• Théodore Delatouche réchappé d'un massacre ( Article Ouest France du 23 juin 2016 )

    René (à gauche) et Jean-Yves Delatouche ont dévoilé la plaque posée à la mémoire de leur père. Sur le monument figurent également les noms des soldats assassinés ainsi qu'une plaque à la mémoire de Françis Vaslet.

     

    René et Jean-Yves Delatouche ont assisté le 12 juin à un hommage rendu à leur père. Il était l'un des survivants d'un groupe de 31 soldats abattus par les Allemands en juin 1940 dans la Somme.

     

    Les gens d'ici

    Le 12 juin, un hommage solennel a été rendu à titre posthume au caporal Théodore Delatouche, à Beaufort-en-Santerre, par les anciens combattants, cinquante porte-drapeaux et les autorités locales, en présence de ses deux fils, René et Jean-Yves Delatouche.

    Théodore Delatouche, né à Romagné, s'est installé en 1946 à la ferme de Montillon, en Saint-Germain-en-Coglès. Il est décédé le 21 juin 1981.

    Le 29 août 1939, il a 25 ans lorsqu'il est mobilisé au 41e RI à Rennes, régiment appartenant à la 19e division d'infanterie.

    En septembre, le régiment est déployé dans les Ardennes, avant d'être dirigé vers la Lorraine et l'Alsace où s'engagent les premiers combats.

    En mai 1940, la division est appelée en renfort, sur le plateau de Santerre, près de Compiègne. Durant un mois, des combats intenses se déroulent entre les deux armées. La partie est inégale face à l'armada de panzers ennemis. Le 4 juin, le ravitaillement en vivres est coupé, la réserve de munitions épuisée, l'ordre de repli est donné. Le bataillon pris dans une étreinte ennemie se disperse. La compagnie du caporal Delatouche force plusieurs barrages entre Rosières, Caix et Beaufort où se déroule l'exaction.

    Désarmés et entassés

    Le 7 juin, pris en tenaille sous le feu d'une mitrailleuse ennemie, le sous-lieutenant à la tête du groupe ordonne la reddition, il parlemente longuement avec un officier allemand avant d'être emmené à bord d'un side-car. Une demi-heure plus tard des troupes de la Wehrmacht,se présentent. Les prisonniers désarmés sont rassemblés et conduits sur un terrain découvert, entassés les uns contre les autres.

    Théodore Delatouche gardera longtemps le silence sur les circonstances du drame. « Des souvenirs qu'il faut oublier », disait-il jusqu'à ce qu'il livre son témoignage (lire ci-dessous).

    On voyait qu'on allait mourir, notre coeur battait fort. On nous frappe puis les mitrailleuses tirent. Je constate que je ne suis pas touché. Je n'ai pas bougé attendant le coup de grâce, la balle me frôle l'oreille. On n'entend plus rien, un homme expire au-dessus de moi. J'étais couvert du sang de mes camarades. Je crois qu'ils sont tous morts. Les deux mitrailleuses tirent une deuxième salve dans le tas et s'éloignent. J'ai continué à faire le mort

    Au bout de longues heures une voix murmure : « Y en a-t-il qui n'ont rien ? ». C'était Francis Vaslet. Je réponds : « Moi ! On se barre ! »

     

    Les Allemands circulaient sans cesse sur la route. On a rampé vers Beaufort déserté par ses habitants. Au détour d'une allée nous tombons nez à nez avec deux officiers ennemis. Je me suis précipité dans un tas de ronces. Vaslet a tenté de prendre la fuite, avant d'être pris. Il restera prisonnier en Allemagne durant cinq ans.

    Pendant neuf jours, je survis autour du village, comme un vagabond, me nourrissant de fraises et de cerises, jusqu'au retour des premiers réfugiés.

    J'ai passé un mois à leurs côtés. Muni de faux papiers établis par le maire, après moult péripéties et parties de cache-cache avec l'occupant, je rentre enfin au foyer familial, le 13 juillet. Là j'apprends officiellement que je suis déclaré mort. Et pour cause, je m'étais débarrassé de ma plaque identitaire et de ma vareuse sur les lieux du drame. »


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