées. Aucun ravitaillement ne parvient.

    Des incendies s'allument. Il n'y a plus de liaison avec le Bataillon à Deniécourt.

    Vers 17 h. 30, le feu gagne la cave où est installé le poste de secours. On est dans l'obligation d'en sortir. Mais les Allemands sont là. Toute résistance est devenue impossible. Les Compagnies sont prises. Les unes après les autres, les sections bien diminuées, se rendent. Quelques-unes déjà avaient succombé vers 15 heures. Une douzaine d'hommes, conduits par un sergent, réussit à rejoindre le 41° à Vermandovillers dans la soirée. Il leur avait fallu se glisser entre les blindés et les groupes allemands.

    Les sergents Pringault et Moins sont tués par I'ennemi, au moment où, les bras levés, ils sortaient de leur tranchée.

    A la fin de cette journée, un camion allemand sauta sur une mine; cet accident faillit coûter la vie au lieutenant Geoffroy, de la 4° section de la 1° Compagnie. Celui-ci s'était vu intimer par les Allemands l'ordre d'enlever les mines; il y en avait beaucoup; il en oublia 3 ou 4, sur l'une desquelles sauta le camion. Un sous-officier ennemi voulait absolument fusiller Geoffroy, qui ne fut sauvé que par l'intervention d'un officier.

    Vers 20 h 00, à la tombée de la nuit, les prisonniers furent conduits à Péronne, ou le lendemain devaient les rejoindre le Père Le Maux, aumônier du Régiment, et le médecin commandant Feldmann.

    Tandis que s'écoulait le triste cortège des captifs, Fay brûlait de partout, et les hommes du 41° s'y battaient toujours. Leur résistance durera jusqu'au 7 juin à midi.

    En arrière, à Dieniécourt, les éléments groupés autour du Commandant Pierret ne tomberont qu'à 21h 30. 


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