• La journée du 7 juin . . .

    La journée du 7 juin . . .

    Le bruit s'était répandu, parmi les hommes du 41°, qu'une contre-attaque puissante viendrait les dégager; même ceux de la 10° Compagnie, enveloppée dans Fay, conservaient cet espoir. Maurice Chareaudeau, ce témoin si précis du combat de Fay, écrit dans ses notes que ses camarades ne pouvaient se résoudre à penser qu'ils seraient abandonnés, et qu'à plusieurs reprises ils crurent entendre derrière eux le tir de
    colonnes françaises progressant vers le nord. Au 1° Bataillon de Foucaucourt, la persuasion était absolue, et nos hommes s'en iront avec regret ; ils voudraient au moins que la relève fût là.

    Cette illusion avait un fondement. Un message de la 19° D.I, transmis par radio dans la soirée du 5 juin ou les premières heures du 6 juin, au 41°, l'avait prévenu qu'il devait s'attendre à une prochaine contre-attaque opérée en vue de le dégager. La nouvelle avait été communiquée aux bataillons.

    Le compte rendu du 1° C.A. s'explique ainsi sur ce point : Le 6 juin , une attaque de chars (général
    Velvert) doit être entreprise à partir de 4 heures; elle a pour axe Champien-Roye, puis Roye-Chaulnes, et ne doit pas dépasser, jusqu'à nouvel ordre, la voie ferrée Chaulnes-Guillencourt.

    Partie seulement à 8 heures, par suite de retards divers, cette attaque tourne court, avant d'atteindre la
    route Roye-Liancourt. Les chars sont dispersés par un violent bombardement d'aviation. La moitié environ pourra être regroupée, mais le lendemain seulement.

    L'échec de cette contre-attaque de chars faisait disparaître tout espoir d'une résistance victorieuse dans le
    Santerre. 

    Les engins blindés ennemis allaient pouvoir aborder la 2° position tenue en partie par la 47° D. I. (qui avait d'ailleurs passé le 5 juin au soir, aux ordres du 1° C. A.): Dès lors, le Commandement se préoccupe de sauver les unités qui tenaient toujours, mais que l'ennemi commençait de tourner par le sud.

    Le décrochage des éléments de la 1° position deviendrait impossible, s'il n'était effectué dans la nuit du 6 au 7. Cette situation était exposée, dès 14 heures, par le Général Commandant le 1° Corps au Général Commandant la VII° Armée.

    L'ordre de décrochage parvient au 1° Corps (Q. G. au Château de la Morlière,à Sains-Morainvilliers) à 19 heures.

    Certains éléments en ligne ne pourront être prévenus avant 24 heures. Et le jour commence à 4 heures.
    Combien il eût été souhaitable, puisque nous devions partir, que les Bataillons du 41° eussent pu être; avertis 2 heures plus tôt ! Le régiment tout entier, sauf la 10° Compagnie encerclée eût été sauvé!

    Malheureusement ils le furent seulement à 2 h 15.

    A 2 h 30 du matin, le 7 juin j'entends du bruit, des chevaux qu'on attelle! Qu'est-ce que cela veut dire? On devait tenir; aucun ordre de repli ne serait donné.

    Pourtant l'ordre vient d'arriver, apporté un quart d'heure auparavant par le lieutenant de Wailly, de l'E. M. de la 19° D.I. accompagné du sergent Fontaine, agent de liaison du 41° à la D. I, non sans risques, car le parcours était long et dangereux. Ils avaient pris, en passant par Lihons, seule route possible, le sergent-chef Seour. Ensemble, s'infiltrant à travers les groupes ennemis déjà installés derrière nous, ils
    avaient atteint Vermandovillers.

    On n'eut pas tenu compte d'un ordre transmis par radio, car il avait été prescrit formellement de ne pas se replier et de n'accepter qu'un ordre écrit apporté par un officier.

    Le lieutenant-colonel Loichot refusa d'abord d'accepter l'ordre. Il ne s'y résigna qu'après avoir entendu les remarques pressantes du lieutenant de Nailly. La 7° D. I. N. A. était déjà en route, et l'on avait besoin de nous ailleurs.

    Les munitions nous manquaient; l'on ne pouvait nous en envoyer; nous resterions isolés et sans appui.

    Le Commandement comptait sur nous pour continuer en arrière le combat.

    La journée du 7 juin . . .

    Il faut faire vite, avant le jour, et dans le plus grand silence. En hâte, de Vermandovillers, l'ordre de repli est
    porté à Soyécourt, Foucaucourt, Herleville. Il prescrit d'appuyer vers l'ouest, de se retirer en passant par le secteur de la 7° D. 1. N. A.

    Le chemin de repli, le seul qui reste, passe par Vauvillers et Caix, puis s'infléchit vers Davenescourt, en direction du sud-ouest; nous sommes coupés par le sud. Déjà les chars allemands sont derrière nous.

    La 10° Compagnie est cernée depuis 3 jours. Un coureur ne peut l'atteindre; à plusieurs reprises, notre radio lui lance en clair cet ordre : « Rejoignez Jan immédiatement ». Mais la 10° ne répondit pas aux appels.

    Dans le plus grand silence, en une demi-heure, à Vermandovillers, on est prêt pour le départ. On emporte tout le matériel.

    Nous passons par Lihons, au petit jour, Il est temps. Déjà ce village est évacué par le G. R. D. 21, et la C. H. R. du 41°, avertis à minuit. Quelques cavaliers seulement sont là, comme des ombres. Dans Rosières-en-Santerre, une maison brûle; la route est coupée par un éboulement, et une excavation, travail des bombes allemandes tombées en cet endroit. Il faut faire un détour pour trouver une voie libre. Toute la
    rue principale est détruite. A l'entrée de la petite ville, près de la barricade, on voit des auto-mitrailleuses ennemies incendiées.

    En apparence, tout est calme. Pourtant les Allemands sont ici depuis hier, installés dans les caves, ou même se reposant sur des lits dans les chambres, comme on peut en passant les voir. Quelques petits postes veillent, dissimulés.

    Le lieutenant Austruy, averti à temps de cette disposition, peut faire passer les voitures de la C. H. R., en faisant un détour par la gauche, avant l'excavation.

    Après lui, un camion chargé d'une cinquantaine d'hommes (fantassins, artilleurs) s'est arrêté devant l'entonnoir, et des motocyclistes allemands l'ont mitraillé. Les hommes, sautant du camion, se dispersent. Mais un sergent du 41°, sans perdre son sang-froid, réussit à faire reculer son véhicule, et à le
    mettre sur le bon chemin, Il le sauve.

    Il n'en est pas de même, malheureusement, des deux camionnettes de la Compagnie de Commandement, restées à Lihons avec la C. H. R. Elles aussi se trouvent en face de l'entonnoir. D'abord le petit poste ennemi s'enfuit. Mais en constatant le manque de résolution des conducteurs, il revient, attaque à la mitraillette, crève les pneus. Les deux véhicules sont abandonnés, avec les bagages des officiers.

    Le sergent-chef Perriot, de la 11°, quitte Lihons à 1 h 30 avec les 3 hommes de son train de combat. Il est attaqué par les mitraillettes des chars, à la sortie de Lihons. Poussant résolument,il passe et sauve son matériel et ses hommes.

    Avant nous encore un petit groupe de la C. H. R. traverse enfin Rosières; une douzaine de soldats conduits par le sergent Gandon; au début de la nuit, celui-ci avait vu qu'un trou dans la ligne de défense rendrait la liaison difficile au cours du combat ; on n'y attacha pas d'Importance. Cette négligence à tenir compte de l'observation de Gaudon fut cause qu'on ne I'avertit pas du repli. Heureusement, vers 3h 30, pour lutter contre, le sommeil et avoir des renseignements, le sergent alla faire un tour d'inspection sur sa
    droite. Il n'y avait plus rien. Les emplacements des voltigeurs étaient inoccupés. Gandon rassemble ses hommes, et un peu avant 1 heures; s'engage sur la route de Rosières. Il avait sauvé ce petit groupe de .la captivité.

    Le G. R. D. 21, bien avant nous, était passé sans encombre, emportant la totalité de son matériel ; car il avait connu vers minuit l'ordre de départ et s'était mis en route à 1 heure du matin, pour pouvoir se regrouper à Etelfay, à l'est de Montdidier, dans les premières heures de la matinée.

    Le G. R. D. eut cependant à déplorer la capture du groupe de l'escadron Hors Rang, conduit par le lieutenant Berger et l'adjudant-chef de Magondeau. Le maréchal des logis Tardivel était avec eux. Une trentaine d'hommes, par lesquels une vingtaine de blessés, les accompagnaient. Ils n'avaient qu'un fusil mitrailleur sans cartouches. Le groupe s'en allait à pied, rencontra I'ennemi et ne put se défendre. Il fut prisionnier.

    Le 41° R. I. lui aussi devait passer par Rosières, puisqu'il n'y avait plus d'autre route.

    Vers 4 heures du matin, les voitures de I'Etat-Major entrent dans le village, font demi-tour devant l'excavation, reviennent en arrière, et par un détour sortent de Rosières.

    C'est peut-être ce qui nous sauva. Vers 4 h 30, la Compagnie de Commandement, les éléments de la C. R. E., la 7° Compagnie, et la section du Génie, parties de Vermandovillers vers 3 heures, y arrivent également. Évitant Lihons, elles avaient pris la petite route d'Herleville, et de là étaient descendues sur Rosières; elles purent voir à Herleville les champs jonchés de cadavres allemands, et le nombreux
    matériel abandonné l'avant-veille par les prisonniers.

    La petite colonne, à laquelle se joignirent des éléments du 10° R. A. D. arriva 5 ou 6 heures plus tard à Becquigny, en passant par Le Quesnel, Hangest-en-Santerre, Davenescourt, où elle franchit l'Avre.
    Il était temps qu'elle traversât Rosières, car, un peu plus tard, le 1° Bataillon qui avait pu se décrocher de Foucaucourt, s'y heurta à des forces allemandes bien supérieures.

    Nous arrivons au chapitre le plus dramatique de l'histoire du 1° Bataillon, histoire un peu compliquée, mais qui s'éclaircit quand on entre dans le détail des faits. Il faut, étudier à part le repli de la 1° Compagnie, puis celui des 2° et 3° Compagnies, et de la C. A. 1. Et encore, pour la 1° Compagnie, sera-t-il nécessaire de distinguer, à partir de Rosières, 4 groupes dont le sort fut très différent . . .

     

     

     

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