• RAPPORT du chef de bataillon MOLISSET , Cdt le 21° Btn d'instruction du 41° RI au sujet des événements concernant ce btn et le groupe des unités d'instruction n°17 aux abords de cambrai, entre le 16 et le 21 mai 1940.

    Le 16 mai: Alerte et transport en camions:

    Le 21/41° RI est à l'instruction (depuis février) au cantonnement d'Auneuil (Oise) quand il est alerté le 16 mai, à 8 h 00 d'être prêt à être embarqué sans chevaux ni voitures. A 12 h 30  il est prêt. Il ne part que le lendemain 17 mai à 10 h 00 après une nuit passée à la belle étoile et après avoir essuyé un orage.

    Le 17 mai: 

    Départ d'Auneuil à destination d'Avesnes (premier point de destination). Nuit passée en camion, arrêt à Roye, aiguillage sur Cambrai, arrêt à Masnières ou le Btn reçoit le baptême du feu (mitraille par avion, bombardement en queue de colonne . . . ) sans pertes. Vers 15 h 00, le colonel CALLAUDAUX convoque les commandants des 21/41°RI/43°RI et 150°RI à la mairie de Cambrai ou il les avait devancés et donne leur mission à ces trois bataillons.

    Mission du bataillon - organisation de la position:

    Le 17 mai à partir de 16 h 00:

    Encadré au Nord par le 21/43° RI et au Sud par le 21/150° RI, mon bataillon doit tenir sans esprit de recul, le terrain et les villages compris entre: La route de Cambrai - Le Cateau; La route de Cambrai - Solesmes (exclue) (en fait, je l'ai prise dans mon quartier de btn car très importante) englobait la sucrerie de Cauroir, ferme de la Croisette, route du Cateau à Cambrai à hauteur d'Avoingt - Faubourg St Druon - Lisière Sud de cambrai.

    Le P.C du Colonel CALLAUDAUX, Cdt du G.U.I n°17 à la mairie de Cambrai.

    Le 21/41° RI Cdt MOLISSET, à la brasserie, Place du Bois à Cambrai.

    Le 21/150° RI Cpe GAUTIER, Faubourg St Druon.

    Le Colonel cdt la Place: colonel SANTINI.

    Intention du Cdt du 21/41° RI et dispositif:

    S'installer en points d'appui fermés et tenir particulièrement solidement.

    Soirée du 17 et nuit du 17 au 18 mai - Matinée du 18 mai:

    Malgré deux nuits précédentes sans sommeil, le 21/41°RI débarqué au lisières de Cambrai est rassemblé. L'ordre de défense est dicté aux Cdts de Cies (confirmé ensuite par un ordre, distribué le 17 ou le 18 ). Je rassemble toute mon unité et les mets moi même au courant de la situation.

    A 16 h 30, elle s'articule et gagne ses positions. je fixe le P.C et me rend sur place avant la nuit, à toutes les Cies pour décider, sur le terrain même les plans de feu, liaison, organisation des barricades, renforcement nécessaire, besoins des unités.

    Je récupère au cours de cette inspection, deux canons de 25 que j'installe en profondeur sur la route du Cateau et incorporé dans le centre de résistance de la sucrerie de Cauroir.

    Toute la nuit, jusqu'à trois heures du matin, l'unique camionnette de ravitaillement du Btn apporte des vivres, les munitions des Cies laissées sur l'emplacement du débarquement du btn ( vivres et munitions laissées sur place faute de moyens hippo des Cies ).

    Le Bataillon aligne en ce moment:

    11 Officiers (dont le Chef de btn, l'officier des détails et le médecin).

    50 Sous-officiers, 450 caporaux et soldats dont 150 anciens et 60 S.X.

    Le reste sont des recrues, peu instruites, reçues au Btn en avril qui ont éffectué: F.M 4 tirs au fusil, Mitrailleurs 5 à 6 tirs, engins 3 à 4 tirs dont un obus de guerre.

    Armement: 6 mitrailleuses, 1 mortier de 81, 3 mortiers de 60, 1 canon de 37 et récupéré sur place 2 deux canons de 25.

    Liaisons: E.R 17 donné à la 3° Cie à Cauroir, téléphones civils reliant toutes les Cies au P.C (sauf à Cauroir ou le personnel des P.T.T a fui et ou la cabine téléphonique est en dérangement). La nuit du 17 au 18 apporte le repos indispensable.

    Le 18 au matin, toute la matinée, je passe l'inspection des travaux réalisés à  midi, je constate que toutes les barricades sont en place, faites d'instruments aratoires, chicanes battues soit par F.M à balles perforantes, soit de canon de 37, soit par canon de 25.

    Tranchées étroites et profondes contre les bombardements; seules les défenses accessoires par réseau barbelés ne sont pas réalisées, faute de fil de fer et de piquets demandés dès le 17 mai au G.U.I n°17.

    Les liaisons téléphoniques sont assurées.

    Un camion de munitions arrêté sur la route de Solesme met ses munitions à la disposition du Btn. Ces munitions sont portées aussitôt sur la position.Il manque des relais et des cartouches pour les mortiers.

    Le 18 dans la soirée, le Btn peut recevoir l'attaque; il est enterré, barricadé, à des munitions suffisantes, quoique incomplètes pour 4 mortiers, le moral est excellent.

    Combat du Bataillon:

    Nuit du 18 au 19 mai:

    Le guet signale des mouvements d'engins blindés suspects en direction de la route du Cateau - C.R. de la Cie tenant cette route vers 18 h 00, je donne l'alerte générale terrestre, aérienne et contre blindés.

    J'en rend compte au Colonel CALLAUDAUX.

    Mon Sous-officier de liaison vient me rendre compte que le P.C du G.U.I est vide. J'envoie un autre Sous-officier qui me confirme le fait, qui sera ensuite contrôlé et confirmé par l'Adjudant chef LEVESQUE, adjudant chef de mon groupe de Cdt, puis par le Colonel SANTINI, Cdt la place de Cambrai et son Capitaine adjoint. 

    Le médecin PETIT, du 21/150° RI qui, en l'absence d'autres officiers du 150, répond à mon ordre de prise de commandement.

    Vers 21 h 00, attaque violente menée par des blindés sur la route du Cateau.

    Un char allemand éventré par un coup de 25, posté en arrière de la chicane de l'avant dernière barricade marque l'ultime avance allemande.

    Fusillade générale sur tout le front du Btn.

    Les fractions: 2° Cie F.V du sous-lieutenant MARCONNET, moitié de la C.A du Lt GUIO et S/Lt BIARD. Engagés à fond au-delà de la barricade précitée, ne manifestent plus aucunes activités à partir de 21 h 30. A la lueur des chariots en flamme dans les barricades, une patrouille commandée par le Cne PROVOST ? d'un régiment régional de la Place de Cambrai ne peut prendre liaison avec les éléments de la 2° Cie et C.A. qui probablement ont été encerclés et faits prisonniers par les tirailleurs ennemis agissant en liaison avec leurs chars.

    La 2° Cie et la moitié de la C.A ont tenu dans leur point d'appui et n'ont opéré aucun recul. Ils ont rempli leur mission de tenir sans esprit de recul.

    Le 18 mai de 21 h 00 au levé du jour du 19 mai: fusillade générale sur tout le front du Btn, La capitaine MOUFFRANC , commandant la C.H.R et le verrou de la route du Cateau, en se portant avec quelques hommes de son P.C à la barricade dont il a la défense, est blessé d'une balle au dessous du genou. A signaler sa crânerie sous le feu.

    Le calme renaît après cette crise violente qui a durée une demie-heure environ. Attaque brutale, riposte non moins énergique. La troupe a tenu sous le choc très violent comme l'atteste un char éventré; barricades en feu, fers tordus, corps du caporal PEZARD sur la barricade même, et que j'ai fait personnellement relevé par une ambulance , le 19 mai vers 15 h 00.

    Accidents divers pendant la nuit du 18 au 19 mai: Arrivée à mon P.C du Colonel Chef d'E.M de l'E.M du II° corps d'armée, mon ancien chef de corps au 41° R.I ( colonel DELORME ) assisté de plusieurs officiers et d'un ou deux officiers de l'Armée. Ils se restaurent, me disant de venir du Quesnoy, puis de Solesme, avoir passé dans un intervalle de colonne blindée allemande, progressant en direction Sud-Nord entre Solesme et Cambrai.

    Le Colonel DELORME téléphone au P.C de l'E.M de Lille.

    Je téléphone également à cet Etat-major pour exposer la situation. Il m'ont donné l'ordre de ne faire sauter les ponts et incendier les réservoirs d"essence que sous la pression de l'ennemi.

    Je demande des appuis de chars ( 3 sections ) et des feux d'artillerie que l'on me promet sans indication d'heure.

    Je maintien à mon poste le personnel d'exploitation du central téléphonique des P.T.T qui a été au dessus de tout éloge. Pris de doute, un moment, sur la nationalité des manipulants, je fait faire une descente d'un groupe de soldat aux ordres du Lt XIBERRAS ( mon officier de détail ) . Tout soupçon est dissipé. 2 S/officiers de mon groupe de Cdt détachés au central téléphonique, dès  20 h 00, y sont maintenus pour assurer la permanence des liaisons.

    Prise de contact avec le Colonel SANTINI, Cdt de la Place de Cambrai, qui m'a donné le plus précieux concours, pendant tout le combat par sa connaissance des ressources sur place.

    Appel téléphonique d'un officier du 21/150° RI au P.C de ce btn qui jusque la n'avait répondu que par le médecin. Ce médecin avec deux adjudant et une douzaine d'hommes fait des recherches. Il m'est rendu compte qu'on ne trouve plus le 21/150° RI, ce Btn a abandonné sa position à une heure que je ne puis préciser, mais il est incertain.

    - Qu'aucun officier sauf le médecin n'a répondu à mes convocations au téléphone du P.C du Btn dès ma prise de commandement du G.U.I n°17 le 18 mai 1940 à 20 h 00.

    - Que la seule fraction restée à son poste se réduisait au médecin, deux adjudants et une quinzaine d'hommes.

    Organisation de colmatage du quartier du 21/150° RI en liaison avec le Colonel SANTINI au moyen d'engins mécaniques dont disposait le Colonel. Tous ces moyens sont mis aux ordres d'un chef d'escadron d'artillerie. Colmatage d'autant plus nécessaire, que le colonel m'apprit la présence de l'ennemi vers Masnières ( route de cambrai vers Péronne ).

    Journée du 19 mai: 

    Attaque allemande sur Cauroir: Ce village se prêtait particulièrement par la configuration des rues et du terrain à l'installation d'un réduit fermé , ce qui fut réalisé.

    Le poste de T.S.F ER17 à permis de suivre le combat.

    - Encerclement par des engins blindés et attaque des issues.

    - Enlèvement des barricades par combinaison de choc des chars et des feux des tirailleurs allemands.

    - Défenseurs acculés au centre du dispositif ou se tenait le P.C du la Cie.

    Il s'est mené là, un combat tout à l'éloge des cadres et des hommes de la 3° cie du 21/41° RI: Cadres énergiques ( Lt TEXIER, Adjudant chef HERVE ) anciens soldats peu nombreux, recrues ayant un mois d'instruction réelle, n'ayant effectué que 4 tirs au fusil et venant du dépôt d'infanterie de Bourges.

    Toute la 3° Cie (que je n'avait pu doté d'armes anti-char) a donné l'exemple de cran et de courage. Le dernier message du Lt TEXIER fut ( acculé au P.C, que faire . . . ) j'ai répondu ( Mission terminée ). Il était 9 h 00. Je ne pouvais demander plus, tous avaient rempli leur mission de tenir jusqu'au bout, pas un a fui, tous ont fait face à l'assaillant, même les S.X dont plusieurs étaient des quasi infirmes dont j'avais demandé l'éviction du service ( voir mon rapport à ce sujet au Général LARCHER, Cdt les bataillons d'instructions de la zone des étapes du G.Q.G dont le P.C était à Trilport. Ce compte rendu reflète exactement la valeur combative du bataillon.

    Seul le médecin avec les malades et les éclopés a pu s'échapper avec l'ambulance que je lui avais envoyée la veille. Ce médecin avait un poste de secours à une sortie du village, opposée à la direction principale de l'attaque ennemie.

    Attaque de la sucrerie de Cauroir:

    Simultanément à l'attaque de cauroir, l'ennemi attaque aussi la sucrerie de Cauroir tenue par la 1ère Cie du Sous lieutenant GUIBOUT. Commandée par ce jeune S/Lt, sorti de Saint Maixent à la mobilisation, cette Cie menacée d'encerclement par action d'engins blindés et de tirailleurs, se décroche et mène un combat en retraite jusqu'aux lisières de Cambrai, sur la route de Cambrai vers Solesme.

    J'ai pris contact avec le Lt GUIBOUT, vers 10 h 00 près du pont au dessus de la voie ferrée ( lors du combat de rue qu'il dirigeait avec calme et ordre ) pour lui indiquer son axe de repli: L'unique pont sur l'Escaut, à l'ouest de Cambrai, puis la route de Bapeaume ou celle d'Arras. J'ai entendu une violente fusillade ponctuée de coups sourds ( canons de chars ). Je ne devais revoir ni cet officier ni les éléments de sa Compagnie.

    Destruction des ponts et réservoirs d'essence:

    Depuis 2 h 00 du matin, après ma conversation avec l'E.M de Lille, je savais et c'était mon intention très arrêtée que je ne devais faire sauter les ponts que sur pression de l'ennemi.

    Or, le 18 à 21 h 30, ma 2° Cie et la moitié de la C.A étaient encerclées et capturées.

    Le 19 à 4 h 00, j'apprenais que 21/150° RI ne tenait plus sa position, sans que j'en soit averti.

    Le 19 à 9 h 05, la 3° Cie de Cauroir était acculée dans ses dernières défenses. La 1° Cie, sur la route de Cambrai - Solesme menait un combat en retraite. Je n'avais aucune réserve en tant que Cdt , ni même comme chef de Btn par suite de l'étendu du front, de la faiblesse des effectifs, de ma prise de commandement inopinée juste au moment de l'attaque allemande. A  9 h 30, je donnais au Lt LEMERI, avec lequel j'avais maintenu l'unique liaison téléphonique ( en postant un Sous officier au central des P.T.T, le personnel ayant été évacué par mon ordre vers 9 h 00, au moyen de la voiture de liaison du Btn caporal ROBINO ). l'ordre de mise de feu. La destruction fut opérée. seul un pont était intact et permettait le repli des éléments à pied, des voitures et des chenillettes par la pose de sacs à terre entre les traverses, avec les éléments du 21/150° RI que je retrouvais aux abords du pont ou je m'étais rendu vers 13 h 00 ( avec le Caporal-chef  BAHIER de mon groupe de commandement, que j'avais envoyé au préalable reconnaître ce point de passage ).

    Cette destruction fut décidée lorsque je n'avais plus un seul moyen à ma disposition pour parer à une avance de l'ennemi, car:

    - J'avais dirigé sur Arras, l'officier des détails: Lt XIBERRAS et l'adjudant JOLIVET de l'approvisionnement porteur de 198.000 francs; le médecin et le reste de mon groupe de commandement au moyen de la camionnette de ravitaillement et de l'auto ambulance récupérée en cours de combat.

    -  J'étais sans nouvelle du 21/43° RI depuis le 19 à 9 h 00, toutes les liaisons téléphoniques étant coupées, sauf celle du Lt LEMERI.

    Repli du 21/43° RI:

    Certain de l'état de l'unique pont et de la route de repli, je me portais seul à bicyclette en direction du 21/43° RI pour prendre contact avec lui. Près de la mairie j'ai la bonne fortune de rencontrer le motocycliste du P.C du 21/43° RI à ma recherche. Je moto avec lui sur sa moto rejoindre le Cdt DENNEZ à son P.C d'Escaudoeuvres. Sous l'énergique et audacieux commandement du Cdt DENNEZ, le 21/43° RI s'est organisé comme le 21/41° RI en points d'appuis fermés dans les villages d'Escaudoeuvres, Naves et Cagnoncles.

    Il y a même un combat très dur contre les blindés et avec son de 37, détruit un char et 2 camions de tirailleurs, accompagnants les tanks au abords d'escaudoeuvres.

    Il y le lt NOEL tué ( dont le corps est ramené à Cambrai ) et plusieurs soldats. ils est sans nouvelles de ses Cies de Naves et de Cagnoncles. il pense qu'elles sont capturées. Il envoie un camion sur Naves. Ce camion n'est pas revenu. il est 16 h 00, je mets DENNEZ au courant de la situation et lui prescrit de diriger le reste de son Btn sur la route Bapeaume. Je prend la tête de la première fraction sur un camion portant le corps du Lt NOEL et les blessés pour rejoindre son ancien P.C y briser les sceaux du Btn que j'y ai laissé et m'assure si les pièces d'archives concernant les pièces secrètes , le personnel des officiers et S/officiers ont bien été évacués par l'officier d'approvisionnement.

    Après avoir quitté le camion place de la mairie, je me portais à la mairie pour y attendre les premières fractions du 21/43° RI. Je vis un adjudant et plusieurs hommes de tête d'une compagnie. Je les dirigeais vers le pont de chemin de fer, étant à pied. Un violent tir de 150 fut déclanché de 16 h 30 jusqu'à 17 h 30 sur la route de Cambrai - Escaudoeuvres.

    J'en conclus que le reste du Btn du 21/43° RI allait être coupé ( en fait, j'appris le lendemain à Arras que seul le Cdt DENNEZ, avec ses quelques cyclistes faisant le coup de feu contre deux motards allemands leur barrant la route avait pu passer ).

    Ma liaison avec le G.R.D de la 25° DI ( Lt Colonel d'Arodes ).

    Ayant franchi l'Escaut avec les éléments de tête du 21/43° RI, je me poste à la bifurcation des routes Cambrai - Arras - Cambrai - Bapeaume pour aiguiller le 21/43° RI .

    J'aperçois vers 17 h 00 un side-car de cavalier. Je me renseigne. Ces motocyclistes m'apprennent la présence aux environs d'un C.R.D.I : Lt Colonel d'Arodes: P.O à Epinoy.

    Reçu aussitôt, je mets le Lt Colonel au courant de la situation: la tête de pont de Cambrai peut-être réoccupée si on a les moyens sous la main. Le pont sortie ouest est encore intact. Le Lt Colonel prend note et mon renseignement m'offre une collation que j'accepte ainsi que sa voiture personnelle pour me rendre sur la route Cambrai - Bapeaume y récupérer mes éléments. Le Lt Colonel d'Arodes m'avait dit au cours de repas que la seule route d'Arras était encore libre; les ponts sur la Sensées coupés; l'intention du Cdt de tenir sur la Sensée.

    Après une pointe sur la route de Bapeaume, je reviens à Haynecourt ou se trouvent deux officiers du G.R.D.I 25 pour reprendre une moto pour pousser une pointe sur la route:

    - de bapeaume pour retrouver les éléments du 21/41° RI et du 21/43° RI; je ne trouve rien, ni camions portant les blessés du 21/43° RI, ni cyclistes, et pourtant je suis allé jusqu'à la coupure du canal du Nord.

    - d'Arras, aucun élément du 21/43° RI n'a pu sortir de Cambrai.

    Il me reste à regagner Arras, n'ayant plus un seul homme, ni du 41 ni du 43. Je laisse un C.R à Haynecourt pour le Général Commandant la 25° DI aux bons soins du Lt Colonel d'Arodes et remis à un officier à Haynecourt.

    Un side car du G.R.D de la 25° DI me dépose au delà de Marquion sur le pont de la Sensée ( ou nou manquons de nous précipiter conducteur et side car ). un officier d'A.M.C qui va cantonner à Avis me fait conduire à Arras ou j'arrive à la nuit close.

    Nuit du 19 et journée du 20 mai:

    Je traversais Arras dont la partie voisine de la gare est en feu et rejoins le bureau de la Place. Je demande à être mis en relation avec le général Cdt d'Armes; Vu l'heure tardive, je n'obtiens pas satisfaction.

    Je téléphone alors à l'Etat-Major de la région de Lille ou j'ai au bout du fil le 3° bureau, auquel je relate tous les événements énumérés ci-dessus et qui ont l'air d'éveiller son intérêt. Il me conseille de prendre du repos.Je me couche au séminaire et à 7 h 00 le 20 mai je me présente à l'Etat-Major du général Cdt  la subdivision qui me reçoit et auquel j'expose les faits dont je fus le témoin.

    Je retrouve le Cdt DENNEZ du 21/43° Ri avec quelques uns de ses cyclistes vers 9 h 00 et j'apprends à cet E.M que l'encerclement d'Arras est en voie d'exécution. On signale des parachutistes à Mareuil, etc . . . Je rassemble autour du Q.G 2 side cars avec F.M et une A.M.C pour défendre les abords. Le général quitte son P.C et seule la route de St Pol est libre.

    Avec le Cdt DENNEZ, ses hommes et les side cars et l'A.M.C , nous partons pour st Pol ou nous sommes aiguillés sur Hesdin ( point de rassemblement ).

    Nous arrivons ainsi à hesdin, vers 12 h - 13 h 00 au bureau de la Place, je me présente au Général de FELICONDE, je prend contact avec l'officier adjoint au Lt Colonel SANTINI  et je me présente au Lt Colonel SANTINI  qui a des paroles élogieuses à mon égard, pour notre action sous Cambrai, qui fut portée par lui à la connaissance du Général PAGESY. j'ai l'intention de regrouper à Hesdin les éléments du G.U.I 17. Je me préoccupe de me reposer et je trouve une maison proche du bureau de la Place qui m'offre un matelas ( aucune organisation pour les officiers n'était prévue ).

    Nuit du 20 et journée du 21 mai:

    A peine endormi, j'entend  à 23 h 00 une fusillade. Je me rhabille et vais aux renseignements au bureau de la Place de Hesdin; portes closes et communications coupées.

    Une colonne d'autos passe devant le bureau de la Place. j'apprends que le parc autos est alerté et se porte sur Boulogne par Montreuil. Lors d'une conversation avec le Colonel SANTINI, je savais que l'E.M  de la 1ère région devait s'installer le 20 à Montreuil. Je monte dans une auto avec le Lt PICAN. Je descend à Montreuil. J'interroge des infirmiers de l'hôpital de Montreuil qui m'apprennent que des éléments de l'E.M de la 1ère région étaient venus le matin, mais étaient repartis. 

    A ce moment, je pris cette décision de traverser la Somme d'abord à Abbeville puis à St Valéry sur Somme.

    Je monte dans un camion du train ( signe distinctif - un papillon ), ayant l'ordre de rejoindre Neufchatel et pars en direction d'Abbeville. Il est minuit environ. au lever du jour je suis à une dizaine de km d'Abbeville quand une auto civile vient en contre sens. J'interroge le conducteur qui me dit que la route est coupée. Une seconde voiture ( un marchand de Cassel dont je je vérifie l'identité ) me confirme le fait. Je rebrousse chemin pour filer sur St Valéry par Montreuil et Berk. J'arrive jusqu'à la hauteur de Port-Mahon. J'apprend que les ponts de St Valéry sont également coupés.

    Devant l'embouteillage croissant, je saute du camion, me fais prendre par un motocycliste ( Le Maréchal des logis TERREAUX du 188° R.A.L.T.E.M ).

    A quelques km avant d'arriver à Montreuil, la moto ne marche plus. J'avise une voiture civile ( Ce serait d'après les dires du conducteur, des membres de la famille du Général Belge DUBOIS ), je les persuade de rebrousser chemin et de rejoindre Etaples ou Boulogne. Péniblement nous arrivons à Etaples. Le Maréchal des logis et moi même sur le marche pied.

    j'ai l'intention de réquisitionner au besoin un patron de barque pour quitter Etaples avec le plus d'officiers possible. je me heurte à une indifférence complète, les patrons évoquant leurs familles ou leurs proches et ne veulent à aucun prix de militaires à bord, craignant le bombardement.

    seul le syndic Savina s'intéresse à mes propos. Je me porte sur le pont d'Etaples à la recherche d'officiers français. J'arrête ainsi le Cpe GRATERY du 50° R.A.D, 6° groupe, le Lt JOLY, le médecin Lt DUFFEUX qui me déclare convoyer dans son auto les avoirs d'une banque de Lille ( Banque André JOUARRE ) se montant à 20 ou 25 millions.

    Il s'agit de sauver cette fortune. Je m'en ouvre au Syndic Savina et HERAULT d'Etaples: le patron MARGOLLE accepte ma réquisition. Nous embarquons aussitôt, mais les civils refusent énergiquement  la famille du Général DUBOIS. J'en suis navré, car j'avais l'air de manquer de gratitude vis à vis de cette famille.

    Après 26 h 00 de traversée, avec escale à Fécamp, pour débarquer une partie des civils, j'aborde à Port en Bessin le 22 mai vers 12 h 00.

    Je me mets en rapport avec le maire de ce village, puis par téléphone, immédiatement avec l'Amiral Préfet maritime ( Cdt PICHON de l'E.M ) cet officier supérieur mis au courant de la nature de la cargaison spéciale me renvoie l'autorité civile.

    Je m'adresse au Sous Préfet De PINEL de Bayeux, qui, très aimablement prend l'affaire en mains, mais ne peut obtenir le stockage des valeurs dans une banque locale, ni à la banque de France de Caen, après liaison avec la banque de France de Paris. Mettant deux autos à ma disposition et après avoir reçu un ordre de rejoindre Caen  ( ordre signé du Cdt de gendarmerie de Bayeux ) nous arrivons à Caen le 22 mai à 22 h 00. Le Colonel Cdt la subdivision se charge du stockage des valeurs pendant la nuit du 22 au 23 mai.

    Tous les officiers m'accompagnant depuis Etaples sont hébergés à la caserne Lorge de Caen, ou nous passons la nuit. Ce matin 23 mai, je rédige le présent rapport et fais ressortir les points suivants: mon Btn , le 21/41° RI et le 21/43° RI ont rempli leur mission de sacrifice, aucun n'a fui, tous à l'exception de mon groupe de commandement ( l'officier des détail et le médecin ) on été capturés à leur poste de combat, fidèles à l'ordre reçu.

    Pour mon compte personnel, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour prendre au pied levé dans des circonstances difficiles, le commandement du G.U.I n°17, diriger le combat, faire sauter les ponts et incendier les réservoirs d'essence à l'ultime moment de la chute de notre résistance, récupérer les éléments de retraite, essayer d'échapper à la capture par une course sans répit, ni trève, mettre en lieu sur une vingtaine de millions et me présenter malheureusement seul sur Caen, pour me mettre à la disposition du Commandement.

    J'ai la conviction profonde que les deux Bataillons 21/41° RI et 21/43° RI on mérité une récompense digne de leur sacrifice . . . 

    Caen, le 23 mai 1940

    Le Chef de Bataillon MOLISSET

    Cdt le 21/41° RI et Pvt le G.U.I n° 17

    Signé: MOLISSET

    Sources: S.H.D de Vincennes.

     

      

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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