• Le repli sur la Marne et la seine

    Le 12 juin, des renseignements inquiétants parviennent de la région de Senlis . . .  On peut craindre pour la région ouest de Senlis, où les 19° et 47° D.I. sont en liaison. L'ennemi qui se renforce rapidement, ne s'est cependant emparé que de cinq blockhaus de la ligne principale, quand l'ordre de repli est donné le 12 juin au soir.

    Ce repli est décidé pour se lier à l'Armée de Paris, qui tient Gonesse, et pour parer à la menace sur le flanc droit de l'armée, à La Ferté-sous-Jouarre.

    Ce compte rendu du 1° C. A., auquel sont empruntées ces lignes, précise ainsi les intentions du Commandement: 

    « Le 1° C. A. reçoit mission de défendre l' Oureq d'Aulnay (exclu) à Claye-Souilly (Est) (lisière Est du bois de Villeparisis à la 47° D.I.) »

    En exécution de ce plan, le 12 juin à 8 h 30 du soir, arrive l'ordre à la 19° D.I. de se retirer sur la Marne. Nos batteries de 75 et de 155 sont admirables. Bien que très exposées, elles tirent jusqu'à la dernière minute; nous sommes déjà en route qu'elles vident encore leurs caissons, pour masquer notre départ. Il a fallu, malheureusement, abandonner près du pont de Borans, le canon de 75 embourbé dans le marais,
    et le 37 de marine.

    Les restes des 41°, 257° R.I, 10° R. A. D., 210° R. A. L. D., le G. R. D. 21, le Génie, les services, tout s'en va par la seule route libre: Viarmes, Luzarches, Ecouen, Gonesse, Le Bourget, Nogent-sur-Marne. A pied, toujours! Qu'on songe à la distance à parcourir.

    Il faut se gendarmer pour empêcher quelques hommes de fumer, à quelques centaines, de mètres de l'Oise! Insouciance du soldat, quand il lui parait que le danger est moindre.

    Le repli sur la Marne et la seine

    Nous rencontrons une section de coloniaux, tout ce qui reste d'un régiment; elle a reçu l'ordre de venir prendre position entre Le Lys et Viarmes! J'espère qu'elle a échappé à l'ennemi.

    En cette soirée du 12 juin, nous voici donc de nouveau sur la route! Nous,espérions qu'un front défensif, s'appuyant sur la ligne Maginot, pourrait se constituer sur l'Aisne l'Oise, la Seine, en attendant mieux. Une fois de plus les Allemands nous débordent, et il n'y a, comme toujours, qu'une seule voie de retraite. Chaque fois aussi, nous sommes moins nombreux à la suivre.

    Toute la nuit, les hommes marchent! Qui ne les admirerait d'un tel effort? Car ils s'en vont, en ordre, bien tenus en mains par leurs chefs.

    Le train hippomobile suit le 41°.

    A Gonesse, le 3° bataillon embarque en camions. Un détachement cycliste est formé: Le Bourget, Le Raincy, Neuilly-sur-Marne. Arrivée à Noisy-le-Sec vers 11h 10, le 13 juin. Le 2° Bataillon atteint Noisy à 15 heures.

    De bonne heure, le matin de ce jour, accompagnant les lieutenants Blanchet et Loysel, j'arrive par le même itinéraire à Nogent-sur-Marne. Notre voiture (c'est celle du commandant Pigeon) dont les vitres avant et arrière ont été brisées par les balles est l'objet de la curiosité.

    De Nogent-sur-Marne, nous remontons sur Noisy-le-Grand et Plessis, sur la Marne, où le 41° prend position.

    Les nouvelles sont mauvaises; à notre droite, I'ennemi a passé la Marne, à Meaux.

    Le G. R. D. n'est pas éloigné de nous. A la tombée de la nuit, le 12 juin, il s'est mis en route, comme nous, par Luzarches, Gonesse, Nogent-sur-Marne. II va prendre position à Champs-sur-Marne d'abord, puis, quelques heures après, dans la soirée, à Ponthierry, sur la Seine, entre Corbeil et Melun. C'est alors qu'il reçoit du matériel moderne, bien au point: 3 canons de 47 montés sur voitures automobiles, partiellement blindées! Que ne l'avait-on expédié avant !

    Dans la journée du 13 juin, vers midi, le Génie fit sauter le pont de Ponthierry.

    Le P. C. du 41° est installé dans l'ancienne et belle (au XVIIIe siècle) demeure, utilisée depuis peu par la Jeunesse Catholique ouvrière comme, maison de retraites et de repos. Des scènes d'amour peintes sur les murs sont toujours la, témoignages d'un état d'esprit qui amena jadis des catastrophes. Hélas! cet état d'esprit était le nôtre.

    Le général LencIud indique au Commandant Jan sa zone de stationnement vers le bois de la GrenouIlère; mais les artilleurs ont tout envahi avec leurs positions de batterie, leurs échelons.

    Le bataillon se case sur la lisière d'un bois, près de logements ouvriers.

    Chaleur. Fatigue. Va-t-on défendre la Marne? On dit que Paris a été déclaré ville ouverte, que l'ennemi a passé Senlis. On se lave, on mange, on dort. (Journal de marche du 3° Bataillon du 41° R.I).

    Nos hommes, morts de fatigue, se sont  jetés sur l'herbe et dorment.

    Mais pas de longues heures, car ils vont descendre un peu plus bas; le compte rendu du 1° corps note en effet:

    Le repli sur l'Ourcq s'effectue dans la nuit du 12 au 13 juin, et à midi, le 13, les éléments de la 29° et 47° D.I tiennent les passages du canal, mais dans un état d'épuisement tel que les généraux qui les commandent font toute réserve sur la résistance à en attendre. L'ennemi, qui ne semble disposer entre Oise et Ourcq que de quelques engins blindés, réussit seulement à faire passer quelques éléments au sud de l'Ourcq
    en fin de journée (le 13 juin).

    Les ordres, qui avaient organisé la défense de l'Ourcq, prévoyaient que les autres divisions du 1° C. A. (19 D.I et 7° D. I. N. A.) s'établiraient sur la Marne. Mais Il n'est déjà plus temps. Paris est livré sans combat à l'ennemi.

    A l'est la VIl° Armée voit son flanc droit (ou ce qu'il en reste) constamment débordé. Le Commandement décide de se se replier d'un seul bond, derrière la Seine (13 juin, 16 heures).

    Les 19° D.I. et 7° D. I. N. A. sont dirigées respectivement sur Corbeil et Melun pour constituer des têtes de
    pont sur la Seine. Une fois leur mouvement terminé, elles passeront aux ordres de l'Armée. Des groupes de transport sont mis à la disposition des unités.

    Ces précieuses indications permettent de comprendre ce que je dirai un peu plus loin.

    Maintenant, je suis seul aumônier de la 19° D.I. Mes deux confrères ont été pris le 6 juin, à Fresnes-Mezancourt et à Pressoir. A l'État-Major on voudrait bien m'avoir un peu. L'auto de l'État-Major de la D. I. est là; elle m'attend.

    Vers 14 heures, nous arrivons au P. C. de la Division. Il est à Mennecy, non loin de Corbeil, à droite,sur la Seine; le  41° et le G. R. D. 21 vont, ce soir, venir nous rejoindre pour garder les ponts du fleuve, en face de nous.

    Nous apprenons que demain, 14 juin, les Allemands vont faire leur entrée dans Paris; le Gouvernement le leur abandonne ! . . .  Déjà, il est vrai, ils sont à Juvisy, au sud de Paris, à notre gauche. Entre eux et nous, il n'y a plus rien, qu'un espace encore vide. C'est en vain que nous cherchons la liaison. Toujours nous sommes à l'arrière-garde.

    Dans Mennecy, une foule énorme de réfugiés est entassée. Spectacle pitoyable que celui de tant de vieillards, de femmes, d'enfants, démunis de tout, qu'on ne sait comment nourrir, car déjà les commerçants fuient ou ferment.

    En effet, de très bonne heure, vers 5 heures, en ce matin du 14, nous faisons mouvement. Il le faut, hélas! Tout a cédé à notre droite et à notre gauche. Nous sommes en l'air. Les ponts sur la Seine de Corbeil sautent, tandis que les Allemands prennent possession de ceux de Paris!

    Ici encore, le compte rendu du 1° Corps doit être cité :

    A la gauche du 1° Corps d'Armée, L'Armée de Paris qui s'est repliée le 14 juin au matin dans la Vallée de Chevreuse, poursuit sa manoeuvre de retraite.

    Le rétablissement sur la Seine (Ordre de la VIl° Armée, 14 juin, 11h 15) sera limité au temps strictement nécessaire; les éléments auto et hippo des grandes unités seront acheminés directement derrière la Loire. L'infanterie du 1° C. A. sera embarquée V. F. sur la ligne Malesherbes Corbeil et à la Chapelle-la-Reine.

    Le lieutenant de Lestrange, du G. R. D. 21, attaché à la Division, m'emmène avec lui. Nous nous connaissons depuis Sarreguemines. C'est un jeune homme distingué, d'une parfaite éducation.

    Le repli sur la Marne et la seine

    Lestrange doit essayer de faire la liaison avec le 1° Corps d'Armée (général Sciard) et en cherche le P. C. Par Milly, nous descendons sur Malesherbes, en suivant les petites routes moins encombrées. Nous côtoyons la forêt de Fontainebleau : en ce mois de juin, le paysage est charmant; insensible à nos misères, le monde végétal prodigue pour le plaisir de nos yeux la vie. Si les hommes de France avaient
    été plus fidèles aux voix de la nature et avaient mieux compris qu'elles exigent la fécondité, nous ne serions pas aujourd'hui comme des bêtes traquées, sur les routes de notre pays.

    A Malesherbes, nous nous trouvons encore parmi la foule immense des réfugiés, qui attendent les derniers trains, ou mendient un peu d'essence pour aller plus loin. Quelle misère! Quel châtiment aussi pour le plus grand nombre! La vie se venge quand on en viole les lois.

    Pendant que Lestrange s'efforce d'entrer en communication par le téléphone, à la gare, avec le Corps d'Armée, je vais au magasin de l'Intendance (il y a là un énorme approvisionnement) chercher une boule de pain et du «singe». Nous partageons ces vivres dans l'auto, tout en roulant, avec le conducteur. Car Lestrange a fini par découvrir le P. C. du général Sciard; nous nous y rendons, puis nous revenons à Mennecy, par La Ferté-Alais.

    Aux abords de Mennecy, nous apprenons que l'État-Major de la 19° D. I., le 41° R. I. sont partis; les cavaliers du capitaine Brandner, de notre G. R. D. 21, défilent sous nos-yeux; ils ont une magnifique allure. Ils forment I'arrière-garde de la Division.

    Lestrange et moi sommes les derniers à quitter ces lieux!

    Nous nous remettons en route, par Milly, pour éviter l'encombrement de la grande route. Parfois la voiture roule à travers les champs de blé! Lestrange a l'esprit cavalier et ne redoute rien.

    Enfin, nous retrouvons la route de Pithiviers; avant d'atteindre cette ville, nous sommes pris dans un formidable embouteillage. Une colonne interminable de voitures de tourisme, de camions, de canons lourds, de piétons poussant d'étranges véhicules, est arrêtée, prise de panique, car des avions allemands viennent de mitrailler cette foule.

    Contournant Pithiviers, par l'ouest, nous filons vers Jargeau, où la 19° D.I. doit passer la Loire.

    Avec beaucoup d'habileté; Lestrange passe par les faubourgs de la rive droite, de sorte que, sans encombre, nous pouvons traverser le pont. Il faudra, un peu plus tard, 4 ou 5 heures à la voiture du général Lenclud pour exécuter la même opération, à cause de l'embouteillage inouï des réfugies, des soldats, des voitures de tout genre.

    Ensuite, par l'explosion d'une bombe allemande, déclenchant nos propres mines, le pont sautera.

    Les vieux remparts de Jargeau s'offrent à notre regard, rectilignes, sévères. Jadis, Jeanne d'Arc a remporté là, une victoire !

    De Jargeau, nous allons à La Ferté-Saint-Aubin, où s'établira pour un jour le 41°, et à La Motte-Beuvron, ou, avec l'État-Major de la VIl° Armée (Général Frere), Lestrange traite les affaires de la D.I. et prend les ordres.

    Puis, de nouveau, en route. Nous atteignons enfin Chaumont-sur-Tharonne (Loir-et-Cher) sur la grande route d'Orléans, au sud de la Ferté-Saint-Aubin. Le P. C. de la 19° D.I. s'y installe.

    Ainsi s'achève la journée du 14 juin . . . 

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