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Chapitre 6: l'attaque Allemande - 1er jour
Par sgidplan dans 02-B - Journal des opérations de guerre par les Lt LUCAS et HERVE le 5 Juin 2024 à 20:025 Juin 1940
1h30. Un formidable tir de barrage de notre artillerie se déclenche soudain dans le secteur centre et est de la division, mais iI s'éteint rapidement. Renseignements pris, ce tir a été provoqué par plusieurs fusées vertes aperçues par les artilleurs dans la direction de Belloy et de Fresnes-Mazancourt. Aucun village cependant n'a lancé de fusées. Ce sont les Allemands qui ont essayé de nous tromper. Déjà, cet hiver, dans la Sarre, ils avaient usé du même stratagème. Depuis 1 heure, d'ailleurs, les guetteurs signalent une recrudescence de fusées ennemies de toutes couleurs : un vrai feu d'artifice où la couleur orange domine.
3 heures. La nuit étoilée s'écoule dans le plus grand calme, troublée par instants par les bruits habituels d'un secteur de combat : coups de feu isoles, courtes rafales d'armes automatiques, obus isolés éclatant quelque part. Somme toute, nuit sans incidents.
3 h 30. Brusquement retentit un grondement effroyable, un vacarme d'enfer, qui, loin de s'arrêter, s'amplifie de minute en minute. Nul doute, les officiers qui ont déjà fait l'autre guerre le disent : « C'est
l'attaque » Un formidable bombardement s'est abattu sur tout le secteur de la division. Dans le rougeoiement des éclatements, dans la fumée et la poussière, les fusées vertes s'élèvent, de Fay, de Foucaucourt, d'Estrées, de Belloy, de Berny, de Fresnes-Mazancourt, de partout, et notre
artillerie, à pleins tubes, 75 et 155, entre dans la danse. A l'avalanche d'obus dont les éclatements nous environnent de toutes parts s'ajoute le sifflement des salves françaises ou ennemies, qui pour d'autres destinations, passent au-dessus de nos têtes. La nuit semble se briser, le ciel semble éclater, le corps se rapetisse, le cerveau devient vide : une seule pensée y résonne. C'est l'attaque allemande, celle que nous attendions, mais qui devient une réalité. La volonté se concentre sur la tâche à accomplir et chacun, calmement, attend ou agit, suivant son rôle.
Au P. C. du régiment le téléphone sonne sans arrêt. De Foucaucourt, le 1er bataillon annonce qu'il est soumis à un violent bombardement et qu'il reçoit des obus incendiaires. Mêmes nouvelles de Soyécourt, de Fay, du point d'appui du bois du Satyre. Le P. C. du 117 confirme que tous ses villages sont bombardés et que ses points d'appui de première ligne ne répondent plus au téléphone. Le P. C. de Ia division nous informe que le bombardement s'étend sur tout le front de la D. I.
Les minutes s'écoulent dans un fracas infernal. Belloy, Berny, Estrées flambent comme des torches dans la nuit. Mêmes lueurs d'incendies au-dessus de Fresnes-Mazancourt, de Fay, de Foucaucourt,
4 heures. Le jour se lève. Dans la plaine, au milieu de la fumée et
de la poussière, les vagues de chars ennemis s'avancent. Des observatoires, on les voit, contournant et dépassant Estrées, Berny, Fresnes-Mazancourt, atteignant déjà Ablaincourt et Pertain, au milieu des
champs verts et bien au-delà de la portée de nos armes. Il y en a partout, mais surtout dans la partie Est de la division, où l'on en compte à cette heure plus de trois cents. Ils avancent toujours plus au Sud, contournant à distance les villages qu'ils semblent éviter, circulant dans cette plaine plate, sèche, sans haies, sans talus, sans arbres. Et soudain, dans un vrombissement formidable, des vagues d'avions s'abattent sur nous. Les bombes tombent en sifflant, soulevant de grandes colonnes
noirâtres; tout tremble. Les avions descendent en piqué sur leurs objectifs et le bruit des bombes s'ajoute à celui de l'artillerie qui n'a pas cessé son feu. Sur tout cela gronde le ronflement des moteurs. On ne peut que subir. 250 avions environ sont dénombrés, et sans arrêt ils survolent le secteur de la division, semant sur des objectifs soigneusement repérés leurs engins de mort. Parmi ces avions on note un pourcentage important d'avions à train d'atterrissage fixe. Même, au-dessus de Fressoir, un monoplan « style 1928 >>, aux jambes longues comme des pattes d'araignée, balance ses bombes par-dessus la carlingue. L'ennemi a tout utilisé, même ses vieux << zincs >>. Qui l'en empêcherait ? Certes pas nos avions, ni ceux des Anglais, toujours invisibles.
5 heures. Le téléphone est partout coupé. Des 15 lignes qui aboutissaient au Centre du P. C. R. I., une seule fonctionne encore, celle de l'observatoire, mais la radio marche à plein rendement et les liaisons
avec les divers points d'appui restent possibles. La dernière communication téléphonique est venue du P. C. du 117ème R. I. où le colonel Cordonnier annonce qu'il est toujours sans liaison avec ses points
d'appuis qui, écrasés par l'artillerie et l'aviation, semblent submergés. Il ajoute : << Quoi qu'il arrive, je tiendrai jusqu'au bout. >> Et il tiendra parole.
6 heures. Les chars ennemis continuent à progresser. Ils ont largement dépassé l'aile droite du régiment et se dirigent vers le sud.Derrière eux on voit des colonnes d'infanterie allemande qui cherchent à déborder Estrées, Berny, Fresnes-Mazancourt. Le 22ème R. M. V. E. va-t-il tenir ? Remplaçant depuis le 1er mai dans notre division d'active bretonne, le 71ème R. I. de Saint-Brieuc, il est en effet composé d'hommes de
races différentes non aguerris, mais à défaut de cohésion ses hommes montrent un courage remarquable et il tient. Le 117ème subit vaillamment cette avalanche de fer et de feu. Estrées-Deniécourt, Pressoir et Ablaincourt tiennent toujours. Belloy et Berny semblent submergés par
les masses ennemies, mais résistent encore.7 heures. Une seconde vague de chars descend vers le sud. Il y en a plus de 200. Ils avancent rapidement dans la plaine. Certains encerclent les villages qui résistent. Derrière marchent des colonnes de camions pleins de troupes, qui passent hors de portée de nos armes (4 à 6 kilo-
mètres vers l'Est). Seuls quelques avions nous survolent. Les artilleurs du 210ème R. A. L. ont été durement bombardés par l'aviation, mais courageusement, ils reprennent leurs tirs à forte cadence pour protéger le front de notre régiment. Car le 41ème tient magnifiquement.
Foucaucourt, que défend le 1er bataillon, a subi un violent bombardement par obus explosifs et incendiaires de 3 h 30 à 5 h 30, mais lorsque l'infanterie ennemie a voulu déboucher au nord du village elle a été rapidement stoppée par nos tirs d'armes automatiques et par le tir d'arrêt de nos 75 qui lui ont causé des pertes sensibles. A plusieurs reprises les Allemands ont tenté de progresser, mais les éléments les plus rapprochés ne sont pas arrivés à plus de 400 mètres et, dès 6 h 30,
leur avance était complètement bloquée. Cependant, à l'ouest de Foucaucourt, débordant ce village, de fortes colonnes ennemies s'avancent vers le Sud tandis qu'on voit les troupes débarquer des camions près de Dompierre-Becquincourt pour aller renforcer les colonnes qui attaquent Estrées.Fay a également subi un intense bombardement par 105 et 150 depuis 3 h 30. L'ennemi a voulu tout de suite réduire ce village placé en pointe. Ce saillant le gêne, et dès 3 h 40 des éléments ennemis profitent des bois qui s'étendent, depuis le Nord jusqu'aux lisières Ouest du village. Ils sont massés là, à quelques centaines de mètres de Fay.
A 4 heures se déclenche une violente attaque, accompagnée de tirs nourris de mitrailleuses et de minen. La 1ère compagnie résiste avec un brillant courage. 150 hommes pour défendre ce village, c'est peu, mais les défenseurs se multiplient. Les Allemands subissent de lourdes pertes, mais de nouveaux hommes surgissent toujours du bois pour franchir les quelques centaines de mètres qui séparent le bois du village, et vers 4 h 30, un petit nombre d'entre eux parviennent aux vergers à I'Ouest de Fay. Là s'arrêtent leurs succès et, malgré leurs efforts, ils ne peuvent progresser plus loin.
P. A. intermédiaire du bois de Satyre. Pendant ce temps la section de l'adjudant-chef Lebreton, qui occupait dans le bois du Satyre, au Sud-ouest de Fay, un point d'appui situé à cheval sur la route d'Amiens à Saint-Quentin, n'était pas restée inactive. Placée à cet endroit par le colonel du 41ème, à la demande du général Toussaint, elle a pour mission d'interdire le passage de la route nationale et d'arrêter les éléments ennemis qui voudraient profiter de l'abri des bois pour déborder Fay
par l'Ouest et atteindre ainsi l'intérieur de notre dispositif. La section Lebreton est bombardée dès 3 h 30 par obus et par avions, sans résultats grâce à sa dispersion et à son camouflage dans les bois. Vers
4 heures, des éléments ennemis atteignent Ia route nationale dans le bois du Satyre. Tandis qu'une partie de la colonne allemande gui progresse par le bois du Satyre s'attaque à Fay, l'autre partie continue vers le Sud en suivant la lisière ouest du bois. C'est alors qu'elle tombe sur le groupe Le Goff, de la section Lebreton, qui prend d'enfilade la route nationale en direction d'Amiens, puis, sur le 3ème groupe placé plus en arrière. Arrêté par des tirs efficaces, l'ennemi essaie de réduire la résistance et lance une vive attaque sur les douze hommes du groupe du sergent Le Goff. Mais celui-ci se défend avec un courage admirable et repousse tous les assauts successifs de l'ennemi qui, finalement,
renonce à le réduire, Pendant ce temps, des éléments allemands, laissant les leurs aux prises avec le groupe Le Goff, poussent vers le Sud et atteignent vers 5 heures la lisière sud du bois du Satyre, à
1500 mètres Nord-Est de Soyécourt, qui est tenu par les trois autres sections de la 11ème compagnie et par la 9ème compagnie. Ils essaient aussitôt de déboucher en direction de ce village, mais ils sont accueillis par des feux nourris d'armes automatiques et par des tirs de mortiers de 81 auxquels se joignent les mitrailleuses de 20 mm, Ces tirs sont si efficaces qu'après quelques essais infructueux l'ennemi n'insiste pas et disparaît dans le bois, abandonnant ses morts dans la plaine.Herleville. Ce n'est qu'à 5 heures que le bombardement s'abat soudain sur Herleville, violent, brutal. Il ne précède que de peu de temps l'avance des colonnes ennemies qui progressent entre Foucaucourt et le bois Sainte-Marie, profitant de ce couloir d'infiltration. Les premiers obus de ce bombardement ont un effet malheureux: Ia même salve atteint le lieutenant Prigent, officier-adjoint, qui est tué sur le coup, le capitaine Thouron, commandant le 2ème bataillon, et le lieutenant Ravoux, commandant la C. A, B, 2., qui sont blessés tous deux gravement. Ces pertes, dans un bataillon qui ne compte plus que 11 officiers sur 21, se feront fortement sentir par la suite. Courageux à l'extrême, le capitaine Thouron, après s'être fait panser, reprend le commandement de son bataillon, malgré la douleur de son bras déchiqueté. Il ne sera évacué qu'à Ia fin de l'après-midi. A 5 h 30, les colonnes ennemies débouchent
sur la plaine, entre Herleville et Soyécourt, en masses serrées, inconscientes du péril qui les menace. Les fantassins marchent debout, l'arme à la main. On voit même parmi eux, sur la route, une voiture hippomobile, des bicyclettes, quelques motocyclettes. Ils progressent, certaines unités vers le village, d'autres vers la trouée entre Herleville et le Bois-Etoilé qui barre la plaine à 2 kilomètres Ouest de Vermandovillers et à 3 kilomètres Sud-Est d'Herleville. Dans ce bois se tient une batterie du 10ème R. A, D., protégée par une section de la 7ème compagnie. En arrière du bois, près de la route Vermandovillers-Herleville, une batterie de 75 du 304ème R. A. P. est en position. Le 2ème bataillon et les artilleurs laissent approcher l'ennemi à quelques centaines de mètres. Fusils, F. M., mitrailleuses et canons chargés à obus à mitraille sont braqués sur les colonnes qui avancent toujours. Soudain le feu se déclenche, violent, infernal. Subissant des pertes considérables, les unités ennemies, surprises, tourbillonnent sur place, puis se terrent, et la lutte commence.Ainsi, à 7 heures du matin, la situation dans le sous-secteur du régiment est la suivante: les éléments ennemis qui attaquaient Foucaucourt ont été nettement arrêtés devant ce village, sans possibilite de
progresser. Une colonne ennemie, qui avait débordé Foucaucourt par l'est, profitant de l'abri des bois que l'on rencontre depuis les abords de Assevillers jusqu'aux abords de Soyécourt, a atteint et violemment attaqué le flanc Ouest de Fay, mais elle a été repoussée, à l'exception de quelques éléments isolés qui occupent les vergers au Nord-Ouest de ce village. Des é1éments de cette même colonne progressant vers le sud par la lisière Ouest du bois du Satyre ont été pris à partie par le feu
de Ia section Lebreton qu'elles ne peuvent pas réduire. Enfin le reste de cette colonne ennemie, assez diminuée, a continué sa marche vers le Sud, mais elle n'a pu déboucher du bois, arrêtée par le feu violent du 3ème bataillon qui tient Soyécourt, et elle s'est repliée dans l'intérieur du bois. Enfin, une forte colonne, débordant Foucaucourt par l'Ouest, s'est avancée dans la plaine jusqu'à 200 mètres d'Herleville et 400 mètres du Bois-Etoile. Elle vient d'être totalement arrêtée. A la gauche du régiment le 31ème R. T. A. a abandonné le bois Sainte Marie, mais tient ferme sur toutes ses positions à hauteur de Foucaucourt. A la droite du régiment, la situation du 117ème et celle du 22ème R. M. V. E.
sont moins bonnes. L'ennemi a en effet concentré la plupart de ses moyens sur l'axe de la route Péronne-Paris. La 19ème D. I., surtout sur son aile droite et son centre, a supporté tout le poids des forces ennemies qui ont progressé en dépit d'une résistance acharnée et lui ont causé de lourdes pertes. Estrées et Deniécourt, assaillis par des colonnes d'infanterie que les combattants de Fay voient débarquer sans arrêt, appuyées par des chars, tient toujours. Plus en arrière, Pertain et Ablaincourt ne sont pas entamés, et le 117ème R. I. résiste malgré de fortes attaques. Plus loin, Belloy, Berny, Fresnes-,Mazancourt sont violemment assaillis par les l'infanterie et les chars. L'aile droite du 117ème R.I semble neutralisée. On voit partout des engins qui circulent dans les plaines, s'acharnant sur les villages malgré leurs lourdes pertes. Depuis 3h30 jusqu'à 7h00, plus de 500 chars ont été lancés dans le secteur de la Division et leurs éléments avancés ont déjà dépassé Chaulnes, à 10 km à l'intérieur notre dispositif.Et la bataille continue.
L'artillerie qui avait un peu ralenti ses tirs, s'acharne à présents sur les village qui résistent. Partout les maisons construites en briques légères s'effondrent. A Foucaucourt, l'ennemi arrêté dans la plaine par les tirs intenses et précis par artilleurs et nos mitrailleuses semble avoir compris l'inutilité de nos efforts. Par contre, ont voit ses renforts continuer à descendre de Dompierre vers Estrées, ou le 117ème RI se défend avec acharnement. Ils passent malheureusement hors de portée de nos armes. A l'Ouest, quelques faibles éléments débordent assez loin Foucaucourt et se dirigent vers Herleville. Vers 10h00, 4 engins blindés venant d'Estrées s'approchent de la barricade Est de Foucaucourt, à une bonne portée de canon de 25. Nos obus les encadrent; ils ralentissent leur marche. L'un d'entre eux à cependant continué lorsque, à proximité de la barricade, il saute sur une de nos mines anti-chars. Devant ce sort fâcheux, les trois autres engins s'enfuient à plein gaz.
A Fay, ou le bombardements fait rage, le Capitaine Dorange, commandant la 10ème Compagnie, est tué peu après 7h00 par un éclat d'obus. Le Lieutenant Le Moal prend le commandement de la Compagnie. L'ennemi s'efforce par des tirs d'artillerie et de minen, de nous causer de fortes pertes. Puis il continue sa pression par l'Ouest, mais malgré ses violentes attaques, il ne peut toujours progresser. A 9h30, le Lieutenant Bernard est grièvement blessé. A 10h30, le groupe de mitrailleurs qui défend l'Est de Fay prend à partie un groupe de motocyclistes sur la route d'Assevillers à Estrées, et le disperse en lui causant plusieurs tués. A 12h00, l'ennemi est toujours arrêté à 200 m à l'Ouest du village. Des éléments isolés occupent les vergers du Nord Ouest et ne peuvent progresser. Les munitions, malheureusement s'épuisent rapidement.
Dan le bois du Satyre, les Allemands reprennent leurs attaques sur le point d'appui intermédiaire de l'Adjudant Chef Lebreton. Répartis dans les bois, les groupes de combats ne peuvent que difficilement se porter assistance et chacun doit compter surtout sur lui-même. Le groupe Le Goff, le plus en pointe est à nouveau assailli vers 10h00 par des forces importantes qui neutralisent les autres groupes. C'est un combat farouche. Pendant près de 2h00, ce groupe de 12 hommes tiendra tête à des forces 10fois supérieures. Il luttera jusqu'au dernier homme, jusqu'à la dernière cartouche. Mais le Sergent Le Goff est tué.
Tous ses hommes sont successivement tués ou blessés et l'ennemi peut enfin, vers 12 heures, reporter toutes ses forces sur le reste de la section. Mais la aussi il rencontre la même résistance et dès le début de l'après-midi il doit relâcher sa pression, puis arrêter ses attaques sans avoir pu entamer aucun des autres groupes. C'est qu'en outre la situation commence à devenir mauvaise pour lui dans la plaine, à l'Ouest du bois du Satyre. Les forces ennemies arrêtées vers 7 heures dans la plaine devant Herleville et le Bois Etoilé se sont aussitôt efforcées de progresser par bonds avec l'appui de nombreuses mitraillettes et mitrailleuses. Devant Herleville, malgré leurs efforts, elles n'obtiennent aucun résultat : nos armes automatiques arrêtent tous leurs mouvements, leur causant des pertes sensibles. Malheureusement il n'en est pas de même entre Herleville et le Bois-Etoilé. En effet, profitant des replis du terrain, certains éléments ennemis avancent peu à peu dans la plaine sur les 3 kilomètres qui séparent Herleville du Bois Etoilé. Ils atteignent et débordent la lisière Nord de ce bois. Sans doute les 75 tirant à balles, débouchés à zéro, causent des pertes effroyables parmi les fantassins ennemis qui s'efforcent d'atteindre de face le bois, mais malgré ce tir violent, courageusement, méprisant leurs pertes, les troupes ennemies avancent quand même. Nous manquons en effet pour arrêter cette progression sur un front de 3 kilomètres d'un barrage de feux suffisant. Les 3 FM de la section de la 7ème compagnie, les mitrailleuses Saint-Etienne et les
fusils mitrailleurs 1915 des artilleurs (armes datant de l'autre guerre) se révèlent bien faibles pour un front pareil. Les artilleurs du 10ème R. A. D. combattent avec acharnement, le fusil à Ia main, comme
de vrais fantassins. Mais l'ennemi avance toujours, homme par homme. Les obus à mitraille dont les résultats sont formidables commencent à toucher à leur fin et il faut les alterner avec des obus explosifs qui ne conviennent guère pour tirer quelques centaines de mètres. Et l'ennemi progresse toujours vers le Bois Etoilé et dans la plaine vers le Sud.10 heures. La situation devient de plus en plus critique. L'ennemi a dépassé le Bois Etoilé et ses mitraillettes prennent d'enfilade la batterie du 304ème R. A. P., obligeant les servants à quitter leurs pièces. La situation est grave, il faut agir. Déjà, à plusieurs reprises, les artilleurs ont demandé au colonel du 41ème qu'on leur porte secours. Mais où trouver des renforts ? Tous les villages sont attaqués ou menacés de l'être d'un moment à l'autre. Aucun élément ne peut être distrait de leurs
faibles garnisons. C'est alors que le colonel tente une action d'audace, Il donne l'ordre à l'adjudant Tardiveau de prendre deux chenillettes, de les armer d'un F.M. chacune et de tenter de dégager les artilleurs,
Sans doute les chenillettes sont des engins de ravitaillement, sans armes, avec un faible blindage, et non des engins de combat, mais il faut tout essayer. L'adjudant Tardiveau part aussitôt et sans hésiter,
se trance sur la route de Vermandovillers à Herleville, puis dans la plaine pour dégager d'abord les artilleurs du 304ème. Ceux-ci se défendent au mousqueton contre les éléments ennemis qui, se rapprochant peu à peu, on atteint et même dépassé la route d'Herleville à Vermandovillers, à 400 mètres au Sud du Bois Etoilé.Sans hésiter, agissant avec ses chenillettes comme avec des chars, méprisant les balles qui frappent
les parois de ses engins, l'adjudant Tardiveau parcourt la plaine, mitraillant avec ses deux F.M. tout élément qui résiste. Blancs de poussière, abrutis par 6 heures de lutte, affolés par ce qu'ils pensent être des chars français, démoralisés, les Allemands se rendent par petits groupes et, vers 13 heures, une colonne d'une centaine de prisonniers, convoyée par des artilleurs, arrive au P. C. R. I. Vers 13h30, par son action énergique et décisive, l'adjudant Tardiveau a dégagé toute la plaine entre le Bois Etoilé et la route d'Herleville à Vermandovilers et les artilleurs du 304ème reprennent leurs tirs devant Fay et Foucaucourt.Mais, pendant ce temps, la situation a empiré aux lisières Nord du Bois Etoilé. En effet, malgré la résistance désespérée des artilleurs et de la section de la 7ème compagnie, les Allemands ont pris pied dans la partie Nord du bois où la situation devient intenable. Les balles sifflent de tous
côtés ; un aspirant d'artillerie vient d'être tué le mousqueton à la main ; nos pertes sont nombreuses. Emporté par son succès, l'adjudant Tardiveau déborde le Bois Etoilé par l'Ouest et se lance dans la plaine. L'apparition de ses deux engins produit le même effet de surprise et de démoralisation sur l'ennemi qui, décimé par le tir à bout portant de nos canons et par les rafales de nos armes automatiques, se bat depuis le lever du jour et se trouve littéralement à bout. Ses cadavres jonchent
la plaine. Ses éléments se rendent par petits groupes. En quelques heures le Bois Etoilé est dégagé et les débris des colonnes allemandes sont dirigés à pied ou dans des bennes de chenillettes sur Vermandovillers. 4 officiers, dont un chef de bataillon, et 3 lieutenants, 180 hommes, tel est le bilan de cette audacieuse tentative qui a réussi admirablement grâce au courage de l'adjudant Tardiveau et de ses chenillettes.A la fin de l'après midi le reste des éléments ennemis qui avait tenté en vain de s'approcher d'Herleville se replia peu à peu. Ainsi, grâce à l`excellente défense du 2ème bataillon, à la résistance farouche des artilleurs et des fantassins du Bois Etoilé, grâce enfin au coup d'audace des chenillettes, la tentative ennemie de pénétrer dans le dispositif du régiment et de le disloquer avait complètement avorté. Le chef de bataillon allemand, interrogé à Vermandoviltlers, pouvait dire : << ]e ne savais pas
jusqu'à maintenant ce que c'était que l'enfer, je le sais maintenant >>.Puis, montrant la colonne de prisonniers : << Voilà ce qui reste de mon
bataillon, le reste est là. Et il désignait de la main la plaine ou gisaient des centaines de cadavres.Pendant ses heures ou nos unités réduisaient à néant les efforts allemands pour disloquer l'intérieur de notre défense à Herleville et au Bois Etoilé, le combat continuait sur tout le front du régiment. Le
P. C. R. I restait en liaison par T. S. F. avec tous les éléments du 41ème qui, partout, résistaient brillamment.A Foucaucourt, l'ennemi arrêté depuis le début de la matinée à 400 mètres au Nord du village a peu à peu cessé ses inutiles tentatives de progression, mais il a arrosé le village d'un important contingent
d'obus de 105 et de 150. Soudain, au début de l'après-midi, un peloton d'une quarantaine de cavaliers débouche des bois à 800 mètres au Nord de Foucaucourt et s'élance dans la plaine. Accueilli par le feu des mitrailleuses, il se scinde en deux parties : un petit groupe vers l'Est, un groupe plus important vers l'Ouest. Aucun de ces cavaliers n'atteint le village. Décimés, ils se replient rapidement. Seuls une dizaine de chevaux sans cavaliers arrivent jusqu'à Foucaucourt où ils sont capturés.Vers 15 heures un canon est tracté, dans la plaine à 3 kilomètres Nord-Est de Foucaucourt. En quelques minutes il est mis en batterie et ouvre le feu. Au bout de quelques salves, le clocher de l'église s'écroule et la pièce se retire. L'opération a duré à peine dix minutes. Vers la fin de
I'après midi l'ennemi tâte Ia face Sud du village à l'aide de quelques autos-mitrailleuses, chars, et de 2 chenillettes françaises. Reçus à coups de canon de 75 et de 25 ces engins blindes sont obligés de se replier sans avoir pu atteindre les lisières du village. Cinq d'entre eux restent sur le terrain, marquant l'échec total de cette tentative. Le soir tombe, laissant Foucaucourt intact.A Fay, depuis le début de l'après midi, le bombardement fait rage de plus belle. Obus et minen font écrouler les maisons, nous causant des pertes sensibles. Mais l'ennemi, durement arrêté, depuis le matin, ne renouvelle plus ses attaques. Il se borne à accompagner la chute des obus de tirs continus d'armes automatiques. Vers 14 heures, une de nos mitrailleuses est portée au-dessus du cimetière, au Sud-Est de Fay, et prend de flanc les fantassins ennemis qui débarquent de camion aux lisières Nord d'Estrées, leur causant des pertes. Sa mission accomplie, cette pièce reprend sa place rapidement, dans le dispositif, et quand, une demi-heure plus tard, un groupe d'ennemis débouche sur la croupe
du cimetière pour rechercher la même pièce, il est reçu par un feu nourri qui le fait se replier aussitôt, Le soir tombe. La magnifique défense des fantassins de la 10ème compagnie, aidés par leurs camarades de la section du génie, a permis d'arrêter l'ennemi. Mais les pertes ont été lourdes, aussi le lieutenant Le Moal, craignant une attaque de nuit, fait replier ses sections vers le centre, pour mieux grouper sa compagnie et lui éviter d'être disloquée.Dans le Bois du Satyre, l'ennemi, à bout de forces, a relâché sa pression sur la section Lebreton depuis le début de l'après midi. Vers 15 heures, le capitaine Fauchon, commandant la 11ème compagnie, sort de Soyécourt avec un groupe de combat et rejoint l'adjudant chef Lebreton
en chassant quelques ennemis qui circulaient dans le bois. Il s'efforce ensuite de parvenir à l'emplacement du groupe Le Goff pour ramener les blessés, mais l'ennemi déclenche un feu violent et il ne peut l'atteindre.Il revient alors à Soyécourt, ramenant une mitrailleuse légère et 4 prisonniers, dont un infirmier. Renforcée par un groupe de combat d'une autre section, la section Lebreton tiendra sans son point d'appui jusqu'à la nuit. Elle se repliera alors par ordre sur Soyécourt.
Lihons, où se trouve la C. H. R. du 419, est défendu par le G. R. D. de notre division. Le 5 juin ce village a subi un bombardement d'artillerie ; le clocher a été touché ; les maisons flambent. Quelques patrouilles d'infanterie ennemie sont venues tâter les abords du village et le G. R. D. a fait quelques prisonniers.
De Vermandovillers on a vu depuis le matin les masses ennemies foncer vers le Sud. Les chars ont succédé aux chars, l'infanterie à l'infanterie. Tout le secteur occupé par le 117ème R. I. est maintenant
occupé par les Allemands, et sur les routes leurs colonnes défilent sans arrêt. Dans l'après midi l'observatoire a signalé un contingent de 300 prisonniers français remontant vers le Nord. Trois autos-mitraillleuses ennemies, qui s'étaient approchées du P. C., s'enfuient, saluées par les obus d'un 47 anti-chars qui a d'ailleurs tiré trop tôt. Vers 17 heures, des coups de feu ont encore éclaté dans Ablaincourt.Chaulnes, qu'occupe le C. I. D. et l'état-major de l'I. D., semble tenir toujours. Par contre, Méharicourt et Maucourt, occupés par la D. I., ont été atteints par les chars ennemis à la fin de l'après-midi.
20 heures, la nuit tombe. Des bruits de moteurs d'avions déclenchent un furieux tir de barrage de la D. C. A. allemande, qui est déjà installée loin au Sud-Est de nos positions. Où sont donc arrivés
maintenant les éléments avancés ennemis ?. Aux postes de combat chacun veille, les yeux et les oreilles tendus.- - - - - - - - - - - - - - - - - - -
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