• Le décrochage de l'Etat-Major de la 19° D.I

    Vers 20 heures, le soir du 18 juin, un civil courageux arriva à la demeure du Maire de Millancay. Il était venu à bicyclette, précipitamment, pour prévenir le Général qu'une colonne allemande, motorisée, estimée à 3.000 hommes, était tout proche.

    Au même moment, le lieutenant Blanchet, du 10° R. A. D. se présentait. Au P. C. du 41° R.I, à Avignon, où il était en liaison pour son Régiment, il venait de voir un cycliste du 2° Bataillon du 41° qui avait réussi à s'échapper et à gagner le P. C. R. I, où il annonça la capture de son Bataillon, stationné aux abords de Grand-villiers, à 1.500 mètres au nord.

    Immédiatement (dit le compte rendu du 10° R. A. D.), Blanchet partit en side-car. La route directe de Millançay était impraticable, car déjà elle était battue par le feu des mitrailleuses ennemies. Il dut emprunter l'itinéraire détourné par Marcilly et la forêt de Bruhada pour venir informer l'État-Major de la D.I. Dans la forêt, il vit dans un layon adjacent, des chars français. Les officiers qui les commandaient étaient en train de dîner. Il les informa de la situation; ceux-ci prirent sur-le-champ leurs dispositions
    pour atteindre Millancay et en défendre l'accès.

    Continuant sa route, le lieutenant Blanchet vint rendre compte des faits au colonel Huguet (commandant l'A. D.) et au général Lenclud (commandant la D. I.).

    Il repartit immédiatement porter aux chars l'ordre officiel de venir défendre Millancay et le Q. G. et revint pour annoncer que ces chars faisaient route et arrivaient incessamment.

    Toutefois, les commandants des groupes d'Artillerie du 10° et du 210° R. A., en position nord-est de Millançay, au château de Marcheval, restaient encore dans l'ignorance des événements et étaient, à mesure que le temps passait, de plus en plus exposés à subir I'encerclement ennemi.

    Aussi, sans désemparer, le lieutenant Blanchet continua t-iI son circuit, et, se dirigeant sur Marcheval, reprit, avec son side, la route nationale. Il ne put aller bien loin, car à 500 mètres au nord de Millançay, les premières voitures de la colonne allemande lui barraient la route.

    Immédiatement appréhendé, il demanda à parler à un officier. Celui-ci l'ayant tout d'abord désarmé, lui intima sous la menace du revolver, l'ordre d'aller dire à nos troupes que l'armistice était signé, et qu'il ne fallait pas tirer; moyennant quoi les Allemands ne tireraient pas non plus, ne voulant plus continuer inutilement à répandre le sang français.

    Pendant que se passait cet incident, le général Lenclud envoyait des ordres au 41° par le lieutenant Lucas; ces ordres furent reçus à 20 h 20.

    On voit que tout se déroule avec une extraordinaire rapidité!

    Les chars venaient de faire leur entrée dans Millançay; et immédiatement le chef d'État-Major Rocaut les fit mettre en position. Les équipages n'avaient pas encore combattu, me fut-il dit alors; ils manquaient d'expérience tactique, mais non de courage, comme la suite le montra. Ils se placèrent mal, l'un contre l'autre, à la sortie nord du village, s'interdisant par là toute possibilité de manoeuvre.

    Le lieutenant Blanchet, après avoir protesté, dut donner à « I'ordre » (des Allemands) un commencement d'exécution, mais tout en continuant à surveiller l'évolution de nos chars que les Allemands n'avaient pas encore aperçus. A pied, encadré d'un officier et d'un sous-officier, revolver au poing, il s'avançait vers les nôtres, laissant à ceux qui l'envoyaient l'illusion que la mission pacifique s'accomplissait.

    Mais quand il fut à proximité immédiate de nos chars, qui, entre temps, s'étaient avancés, soudainement il hurla l'ordre: Tirez, c'est les Boches.

    Les Allemands, surpris par la fusillade qui aussitôt se déclencha, se jetèrent à plat ventre, tandis que le lieutenant Blanchet, profitant du désarroi, réussissait à s'échapper.

    Vaillamment les chars venaient d'engager le combat inégal dans lequel ils devaient succomber. Deux furent brûlés dans l'action; le troisième eut la tourelle immobilisée et son moteur détérioré. Le lieutenant Leroy, qui le conduisait, en sortit grièvement blessé; trois servants des chars furent tués, et sont ensevelis dans le lieu même de leur courageuse action.

    Ils retardèrent la marche de la colonne motorisée de l'ennemi, qui attendit le lendemain pour aller plus loin et tirailla toute la nuit contre un hypothétique adversaire.

    Ils avaient aussi sauvé de la captivité l'État-Major de la Division, qui sous les balles des blindés allemands put s'en aller! Quelques minutes de plus, il eût été trop tard, et le Général lui-même eût été capturé. Seuls restèrent entré les mains de l'ennemi le lieutenant interprète Warhlin, de Mulhouse, et un ou deux hommes de la cuisine.

    Nous nous dirigeâmes vers Romorantin, que nous traversâmes, dans le brouhaha des réfugiés. Ceux-ci ne se doutaient pas que l'ennemi fût si près!

    Vers minuit, nous franchîmes le Cher au pont de Chabris.

    Ainsi, à la première heure du 19 juin, étions-nous dans cette ville inhospitalière. Car tout de suite on nous avertit que la municipalité s'opposait à ce qu'on défendît le passage de la rivière et de la ville.

    Ils seront cependant défendus! par un petit groupe de secrétaires de l'État-Major, commandés par le lieutenant Ledouce, du 10° R. A. D., et l'aspirant Jullien, de la Compagnie divisionnaire du train hippomobile.

    A ce moment, la Division n'a plus de fantassins avec elle, puisque le commandant Jan, avec les restes du 41° (300 hommes environ) ne nous a pas encore rejoints; elle n'a pas davantage le G. R. D. qui s'est replié par la droite.

    Il n'y a plus que l'État-Major et les services! Une tête sans corps.

    Nous allâmes, pour quelques heures, à Ménetou-sur-Nahou, au sud de Chabris, puis à Luçay-le-Mâle, Nous distinguâmes à peine, dans la nuit profonde, les belles lignes du château de Ménetou . . .

     

     

     

     

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