• Préparation militaire et morale de la 19° DI

    Formation de la division

    La 19° DI, division d'active, a son centre à Rennes. Elle est aux ordres du général d'Arbonneau à la mobilisation.

    Elle est constituée, jusqu'au mois de mai 1940, par:

    - le 41°RI de Rennes, Colonel De Lorme.

    - le 117° RI du mans, Colonel Chalon.

    - le 71° RI de Saint Brieuc, Colonel Astolfi.

    - le 10°RAD de Rennes, Colonel Delalande.

    - le 210° d'Artillerie lourde,de Rennes, Lt Colonel Javourey.

    - le groupe de reconnaissance divisionnaire 21, Commandant Mozat.

    - 2° Cie du 8° Génie (télégraphie et radio).

    - 2° Cie du 6° Génie.

    Pendant la campagne, la 19° DI sera pourvue de 3 aumôniers: les RR. PP. Le Maux, oblat de Marie; Le Pape, mariste, Bourdais, de la compagnie de Jésus. Le troisième était attaché au 41° RI.

    Les hommes se recrutaient spécialement dans les départements de l'Ouest, mais aussi dans la région parisienne.

    D'une manière plus précise, on peut assigner comme origine:

    - 41°: Les départements bretons

    - 117°: La région du Mans

    - 71°: Les départements strictement bretons

    - 10° et 210° RAD: la même origine

    - GRD 21 (formé à Dinan et à Limoges ) la région Bretagne et Limousin

    - 8° Génie: La région parisienne

    Les 5, 6 septembre 1939, elle part de Rennes, débarque dans la région des Ardennes, à Liart, cantonne autour de Rethel, puis au nord de cette ville jusqu'au 9 novembre 1939.

    A cette date, elle est dirigée sur la Lorraine. Elle se concentre d'abord dans la région Dieuze-Château-Salins, puis monte à Hellimer, Hundling, Roulhing, Sarreguemines, pour faire face à la Sarre, entre Sarreguemines et Sarrebruck.

    Le 24 novembre 1939, elle prend possession de ce secteur qui, tout de suite, s'anime davantage.

    La guerre commence pour la 19° DI.

    Combats d'avant-poste devant Sarrebruck

     La 19° Division va rester dans ce secteur du 24 novembre au 8 janvier 1940.

    Le séjour sera pénible, car il faudra se défendre contre les incursions hardies d'un ennemi assez entreprenant. Nos hommes connaîtront d'abord la boue, l'eau, qui remplit tout de suite les tranchées, puis le froid intense du plateau de Lorraine.

    Le dispositif est organisé en profondeur; le 41° RI monte en premier avec le GRD 21.

    Le 41° installe ses avant-postes entre Kerbach et Welferding, en passant par Sarreguemine; dans ce sous-secteur plus tranquille, protégé par la Sarre, et la Blies, le GR restera jusqu'à la fin de notre séjour et laissera à nos successeurs une ligne continue de tranchées et de boyaux.

    Le 41° a une première ligne d'avant-postes au Moulin Neuf, au bois Ermerisch, au Brandenbush, à Grossbliederstroff, Welferding, au nord de la route Grossbliederstroff-Forfach, que borde un ruisseau qui se jette dans la Sarre. Lexing,un joli village traversé par ce ruisseau, constitue le centre de commandement de ces avant-postes; une deuxième ligne est installée au sud du ruisseau entre Lexing et Roulhinh; le PC du Colonel est à Nousswiller. Il a autour de lui la Cie de commandement et la Cie de pionniers de la division, rattachée administrativement au 117°.

    Le PC de l'Infanterie divisionnaire est à Woustwiller, à 5 km de Nousswiller et Sarreguemine. 

    Le PC de la Division est à Hellimer.

    Préparation militaire et morale de la 19°DI

    La région doit être charmante en été; elle est faite de collines, parsemée de bois; des ruisseaux coulent dans les vallées; on y rencontre de nombreux étangs. Pour cette raison, on l'estimait facile à défendre; aussi n'avait-on pas construit dans cette trouée de la Sarre d'ouvrages bétonnés; ceux qui existaient étaient loin en arrière.

    Des trois régiments d'infanterie, c'est le 41° qui passera le plus de temps en première ligne: 22 jours sur 45 que durera notre séjour.

    En cette fin de novembre, la boue a tout envahi: les hommes vivent là dans la nature; il est impossible de se faire des abris enterrés, car ils sont immédiatement envahis par l'eau. Pour se mettre à l'abri des bombardements, il faudra se contenter de légers abris, en surface, faits de rondins, sans consistance. Bientôt à la pluie succéderont la neige, puis un froid de - 25°.

    Le système adopté, pour un secteur aussi étendu, est celui des postes de combat, d'une section chacun, analogues à ceux que nous avons connus en 1916 - 1918. Avec cette différence importante qu'il n'y a pas d'abris souterrains, et presque pas de tranchées pour la raison déjà indiquée: l'eau sourd de partout, même sur l'Ermerisch et le Brandenbusch. A Grossbliederstroff, sur le bord de la Sarre, on organise 4 ou 5 maisons en blockaus.

    Comme l'ennemi s'infiltre facilement entre les postes, distants de 800 mètres ou plus, les corps francs des bataillons, constitués dès l'arrivée en Lorraine, circulent beaucoup toutes les nuits, pour donner à l'ennemi l'impression qu'on est partout. Au 41°, sous les ordres du Lt Duchêne, du sous-lieutenant Bellanger et de l'Adjudant-chef Lebreton, ils se montrent très actifs. Des rencontres avec des patrouilles allemande se produisent. Le procédé adopté par le Colonel de Lorme est vraiment efficace; les coups de main allemands échoueront toujours sur le 41°, sur le 117°. Nos camarades du 71° seront moins heureux.

    Les Allemands qui sont en face de nous, sont de la région de Sarrebruck; ces frontaliers connaissent parfaitement les cheminements de notre secteur; ils sont bien installés dans le village de zingzing, et dans les carrières sous l'Ermerisch.

    Depuis que, par un recul malheureux, une division de gauche, quelques semaines auparavant, a abandonné la hauteur dominante de Spicheren, notre position avancée, sur une longueur de 10 km, est dangereusement exposée. Il faut une vigilance de tous les instants, pour n'être pas tourné et enveloppé.

    Pour coordonner les moyens de défense, le Colonel De Lorme établot au centre, à Lexing, un chef excellent, le Capitaine Thouron.

    Dès que le 41° arrive, le secteur devient agité; parfois même beaucoup. Les bombardements ne sont pas rares, de jour et de nuit. Les Allemands tentent des coups de mains. Il y a, bien entendu, des morts et des blessés.

    Le 117° remplacera le 41° sur ses positions.

    le 71° RI eu moins de chance: un jeune sous lieutenant, de Goësbriand, s'acquit une réputation méritée de très bon et courageux officier; il y gagna dans une circonstance difficile, au bois Ermerisch, une citation à l'ordre d l'armée. Car ce jour là, Goësbriand sauva la situation. Une autre fois, à 8h00 du matin, une section qui se gardait mal fut faite prisonnière, et il y eut des tués. L'ennemi s'était avancé à la faveur d'un brouillard artificiel; plus tard, devant Péronne, le 41° s'emparera de pots de fumigènes dont étaient munis les Allemands.

    A l'égard du 71°, l'ennemi usa de stratagèmes qui n'eurent pas d'effet, pour essayer d'atteindre son moral. Au moyen de disques, il faisait entendre des chansons bretonnes, la Paimpolaise, par exemple. Une autre nuit, il installa une statue phosphorescente de Notre-dame de Lourdes, pour faire penser à une apparition; il recommença la nuit suivante, mais une patrouille alla rendre des comptes et rapporta la statue. Les Allemands avaient tout prévu, et usaient de tous les procédés.

    Le séjour du 71° fut abrégé; il descendit le 27 décembre avec plus de morts et de blessés que les autres régiments. Plusieurs avaient été victimes de la maladresse ou du mamque de sang-froid de leurs camarades. Il est vrai que ces postes de combat, installés dans les bois, très loin les uns des autres, risquaient de donner une impression d'insécurité.

    Le premier mort de la 19° DI fut un soldat du 41° RI: Jouan, un petit Breton de 21 ou 22 ans, ainé d'une famille de 10 enfants, tué par un obus sur son FM, le 20 novembre. Il fut enseveli à Roulhing; un prêtre de sa section, tout couvert de la boue des avant-postes, chanta la messe des morts; la section rendait les honneurs. Après l'absoute, le corps de Jouan fut porté au cimetière contigu à l'église. Le Colonel De Lorme prononça une courte, mais parfaite, allocution. Curieuse coïncidence: une batterie de 75 venait de tirer sur l'ennemi; la sonnerie aux morts dans le silence et dans la brume de novembre, et les canons reprirent leur tir. Ainsi les obsèques de cet humble camarade prenaient-elles un caractère inattendu de grandeur.

    Nos hommes n'avaient pas toujours l'indispensable. Je me souviens qu'un jour le Colonel De Lorme passa en revue, avec le Général d'Arbonneau, le corps franc du 41°, sur la place, détemprée par les pluies incessantes, de Lexing. Plusieurs étaient chaussés de souliers usés, l'un deux même, un vaillant garçon, dont je parlerai dans la troisième partie, avait les pieds dans l'eau. On n'avait pas de chaussures à leur donner. L'un des assistants envoya heureusement une de ses paires de souliers. Les gens de l'arrière, qui parlaient de la ( drôle de guerre ), ne se doutaient pas certes pas de ce dénuement.

    Les hommes supportaient avec courage leur dure vie.

    Il était réconfortant de les visiter à leurs emplacements de combats, et eux-mêmes étaient visiblement heureux de ces rencontres en des lieux dangereux avec leurs aumôniers.

    L'impression de solitude y était angoissante. Nous n'avions pas au même degré ce sentiment dans l'autre guerre, car nos lignes étaient beaucoup plus étoffées, et nos groupes se flanquaient mieux les uns les autres.

    Relevé par le 117°, le 41° Ri vint s'installer à Puttelange; le 2° Bataillon cantonnait sur les hauteurs au sud de la petite ville, le 3° dans les bois de Plaffenboesch; là, les hommes vivaient dans la nature, c'est-à-dire fort mal, presque en plein air, dans la boue d'abord, puis avec le froid rigoureux, dans la neige et le gel. Le 1° Bataillon était installé dans le village de Goebenhouse, à quelques kilomètres au nord. Les maisons de Puttelange étaient en assez piteux état; ceux qui nous avaient précédé n'avaient certainement pas mis d'ordre dans ces demeures vides de leurs habitants. On s'en doute. Mais le commandement n'y veillait peut-être pas assez.

    Il fallait organiser les arrières de notre secteur; il n'y avait à peu près rien; car la ligne Maginot s'interrompait dans cette trouée de la Sarre, ou l'on se croyait fort, parce que les étangs nombreux donnaient l'espoir d'inondations faciles.

    La garnison stable du sous-secteur de Puttelange était constituée par le 41° Bataillon de mitrailleurs coloniaux, le 174° de forteresse, des pionniers, d'autres troupes encore. Il était régi par un Etat-Major particulier. Un Colonel en avait la responsabilité.

    A Puttelange, le PC du régiment était installé dans l'hôtel de ville, sur la petite place ornée d'une fontaine, en face de l'église qui sur sa terrasse dominait la ville. L'artillerie allemande l'à, paraît-il, démolie en juin 1940. Il y avait également un temple et une synagogue qui étaient inutilisés.

    La 19° DI était composée d'hommes qui, en majorité, avaient des habitudes religieuses; il y avait dans les régiments 100 prêtes et 100 séminaristes.

    Tandis que nous étions à Puttelange, j'accompagnai à Morhange le Colonel De Lorme. Il allait remettre la médaille militaire à un soldat du 71°, mortellement blessé la veille à l'Ermerisch. Ce pauvre garçon mourut après notre visite, consolé par le baiser paternel du Colonel, qui n'oublia pas d'aller voir le séminariste Jean Bonis, le sergent aux mains arrachées. Une bienveillance si sincère touchait profondément les coeurs de nos hommes, simples et dévoués.

    Le 27 décembre, le 41° RI remonta en première ligne, ou il relevait le 71° Ri. Le froid était extrême: 20 degrés au-dessous de zéron; la neige couvrait la terre. Il semblait que les adversaires fussent également gelés ! Car nous fûmes fort tranquilles de part et d'autre. Mais il eu beaucoup de pieds gelés. La vie des hommes était fort pénible. Il fallut toutes les 48 heures relever les compagnies du Brandenbush et de l'Ermerisch.

    Le séjour de la 19° DI dans le secteur prenait fin. Pendant 45 jours, il y eut une vingtaine de tués et une centaine de blessés. Nos hommes avaient résisté avec courage au froid et aux coups de main; ils avaient supporté les bombardements et effectués un travail défensif considérable. A notre arrivée, il n'y avait pas de postes aménagé, pas de moyens de défense; en partant nous laissons le secteur paré contre les coups de main.

    Le 4 janvier 1940, la 14° Division ( 35° RI, 152° RI, deux bataillons de chasseurs ) remplacèrent la 19° DI dans le secteur du Brandenbusch; une autre division (la 7° Coloniale), le GRD 21 à Sarreguemines.

    La Division prit ses quartiers autour de Sarre-Union, le PC de la DI était à Dieuze; le 41° RI cantonnait à Sarralbe. Un effrayant verglas, qui depuis quelques jours rendait le ravitaillement fort difficile, gêna considérablement notre déplacement.

    Le Général d'Arbonneau venait de nous quitter, envoyé en mission à Ankara (Turquie). Le Général Toussaint, ancien attaché militaire à Rome, le remplaçait.

    L'Alsace - La garde du Rhin (7 janvier au 17 mai 1940)

     

    La 19° DI partit de Dieuze pour l'Alsace. Le 41° RI débarqua à Montreux-Vieux le 9 janvier. Le froid était extrême. Nous retrouvions la neige et la glace de la Sarre. Les régiments cantonnèrent dans les villages autour de Montreux-Vieux, dans des conditions lamentables; de mauvaises granges, des écuries, ouvertes à la bise froide, accueillirent nos hommes. Heureusement, dès le lendemain, nous quittâmes ces villages inhospitaliers. Le froid était atroce; le verglas rendait la marche très difficile aux fantassins et aux équipages. Nous n'avions pas de camions pour nous transporter. Sur la route glissante, on avançait lentement, des hommes et des chevaux tombaient. Une voiture avec son conducteur et son attelage fut entraînée dans le canal du Rhône au Rhin qui borde la route. Heureusement la glace était épaisse et solide ! Il fallut toute une journée pour faire l'étape. Jusqu'à minuit, le Colonel De Lorme demeura sur la route pour surveiller l'arrivée de son régiment. Comment n'eût-on pas déploré une telle misère ! 

    On vivait sur de vieux concepts.

    Beaucoup de matériel s'imposait. Déjà la 19° DI, dans sa courte campagne en Lorraine, avait perdu la moitié de ses moyens de transport automobile. On ne le remplaçait pas; on ne le réparait pas. Il était visible qu'à l'arrière on ne travaillait pas, ou pas assez.

    Nous étions en Alsace, chère à nos coeurs. On ne saurai assez dire avec quelle cordialité nous y fûmes reçus.

    Préparation militaire et morale de la 19° DI

    Les familles s'ouvrirent à nos Bretons; des lits leur furent offerts; on les conviait à prendre place à table. Cette réception chaleureuse toucha profondément noshommes qui avaient grand besoin de repos. Il y avait une correspondance profonde de sentiments et de caractère entre les Alsaciens et les Bretons: pratique religieuse, âme volontiers sentimentale, volonté portée à l'entêtement, patience dans le travail furent surpris et heureux de voir leurs églises remplies par nos hommes; ils mettaient dans leur estime notre division au-dessus de la 14° qui nous avait précédés. Il regrettaient seulement que nos Bretons fussent trop portés à boire. Mais ils savaient reconnaître leur facilité à rendre service et, d'une manière générale, leur délicatesse dans leurs conversations avec les femmes. Des coeurs profondément français battaient dans ces poitrines alsaciennes; nos Bretons, par leur attitude, les confirmaient dans ces sentiments. Les curés d'Alsace, que mes fonctions m'appelaient à rencontrer souvent, étaient ardemment français, et se montrèrent fort accueillants à nos prêtres et nos séminaristes.

     

    Préparation militaire et morale de la 19° DI

    La 19° Division, concentrée autour de Mulhouse, était en réserve d'armée (VIII° Armée) en 2° ligne. Elle s'échelonna bientôt du sud de Neuf-Brisach à Sierentz. Un de ses bataillons (le 1° du 41° RI) fut, à la fin de janvier, poussé en première ligne, entre Kembs et Hombourg, au bord du Rhin.

    Le 41° RI d'abord à Illfurth (3° bataillon), Tagoslsheim et Luemschwiller, au sud de mulhouse, puis à la fin de janvier à Landser (P.C.R.I), Dietwiller (3° bataillon), Sierents (2° bataillon), Kembs, Niffer, Petit-Landau, Hombourg (1° bataillon) sur le bord du Rhin.

    Le P.C du 41° RI s'était établi dans une assez grande et vieille maison sur la place de Landser; le couvent des religieuses rédemptoristines logeait les officiers de la C.H.R; l'école d'Agriculture des Pères Salésiens servait au cantonnement de la C.D.T.

    La 19° DI devait, le cas échéant, assurer la défense de ce grand secteur: un travail intense fut demandé à nos hommes. Car en vertu des traités de 1815, la fortification de cette région n'était pas admise dans un rayon de 12 km autour de Huningue. Il n'y avait donc pas d'ouvrages entre Sierentz et la frontière suisse. La ligne Maginot, construite en 1934 - 1936, allait du nord d'Altkirch à Sierentz, qu'elle englobait, pour rejoindre ensuite le Rhin à Kembs. Dès le début des hostilités, la construction d'ouvrages bétonnés, au sud de Sierentz, avait été entreprise. Un certain nombre d'entre eux étaient déjà achevés. La ligne Maginot était constituée par des ouvrages d'artillerie à 2 pièces de 75; des ouvrages d'infanterie à 2 canons de 47, 2 mitrailleuses et 2 FM; un champ de rail à 5 bandes et des réseaux de barbelés les protégeaient. Il y avait en outre quelques cuvelages bétonnés pour les FM avec des barbelés. Il restait néanmoins beaucoup à faire pour consolider la ligne Maginot à l'intérieure de cette zone.

    La 19° DI fut employée au renforcement de la seconde ligne de défense et à la construction de bretelles.

    En face de nous, au contraire, les blockaus allemands étaient fort nombreux se flanquant de très près; en face de Kembs, l'ennemi avait édifié sur les premiers contreforts de la Forêt Noire un fort énorme, capable de tenir sous son feu la région entière. Très vite nos fantassins apprirent à construire des blockaus en béton; le travail était dur; ils passaient 6 à 8 heures sur le chantier, et avaient souvent 14 km de marche pour s'y rendre et en revenir. Le dimanche même n'interrompait pas toujours le travail, car on était pressé par le temps; il fallait des fortins, des abris, des fossés antichars.

    Néanmoins, une vie assez régulière s'organisait, conforme aux habitudes de la 19° DI.

    Il ne sera pas inutile de rappeler, pour souligner la préparation morale de la division, que l'approche de Pâques fut l'occasion d'une grande activité spirituelle pour les aumôniers.

    Bien que l'assiduité aux travaux de fortification laissât peu de temps pour des exercices de compagnie ou de bataillon, l'instruction des hommes ne fut pas cependant négligée.

    Au début de mai, le Colonel De Lorme fut appelé au XI° Corps, comme chef d'Etat-Major. C'était pour le 41° RI et la 19° DI une très grande perte. Il nous quittait, regretté de tous. Les hommes du 41° RI avaient en lui une confiance absolue, fondée sur l'intuition parfaitement justifiée de sa science militaire. Sans cesse, ils le voyaient sur le terrain, peu soucieux en apparence des détails, qu'il n'ignorait pas, mais dont il laissait le soin, comme il convient, à ses subordonnés. 

    Il fut remplacé par le Commandant Loichot, qui fut promu un peu plus tard Lieutenant-Colonel. Celui-ci venait du 152°RI, un beau régiment de l'autre guerre.

     

    Préparation militaire et morale de la 19° DI

     

    Entre temps, on bouleversait les cadres de nos régiments; déjà on avait pris au 41° RI, pour l'affecter à la formation des recrues, le chef de bataillon Courtel; des capitaines, anciens combattants de 1914 - 1918, avaient été envoyés à l'arrière, parce que l'on voulait des cadres plus jeunes, et n'avaient pas remplacés.

    Une modification importante survint dans la composition de la 19° DI; on lui ôtait le 71°RI qui devait renforcer une autre division; il devenait le 71° d'infanterie alpine. Ainsi se trouvait compromise l'homogénéité de la 19°.

    En échange, on nous donnait le 22° régiment de volontaires étrangers, unité de formation nouvelle à laquelle le manque de matériel de toute nature n'avait pas permis d'achever son instruction. Il nous arrivait mal équipé. les hommes n'avaient pas de havresac, pas de porte-épée, pas de courroie pour le fusil; des cordes tenaient lieu de courroies, et une toile de tente de havresac !

    Cette unité allait faire preuve de courage devant Péronne; elle était constituée de juifs étrangers, d'ancien soldats de l'armée espagnole et de russes. Les Espagnols spécialement déployèrent un magnifique héroisme dans les combats de la Somme.

    Nous arrivons au moment ou la 19° DI va quitter l'Alsace. Des nouvelles très graves nous parviennent. les Allemands ont envahi la Hollande et la Belgique, et bousculé, sous le poids de leurs divisions cuirassées, la petite armée Corap. Nos armées du nord luttent pour échapper à l'encerclement, car déjà les chars ennemis courent en direction d'Abbeville, et occupent la région au nord de la Somme. Le Général Gamelin veut tenter une suprême manoeuvre: essayer de faire rejoindre l'armée de Belgique, qui descendrait vers le sud, par une armée qui monterait vers le nord, par Péronne, et ainsi enfermer l'ennemi dans la poche qu'il a créé.

    La 19° Division est alertée; on l'estime bonne pour l'attaque et pour la défense. On la met en route, aussi vite qu'il est possible, le 16 mai 1940.

     

     

     

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