• Tandis que se déroulaient les fâcheux événements dont j'ai parlé, qui amenaient la capture du 2° Bataillon et celle du petit groupe du sous-lieutenant Trévilly, le P. C. R. I. et le 3° Bataillon étaient toujours à Avignon; le lieutenant Lucas, à 20 h 15, revenait du P. C. D. I., apportant au chef de Bataillon Jan l'ordre de prendre le commandement du 41° et de replier son unité en arrêtant l'ennemi.

    A 20 h 25, la C. D. T. se trouva en très fâcheuse posture, « encerclée », dit le Journal de marche. Pourtant à 20 h 30, elle put se joindre au 3° Bataillon qui se décrochait et se repliait sur Marcilly-en-Gault, vers l'est par conséquent, pour éviter l'ennemi qui occupait la route allant vers le sud.

    Décrochage du 3° Bataillon du 41° R.I.

    Le convoi hippomobile du 41° vint rejoindre la C. H. R. pour faire route avec elle; ils se décrochèrent de justesse devant les chars allemands, grâce à la présence d'esprit du sergent Jollys, et poursuivirent leur route sans relâche. Trois jours après, au sud de Buzançais, à Vandoeuvres, il fallut abandonner les chevaux qui ne pouvaient plus avancer, crevés de fatigue, avec les véhicules et le matériel transporté.
    Il ne resta que les camionnettes.

    Dans la nuit du 18 au 19, le 3° Bataillon et le personnel du P. C. R. I. arrivèrent à Marcilly-en-Gault. Les deux cyclistes de liaison: Beghetti et Morget, tombés aux mains de l'ennemi, s'étaient échappés et avaient rejoint le commandant Jan. Dans ce village, le 3° Bataillon retrouva le G. R. D. 21, et 5 chars détachés pour protéger le repli. Le Capitaine Levreux, que I'on croyait prisonnier, rejoignit aussi, Il avait assisté,
    pendant 35 minutes, au défilé de la longue colonne allemande motorisée, en marche sur Millançay et Romorantin.

    Décrochage du 3° Bataillon du 41° R.I.

    Dans ces conditions, il fallait modifier la direction à prendre pour le repli. Au lieu de passer par le pont de Villefranche et Chabris, le commandant Jan adopta l'itinéraire Selles-Saint-Denis, Châtres, pont de Châtres, qu'il traversa à 7 heures du matin, le 19 juin.

    Cette longue marche de nuit, sur une mauvaise route, fut pénible pour les hommes, qui se reposèrent de 8 à 10 heures. Le contact était perdu avec l'État-Major de la 19° D. I. Le commandant Jan demanda à être provisoirement rattaché à la 87° D. I. N. A. (8° Zouaves, 17° et 18° Tirailleurs algériens).

    Il fut chargé de défendre le pont de Châtres et d'installer un {( bouchon » sur le pont de la Prée. Les sections Payen et Mauduit se remirent aussitôt en place; le reste du 41° s'installa en lisière nord-est du bois de Maray.

    La journée fut sans incident, mais la chaleur et la fatigue étaient extrêmes.

    Le lieutenant Loysel, qui s'était mis à la recherche de la 19° D. I., prit contact à Genouilly avec le G. R. D. 21. La nuit du 19 au 20 fut calme.

    Au chapitre suivant, nous relaterons la dernière action du 41°.


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  • Le récit émouvant de Trévilly nous conduit au 2° Bataillon, qui ne méritait pas de finir si lamentablement.

    Le 2° Bataillon était, comme je l'ai dit, dans un bois, aux abords de la route nationale de la Ferté-Saint-Aubin à Romorantin, à Grand-villiers.

    A la 5° Compagnie (sous-lieutenant Guilloton) demeurée comme bouchon à La Ferté, on avait donné tous lés F. M. du Bataillon, sauf deux, conservés parles 6° et 7° Compagnies (avec deux chargeurs seulement par. F. M.). Chaque homme n'avait plus que 10 cartouches.

    Un canon de 25 était en position, sur la route encombrée de réfugiés, avec un petit poste.

    Depuis 16 h 30 ou 17 heures, les voitures étaient chargées pour le départ; mais l'ordre pour l'exécution n'était pas venu.

    Vers 17 h 30, les officiers, à un poste de radio avaient entendu le discours du maréchal Pétain annonçant les pourparlers d'armistice. Ce discours, au témoignage de plusieurs officiers, eut un effet déprimant sur le moral des officiers et des hommes.

    Les Allemands auront donc beau jeu à dire: « l'armistice est signé, ne combattez plus », à des hommes découragés, qui s'étaient battus avec une grande vaillance devant Péronne et sur l'Oise, mais qui n'en pouvaient plus de fatigue, et n'avaient presque plus d'armes automatiques; ni de munitions.

    C'est ce qui arriva, bien que, dans la soirée, après la capture du lieutenant-colonel Loichot, et avant la prise de commandement du Régiment par le chef de bataillon Jan, le lieutenant Loysel, officier plus ancien de l'État-Major, eût envoyé par écrit l'ordre de résister.

    Le cycliste Duval, porteur de cet ordre, arrêté par les Allemands et désarmé par eux, mais voyant qu'ensuite ils ne s'occupaient plus de lui, en profita pour aller le porter à son destinataire (1), et revint, sa mission accomplie, au P. C. du Régiment.

    (1): L'ordre aurait été remis au sous-lieutenant Mignard. Le Guiner ne l'aurait pas eu entre les mains, car les Allemands étaient déjà là. (Note du lieutenant Lucas)!

     Mais à 19 h 45, un sous-officier allemand, accompagné de 6 .motocyclistes (montés sur 3 machines) et de 2 automitrailleuses, se présente, porteur d'un drapeau blanc.

    Le canon de 25, sur cette route couverte de réfugiés, ne pouvait tirer, et il n'y avait pas de position de combat.

    Le sous-officier demanda qu'on envoyât un interprète.

    L'Allemand dit que l'armistice était signé; les Français de Neung-sur-Beuvron (4° Compagnie du 257° RI.) avaient déposé les armes, ainsi que ceux de La Ferté-Saint-Aubin (5° Compagnie du 41° RI). Il n'y avait donc plus qu'à se rendre concluait-il.

    La fin du 2° Bataillon du 41°  RI

    Pendant ce temps le gros de la colonne motorisée arrivait, elle filait sur Millançay, où elle fut un moment arrêtée . . . 


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  • Le P. C. du 41° R.I. est à Avignon . . . 

    A 1.500 mètres en avant se trouve le 2° Bataillon . . . .

    Le 2° Bataillon du 41° R.I est à gauche de la route nationale, à Grand-villiers, au carrefour des routes qui vont l'une vers Neung-sur-Beuvron, l'autre sur La Ferté-Beauharnais.

    La 5° Compagnie (lieutenant Guilloton) est demeurée pour former (( bouchon )) à La Ferté-Saint-Aubin très au nord, très isolée, par conséquent.

    Entre le 2° Bataillon et le P. C. R. I. se trouve un petit ruisseau: le Néant, à peu de distance du hameau d'Avignon.

    A Avignon, sont rassemblés autour du colonel Loichot, la C. D. T. et les restes de la C. R. E., sur la petite route de la Selle-Saint-Denis; un peu à l'écart, par conséquent, de la grande route Orléans-Romorantin qui sera suivie par les colonnes allemandes motorisées.

    Le P. C. R. I. occupe une ferme, au sud du hameau . . .

    A 300 mètres, dans un bois, au sud du carrefour de la route nationale et du chemin qui conduit d'Avignon à
    Marcilly, reste la section Le Demnat, de la 9° Compagnie, pour surveiller la route de La Ferté-Beauharnais.

    En arrière du P. C. R. I. est installé le 3° Bataillon; la C. H. R. est au niveau du 3° Bataillon, près de la route de Romorantin.

    Le G. R. D. 21 est à droite et à 3 kilomètres en arrière, à Marcilly-en-Gault.

    Les deux groupes qui restent du 10° R.A.D. et 210° ont pour mission d'interdire aux éléments ennemis l'accès et le franchissement des points de passage obligés.

    Ils sont, comme l'infanterie, dans les bois, mais en avant de l'infanterie, au nord-est de Millançay, entre la route nationale, et Marcilly-en-Gault, au château de Marcheval.

    Situation des éléments de la D.I.

    Enfin, à gauche du 2° Bataillon (à Grand-villiers) et à 2 kilomètres en avant, à Neung-sur-Beuvron, il y avait une compagnie du 257° R. I., qui nous était rattachée depuis l'Oise.

    La journée fut tranquille, jusqu'à 16 heures. On avait su cependant, vers 15 heures, qu'une importante colonne motorisée ennemie avait réussi à franchir la Loire en aval d'Orléans, et piquait vers le sud, menaçant ainsi le flanc ouest du 1° Corps. La 19° D.I. devait le protéger.

    Vers 16 heures, le lieutenant-colonel Loichot vint voir le général Lenclud, au P. C. de la D. I., à Millançay. Après un bref entretien, il repartit, annonçant son intention d'aller voir ce que devenait son bouchon de La Ferté-Saint-Aubin.

    Le Colonel ne devait pas revenir. Il ignorait que la Compagnie Cuilloton venait de tomber aux mains de la colonne ennemie motorisée, et que celle-ci, à 17 heures, était entrée à Chaumont-sur-Tharonne.

    Il était seul avec son chauffeur, Dans sa voiture il transportait toutes sortes de papiers, et même les carnets de campagne des officiers. Tout fut pris avec lui sur la route (1).

    (1): Le colonel Loichot,.libéré par les Allemands en 1941, fut repris par eux en février 1943 pour son activité dans la Résistance. Il est mort au camp de Dachau déporte, en 1945.

     Inquiet de ne pas voir revenir son Chef, le lieutenant adjoint Lucas courut à la Division pour rendre compte et demander des ordres sur la conduite à tenir.

    Entre temps, vers 17 heures, la D. I. avait envoyé aux unités un ordre préparatoire de mouvement; le matériel fut chargé, les hommes se mirent en tenue de départ, et attendirent un ordre nouveau; cet ordre ne vint pas. Mais au contraire, la D.I. en donnant mission au commandant Jan de prendre le commandement du 41°, prescrit. au 41° de rester sur ses positions jusqu'à nouvel ordre.

    En cas de mouvement, le 41° franchirait le Cher pour aller à Mennetou, au sud de Chabris, à 35 kilomètres au sud.

    Vers 16 h 30, les artilleurs avaient appris la capture du « bouchon » de La Ferté-Saint-Aubin.

    A 19 heures, des civils annoncèrent que la colonne allemande était entrée dans Neung-sur-Beuvron, que défendait la Compagnie du 257° R. I.

    Un canon de 75 du 10° R. A. D., commandé par le lieutenant du Buisson du Courson l'appuyait.

    A l'arrière des avant-gardes allemandes, il tira jusqu'à épuisement de ses munitions et n'abandonna son poste qu'après avoir mis son canon hors d'usage.

    Il était à ce moment complètement encerclé . . .

    Il réussit toutefois à se dégager et à traverser durant la nuit les lignes ennemies; il rejoignit la D.I. ramenant avec lui du matériel auto et un canon de 47 automoteur qu'il avait récupéré en route.

    Maintenant la colonne allemande était donc toute proche du 41° et des artilleurs.

    A 19 h 40, tandis que dans la ferme du P. C. R. I. on écoutait la T. S. F. et le discours, déprimant pour les troupes, par lequel le maréchal Pétain annonçait la nécessité d'un armistice et l'ouverture de pourparlers, le lieutenant Loysel, officier de renseignements, entra, disant : On signale une auto-mitrailleuse à Neung!.

    Le capitaine Levreux ordonna au sous-lieutenant Trévilly (dont je suis le carnet de route) de se porter sur le ruisseau du (Néant) avec ses groupes de pionniers et la section restante de la C. R. E. :

    Je rassemble mes hommes et, accompagné du Capitaine, nous nous portons sur la route. J'installe mon effectif de part et d'autre, autour du pont. Quelques hommes protestent, car si tous ont des fusils, quelques-uns n'ont pas de munitions. Les réfugiés qui encombraient les routes ont disparu. Le Capitaine et moi nous observons une grande activité au carrefour de Grand-villiers: les Allemands y sont arrivés et une auto-mitrailleuse prend la route d'enfilade à 400 ou 500 mètres de nous. On entend quelques coups de
    mitrailleuse, mais pas sur nous. Le Capitaine rend compte aussitôt au P. C. et demande des ordres, en envoyant mon cycliste.

    A 20 heures, des soldats français, ceux de notre 2° Bataillon, traversent la route et se rangent désarmés
    sur le côté. Pendant ces quelques minutes, nous discutons de la situation, le capitaine Levreux et moi. Elle est considérée comme perdue: avec nos fusils, nous ne pourrons rien faire d'utile contre les Allemands et nous risquerons de tuer nos camarades qui se rangent continuellement sur la route.

    II y en a près de 400. Le Capitaine me recommande de ne pas tirer pour éviter des pertes inutiles. Puis il part pour le P. C., Voir ce qui s'y passe et alerter. Je lui envoie un dernier compte rendu vers 20 h 05.

    Peu-après, à 20 h 10, un side-car allemand arrive à toute vitesse au pont. Le passager fait de grands gestes, crie : « Armistice Signé ». Jetez les fusils.

    Aussitôt les motocyclistes repartent et une forte colonne motorisée, auto-mitrailleuses, canons de 47 français, chenillettes françaises même, canons de 105, passe et continue sa route sous les regards curieux des réfugiés qui voient interrompre leur course folle sur les routes.

    Peu de temps après, une autre colonne passe à toute vitesse à son tour . . .

     


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  • La compagnie radio de la Seine à la Loire.

    Le 13 juin, la Compagnie du Génie 204 R. vint du Plessis à la Malnoue, dans un centre de réparation d'aviation et le 14 juin, à Fontenay-le-Vicomte. Les voitures et les chauffeurs de la Compagnie Radio furent employés à transporter les restes du 41° R. I.

    Le 15 juin, elle traversa la Loire à Jargeau, et cantonna à la Rougellerie, dans la région de La Ferté-Saint-Aubin.

    Le 16 juin, à Saint-Viatre.

    Le 17 juin, dans là région de la Gaucherie, au sud de Millançais.

    Le 18 juin, la Compagnie descendit à Semblecey, puis fit route dans la nuit sur Luçay-Ie-Mâle.

    Le 19 juin, elle était à l'Égalier, avec l'E. M. de la 19° D. I. qu'elle accompagnera sanis incident jusqu à la fin.

    Retraite du 41° RI vers la Sologne ( du 13 au 18 juin )

    Le 13 juin . . .

    Comme toujours, le 41° vient à pied, par la route, d'abord. Il faut à nos hommes une énergie extraordinaire pour accomplir de si rudes étapes.

    Arrivé à 11 heures sur la Marne, le 41° reçoit en fin d'après-midi un nouvel ordre de mouvement. Des camions doivent l'enlever, tandis que la population de la banlieue commence son exode.

    A 20 h 30, aucun ordre n'est encore arrivé. Les hommes attendent. A 23 h 30, ordre de faire mouvement à pied, bien entendu.

    Le train hippomobile est déjà parti ; il ne reste aucun moyen d'enlever les pièces de mitrailleuses; on les camoufle. Le sergent Martinet et quelques hommes retourneront les chercher demain 14, avec une camionnette, de Vezin-Villiers-sur-Marne.

    Le 14 juin . . .

    Marche, Chennevières, Sucy, Boissy-Saint-Léger, Limeil, (léger crochet dans un champ de blé vert et humide), Crosnes, Montgeron, Vigneux. Arrivée au château des Bergères. P. C. somptueux, mais repas sommaire. Le Bataillon se camoufle et se repose dans le parc.

    Vers 17 heures, les camions du P. A. D. embarquent le Bataillon. Un détachement cycliste le précède. Mainville, soisy, Evry, Lines, arrivée à Ormoy vers 20 heures.

    Sur la route, au milieu de l'affolement, exode lamentable de la population parisienne. Chariots de gare, voitures d'enfants, cages à serins, brouettes, marlous et gonzesses, semi-militaires et femmes débraillées, grands chariots de campagne portant entassés femmes, enfants, ballots, ouvriers agricoles, arabes ou syriens et remorquant des autos surchargées avec le classique matelas sur le toit, et encore des soldats débraillés et débauchés, sans armes, sans ceinturons et des voitures civiles, pleines d'officiers, vautrés sur des valises et semblant très pressés . . .

    La compagnie radio de la Seine à la Loire - Retraite du 41° RI vers la Sologne ( du 13 au 18 juin )

    Conscient de sa force, le 3° Bataillon dépasse en ordre ce troupeau. L'autorité civile est submergée. Certains chefs militaires donnent un sens nouveau à la motorisation. Le 41° ne se replie que sur ordre et en ordre.

    A Ormoy: comme de coutume, on s'installe en point d'appui ferme; le problème est facile à résoudre car le
    Bataillon tient en entier (il est réduit) dans une propriété dont la porte possède un sérieux verrou. A tort, nous nous croyons ce soir encore en sécurité.

    Le 15 juin - Ormoy

    Départ dans l'ordre: C. D. T., 3° Bataillon du 41° - Ormoy,  Mennecy, Fontenay-le-Vicomte, gare de Bellancourt.

    Aucun train, le chef de gare vient de se mettre en civil . . . Nous rejoignons la grande route, où, un peu plus fatigués les évacués continuent leur marche vers le sud.

    Gare de La Ferté-Alais. Le capitaine Soula, de l'E. M. de la 19° D. I. a réussi à faire former un train. Vers l'ouest la canonnade se fait toujours entendre. Les restes du 41° RI embarquent. On embarque aussi la roulante de la 11° Compagnie, la voiture de Compagnie de la 9° et les chevaux. L'adjudant Bernard reforme une dernière fois le convoi hippo et nous quitte. Il n'y a malheureusement pas place pour lui sur notre train. Sa mission est de nous rejoindre par ses propres moyens . . . Nous n'aurons plus aucune
    nouvelle de lui.

    II fut fait prisonnier,avec le chef Scour, et interné au camp de Pithiviers.

    A 8 h 15; le train s'ébranle. Les voies sont embouteillées. On n'avance que très lentement; les arrêts sont continuels. Les trains se suivent à se toucher. Cependant l'aviation ennemie ne bombarde pas. Un violent orage survient vers 16 heures.

    La très lente marche du train ne permet pas d'arriver à Gien avant le 16, par Malesherbes, Puiseaux, Beaumont, Bellegarde.

    Le 16 juin . . .

    A Gien, changement de direction; on fait descendre les civils qui avaient réussi à profiter de notre train.

    Sur les routes, toujours le même fleuve de civils en fuite, de militaires débauchés, de convois hippo ou autos embouteillés.

    Dans une petite gare, nous sommes survolés par des avions allemands, mitraillade. Notre D. C. A.
    répond. Munitions gaspillées de part et d'autre.

    Les Bordes, Sully.  - Le pont vient d'être bombardé . . . et raté. Les entonnoirs de bombes touchent la voie, mais elle est intacte. Nous arrivons à midi à Cerdon. Débarquement et départ immédiat. Chaleur. Embouteillage à la sortie du village. Sur la route d'Isdes, halte sous un couvert de sapins. La roulante distribue une soupe excellente. Au moment où l'on repart (17 heures) des avions ennemis nous survolent et
    nous mitraillent. Quelques balles tombent dans le bois sans toucher personne.

    Isdes. - Nous bivouaquons dans un petit bois, près d'un hameau, à 500 mètres de Souvigny, à l'est. Sur les routes, c'est toujours le défilé des évacués et des militaires ayant perdu contact avec leur unité.

    Le 17 juin . . . 

    Départ à 5 heures. Vouzon. Au carrefour de la route n° 20 le même flot d'évacués et d'isolés descend toujours. Les localités proches des ponts de la Loire ont été bombardées par avion hier. L'effet moral a été considérable sur tous ces gens. Le 3° Bataillon du 41° rejoint le P. C. R. I. au château de Mousseau, et s'y installe sous les vertes frondaisons.

    Le train hippo (premier convoi commandé par l'adjudant Pecq et comprenant la voiture de transmission les 3 voitures à munitions, dont une de fortune, la voiture médicale et une carriole de renforcement, la roulante, et la voiture de Compagnie de la 9°, qui était parti le 15, à 3 heures du matin, d'Ormoy, arrive peu après nous, vers 10 heures.

    Ce convoi a pris la route d'Orléans, a passé la première nuit dans un bois, a passé Pithiviers, a été mitraillé le 16 juin vers 14 h 30 (soldat Bordage blessé), a de nouveau bivouaqué dans un champ vers 22 heures, puis reparti le 17 juin, vers 4 heures, a passé la Loire au pont de Jargeau vers 8 heures. Près de ce pont: incendies provoqués par le bombardement aérien; cadavres de militaires, de civils, de
    chevaux; un camion contenant des obus de 75 a été volatilisé. De La Ferte-Saint-Aubin le convoi a rejoint, non sans peine, son Bataillon au Mousseau.

    Calme absolu. Une unité de chars qui n'a plus d'engins, cantonne également dans le parc. Le P. C. est installé dans la propriété voisine. Tout le Bataillon bivouaque dans le parc. Le commandant Jan, sous une guitoune de fortune, au pied d'un acacia. Vers minuit, il commence à pleuvoir.

    Le 18 juin . . .

    A 1 h 30, alerte. A 2 h 30, le Bataillon est de nouveau en marche vers le sud. Il pleut legèrement. L'ordre est désormais classique : le Lieutenant orientateur et ses cyclistes; le Chef de Bataillon en side-car et sa liaison en bicyclette, le capitaine Dunand et 2 sections de la 9°, le lieutenant Georges et les restes de la C. A. 3, une section de la 9° Compagnie, et le train hippo.

    Chaumont-sur-Tharonne. Le jour se lève; la pluie cesse. La Ferté-Beauharnais. Nous sommes constamment doublés par des véhicules autos. Après Grandvilliers, au carrefour d'Avignon, vers 6 heures, un bimoteur allemand passe en rase-mottes au-dessus de la colonne; surprise totale; terreur des civils. Tout le Bataillon s'installe, à l'exception de la section Le Demnat qui garde le chemin de La Ferte-Beauharnais, dans un bois, à 300 mètres au sud du carrefour de ce chemin avec la route Avignon-Marcilly. Nous avons une mission défensive. Le P. C. R. I. et le 2° Bataillon du 41° à gauche; le G. R. D. 21 à Marcilly, à notre droite, ont la même mission. Journée calme, repos, temps splendide.

    Le 2° Bataillon du 41° eut une étape plus facile.

    Le soir du 18, il quitta Noisy-le-Grand pour Ormoy. A 4 heures du matin, le 14, il embarquait à Bellencourt en chemin de fer (wagons plate-formes) et arrivait le samedi 15, le matin, à La Ferte-Saint-Aubin.

    Il y resta jusqu'au lendemain dimanche 16 juin à 17 heures.

    Quelques heures auparavant, un avion ennemi lança 4 ou 5 bombes, dont je vis les traces le long de la rue principale (route nationale). Malheurellsement un autocar charge d'enfants fut la proie des flammes; pas un soldat ne fut atteint. 

    A 11 heures, le 2° Bataillon descendit au Mousseau, ou le 41° était concentre, et il prit position dans le bois à l'ouest de la route.

    Il y resta jusqu'au matin du 18 juin, pour aller de là à Grandvilliers, où il fut capturé . . . 

     

     


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  • Le 12 juin, des renseignements inquiétants parviennent de la région de Senlis . . .  On peut craindre pour la région ouest de Senlis, où les 19° et 47° D.I. sont en liaison. L'ennemi qui se renforce rapidement, ne s'est cependant emparé que de cinq blockhaus de la ligne principale, quand l'ordre de repli est donné le 12 juin au soir.

    Ce repli est décidé pour se lier à l'Armée de Paris, qui tient Gonesse, et pour parer à la menace sur le flanc droit de l'armée, à La Ferté-sous-Jouarre.

    Ce compte rendu du 1° C. A., auquel sont empruntées ces lignes, précise ainsi les intentions du Commandement: 

    « Le 1° C. A. reçoit mission de défendre l' Oureq d'Aulnay (exclu) à Claye-Souilly (Est) (lisière Est du bois de Villeparisis à la 47° D.I.) »

    En exécution de ce plan, le 12 juin à 8 h 30 du soir, arrive l'ordre à la 19° D.I. de se retirer sur la Marne. Nos batteries de 75 et de 155 sont admirables. Bien que très exposées, elles tirent jusqu'à la dernière minute; nous sommes déjà en route qu'elles vident encore leurs caissons, pour masquer notre départ. Il a fallu, malheureusement, abandonner près du pont de Borans, le canon de 75 embourbé dans le marais,
    et le 37 de marine.

    Les restes des 41°, 257° R.I, 10° R. A. D., 210° R. A. L. D., le G. R. D. 21, le Génie, les services, tout s'en va par la seule route libre: Viarmes, Luzarches, Ecouen, Gonesse, Le Bourget, Nogent-sur-Marne. A pied, toujours! Qu'on songe à la distance à parcourir.

    Il faut se gendarmer pour empêcher quelques hommes de fumer, à quelques centaines, de mètres de l'Oise! Insouciance du soldat, quand il lui parait que le danger est moindre.

    Le repli sur la Marne et la seine

    Nous rencontrons une section de coloniaux, tout ce qui reste d'un régiment; elle a reçu l'ordre de venir prendre position entre Le Lys et Viarmes! J'espère qu'elle a échappé à l'ennemi.

    En cette soirée du 12 juin, nous voici donc de nouveau sur la route! Nous,espérions qu'un front défensif, s'appuyant sur la ligne Maginot, pourrait se constituer sur l'Aisne l'Oise, la Seine, en attendant mieux. Une fois de plus les Allemands nous débordent, et il n'y a, comme toujours, qu'une seule voie de retraite. Chaque fois aussi, nous sommes moins nombreux à la suivre.

    Toute la nuit, les hommes marchent! Qui ne les admirerait d'un tel effort? Car ils s'en vont, en ordre, bien tenus en mains par leurs chefs.

    Le train hippomobile suit le 41°.

    A Gonesse, le 3° bataillon embarque en camions. Un détachement cycliste est formé: Le Bourget, Le Raincy, Neuilly-sur-Marne. Arrivée à Noisy-le-Sec vers 11h 10, le 13 juin. Le 2° Bataillon atteint Noisy à 15 heures.

    De bonne heure, le matin de ce jour, accompagnant les lieutenants Blanchet et Loysel, j'arrive par le même itinéraire à Nogent-sur-Marne. Notre voiture (c'est celle du commandant Pigeon) dont les vitres avant et arrière ont été brisées par les balles est l'objet de la curiosité.

    De Nogent-sur-Marne, nous remontons sur Noisy-le-Grand et Plessis, sur la Marne, où le 41° prend position.

    Les nouvelles sont mauvaises; à notre droite, I'ennemi a passé la Marne, à Meaux.

    Le G. R. D. n'est pas éloigné de nous. A la tombée de la nuit, le 12 juin, il s'est mis en route, comme nous, par Luzarches, Gonesse, Nogent-sur-Marne. II va prendre position à Champs-sur-Marne d'abord, puis, quelques heures après, dans la soirée, à Ponthierry, sur la Seine, entre Corbeil et Melun. C'est alors qu'il reçoit du matériel moderne, bien au point: 3 canons de 47 montés sur voitures automobiles, partiellement blindées! Que ne l'avait-on expédié avant !

    Dans la journée du 13 juin, vers midi, le Génie fit sauter le pont de Ponthierry.

    Le P. C. du 41° est installé dans l'ancienne et belle (au XVIIIe siècle) demeure, utilisée depuis peu par la Jeunesse Catholique ouvrière comme, maison de retraites et de repos. Des scènes d'amour peintes sur les murs sont toujours la, témoignages d'un état d'esprit qui amena jadis des catastrophes. Hélas! cet état d'esprit était le nôtre.

    Le général LencIud indique au Commandant Jan sa zone de stationnement vers le bois de la GrenouIlère; mais les artilleurs ont tout envahi avec leurs positions de batterie, leurs échelons.

    Le bataillon se case sur la lisière d'un bois, près de logements ouvriers.

    Chaleur. Fatigue. Va-t-on défendre la Marne? On dit que Paris a été déclaré ville ouverte, que l'ennemi a passé Senlis. On se lave, on mange, on dort. (Journal de marche du 3° Bataillon du 41° R.I).

    Nos hommes, morts de fatigue, se sont  jetés sur l'herbe et dorment.

    Mais pas de longues heures, car ils vont descendre un peu plus bas; le compte rendu du 1° corps note en effet:

    Le repli sur l'Ourcq s'effectue dans la nuit du 12 au 13 juin, et à midi, le 13, les éléments de la 29° et 47° D.I tiennent les passages du canal, mais dans un état d'épuisement tel que les généraux qui les commandent font toute réserve sur la résistance à en attendre. L'ennemi, qui ne semble disposer entre Oise et Ourcq que de quelques engins blindés, réussit seulement à faire passer quelques éléments au sud de l'Ourcq
    en fin de journée (le 13 juin).

    Les ordres, qui avaient organisé la défense de l'Ourcq, prévoyaient que les autres divisions du 1° C. A. (19 D.I et 7° D. I. N. A.) s'établiraient sur la Marne. Mais Il n'est déjà plus temps. Paris est livré sans combat à l'ennemi.

    A l'est la VIl° Armée voit son flanc droit (ou ce qu'il en reste) constamment débordé. Le Commandement décide de se se replier d'un seul bond, derrière la Seine (13 juin, 16 heures).

    Les 19° D.I. et 7° D. I. N. A. sont dirigées respectivement sur Corbeil et Melun pour constituer des têtes de
    pont sur la Seine. Une fois leur mouvement terminé, elles passeront aux ordres de l'Armée. Des groupes de transport sont mis à la disposition des unités.

    Ces précieuses indications permettent de comprendre ce que je dirai un peu plus loin.

    Maintenant, je suis seul aumônier de la 19° D.I. Mes deux confrères ont été pris le 6 juin, à Fresnes-Mezancourt et à Pressoir. A l'État-Major on voudrait bien m'avoir un peu. L'auto de l'État-Major de la D. I. est là; elle m'attend.

    Vers 14 heures, nous arrivons au P. C. de la Division. Il est à Mennecy, non loin de Corbeil, à droite,sur la Seine; le  41° et le G. R. D. 21 vont, ce soir, venir nous rejoindre pour garder les ponts du fleuve, en face de nous.

    Nous apprenons que demain, 14 juin, les Allemands vont faire leur entrée dans Paris; le Gouvernement le leur abandonne ! . . .  Déjà, il est vrai, ils sont à Juvisy, au sud de Paris, à notre gauche. Entre eux et nous, il n'y a plus rien, qu'un espace encore vide. C'est en vain que nous cherchons la liaison. Toujours nous sommes à l'arrière-garde.

    Dans Mennecy, une foule énorme de réfugiés est entassée. Spectacle pitoyable que celui de tant de vieillards, de femmes, d'enfants, démunis de tout, qu'on ne sait comment nourrir, car déjà les commerçants fuient ou ferment.

    En effet, de très bonne heure, vers 5 heures, en ce matin du 14, nous faisons mouvement. Il le faut, hélas! Tout a cédé à notre droite et à notre gauche. Nous sommes en l'air. Les ponts sur la Seine de Corbeil sautent, tandis que les Allemands prennent possession de ceux de Paris!

    Ici encore, le compte rendu du 1° Corps doit être cité :

    A la gauche du 1° Corps d'Armée, L'Armée de Paris qui s'est repliée le 14 juin au matin dans la Vallée de Chevreuse, poursuit sa manoeuvre de retraite.

    Le rétablissement sur la Seine (Ordre de la VIl° Armée, 14 juin, 11h 15) sera limité au temps strictement nécessaire; les éléments auto et hippo des grandes unités seront acheminés directement derrière la Loire. L'infanterie du 1° C. A. sera embarquée V. F. sur la ligne Malesherbes Corbeil et à la Chapelle-la-Reine.

    Le lieutenant de Lestrange, du G. R. D. 21, attaché à la Division, m'emmène avec lui. Nous nous connaissons depuis Sarreguemines. C'est un jeune homme distingué, d'une parfaite éducation.

    Le repli sur la Marne et la seine

    Lestrange doit essayer de faire la liaison avec le 1° Corps d'Armée (général Sciard) et en cherche le P. C. Par Milly, nous descendons sur Malesherbes, en suivant les petites routes moins encombrées. Nous côtoyons la forêt de Fontainebleau : en ce mois de juin, le paysage est charmant; insensible à nos misères, le monde végétal prodigue pour le plaisir de nos yeux la vie. Si les hommes de France avaient
    été plus fidèles aux voix de la nature et avaient mieux compris qu'elles exigent la fécondité, nous ne serions pas aujourd'hui comme des bêtes traquées, sur les routes de notre pays.

    A Malesherbes, nous nous trouvons encore parmi la foule immense des réfugiés, qui attendent les derniers trains, ou mendient un peu d'essence pour aller plus loin. Quelle misère! Quel châtiment aussi pour le plus grand nombre! La vie se venge quand on en viole les lois.

    Pendant que Lestrange s'efforce d'entrer en communication par le téléphone, à la gare, avec le Corps d'Armée, je vais au magasin de l'Intendance (il y a là un énorme approvisionnement) chercher une boule de pain et du «singe». Nous partageons ces vivres dans l'auto, tout en roulant, avec le conducteur. Car Lestrange a fini par découvrir le P. C. du général Sciard; nous nous y rendons, puis nous revenons à Mennecy, par La Ferté-Alais.

    Aux abords de Mennecy, nous apprenons que l'État-Major de la 19° D. I., le 41° R. I. sont partis; les cavaliers du capitaine Brandner, de notre G. R. D. 21, défilent sous nos-yeux; ils ont une magnifique allure. Ils forment I'arrière-garde de la Division.

    Lestrange et moi sommes les derniers à quitter ces lieux!

    Nous nous remettons en route, par Milly, pour éviter l'encombrement de la grande route. Parfois la voiture roule à travers les champs de blé! Lestrange a l'esprit cavalier et ne redoute rien.

    Enfin, nous retrouvons la route de Pithiviers; avant d'atteindre cette ville, nous sommes pris dans un formidable embouteillage. Une colonne interminable de voitures de tourisme, de camions, de canons lourds, de piétons poussant d'étranges véhicules, est arrêtée, prise de panique, car des avions allemands viennent de mitrailler cette foule.

    Contournant Pithiviers, par l'ouest, nous filons vers Jargeau, où la 19° D.I. doit passer la Loire.

    Avec beaucoup d'habileté; Lestrange passe par les faubourgs de la rive droite, de sorte que, sans encombre, nous pouvons traverser le pont. Il faudra, un peu plus tard, 4 ou 5 heures à la voiture du général Lenclud pour exécuter la même opération, à cause de l'embouteillage inouï des réfugies, des soldats, des voitures de tout genre.

    Ensuite, par l'explosion d'une bombe allemande, déclenchant nos propres mines, le pont sautera.

    Les vieux remparts de Jargeau s'offrent à notre regard, rectilignes, sévères. Jadis, Jeanne d'Arc a remporté là, une victoire !

    De Jargeau, nous allons à La Ferté-Saint-Aubin, où s'établira pour un jour le 41°, et à La Motte-Beuvron, ou, avec l'État-Major de la VIl° Armée (Général Frere), Lestrange traite les affaires de la D.I. et prend les ordres.

    Puis, de nouveau, en route. Nous atteignons enfin Chaumont-sur-Tharonne (Loir-et-Cher) sur la grande route d'Orléans, au sud de la Ferté-Saint-Aubin. Le P. C. de la 19° D.I. s'y installe.

    Ainsi s'achève la journée du 14 juin . . . 


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  • Les ministères de la Culture et de la Défense se sont mobilisés aux côtés des collectivités locales pour sauver le Musée de la Résistance bretonne. Tristan Leroy, nommé conservateur, a en charge la conduite d'un projet qui se concrétisera en 2017

    En quoi, aux yeux de son nouveau conservateur, le musée de la Résistance bretonne de Saint-Marcel est-il important ?

    C' est un musée de site , c'est-à -dire implanté sur les lieux mêmes du plus grand maquis de Bretagne. Les combats de Saint-Marcel ont une place particulière dans l'Histoire . Là, pour la première fois, la Wehrmacht fut mise en difficulté , par les Alliés, mais aussi par les enfants du pays . C'était inédit sur le sol de France . En 1984, Gilles Possémé, le maire de Saint-Marcel , à partir de rien, mais bien entouré , a su créer un musée pour honorer cette mémoire . La mobilisation de la population a très rapidement permis
    de réunir le noyau d'une collection. Une initiative sanctionnée par un succès assez immédiat ,
    avec quelque 50 000 visiteurs par an.

    Pourquoi cet intérêt s'est-il étiolé au fil du temps ?

    Parce qu'il a bien sûr vieilli. Peut-être un peu prématurément. Dans ses infrastructures et sa présentation. La muséographie des années 1980 est aujourd'hui datée.. . Le parcours, Occupation, Résistance, Libération, est devenu moins lisible . En réduisant la marge d'autofinancement, la baisse de fréquentation n'a , par exemple, pas permis de monter des expos temporaires susceptibles de relancer l'intérêt. De plus le syndicat gestionnaire, associant Saint-Marcel et Malestroit n'avait pas la dimension suffisante pour porter financièrement une telle structure.

    Quelle est votre mission ?

    Le ministre de la Défense , Jean-Yves Le Drian, a été sensible à l'appel des élus locaux en mettant
    à disposition du musée un conservateur pour en assurer la rénovation et le suivi scientifique aux
    côtés du ministère de la Culture. L'appellation Musée de France, gage de qualité et garantie
    de soutien de l'État est ainsi pérennisée . La communauté de communes du Val d'Oust-lanvaux, désormais gestionnaire, dispose de 2,5 millions d 'euros, dont 1 million des ministères de la Culture et de la Défense et 1 million de la Région et du Département pour mener la refonte du musée.

    Quel est le projet ?

    Le parti retenu, sur le plan des bâtiments , est de restaurer et moderniser l'existant. S'agissant de la scénographie , la forme actuelle est un peu trop théorique, académique. Nous travaillons à un projet plus didactique et interactif, sans toutefois , bien sûr, en faire un parc à thème. L'effort principal vise à réincarner ce musée, à y réintroduire de l'humain , trop absent. Dans les collections , certaines pièces
    ayant appartenu à des résistants portent une formidable charge émotionnelle . L'idée est de faire de Saint-Marcel un conservatoire des attitudes et des comportements. La non-résignation, l'esprit de sacrifice ,
    l'amour de la liberté , ce sont des valeurs que nous devons léguer aux générations futures.

    Propos recueillis par Jean-Laurent BRAS.

    IL FAUT SAUVER LE MUSÉE DE SAINT-MARCEL


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  • Le matin du 11 juin, la pluie tombe, Aujourd'hui, l'atmosphère est d'un sombre! Un brouillard qui s'étend sur tout. Une atmosphère de fin du monde, tragique. Nous nous perdons en conjectures sur les causes de ce phénomène. Nous ne savons pas que les dépôts de pétrole de Rouen brûlent, et que les Allemands pour franchir la Seine utilisent des nuages de fumée. C'est tout cela qui vient jusqu'à nous et nous enveloppe comme un linceul.

    Ce matin, je me rends au P. C. de la division. Le motif est mon désir de présenter mes condoléances au Général, à l'occasion de la mort de son fils aîné, lieutenant du Génie, tué dans l'explosion d'un pont sur l'Oise.

    Le Général me reçoit à Lamorlaye, dans un petit château, caché dans les bois. Il est fort ému par la terrible nouvelle reçue la veille. Plus d'une fois encore, dans les semaines à venir, je le verrai pleurer.

    Un jour, après l'armistice, il me dira en versant des larmes : « J'avais promis à mon père de reprendre Strasbourg; nous l'avions repris, et je l'ai perdu; j'avais un fils, et je l'ai perdu aussi ».

    Il me retient à déjeuner. Il pleut; le paysage est d'une tristesse inouïe. On entend le grondement de nos canons. L'État-Major est sur le qui-vive.

    Vers 13 heures, l'auto me reconduit au Lys.

    L'après-midi est beau. Par nos soins les ponts de Saint Leu-d'Esserent, de Précy-sur-Oise et de Boran sautent.

    A 10 h 30, le pont de Boran disparaît; un de nos hommes de la 7° Compagnie, de la section de garde, sur la rive droite, dans le village pour prévenir de toute menace allemande, saute avec le pont. Il croyait avoir encore le temps de passer!

    Peu après une auto-mitrailleuse ennemie se présente.

    A 11 h 50, le joli pont suspendu de Precy s'effondre dans l'Oise.

    Je vais voir les hommes du 2° Bataillon.

    J'arrive aux villas, où sont placées les réserves. On ne se garde pas assez. Les hommes d'une Compagnie d'infanterie étrangère à la 19° D. I. (du 257° R.I.) sont occupés à trouver des bêtes à abattre pour manger. La 6° Compagnie du 41° est sur le bord de la rivière, s'y faisant des positions de tir; les autres compagnies sont alignées un peu en arrière, dans les bois.

    Le sous-lieutenant Simoneaux m'accompagne un instant du côté du pont; il est par là avec ses mitrailleuses de 20 mm. Il y avait également un canon de 75 du 10° R. A. D., et une pièce de 37 de marine servie par 3 marins; ceux-ci étaient là avant notre arrivée dans le secteur.

    Me voici maintenant avec nos braves garçons, qui à droite et à gauche du pont se retranchent. Deux sections de la 6° Cie sont à gauche avec un groupe de mitrailleuses sous les ordres de l'adjudant-chef; deux petites sections à droite avec un autre groupe de mitrailleuses, sous le commandement
    du sous-lieutenant Geffray. Beaucoup plus loin, à droite du dispositif, quelques hommes de la 7° avec un groupe de mitrailleuses prennent d'enfilade le coude formé par la rivière. Ils sont très résolus. Je les vois tous, et après cette longue tournée, faite en vue de l'ennemi, je reviens péniblement par le bois en arrière, où se tiennent la 5° et la 7° Compagnies. Difficilement je retrouve mon chemin dans ces fourrés. Enfin, voici la route; je passe devant un canon de 25, de la C. R. E., en position à cet endroit, trop isolé.
    Quelques obus tombent maintenant. Vers 5 heures du soir, je suis de retour au Lys.

    La situation de nos hommes sur l'Oise est effrayante. Les Allemands sont en face, surtout dans un bois triangulaire, près du pont. Il y a plusieurs kilomètres entre ce petit groupe d'hommes et ceux de Précy à droite, d'Asnières sur Oise, à gauche.

    Nos 155 vont essayer d'atteindre le bois. Le tir trop court, difficilement réglable en cette région plate et boisée couverte, tombe surtout sur les hommes de la section Geffray, établis à droite du pont.

    Combat du 41° sur l'Oise la journée du 11 juin.

    A peine suis-je revenu, qu'un violent bombardement commence à 16 h 45 sur notre bataillon de Boran. Il est vrai que depuis deux jours les Allemands ont été copieusement arrosés par nos 75 et 155. Mais à leur tour, ils font entrer en action leur artillerie et leurs rninen werfer; manifestement, ils veulent tenter le passage.

    Très violent pendant un quart d'heure, ce bombardement dure jusqu'à 18 heures. Les Allemands essaient de franchir l'Oise sur leurs canots de caoutchouc; vainement d'ailleurs, car nos hommes se battent avec beaucoup de courage; de leurs trous individuels, ils tirent à 10 mètres avec sang-froid sur les ennemis. 3 ou 4 canots sont coulés avec leur équipage. Des deux côtés, les combattants crient avec fureur,
    au milieu d'un nuage de poussière.

    Les auto-mitrailleuses allemandes circulent lentement sur la route dominante et longeant la rive droite de l'Oise, et arrosent la 6° Compagnie de balles explosives.

    A la même heure, une panique se produit autour du Lys; des hommes du 257° et du 41° (1) se replient affolés; un sergent-chef passe au galop avec son canon de 25. J'essaie d'arrêter ce mouvement, et je me précipite au P. C. pour alerter le colonel Loichot, qui sort bien vite, rameute son monde, le porte en avant, et avec l'aide des lieutenants Lucas et Loysel, organise la résistance au centre du village; au carrefour
    des routes. On entend le claquement des balles de 20 mm. lancées par les auto-mitrailleuses. Bientôt tout
    rentre ,dans l'ordre.

    (1): Les hommes du 41° étaient des permissionnaires d'Alsace qui, par un hasard extraordinaire, avaient retrouvé le régiment; ils étaient arrivés à l'instant même au Lys, sans armes, bien entendu. Le lieutenant Lucas les avait tout de suite envoyés à leur bataillon, le 2°; ils tombaient en pleine bagarre, malheureusement, avant même d'avoir rejoint leurs Compagnies. D'où leur affolement.

     La section Mauduit (de la 9°) en réserve au Lys est envoyée dans le bois en renfort.

    De 18 heures à 19 heures, le calme se rétablit. Les sections en ligne sur le bord de la rivière profitent de ce calme pour se ravitailler en munitions et relever les morts. Les Allemands en font autant de leur côté, et installent dans le bois triangulaire, derrière le remblai du chemin de fer, à l'abri de nos coups, des minen werfer contre lesquels nous serons impuissants.

    A 19 heures, le bombardement reprend avec violence. Une quinzaine de soldats ennemis réussissent à franchir l'Oise, à la droite du groupe Humeau, de la section Geffray, avec l'intention évidente de la tourner, pendant que d'autres se lancent sur des radeaux pour l'aborder de front.

    Les hommes de Geffray tirent résolument sur les équipages des radeaux; ceux-ci retournent à leur point de départ au milieu des cris. Mais le groupe Humeau doit soutenir un combat en règle sur la rive; là aussi J'ennemi est repoussé, mais il capture le caporal Kuntz, avec un ou deux soldats, qui succombent après avoir épuisé toutes leurs munitions (2).

    (2): Vers 19 heures, le lieutenant-colonel Loichot ordonne  par prudence de brûler le drapeau du 41°.

     Nos 75 et 155 répondent, bien entendu, aux canons de l'ennemi.

    Vers 21 h 30, les deux sections de droite de la 6° Compagnie se replient sur le bois, à 200 mètres en arrière; les deux sections de gauche restent sur leurs emplacements de combat, et ne se replient par ordre qu'à deux heures du matin. Elles viennent rejoindre sur la route du Lys à Gouvierne le gros du 2° Bataillon, qui avait, pour les dernières heures de la nuit, en vue de se resserrer sur le centre et d'éviter une surprise, quitté sa première ligne de repli à la lisière du bois, vers 23 heures, pour se porter sur la route
    parallèle de Gouvieux.

    En raison des pertes du bataillon, du manque de munitions, de la surprise possible à la faveur de la nuit, de la difficulté des liaisons, de la fatigue morale et physique des hommes, le commandant Pigeon souhaitait regrouper ses Compagnies sur cette ligne. L'attaque nous avait coûté 13 tués, une quarantaine de blessés; des armes automatiques avaient été écrasées par les obus et les minen.

    Après beaucoup de discussions qui exigèrent un va-et-vient du lieutenant Lucas, adjoint au Colonel; celui-ci accéda au désir du Commandant, et autorisa ce déplacement pour quelques heures, jusqu'au moment où quelques engins blindés viendraient purger d ennemis la foret.

    En effet, le Commandement a décidé que quelques chars, avec leurs sections de chasseurs porté du 94°, viendraient nettoyer les bois, à l'aube du lendemain 12.

    Pendant la nuit, les Allemands qui avaient passé la rivière, à la droite du dispositif, à la jonction des deux bataillons du 41°, là où il n'y avait personne pour interdire le passage,  s'en allèrent; autrement, on ne s'expliquerait pas que les deux sections de gauche de la 6° Cie aient pu demeurer jusqu'à 2 heures du matin sans être attaquées. Les chars n'auront à peu près rien a faire.

    En dépit de pertes douloureuses, la journée ne s'achevait pas mal pour le 2° Bataillon.

    A droite, sur le 3° Bataillon, la journée avait été tranquille; et même heureuse pour le 41°.

    En effet, note le journal de marche du 3° Bataillon: Vers 13 heures, une patrouille de 6 hommes, commandée par l'adjudant-chef Le Demnat (9° Cie),. passe l'Oise avec mission de prendre liaison avec la section du 257° R.I. qui tenait la tête de pont (de Précy) et dont on n'a aucune nouvelle. Vers 14 heures, Le Demnat refranchit l'Oise. Aucune trace du 257°; il s'est fait barboter. Par contre, avec ses 6 hommes, Le Demnat ramène 6 prisonniers allemands qu'il a fait dans une ferme; l'un deux, un
    sous-officier, est décoré. Enthousiasme des Bretons.

     Pendant que le 2° Bataillon du 41° est en difficulté, le 3° Bataillon du 41° reste calme sur ses positions. La rive en face ne lui paraît pas encore occupée et il continue de récupérer » des vivres dans la gare de Précy, de l'autre côté de l'Oise.

    Le 13 juin . . . A l'aube, les chars font la petite opération annoncée; elle s'avère à peu près inutile; les Allemands sont presque tous repartis. Le 2° Bataillon avait pu sans rencontrer de résistance ennemie, se réinstaller à la lisière ouest de la forêt, à 200 mètres de la rivière; les 5° et 7° Compagnies sont en première ligne; la 6°, diminuée par ses pertes de la veille, est en seconde ligne.

    Peut-être cependant faut-il, admettre que quelques Allemands restèrent cachés dans les bois épais, puisque, à 7 heures, le commandant Pigeon, circulant dans la forêt du Lys, pour faire, sur l'ordre du Colonel, la liaison avec le 3° Bataillon, fut blessé d'une balle dans l'épaule, et que 4 ou 5 autres balles d'une mitraillette atteignirent la carrosserie de la voiture (prêtée par le Colonel au commandant
    Pigeon).

    Des patrouilles conduites par le sous-lieutenant Simoneaux et l'aspirant Orilhange, fouillent le bois entre la
    rivière et la route de Gouvieux, pour s'assurer que des éléments ennemis n'étaient pas restés, malgré le nettoyage opéré par les chars.

    Pigeon, pansé au poste de secours du 3° Bataillon, nous arrive au Lys. Fidèle à lui-même, il fume une cigarette! Il faut l'évacuer; je ne le reverrai qu'au mois de juillet, à Saint-Priest-Ligoure (Haute-Vienne).

    Un avion de reconnaissance allemand passe et repasse sur nos positions, vers 9 heures. Il semble que depuis le 20 mai, il soit attaché spécialement à la 19° D.I., car il ne nous quitte pas.

    A partir de 15 heures, on commence à recevoir des balles ennemies sur la route du bois des Bouleaux (où se trouve le commandant Jan) à la ferme du Pont de Précy (tenue par la 9° Compagnie et la section de mitrailleuses du sous lieutenant Vaillant).

    Notre artillerie tire sur Précy, mais trop court, car ses obus tombent sur la section Payen, à la cote 36 le long de l'Oise, et blessent 2 hommes. Deux brancardiers qui se sont portés au secours des blessés; sont blessés à leur tour, sur la route absolument découverte et exposée aux vues de l'ennemi,
    par des balles allemandes de la rive droite.

    Vers 18 heures, les mortiers allemands tirent sur la gauche de la ferme occupée par Dunand (9° Cie).

    On peut croire que bientôt la position du 3° Bataillon sera intenable, car le G. R. D. 21 qui tenait l'Oise, à droite, signale qu'il vient de se replier (à 17 h 15) sur la Nonette.

    L'encerclement se prépare.

    Dans le secteur du 2° Bat / 41°, le calme règne, en cette journée du 12 juin.

    Mais il est bien évident que notre position devient critique. Car au sud, du côté de Beaumont-sur-Oise, l'ennemi a franchi l'Oise; demain nous serons tournés. Déjà à l'est, nous sommes menacés puisque l'Allemand est dans la région de Senlis . . . 

     

     


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  • Pendant que le 41° opérait sa difficile retraite pour venir s'installer sur l'Oise, le G. R. D. 21 lui aussi faisait le même mouvement.

    Arrivé de bonne heure, le 7 juin, à Etelfay, il s'y était regroupé; l'escadron hors rang manquait seul. Dans le jardin du presbytère, Sérouet ensevelit un des morts du G. R., le cavalier Serrant, blessé à Lihons le 6, et qui avait demandé à ses camarades de l'emporter.

    A la nuit tombante, on repartit et, par Montdidier, où une église commençait de brûler dans le sud de la ville, Baconel et Chepoix, le G. R. atteignit à minuit le village de La Hérelle, où il cantonna. La Hérelle est à quelques kilomètres au nord-ouest de Gannes, où se trouvait le bataillon Jan du 41°.

    A partir de midi, ce jour du 8 juin, Sérouet note que des troupes en débandade traversèrent le village. Un capitaine, ou prétendu tel, monté sur un cheval de « récupération » passa dans La Hérelle, vers 15 heures, en criant : « sauve qui peut »; les gendarmes se mirent à sa poursuite.

    L'approche de chars ennemis fut annoncée, et le G. R. D. se prépara à défendre l'entrée du village. Mais rien ne se présenta, et le soir, à 21 h 30, il partit pour une nouvelle étape. Il devait se rendre à Clermont, en passant par Saint-Just-en-Chaussée. Mais, comme je l'ai expliqué, cette ville située derrière nous, était déjà occupée par l'ennemi. A l'entrée nord de Saint-Just, la patrouille de pointe du G. R. fut reçue par des auto-mitrailleuses allemandes. La longue colonne des motos et des voitures put faire demi tour sur la route, et tourner la ville par le nord-est. Elle passa une partie de la nuit à Angivillers, au milieu de l'indescriptible cohue, et repartit à l'aube du dimanche 9 juin.

    Sur la route, la colonne fut mitraillée sans succès par un avion isolé, et, traversant Estrées-Saint-Denis, franchit l'Oise à Pont-Sainte-Maxence, à 11 heures du matin, avant la destruction du pont, chargé de soldats et de réfugiés, par une bombe allemande.

    Regroupé dans la forêt d'Hallatte, près de Verneuil, le G. R. se remit en route à la nuit pour aller garder le passage de l'Oise, en face de Saint-Leu-d'Esserent. Il y passa la journée du 10 juin, dans une champignonnière, non loin du pont sur l'Oise que, le soir de ce même jour, le Génie fit sauter. Le G. R. s'établit alors à Gouvieux, où il eut un tué par le bombardement dans la journée du 12 juin. L'État-Major
    occupait une villa près de La Barraqué . . .


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  • Tandis que le 41°, déjà épuisé par la longue marche de vingt-deux heures accomplie la veille, se remettait en route, le sous-lieutenant Simoneaux était accroché par l'ennemi à Ansauvillers; il avait avec lui le personnel d'une section de mitrailleuses de 20 mm, la section de la 9° Compagnie commandée par l'adjudant Le Moal, armée d'un fusil mitrailleur, quelques isolés d'un régiment de Tirailleurs. Il s'était installé défensivement dans la partie sud du village, où se trouvait encore une batterie lourde du 304° d'artillerie.

    A 17 heures, cette batterie, dangereusement exposée, se replie sur un ordre écrit. Simoneaux demeure sur place avec ses 83 hommes. Ses deux mitrailleuses de 20 et le F. M. étaient évidemment inefficaces contre les chars.

    Il avait demandé qu'on lui donnât un canon de 25. Le lieutenant-colonel Loichot lui envoya l'adjudant Tardiveau monté sur une chenillette. Celui-ci apportait au sous-lieutenant l'ordre écrit de se replier à 20 heures, à pied, par la route Meignelay-Ravenel. Il toucha Simoneaux à la lisière du village, lui remit l'ordre et repartit, non sans avoir essuyé des coups de feu d'une auto-mitrailleuse embossée au sud dans Un bois, à proximité de la route. Déjà à 17 heures, une reconnaissance de l'adjudant Planet et de ses motocyclistes avait révélé la présence en cet endroit de l'engin motorisé.

    Simoneaux rendait compte qu'il ne pouvait quitter sa position qu'à la nuit, vers 22 heures, car les auto-mitrailleuses ennemies eussent, de jour, empêché son mouvement. Depuis 18 heures d'ailleurs il répondait à l'attaque des blindés allemands. Plusieurs de ses hommes étaient gravement blessés, d'autres tués.

    Deux auto-mitrailleuses furent détruites par les pièces de 20 mm ; l'une d'entre elles, atteinte à 30 mètres par un petit obus de 20, se retourna complètement, roues en l'air, le moteur marchait toujours, L'équipage fut tué sur le coup, sauf un homme qui réussit à sortir et essaya de se frayer un chemin à coups de mitraillette. Une balle de Simoneaux l'abattit.

    Un gros char, pourtant invulnérable, s'éloigna devant cette résistance désespérée. Mais, à 22 heures les deux mitrailleuses de 20 étaient détruites par le feu ennemi et les munitions épuisées. C'était le moment d'exécuter l'ordre de repli. Ordre difficile, car la route était coupée par les blindés allemands.

    Simoneaux, se guidant à la boussole, prit à travers les champs, les hommes le suivant en colonne par un. Les morts et les blessés graves restaient sur le terrain, car les moyens de transport manquaient. Au cours de ce repli, malheureusement, une partie des hommes s'égara dans l'obscurité, au passage d'un chemin encaissé, et fut capturée par l'ennemi. Simoneaux enfin nous rejoignit à Pont-Sainte-Maxence, avec 19 hommes, bien qu'il ne pût connaître l'ordre arrivé au Colonel à 23 h 30, à Angivillers, de pousser jusqu'à
    l'Oise de Pont-Sainte-Maxence. Cet ordre prescrivait : « Toutes les unités qui n'auront pas franchi l'Oise demain avant 12 heures seront considérées comme sacrifiées. »

    L'opiniâtre résistance de Simoneaux avait protégé la retraite du 41°. Le général Lenclud se montra juste appréciateur du mérite de Simoneaux et de la valeur de cette résistance, car il fut heureusement l'objet d'une citation à l'ordre de l'armée.

    Pendant que se déroule cette action, les restes de la Division s'efforcent d'échapper à l'étreinte ennemie. Toujours les fusées allemandes montent de la plaine; l'aube paraît, propice à l'adversaire. Enfin le 41° peut passer. La longue colonne de nos hommes harassés s'étire sur la route. Il fait jour maintenant. Quelques sections marchent, plus péniblement encore, dans les champs, pour protéger notre flanc gauche, tandis que la 7° D. I. N. A. assure I'arrière-garde à Angivillers.

    L'ordre est d'aller jusqu'à l'Oise, en traversant Sacy-Ie-Grand. Le Lieutenant-Colonel et son État-Major ont devancé la colonne, et attendent à Sacy le passage des bataillons, bien réduits, du 41° R. I.

    Nous·sommes maintenant au 9 juin; il est 8 heures du matin quand arrive la troupe.

    Il y a encore des habitants dans ce village, et les convois de réfugiés, avec leurs lents attelages, rendent encore plus difficile le défilé de nos colonnes.

    Combat d'arrière garde

    Nous abordons Pont-Sainte-Maxence, encore habité, vers 10 h 30. Le pont sur l'Oise est intact, mais la gare et ses abords ont souffert des bombardements.

    Je me rappelle alors qu'en 1918, le366° R. I. dont j'étais a passé là une courte nuit, en montant à l'attaque de Tracy-le-Val, menée par la X° Armée Mangin. Souveuirs de ma jeunesse lointaine! Mais en ce temps là nous étions des vainqueurs. Tandis qu'aujourd'hui nous redescendions . . .

    Nous obliquons à droite, par Beaurepaire. Car c'est seulement dans le bois de Fleurines que nous nous arrêterons : nos hommes ont marché pendant 16 Ou 17 heures!

    Nous arrivons enfin au bois de Fleurines, où se trouvent l'État Major du 41° R. I. et les deux bataillons.

    L'E. M. de la 19° D. I. est à quelques centaines de mètres, dans la nature également.

    Il reste si peu de monde à la Division qu'elle tient facilement tout entière dans ce bois. Dans la soirée, nous y serons rejoints par le groupe de 155 qui n'avait pu passer, le pont ayant été détruit par une bombe d'avion, peu après notre arrivée.

    Nous n'avons à peu près rien à manger, et même il n'y a pas d'eau sur cette côte boisée.

    Ma fatigue est extrême; néanmoins, je ne dors pas; je vais revoir mes amis à l'État-Major du Général. Le colonel Membrey, le commandant de Kérautem, le capitaine Soula, d'autres encore sont là. C'est une joie de nous rencontrer après ces journées si dures. La nuit vient. Demain matin, on nous enlèvera en camions, car il faut aller vite sur l'Oise, au sud, et d'ailleurs les hommes n'en peuvent plus.

    Sur la terre nue, à côté du médecin-commandant Le Cars, j'essaie de sommeiller un peu. Je n'y arrive, guère.

    Le 10 juin; de bonne heure, mais pourtant avec un grand retard, le train automobile est là, enfin. Nous voyagerons en plein jour; à Fleurines, nous sortons du bois, et nous nous engageons à 7 heures sur la grande route de Paris, par Senlis. Dans cette ville, l'église a été atteinte par des bombes, et des maisons sont détruites. Nous avons la tristesse d'y assister au passage désordonné d'une unité coloniale, au
    pillage des magasins. On voit des hommes sans armes chargés d'appareils de T. S. F. ou de caisses contenant on ne sait quoi! C'est une affreuse débandade, et l'on a l'impression que les officiers n'ont pas leur troupe en main, ou ne font pas leur devoir. Des groupes, habillés en soldats, s'en vont désarmés. D'où viennent-ils?

    Nos soldats du 41° sont furieux de ce spectacle et les insultent. Eux sont fiers de leur cohésion et de retourner au combat; volontiers ils utiliseraient leurs mitrailleuses pour remettre de l'ordre parmi ces fuyards. Mais les camions vont vite. Nous quittons la route de Paris, et par Chantilly, Lamorlaye, Luzarches, nous remontons par Viarmes, Royaumont, Gouvieux, pour nous installer sur le bord de l'Oise.

    Le château de Chantilly, tout chargé d'histoire, nous présente la noblesse et la majesté de ses lignes; le parc, la forêt gardent tout leur charme. Le grand Condé s'est reposé à son ombre, et Bossuet, et La Bruyère.

    Au lieu de tranquilles promeneurs, ce sont des hommes qui viennent au combat qu'accueille aujourd'hui la forêt.

    Avant d'arriver à 9 heures, nous recevons quelques balles d'un avion allemand.

    Le P. C. du 41° s'installe d'abord dans le bois, à l'ouest de la route Le Lys-Gouvieux, dans un minuscule pavillon de chasse.

    Le G. R. D. 21 prend position devant le pont de Saint-Leu-d'Esserent, dominé par la belle église du XIIe siècle, oeuvre de l'architecte qui édifia la basilique de Saint-Denis, en gothique de transition.

    Le 3° Bataillon du 41°, 180 hommes environ, avec le commandant Jan, prend position devant Précy-sur-Oise.

    Le 2° Bataillon, 400 hommes environ, avec le commandant Pigeon, au pont de Boran, encore intact, comme celui de Précy.

    Un petit groupe d'hommes et de gradés du 38° R. I. conduits par le capitaine Fau, arrivent en renfort et sont immédiatement versés dans les Compagnies du 41° R.I.

    Une batterie du 10° R. A. D. est là dans le bois.

    Je pousse jusqu'au pont de Précy, Je voudrais aller au village. La sentinelle refuse de me laisser passer. C'est un soldat d'une compagnie de Génie, étrangère à notre Division. Je suis peut-être un parachutiste, on en voit partout. Je m'adresse à l'officier du Génie, qui me reconnaît; le commandant Pigeon, venu de Boran par la rive droite de la rivière, est là aussi. Quelques cavaliers, en effet, y patrouillent encore, surveillant les environs. Enfin, on me laisse passer. L'église est fermée. Quelques réfugiés traversent Précy, emportant sur des voitures d'enfants de pauvres hardes! Quelques soldats, d'une unité qui m'est inconnue, dorment sur la berne de la route, écroulés de fatigue sans doute. Qui peut le savoir? Et que peut-il leur advenir?

    Le capitaine Levreux fait d'amples provisions pour le ravitaillement du 3° Bataillon, dans un train chargé de
    victuailles de toutes sortes, arrêté en gare de Précy! Il sera pour les Allemands, hélas!

    Je reviens par le bois au petit pavillon de chasse que nous abandonnons à 20 heures, pour nous installer au Lys, dans un hôtel évacué, au carrefour; le désordre qui y règne témoigne d'un départ précipité . . .

     


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  • Le 41° se mit en route à 21 heures.

    On nous avait assigné comme points d'arrêt, avant que le Commandant changeât sa décision : Angivillers, Erquinvillers, Lieuvillers, à l'est de Saint-Just. Mais ces villages brûlent.

    Le commandant Pigeon et le lieutenant Lucas d'abord, puis le lieutenant Loysel, officier de renseignements, partent en avant pour essayer d'aborder les lieux indiqués. C'est impossible, car il y a un effrayant embouteillage.

    Nous rencontrons, dans la nuit, le médecin-colonel Membrey, qui cherche à rassembler son groupe sanitaire pour le faire passer par une autre route. Nous le prenons avec nous et revenons à Angivillers, traversé tout à l'heure.

    Les fusées, par lesquelles l'ennemi signale à son aviation ou à ses autres unités son avance, montent du sol, à notre hauteur, à droite et à gauche. Comme toujours, par trois côtés nous sommes enserrés dans la nasse. On assure (mais que vaut cette assurance?) que que!ques chars français patrouillent sur notre flanc. Tant mieux, si c'est vrai! car ce serait bien utile.

    Tout passe par Angivillers, parce qu'il n'y a plus d'autre voie libre, pour la 7° D. I. N. A., la 19° Division, la 29° D. I, la 47° D. I, la 4° D. I. C. et pour des débris de divisions appartenant à la X° Armée, coupée en deux à hauteur d'Amiens, et dont une partie se dirige vers le sud-est, accroissant encore l'affreux embouteillage dans lequel se débat le 1° Corps. Le lieutenant Lucas, qui assure avec Loysel le rôle difficile d'orienteur bénévole, voit passer les éléments de 7 Divisions.

    Pendant des heures, c'est un défilé ininterrompu, où tout se confond. Dans ce carrefour le spectacle est infernal. Les hommes s'agitent, crient, jurent comme des damnés, essayant de frayer un chemin aux camions, aux lourds canons de 155 long, à tout l'attirail de sept Divisions, d'un Corps d'Armée. Quand ils se sont enfin dégagés, d'autres suivent. On ne peut s'imaginer le nombre de blasphèmes qui furent proférés cette nuit-là.

    Quelle force mystérieuse empêche l'Allemand de consommer notre ruine, de nous envelopper complètement au milieu de notre matériel, dans une position où nous ne saurions nous défendre?.

    Sans doute la faiblesse relative des éléments ennemis, engagés fortement en pointe, mais aussi le sacrifice obscur de la section Simoneaux . . .


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  • Le matin du 7 juin, à 1 h 30, la Compagnie 204 R. était arrivée à Brunvilliers, au sud de Montdidier.

    A 17 heures, elle fit mouvement sur Plessier, à l'est de Saint-Just-en-Chaussée, qu'elle atteignit à 22 heures.

    Le 8 juin, on entendait le bruit des mitrailleuses; il allait s'intensifiant autour de Plessier, et les obus ennemis éclataient sur une crête, à 300 mètres en face de ce village. Le soir, des chars allemands y arrivèrent, au moment où partait la Compagnie Radio.

    A 20 h 15, en effet, juste à temps, elle fut dirigée sur Rémécourt. Une reconnaissance effectuée par le sergent chef Le Toirand permit de constater qu'il était impossible de cantonner dans les bois de Rémécourt occupés par les chars ennemis. En contournant par le sud, la Compagnie alla s'installer dans les bois de Saint-Aubin, à 4 kilomètres au-dessous de Rémécourt.

    Le 9 juin, à 4 heures, les mitrailleuses allemandes étaient tout proches. Divisés par groupes, les sapeurs gardèrent les issues du bois. Une reconnaissance, faite par le capitaine Lévy, permit de situer la ligne allemande dans les bois de Rémécourt.

    Le contact avec la 19° D. I. était perdu. Dans l'impossibilité d'établir une nouvelle liaison avec elle, la Compagnie Radio se replia sur Pont-Sainte-Maxence, et traversa l'Oise à 9 h 30; elle retrouva l'E. M. dans le bois de Fleurines.

    L'E. M. n'avait pu avertir à temps de la nouvelle décision d'aller jusqu'à l'Oise. Le retour de la Compagnie Radio fut salué comme un événement heureux.

    Le soir, la Compagnie Radio s'en alla dans les bois de Saint Léonard, au sud de Chantilly, après qu'elle eut détaché un poste au 41° R. I.

    Le 10 juin se passa à Coye-la-Forêt, le 11 et le 12 au Plessis, à l'est de Luzarches . . . 

     


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  • Tandis que l'Infanterie, avertie par une reconnaissance qu'il lui serait impossible de traverser Saint-Just-en-Chaussée, contournait cette ville par l'est, le groupe qui nous restait du 10° R. A. D. (3° Groupe - Schérer) s'engageait par la grande route dans là ville.

    Il y trouva des auto-mitrailleuses ennemies qui voulurent lui interdire l'accès du carrefour central.

    Malgré les difficultés considérables, le commandant Schérer réussit à faire prendre position à 2 canons de la 7° batterie, qui mitraillèrent de plein fouet ce carrefour.

    Les blindés allemands ripostèrent; Schérer essuya, heureusement sans mal, presque à bout portant, une rafale de mitrailleuses; le lieutenant Sandubray échappa à la mort par miracle : ses Jumelles arrêtèrent la balle qui lui était destinée.

    Mais le lieutenant Marseille, de l'État-Major du Groupe, qui dirigeait le tir d'une pièce, reçut un obus en pleine tête.

    Toutefois, le tir continua sans faiblir, et les blindés allemands s'éloignèrent; le 3° groupe passa . . . 


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  • Un mouvement de repli particulièrement difficile. Ce que J'ai écrit à la fin du chapitre précédent l'a déjà
    suffisamment indiqué. Les détails qui vont suivre le montreront encore mieux.

    Le 7 Juin, vers 4 heures du matin, nous traversons Lihons en ruines, le bombardement a été effrayant. L'unique route de retraite pour la Division passe par Rosières. Nous nous dirigeons donc vers 
    l'ouest d'abord puis nous piquons vers le sud, vers Montdidier tandis que les blindés allemands suivent la route parallèle à la nôtre vers Roye et envahissent toute la zone entre la Somme et I'Avre. Déjà même ils sont à Rosières. Apres avoir traversé Caix, Hangest et Le Quesnel-en-Santerre.

    Nous franchissons l'Avre, un affluent de la Somme, vers 8h00 à Davenescourt. Dans cette jolie petite ville évacuée, nous ne trouvons rien pour refaire reprendre des forces, déjà le G.R.D et la 7° D.I.N.A est là, auprès du magnifique château, ou s'était installée une importante ambulance. Quelques blessés passent dans un camion ; parmi eu un soldat du 41°. A l'est, on entend le grondement sourd du canon. A trois reprises passent des escadrilles allemandes, d'une vingtaine d'appareils; elles bombardent
    Montdidier, à quelques kilomètres de là. 

    Après deux heures d'attente, le commandant Pigeon part reconnaître le point de rassemblement du 41° RI; que le lieutenant Lucas adjoint au Colonel, avait déterminé, d'accord avec le capitaine Soula, de l'Etat-Major de la 19° DI. à deux ou trois kilomètres plus loin à l'est, dans un bois, près de Becquigny, le long de l'Avre.

    Vers 8 heures, les unités du 41° commencent d'arriver dans l'ordre suivant

    C. D. T.; 2° Bataillon, 3° Bataillon. Des compagnies de la 7° D. 1. N. A. s'intercalent entre nos
    unités. Nous passons dans le bois deux ou trois heures; Ia chaleur est accablante. Bientôt, vers 13 heures, une arme automatique allemande, de la rive droite de l'Avre, envoie ses balles sur la route à la sortie est du bois.

    L'agonie de la 19° DI - Derniers combats

    Ce qui subsiste du régiment se groupe avant de repartir, car la mission de garder l'Avre, si c'est possible, est confiée à d'autres que nous, à la 7° D. I. N. A. beaucoup moins éprouvée.

    Cependant, le 41° n'avait pas l'ordre de continuer alors le mouvement de repli, mais de se rassembler derrière l'Avre, et d'attendre là des instructions nouvelles. Elles n'arrivaient pas. Aussi, le lieutenant-colonel Loichot se décide-t'il! à aller voir le général Lenclud, vers 10 h 30.

    Mais au retour, il se trouve en face d'une auto-mitrailIeuse ennemie d'avant-garde, près d'une ferme, à 1 kilomètre au sud de Davenescourt. Car déjà les Allemands sont là, sur le bord de l'Avre et dans la petite ville !

    Quelques balles sifflent autour de nous, et près de Davenescourt, les tirailleurs du 31° R. T. A. sont l'objet d'un tir plus nourri.

    Nous sommes inquiets, d'autant plus que l'heure de partir est passée depuis longtemps. Le lieutenant Loysel, puis le lieutenant Lucas, vont à la recherche du Colonel; ils ne le trouvent pas! Il est bloqué avec sa voiture dans la ferme. Le commandant Jan va prendre le commandement; la colonne se met en route pour se conformer aux ordres que le lieutenant Loysel est allé prendre à la Division. A ce moment, le Colonel arrive; il a pu se dégager.

    En attendant, nous avons vu passer des bataillons de tirailleurs de la 7° D. I. N. A. Ils sont fatigués, comme
    tous. Quelle tristesse!

    Nous traversons la grande plaine, en descendant vers le sud, par Becquigny, Faverolles, Piennes, Assainvillers, Rubescourt. Nos hommes sont épuisés. La chaleur est intense. Nous allons par les chemins, à travers les champs, entre les blés mûrissants. A Montdidier, à l'ouest, à Roye, au nord-est, nous voyons l'éclatement des bombes allemandes et les incendies. Des avions allemands passent au-dessus de nos colonnes.

    L'agonie de la 19° DI - Derniers combats

    A Etelfay, le sergent Avril, observateur du 2° Bataillon, est légèrement blessé par une balle de mitrailleuse, tirée d'un avion qui a piqué sur la colonne.

    Il faut marcher! marcher! sans avoir mangé. Les hommes n'en peuvent plus. Ils vont quand rnême. C'est à en pleurer!

    Vers 7 heures du soir, nous arrivons à Domfront de l'Oise; c'est un joli, mais petit village, dans un vallon charmant. On ne s'y attendait pas. C'est comme un trou de verdure dans la plaine morne.

    Nous nous y arrêtons. Tout à l'heure, le grand dépôt de vivres, à quelques kilomètres au Nord, près duquel nous sommes passés, sera incendié par nos soins, pour ne pas ravitailler l'ennemi. Pourtant, nous aurions eu grand besoin, dans notre dénuement, de ses richesses.

    La Maison-Mère des Religieuses de la Compassion de Domfront est là. J'en fais la visite; elle est abandonnée. Beaucoup de vitres sont brisées; une partie de la maison, fort grande, a été détruite par l'explosion des bombes d'un avion français dont les débris gisent dans le jardin. Je reste un instant dans la grande et belle chapelle. Spectacle désolant!

    Nous prenons un rapide repas fait de conserves, de pain et d'eau.

    A 20 heures nous repartons, et vers 1 heure du matin, nos hommes, après avoir passé Dompierre, Ferrières, arrivent, toujours à pied, à Sains, Gannes, Ansauvillers et Quincampoix, au nord de Saint-Just-en-Chaussée. Après des jours de combat, ils ont marché 24 heures!

    Nous voici donc au 8 juin. Le P. C. du Régiment s'installe à Quincampoix; le 3° Bataillon reste à Gannes (celui de Jan), à quelques kilomètres au nord de Quicampoix; le 2° Bataillon (sous les ordres du lieutenant Le Guiner) à Sains-Morainvilliers, en arrière-garde, par conséquent. La section de mitrailleuses de 20 mm. de la C. A. 1 est avec lui; Simoneaux, un séminariste de Rennes, sous-lieutenant, la commande. C'est 'un jeune et brillant officier, que le commandant Hermann, qui connaissait les hommes, estimait au plus haut degré. Il nous rendra ce soir un service éminent; peut-être même sauvera-t-il les restes de la Division. Car il protège le 41° sur la gauche, dans le village d'Ansauvillers.

    L'agonie de la 19° DI - Derniers combats

    Nous passons la journée à Quincampoix. La vieille église est fermée.

    Qu'allons-nous faire? Allons-nous enfin pouvoir dormir? Non; il y a beaucoup d'agitation; et à 19 heures, il faut encore partir. Les Allemands nous suivent avec leurs engins blindés. Dans l'après-midi, ils ont tourné, sans l'apercevoir, dans Plainval, autour du P. C. du Général de Division, et par moments, au moins, ils sont à Saint-Just-en-Chaussée, derrière nous! Quelle étrange et dramatique situation.

    Le 8 au soir, jusqu'à 6 heures, il était dans l'intention du Commandement que la 19° Division s'installât au sud et à l'est de Saint-Just-en-Chaussée : Angivilliers, Erquinvillers. Mais nous irons beaucoup plus loin! 15 heures de marche pour nos hommes harassés.

    Il eût été désirable que nos convois et nos colonnes pussent passer par Saint-Just. La ville brûle en certains endroits, et les Allemands y sont déjà avec des mitrailleuses. Le capitaine Dunand, de la 9°, qui essaie d'aborder cette ville pour reconnaître le passage, est reçu par une mitraillette. A 19 heures, il nous est prescrit de prendre la route Meignelay-Ravenel, par des chemins difficiles dans la nuit. D'abord, il avait été dit qu'à Lieuvillers, au sud d'Angivilliers, des camions embarqueraient les hommes. Mais les hommes devront aller à pied, comme toujours. En effet, le lieutenant de Lestrange vient dire, par ordre de la D. I., que la consigne est :« marcher ou crever ». Car on ne peut faire autrement. Austruy, de la C. H. R., assistait à cet entretien entre le lieutenant-colonel Loichot et Lestrange. C'est lui qui me l'a rapporté.

    Le Colonel envoie Austruy reconnaître Lieuvillers. Austruy part avec un homme armé d'un fusil-mitrailleur, dans la voiture de Delourmel, lieutenant de la C. H. R. Il y est accueilli aussitôt par une fusée et des balles traceuses; il revient tout de suite rendre compte de sa mission. A peu près au même moment, le lieutenant Magnan, un excellent camarade, qui commandait la C. R. E. (Compagnie Régimentaire d Engins),est envoyé pour préparer le cantonnement près de Clermont, au sud de Saint-Just-en-Chaussée. II part, à bicyclette, accompagné du sergent-chef infirmier Letournel, du sergent-chef Delille, et de deux
    soldats, l'ordonnance du lieutenant Magnan et Gougeon.

    Le petit groupe arrive aux abords de Saint-Just, bombardé par les chars et auto-mitrailleuses allemands. Magnan donne l'ordre de contourner la ville; un des soldats l'ordonnance du lieutenant, blessé par le feu de l'ennemi rejoint pour s'y faire panser, un poste de secours établi à l'entrée de Saint-Just.

    Le Lieutenant arrête ses hommes de l'autre côté, en direction de Clermont, et s'en va faire seul une reconnaissance dans la ville. Il revient deux heures plus tard. A ce moment, Magnan et ses hommes se voyant cernés; se dissimulent dans un champ de blé.

    A la faveur de l'obscurité, ils repartent en essayant d'éviter les mitrailleuses allemandes disséminées un peu partout. Ils atteignent un petit bois où ils se font mitrailler. Obligés de se disperser, ils se séparent et ne se retrouvent plus. Delille est fait· prisonnier; Letournel et Gougeon échappent à l'ennemi.

    Magnan est blessé sérieusement. Néanmoins il s'éloigne.

    Qu'advint-il pour lui? Le témoignage du sergent-chef Delille nous a permis de le suivre, jusqu'alors. Il faut compléter par les déclarations d'un habitant.

    Le matin du 9, Magnan se présente dans une ferme, à Agnetz (2 kilomètres N. O. de Clermont).

    L'enemi est tout près. Le fermier n'avait pas quitté sa maison, estimant qu'il eût été vain de chercher ailleurs un refuge. Magnan était porteur de deux pistolets, l'un français, l'allemand. Pour ne pas compromettre le fermier, Magnan rejette l'offre qu'on lui fait de le cacher dans la ferme; les engins motorisés de l'ennemi commençaient d'entourer les bâtiments. Il fallait que Magnan se retirât pour
    n'être pas pris, le temps pressait; le fermier insistait. Magnan sort, se réfugie dans une petite tranchée-abri creusée à proximité et s'y établit en position de défense avec ses deux pistolets.

    L'ennemi pénètre dans la ferme, et, du premier étage, observant les alentours, découvre Magnan. Un officier allemand fait abattre un mur, et installe un char. Il commande: « feu à 150 mètres! »  Magnan, atteint à la tête, est tué.

    Pendant ce temps, un petit groupe de Français se battaient encore du côté de Clermont; une vingtaine des nôtres vinrent même jusqu'à la ferme, au contact de l'ennemi, qui subit des pertes.

    Après cette escarmouche, le Commandant du détachement allemand donna l'ordre au fermier d'ensevelir ses morts. Le premier corps que l'on releva fut celui de Magnan; on l'ensevelit sur place. La tranchée-abri devint son tombeau . . .


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  • Avant d'entreprendre le récit des combats livrés par la 19° D.I du 8 au 20 juin 1940, de l'Avre au Cher, il ne sera pas inutile, pour une plus exacte compréhension des faits, de nous rappeler, d'après le compte rendu du 1° corps d'Armée, quelles furent les intentions et déterminations successives du Commandement.

    Dès le 31 mai, à la suite de l'échec de notre manoeuvre devant Péronne et Amiens, une deuxième position avait été prévue, en arrière du 1° corps, jalonnée par Warsy, Dancourt, Beuvraignes, Bois de Crapeaumesnil, pour barrer la direction Péronne-Estrées-Saint-Denis.

    La 47° D.I reçut mission de la tenir; elle devait, en arrière de cette deuxième position, établir des bouchons antichars à Vuvilly, Tricot et Meignelay.

    On espérait pouvoir encore se défendre sur l'Avre.

    Une instruction personnelle et discrète du Général Commandant la VII° Armée, en date du 6 juin, 7h00 envisageait de ramener sur la deuxième position les grandes unités engagées sur la Somme.

    Pour le 1° Corps qui devait barrer la direction de Chaulnes-Clermont, le but de la manoeuvre tendrait à réaliser le dispositif suivant:

    Défendant l'Avre, en aval de Warsy, la 7° D.I.N.A couverte à sa gauche par la cavalerie, assurerait la liaison avec la X° Armée dans la région N.E de Braches.

    Entre Warsy et Crapeaumesnil, la 47° D.I.

    En arrière, la 19° D.I se regroupant dans la zone Rocquencourt, Broyes, Sains-Morainvilliers, saint-Just-en Chaussée, Frumechon.

    La 29° D.I devait tenir, aussi longtemps qu'il serait nécessaire, la ligne Roye, Nesles, le canal du Nord, au nord de Mayen court, pour permettre l'évacuation du saillant de Tergnier.

    Cette instruction devint exécutoire le même jour, 6 juin, 19h00.

    Quand fut décidé le repli des 4° D.I.C, 7° D.I.N.A, 19° D.I et 29° D.I.

    Malheureusement, sous l'éffort de l'ennemi, la 47° D.I ne put tenir, déjà le 7 juin , sur Roye, le matin, et le soir dans la région Dancourt-Crapeaumesnil, qui furent perdus. Et le 8 juin, à l'aube, la masse allemende s'infiltrait dans la région de Popincourt, et au nord de Beuvraignes, ou elle massait ses chars.

    L'après midi, la situation s'aggravait encore; à l'est, dans la région de Guiscard, la 3° D.I était violemment attaquée; dans la région de Nesles, les éléments de la 29° D.I étaient incertains; à gauche du 1° Corps, le 10° C.A semblait coupé en deux (à l'ouest de la 4° D.I.C)

    Enfin, on apprenait, à 16h00, que les éléments motorisés ennemis débouchaient de Breteuil, et se présentaient devant Saint-Just-en-Chaussée (derrière la 19° D.I, pourtant en retrait de la deuxième position) et au nord de Lassigny.

    Il fallait que la VII° Armée qui, jusqu'à 17h45, le 8 juin, formait le propos d'arrêter l'ennemi, le 9 juin, sur la ligne générale Saint-Just-en-Chaussée, cours de l'Aronde, Compiegne, en se servant de la 19° D.I, modifiât ses plans et envisageât un repli profond jusqu'à l'Oise: une marche de 45 km.

    D'ou les modifications successives dans les ordres donnés à la 19° D.I.

    D'abord, le soir du 8 juin, elle devait s'installer à la hauteur de Saint-Just-en Chaussée.

    Ensuite, reconnaissant cette impossibilité, on lui prescrit de continuer sa marche jusqu'à l'Oise de Pont-Sainte-Maxence, parce qu'on espère pouvoir tenir cette rivière . . . 


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  • Des renseignements fort précis fournis par le capitaine de Nantois (9° batterie du 10° R. A. D.) me permettent d'ajouter une note sur le repli du seul groupe d'artillerie de campagne qui restât à la 19° D.l.

    De la 8° batterie, dispersée en antichars à Soyécourt et Herleville, 3 pièces revinrent se joindre aux 7° et 9° batteries, qui avaient si bien, défendu le Bois Etoilé.

    Les 7° et 9° ,batteries étaient en position à la côte 109; la nuit s'était passée sans incident.

    Le 7 juin, vers 5h 30, alors que j'essayais en vain d'établir une liaison par T. S. F. avec le 41° RI, j'ai aperçu
    à quelques centaines de mètres sur ma gauche une longue colonne d'infanterie marchant vers le sud-ouest par le chemin reliant Herleville à Rosières-en-Santerre: c'était le 41° qui se repliait; un officier était porteur de l'ordre général de repli, daté de 2 h 30, signé Loichot; j'étais mentionné parmi les destinataires. J'ai su plus tard que 3 estafettes m'avaient été envoyées au cours de la nuit : un sous-officier et un officier par l'A. D. 19, un sous-officier par le Colonel d'Infanterie; tous trois ont disparu en cours de route.

    (Rapport Schérer au général Doumenc)

    Le commandant Schérer apporta lui-même à ses batteries l'ordre de se replier sur Montdidier.

    Le capitaine de Nantois, qui a écrit sous la dictée du lieutenant de Courson, décrit la retraite en ces termes :

    L'infanterie s'est déjà repliée; le temps presse; il n'arrive qu'une partie des avant-trains. Les premiers chars ennemis paraissent. Le lieutenant de Courson donne toutes les voitures attelées à l'aspirant Muzard et le fait retraiter sur Vrély. L'Aspirant et toute sa colonne seront pris dans ce village: entourés de motocyclistes et d'auto-mitrailleuses, ils ne peuvent que se rendre. Le lieutenant de Courson fait partir à pied quelques hommes; puis il retrouve des avant-trains, attelle de nouvelles voitures et part avec elles. Un
    caisson est atteint par un obus tiré par les chars ennemis et saute. C'est au cours de cette sortie de position que sont tués : le maréchal des logis chef Guénégo, le trompette Le Collen, l'ouvrier en bois Lefeuvre, les conducteurs Josse et Boscher, tous de la 9° batterie, et aussi le maréchal des logis Le Floch, de L'État-Major du Groupe, qui, à ses moments de liberté, était notre très dévoué aumônier. L'adjudant-
    chef Bibaud devait périr à Beaufort, queIques kilomètres plus loin. Guénégo était le meilleur de mes sous-officiers; Le Collen était un soldat parfait.

    Ce qui reste de la 9° Batterie manoeuvre alors sous les ordres du lieutenant de Courson. Le Groupe est en effet séparé en trois. L'État-Major et la 7° Batterie participeront à l'affaire de Saint-Just-en-Chaussée au cours de laquelle tombera en héros le lieutenant Marseille; la  8° retraitera dans l'axe de la Division; la 9° enfin sera constamment batterie d'arrière-garde et combattra à hauteur du G.R.D.

    Les sous-officiers et les hommes s'accordent à proclamer que le lieutenant de Courson a commandé avec courage et bonheur.

    Après avoir cantonné à Broyes le 9, à Saint-Martin le 10, passé l'Oise à Saint-Leu, retrouvé le 3° groupe, mis en batterie à Baillon le 12 (la batterie tire beaucoup sur cette position), la 9° Batterie, réduite de moitié, est renforcée d'une section du 61° R. A. rencontrée par hasard en chemin et dernier reste d'une batterie qui retraite sous le commandement de son Capitaine, le capitaine de Toulouse-Lautrec;
    celui-ci prend naturellement le commandement de la nouvelle formation.

    Dans ce repli du 3° Groupe du 10° R. A: D., la 8° Batterie a son histoire à part. On sait en effet que 2 pièces étaient en antichars à Herleville, et les 2 autres à Soyécourt sous les ordres du lieutenant Le Cler de la Herverie.

    Les 2 pièces d'Herleville se retirèrent sans difficultés spéciales avec le 2° Bataillon du 41°.

    Des 2 pièces de Soyécourt, l'une fut perdue, L'autre sauvée. Une pièce était en position à l'est du point d'appui, l'autre à l'ouest, dans le secteur de la 11° Compagnie, sous la direction immédiate de La Herverie. L'ordre de se retirer lui ayant été donné, celui-ci courut à la pièce de l'est. Artilleurs et attelages étaient partis déjà avec le commandant Jan et l'infanterie. Le Lieutenant ne pouvait malheureusement
    emmener son canon.

    Restait la pièce de l'ouest, Sur l'ordre du capitaine Fauchon (11° du 41°), La Herverie s'en alla le premier avec mission d'appuyer, s'il y avait lieu, la 11° Compagnie.

    La pièce passa derrière le Bois Étoilé, et rejoignit la 1° Compagnie (lieutenant de Saint-Sever) du 41°. Avec les fantassins elle entra dans Rosières. La 1° Compagnie accrochée par l'ennemi se disloqua. La Herverie mit en batterie; les fantassins s'éloignèrent. A ce moment, 3 side cars armés de mitrailleuses s'avancèrent contre les artilleurs. Notre 75 n'avait plus d'utilité en ce lieu, il allait être pris; La Herverie en hâte le fit partir au galop. Mais le Lieutenant était à pied. Tandis que la pièce retrouvait plus loin le 41°,
    l'officier se joignit au petit groupe de fantassins de l'adjudant-chef Rochard et du sergent Morazin; après une retraite difficile, que j'ai racontée plus haut, il échappa à l'ennemi.

    Nous laissons derrière nous bien des camarades tués; il y en a partout dans la boucle de Ia Somme; les blessés sont au nombre de plusieurs milliers; et il reste les prisonniers.

    De la 19° Division, il ne subsiste plus qu'un groupe de 155, sous les ordres du commandant Nicole; Un groupe de 75, celui du commandant Schérer ; une partie du Génie; une moitié du G. R. D. 21, un millier de fantassins du 41°, auquel se joint la C. H. R. du 117° R. I.; L'État Major de la Division et les services.

    Nous étions arrivés 16000 !!! 3000 hommes, tout au plus descendaient.

    La 7° Division Nord-Africaine, notre voisine de gauche, s'en allait également, et par la même route.

    La 29° D . I. (général Gérodias) notre voisine de droite, avait perdu en deux jours: le 112° R.I, sa demi-brigade de chasseurs, (moins 2 petites compagnies); les États-Major de la demi-brigade de chasseurs du 94° d'Artillerie de montagne; l'État-Major de l'Infanterie Divisionnaire, et plusieurs batteries.

    Nos morts restèrent sans sépulture jusqu'au 21 juin. A partir de ce jour-là, M. l'abbé Pierre Turcry, curé d'Estrées et son frère, l'abbé Jean Turcry, curé de Belloy, et de 9 villages avoisinants, aidés d'une partie de la population, maintenant revenue, les ensevelirent avec un zèle pieux.

    C'était un spectacle effrayant, m'a dit 'l'abbé Turcry, que celui de ces nombreux morts.

    Sur le monument que peut-être un jour on élèvera là, à leur mémoire,on pourra, ce me semble, graver la fière devise de la Bretagne : « Potius mori quam foedari »  - « Plutôt mourir que manquer à l'honneur ».

    Dans les villages que nous abandonnions, beaucoup de maisons étaient en ruines; et pas une des charmantes églises, toutes neuves; n'est en bon état ; plusieurs ne sont que des amas de pierres et de briques.

    La 19° Division a succombé avec honneur dans une lutte terriblement inégale. Les citations à l'ordre de l'Armée accordées à la 19° D.I, collectivement, et à quelques unités survivantes: 41° R. I.,:22° Étranger, 10° R. A. D., G. R. D. 21; 3° groupe du 10° R., A. D en témoignent. Toutes les autres eussent mérité le même honneur.

    Je transcris seulement les citations de la 19° D. I, du 41° RI et du G. R. D. 21, n'ayant pas les textes des autres.

    19° Division d'infanterie: Au cours des combats des 5 et 6 juin 1940; s'est montrée digne de son magnifique passé de gloire militaire. Attaquée par un ennemi disposant d'une aviation de bombardement
    puissante et d'innombrables engins blindés, a tenu sur place sans aucune défaillance, encerclée dans ses points d'appui. Ne s'est repliée que sur l'ordre du Commandement, sans que l'ennemi ait réussi à la rompre, ni à la bousculer.
     

    41° Régiment d'infanterie: Superbe régiment dont la fermeté et l'abnégation peuvent être citées en exemple. Les 5 et 6 juin 1940, submergé dans ses points d'appui par des éléments blindés, soumis à
    des bombardements d'aviation et d'artillerie d'extrême violence, le 41° Régiment d'Infanterie, sous les ordres du lieutenant-colonel Loichot a tenu magnifiquement, fait de nombreux prisonniers, et ne s'est replié en combattant que sur l'ordre du Commandement, accomplissant avec succès un mouvement de repli particulièrement difficile.

    21° groupe de reconnaissance: Au cours des 5 et 6 juin 1940, occupant un point d'appui constamment pris à partie par l'aviation, l'artillerie et les blindés ennemis, a tenu d'une façon splendide, presque sans
    pertes, grâce à une organisation défensive, remarquable. A constamment fourni au Commandement les renseignements les plus précieux malgré l'ennemi qui l'encercle.

    Mieux encore que ces citations, un chapitre du livre écrit par le capitaine Ernst Freiherr von Jungenfeld,
    commandant un groupement de chars, pour raconter l'attaque de sa Division panzer sur le Santerre, montrera que la résistance de la 19° Division, celle du 117° en particulier, fut valeureuse, et que si nous eussions eu des chars pour contre-attaquer, la bataille de la Somme eût été un dur échec pour l'ennemi. . .


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  • Dans la nuit du 6 au 7, à 2 heures du matin, l'ordre fut remis aux Bataillons du 41° de se replier derrière l'Avre; il arrivait bien tard pour être facile à exécuter; le 1° Bataillon, et, au 3° Bataillon, la 11° Compagnie, touchés par l'ordre ne purent se dégager de l'étreinte; seules passèrent les Compagnies du 2° Bataillon, et la 9° Compagnie du 3° Bataillon avec une partie de la C. A. S, et les Compagnies régimentaires.

    Quant à la 10° Compagnie, complètement encerclée depuis 3 jours, elle ne peut être avertie par des coureurs qui ne sauraient passer, et l'ordre de rejoindre le commandant Jan, transmis par la radio du P. C. R. I. ne fut pas entendu par le poste de la 10°. L'eût-il été, que l'exécution eût été impossible; Le Moal et ses hommes n'eussent pu sortir de Fay.

    Le matin du 7, il n'y a plus de munitions pour les armes d'infanterie, ni pour les mortiers et le canon de 25. Les mitrailleuses sont encore abondamment pourvues. Il n'y a plus ni vivres, ni eau, depuis le 4 juin.

    Au petit jour, le bombardement recommence. Comme la veille, l'ennemi tire dans les maisons avec des obus de 25 antichars, car les balles de mitrailleuses sont sans efficacité.

    Un obus de 105 traverse les murs de la maison où la pièce du caporal Chareaudeau est en position. Heureusement, il n'éclate pas, et tombe juste au dessous du canon de la mitrailleuse. Un mitrailleur va l'enterrer dans le jardin.

    La fin de la résistance approchait.

    Voici comment se fit la reddition de la petite garnison : une centaine d'hommes valides.

    Vers 8 heures, les Allemands agitent un drapeau blanc, au barrage de la route d'Estrées; les hommes de la section Dugast, retranchés dans le cimetière, tirent sur cet objectif. Dugast arrête ce tir inutile.

    A 10 h 45, un officier allemand se présenta porteur d'un drapeau blanc. Il demande qu'on cesse de résister. les troupes allemandes, dit-il, se rapprochent de Paris; vous êtes encerclés par deux bataillons de mitrailleurs et l'artillerie, vous ne pouvez pas reculer; si vous ne vous êtes pas rendus ce soir, l'artillerie de gros calibre bombardera le village.

    A ce moment précis, le brave Chareaudeau vient au P. C. pour se rendre compte de ce qui se passe. Il trouve le lieutenant Le Moal bien triste. On discutait alors les propositions de l'ennemi. Le docteur Renaud, qui assistait à la délibération, rend à Le Moal le témoignage qu'il ne voulait pas se rendre et qu'il désirait essayer une sortie pour échapper a l'encerclement. Cette sortie, hélas n'était pas possible.

    Renaud me dit encore que Chareaudeau ne voulait pas non plus entendre parler de reddition, il invoquait à l'appui de son refus tous les cadavres allemands alignés devant sa mitrailleuse, et ceux qui s'y ajouteraient encore, car il avait beaucoup de munitions pour ses pièces. Il fallut 20 minutes pour convaincre ce courageux garçon que la reddition s'imposait, car on ne pouvait plus tenir, et il fallait penser aux blessés, dont quelques uns déjà étaient morts.

    La reddition inévitable fut décidée. Le Moal, rapporte le sergent Bernard (de la 10°), envoya d'abord sa réponse aux propositions allemandes par le soldat Scoonen, qui s'était fait remarquer par son courage (Bernard dit même: sa témérité). Conduit les yeux bandés au Commandant ennemi installé dans le bois, il ne fut pas agréé. On voulait un gradé. C'est alors que le sergent Forlani, sous-officier de renseignements du 3° Bataillon et adjoint à la 10° Compagnie (et qui parlait bien l'Allemand), fut envoyé par le lieutenant
    Le Moal pour annoncer que la garnison cesserait le combat.

    L'officier allemand demande à Forlani combien il y a d'hommes: une petite compagnie, et sur le nombre 48 blessés. Étonnés de la résistance rencontrée, les officiers allemands déclarèrent par la suite en présence de Hiegentlich qui comprenait leur langue: Nous, croyions que vous étiez beaucoup plus nombreux, et que vous aviez 5 canons de 25.

    Je l'ai dit, il n'y en avait qu'un seul.

    Un peu plus tard, l'ordre est donné aux hommes de se rassembler; ils ont une demi-heure pour se préparer, et faire leur sac; ils doivent se rendre avec leurs armes individuelles. Les mitrailleuses sont démontées et rendues inutilisables, ainsi que le canon de 25.

    Chareaudeau écrit dans ses notes: Nous autres, à la mitraille, nous avions encore beaucoup de cartouches, et cela nous faisait un peu mal au coeur de nous rendre.

    Les hommes valides se réunissent devant le poste de secours. On se mit en colonne par 4, sac au dos, l'arme à la bretelle. Nous avions brûlé nos lettres. Les blessés restèrent à l'infirmerie. Nous marchions sur la route au devant d'eux (les Allemands). En sortant du village nous continuions d'avancer en tenant nos fusils au dessus de nos têtes, bien en ordre, et marchant bien au pas. A 300 mètres du village,
    les officiers allemands nous attendaient. Ils nous dirent : Vous vous êtes très bien défendus, et vous nous avez infligé de lourdes pertes. Ils croyaient que nous étions un Bataillon.

    Ils demandèrent que leur fût présentée la 2° section, de Dugast, qui avait défendu le cimetière, et manifestèrent leur étonnement devant un si petit nombre d'hommes.

    D'après Chareaudeau, que je viens de citer, les officiers auraient été autorisés à garder leur révolver. Je n'ai pu vérifier ce détail.

    Le docteur Renaud, qui a vécu toutes ces heures tragiques, m'a raconté la discussion qu'il eut avec l'officier allemand. Celui-ci déclara qu'on allait fusiller un certain nombre de nos hommes, car ils avaient tiré sur un side-car de la Croix Rouge, venant de Dompierre.

    Renaud lui répliqua: « à la nuit tombante, on n'avait pas pu voir la Croix Rouge; si les hommes l'eussent vue; ils n'eussent pas tiré, d'autant plus que la section était commandée par un adjudant prêtre, le Père Dugast ». Il eût pu répondre encore que les Allemands depuis trois jours tiraient constamment par obus et par balles sur le poste de secours, et que souvent ils avaient mitraillé nos brancardiers.

    Il ajouta: « Vous pouvez évidemment faire ce que vous voulez, puisque nous sommes entre vos mains, mais ce ne serait pas agir en soldat. »

    L'officier s'éloigna en grommelant, et il ne fut plus question de ces cruelles représailles.

    A la sortie de Fay, nos hommes passèrent à côté de deux camions qui venaient de sauter sur nos mines. Le drapeau à croix gammée flottait sur la grande ferme belge.

    A 19 heures, des ambulances emmenèrent les blessés les plus gravement atteints, et parmi eux le lieutenant Bernard.

    La 10° Compagnie du 41° a écrit une magnifique page d'histoire.

    Le Capitaine, abbé Dorange, et ceux qui sont morts avec lui en seront, pour les pèlerins du souvenir, d'admirables témoins, rangés autour de l'église en ruines de Fay.

    On comprendra quel héroïsme s'est dépensé là, quand on verra que les morts allemands appartiennent à 11 unités différentes.

    On songe à un rocher de la côte bretonne, sur lequel viennent buter et mourir les vagues, à l'heure de la marée, jusqu'à 'ce qu'enfin il soit submergé.

    Dans une note qu'il m'a remise, le docteur Renaud écrit: Ces soldats et leurs chefs s'étaient battus comme des hommes et même, je puis le dire, pour beaucoup d'entre eux, comme des héros. Les Allemands eux-mêmes le reconnurent . . . Pour mon compte, je puis insister sur le dévouement et le courage sans limites dépensés par mes brancardiers de bataillon, et particulièrement par mon caporal-chef Lécrivain,
    prêtre et infirmier, et par Duval, toujours volontaires pour toutes les missions dangereuses. Et Dieu sait si c'en était une d'aller chercher les blessés dans ces conditions! Pour avoir soigné des blessés allemands, je pus obtenir de leurs médecins deux autos sanitaires, qui, dès le soir du 7 juin emmenèrent mes 8 blessés les plus graves. Je restai seul avec les autres; car les Bataillons allemands avaient repris leur marche sans s'inquiéter de nous. Le village dévasté n'était gardé que par cette petite bande
    de blessés (une quarantaine). Deux fois, pendant cette soirée, passèrent des détachements allemands; deux fois, ils se précipitèrent sur nous, l'arme au poing, nous obligeant à lever les bras, et croyant faire des prisonniers. Puis la nuit (du 7) tomba. Les camions qui devaient venir nous chercher n'arrivaient pas. Dans la crainte d'une nouvelle méprise allemande qui, cette fois, aurait pu être fatale, je fis rentrer tout mon monde dans la cave. La nuit fut longue ainsi pour moi. Le lendemain: (8 juin) vers midi seulement, j'aperçus de nouveau des Allemands et pus obtenir qu'on m'envoyât des camions. Le Soir, enfin, nous étions à Saint-Quentin, installés dans un hôpital français. Notre vie de prisonniers commençait.

    Ainsi s'achève le récit du docteur Renaud.

    J'ajoute qu'au témoignage de tous, sa conduite fut très exemplaire.

    Avant de quitter Fay, Renaud put obtenir à: grand peine de l'ennemi qu'on ensevelît Dorange, dont j'ai raconté la mort courageuse. L'abbé Lécrivain n'eut pas la permission de rendre à son confrère de Rennes ce dernier service, Un brancardier allemand promît de faire le nécessaire.

    Le corps de Dorange fut déposé dans une petite tranchée qu'avaient défendue ses hommes, à la lisière du cimetière, à quelques mètres du calvaire. Ainsi Derange, au point le plus avancé de la bataille, reposait près de la Croix de son Maître! « Vous verrez, m'avait-il dit, je n'en reviendrai pas; mais ça ne fait rien. Je n'ai qu'un désir: être auprès du bon Dieu; on y sera beaucoup mieux » . . . 

     

     


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  • Il sera désormais impossible à la 11° Compagnie de nous rejoindre. Elle n'a pu quitté Soyécourt assez tôt. En effet, elle ne s'est mise en route qu'à 4 h 30, alors que le jour avait déjà paru, et que le reste du 3° bataillon s'était mis en marche à 3 h 20 ou 3 h 30 au plus tard.

    Nous allons expliquer ce retard et raconter comment finit cette courageuse Compagnie. Ce nous sera une
    occasion de constater le magnifique caractère de Fauchon qui voulait combattre sur place, dans son point d'appui organisé solidement, car il se doutait bien qu'une rencontre sur la plaine avec les blindés allemands le ferait tomber, sans qu'il pût se défendre efficacement, entre les mains de l'ennemi.

    Sur cette épisode, j'ai pour me renseigner le journal de marche du 3° Bataillon, le rapport de Fauchon, les témoignages d'officiers ou d'hommes dont l'admiration pour leur Capitaine est avec raison très grande.

    Le journal de marche s'exprime ainsi :

    A 2 h 10 (le 7 juin) un motocycliste du P. C. R. I. apporte au commandant Jan l'ordre écrit de se replier
    immédiatement au sud-est de Montdidier. Nous n'avons plus qu'une heure et demie de nuit; l'opération est très hasardeuse . . . Le commandant transmet immédiatement par écrit l'ordre de repli... au capitaine Fauchon. Ce dernier vient de rendre compte que sa Compagnie serait engagée au nord de son point d'appui et qu'il refuse de se replier. En moins d'une heure, le Bataillon, 9° Compagnie en tête, convoi hippo fermant la marche, toutes les munitions et le matériel embarqués, se met en route. Seul le 75 du P. A. Fauchon est là ... A Vermandovillers, le commandant Jan... attend la 11° Compagnie à qui il vient de renouveler-l'ordre de repli.

    En des circonstances aussi dramatiques, où tout l'effort de l'attention est tourné vers l'action, il n'est pas facile de noter avec une grande précision les heures. Je m'en tiendrai à celles qui me sont données par les témoignages et les documents.

    Vers 2 h 30, des éclaireurs allemands incendient un bâtiment à 50 mètres du point d'appui de Fauchon.

    A 2 h 45, le commandant Jan communique par écrit au Capitaine de la 11°, l'ordre de repli du lieutenant-colonel Loichot; par écrit aussi, Fauchon répond négativement. Convoqué par le Commandant, il confirme sa volonté de ne pas s'en aller, alléguant que sa Compagnie, au nord, est engagée avec l'ennemi et que le décrochage n'est pas possible.

    On avait entendu, en effet, à un certain moment, dans la nuit, des tirs du côté de la 11°, déclare Morini, secrétaire du commandant Jan, et le sergent Rondel, de la 11°, assure que l'ennemi, très visible, n'était qu'à 200 mètres.

    La véritable raison du refus de Fauchon est à chercher, selon un autre témoignage, dans le sentiment profond qu'il avait de son devoir: « l'idée de se replier lui mettait la rage au coeur ».

    Il fait sans doute allusion à cette conversation avec son chef quand il écrit dans son rapport : « A 3 h 30, comme nous Iancions des V. B. au jugé, je suis appelé au P. C. de Bataillon. C'est l'ordre de retraite; la 11° Compagnie est d'arrière-garde. Je demande un ordre écrit ».

    Avant de partir, le commandant Jan lui envoie un nouvel ordre; mais la 11° ne vient pas encore; elle suivra; trop tard.

    Il résulte du rapport de Fauchon qu'après sa visite au commandant Jan, il se décide à mettre à exécution l'ordre reçu, et prend les mesures nécessaires :

    Je passe mes ordres pour un décrochage méthodique, l'itinéraire et la formation de retraite, en bluffant l'ennemi par des tirs de mortiers et de mitrailleuses. Le départ se fait sans pertes, sans rien abandonner, et en faisant, en cours de route, les destructions nécessaires.

    A 4 h 30, seulement, la 11° Compagnie, la section de mitrailleuses du sous-lieutenant Catherine-Duchemin, la section de mortiers de 81 avec leur armement et leurs munitions, évacuent Soyecourt, dans un ordre parfait, « comme au retour d'une manoeuvre », disent les hommes de Fauchon. La colonne n'avait pas de canon de 25. Un peu auparavant, le lieutenant Le Cler de la Herverie était parti,
    sur l'ordre de Fauchon, avec un canon de 75 en position dans le secteur de la 11°. L'autre pièce, installée dans le secteur de la 9° Compagnie, à l'est, dut être abandonnée, la section qui la servait étant partie avec les attelages précipitamment pour suivre le gros du 3° Bataillon du 41°.

    Avant de quitter le point d'appui, le Capitaine fait mettre le feu au matériel et aux munitions qu'on n'avait pu
    emporter.

    Après la traversée de Vauvillers (à l'ouest d'Herleville) un avion allemand repère la colonne. Du côté de Rosières en Santerre, vers lequel s'étaient dirigés des éléments du 1° Bataillon, on entendait des mitrailleuses. Harbonnières était bombardé.

    La 11° évita plusieurs villages; vers 7 heures, elle passa dans une localité où elle trouva plusieurs caisses de pain de guerre que les hommes affamés se partagèrent.

    L'itinéraire conduisit nos hommes à Caix.

    A quelques 500 ou 600 mètres, des voitures grises circulaient sur une route; déjà entre Rosières et Caix, la 11° recevait des balles dans le dos; il y avait des blessés; un certain flottement se manifestait chez les hommes.

    Cependant nos fantassins, suivis de leurs voiturettes, arrivaient à la voie ferrée qui relie Chaulnes à Amiens, à proximité d'un pont, à 2 kilomètres environ de Caix.

    A 200 mètres de ce pont, la Compagnie en colonne double reçoit un tir de mitrailleuses de flanc à gauche, et dans le dos. Plusieurs hommes tombent.

    Par bonds successifs, Fauchon entraîne la section de tête, à gauche; les mortiers de 81 suivent, jusqu'au pont. On essuie des rafales ajustées de mitrailleuses.

    Comme la 11° était en train d'exécuter l'ordre de passer à l'abri de la route en remblai du pont, une attaque de char et engins motorisés allemands débouche dans ce compartiment du terrain. Le caporal-chef Ben Khouty, le soldat Lainé, d'autres encore, sont tués par ce tir; une quinzaine d'hommes sont blessés. La Compagnie se trouvait sur deux billards balayés par les mitrailleuses allemandes.

    Elle allait tomber aux mains de l'ennemi.

    Le rapport du capitaine Fauchon va nous décrire ces derniers instants :

    L'unité motorisée fonce en tirant, s'arrête en continuant de tirer, puis subitement interrompt son tir. Je vois avec stupéfaction surgir d'une tourelle de char un homme dont je ne saurais dire qu'il a un casque allemand. Il lève les deux bras et reste ainsi comme s'il faisait « camarade! » Alors, pensant à la soirée stupide du 29 mai, à Fay, où la 11° avait subi par erreur le feu de chars français, dont les mitrailleuses
    faisaient en tirant le même bruit que les mitrailleuses allemandes, j'en viens à me demander : « Est-ce encore une méprise? » serait-ce un début d'entrée en scène d'un de ces chars français dont on nous a annoncé qu'ils viendraient à la rescousse? Et sans doute ne suis-je pas le seul à avoir ce réflexe, car mes voltigeurs ne tirent plus. L'on n'entend plus que les rafales de mitrailleuses de l'autre côté du remblai. Je brandis alors le fanion de la Compagnie au canon d'un mauser, et bondis vers le char immobile toujours
    surmonté du buste du type faisant camarade, qui se trouve être l'élément du dispositif motorisé le plus rapproché de la tranchée de la voie ferrée. En partant, je dis à mes voisins, des hommes et gradés de la section Véron et des mortiers de 81 : « Si ce ne sont pas des Français, ils me tireront dessus
    » ou voudront me prendre; alors, ne vous occupez pas de » moi; tirez ». J'avais, en effet, pleine confiance en Holtz, que chacun à la 11°, savait nommérnent désigné par moi, pour prendre le commandement de la Compagnie, si je venais à être descendu. En avançant, je m'aperçois qu'il s'agit d'Allemands. Je me retourne en criant: «Ce sont les Boches! Feu l » et j'oblique vers la gauche. A ce moment, quelqu'un
    arrivait derrière moi. C'est Holtz qui me dit: Mon Capitaine; regardez votre Compagnie, comme ils se sont
    tassés!» Les Allemands se sont remis à tirer et manoeuvrer; le char portant leur chef tire à droite, où je suis. Mais tirez! » Feu! Mon Capitaine, vous allez faire massacrer votre Compagnie. S'il y en a qui veulent se rendre, je ne me rends pas. » Et je m'écarte vers le ravin de la voie ferrée,en roulant le fanion. Je me laisse tomber dans le ravin, au fond duquel une équipe de F. M. commence à me suivre de loin, puis renonce. Là-haut, aux cris en allemand, puis à la cessation du tir, je comprends que les survivants sont cernés et prisonniers. Je cache le fanion et fais le mort pendant un temps que le bris de ma montre m'empêche d'apprécier. Puis je rampe jusqu'à une cabane de la maison du garde barrière où j'étudie la carte et observe. Des side-cars et camions ennemis traversent le passage à niveau. Les survivants
    de la 11° ont disparu, emmenés en captivité. A un moment favorable, je gagne le ravin qui contourne Caix,
    pour tenter de rejoindre la 9° Compagnie et le Chef de Bataillon. Je retrouve et suis des foulées de colonne par un, que des musettes jetées par des hommes du 41° m'incitent à croire la bonne voie. A hauteur de Caix, je tombe dans une embuscade allemande, braquant sur moi une mitraillette
    et des mauser. Décidé à m'évader à la première occasion (comme je l'avais fait de Saint-Quentin le 7 avril 1918, en uniforme allemand), je dis en allemand: Je viens; je suis seul! et parle de ma compagnie. Le sous-officier qui commandait le groupe me déclare: Je sais. On nous a parlé de la Compagnie cernée. Les survivants sont prisonniers, et il se mit au garde-à-vous devant moi. J'étais prisonnier.
    L'officier commandant la compagnie allemande me dit : Schiksal  (C'est la destinée.) et me salua quand je le quittai; il me laissait mon étui à pistolet. J'avais deux grenades F. 1 dans les poches de ma capote. 

    Le 10 juin, je réussis à quitter la colonne de prisonniers avant Péronne, et me camouflai, pour attendre la nuit, dans un buisson d'orties; mais à Péronne, sous la menace de fusiller 5 officiers et 5 soldats si je n'étais pas ramené, les Allemands réussirent à trouver deux lâches (dont aucun n'était de mon unité, et dont l'un était étranger) qui guidèrent une camionnette boche jusqu'à ma cachette.

    A ce récit de Fauchon, je puis ajouter quelques détails qui m'ont été rapportés par le sergent Clément Angibault :

    Les hommes de la 11° connaissaient le lieu où se terrait leur Capitaine, mais ne le révélèrent pas.

    Fauchon éclata en fureur contre l'officier qui l'avait trahi et lui reprocha avec raison d'avoir manqué à son devoir. Quant aux Allemands, ils tournèrent en dérision la lâcheté des deux individus qui avaient aidé à reprendre le Capitaine de la 11°, car évidemment ils n'auraient pas fusillé des officiers.

    Une remarque pour terminer ce chapitre:

    Peut-on supposer que le retard de la 11° Compagnie obligea les colonnes ennemies lancées à la poursuite du 41° à attendre? et qu'ainsi un réel service fut rendu au 2° Bataillon et aux restes du 3°? C'est admissible.

    On doit, en tout cas, admirer le courage et l'ardeur du vaillant soldat qu'est le capitaine Fauchon . . .


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  • Très vite les préparatifs s'achevèrent pour la 9° Compagnie du capitaine Dunand, et 2 sections

    de la C.A.3.

    La 9° se mit en marche vers l'ouest. Elle rencontra, à Herleville le 2° Bataillon qui se mit à sa suite; puis venait la section de Commandement du 3° Bataillon, avec le commandant Jan et sa liaison.

    La 11° Compagnie, capitaine Fauchon, ne suivit pas tout de suite, bien que le commandant Jan eût renouvelé l'ordre de départ. On dira tout à l'heure le motif de ce retard.

    En cheminant vers Herleville, les hommes passèrent à côté de nombreux cadavres allemands et d'un nombreux matériel abandonné le 5 juin par nos assaillants. Ils apercevaient, au loin, au carrefour de la route de Chaulnes, deux automitrailleuses ennemies et des colonnes d'artillerie filant au trot en divers sens.

    La 9° Compagnie après Herleville, emprunta la route de Rosières. En arrivant dans ce grand village, chacun put contempler dans sa rudesse le spectacle des ruines produites par la guerre: des incendies, des maisons écroulées sous les bombes des avions, des entonnoirs; auprès de la barricade, à
    l'entrée, les carcasses de deux auto-mitrailleuses allemandes.

    Le commandant Jan laissa passer la colonne, et, deux fois, s'arrêta pour attendre la 11° Compagnie, une première fois à Vermandovillers, une seconde fois à Rosières, n'ayant gardé avec lui que son adjoint, le lieutenant Hervé, l'adjudant-chef Roger et sa liaison.

    Fauchon ne venait toujours pas; à Rosières, l'ennemi se réveillait. Le commandant Jan et sa petite troupe y sont mitraillés; un coup de mortier leur est envoyé. Déjà la colonne du 41° R.I. était à 2 kilomètres. Il fallait partir!

    Quand, un peu plus loin, Jan se retourna une dernière fois, ce fut pour constater que la 1° Compagnie essayait d'entrer dans Rosières, et était aux prises avec l'ennemi.

    C'est fini. Personne ne passera plus.

    Au Quesnel, tout à l'heure, les malheureux restes de la 1° Compagnie, après leur rude contact de Rosières, seront capturés.

    Tandis que s'éloigne la 9° Compagnie, la 11° Compagnie aborde trop tard Rosières. Le tir de l'artillerie allemande l'annonce de loin.

     A Hangest-en-Santerre, les hommes du 3° Bataillon se ravitaillent un peu; des escadrilles allemandes les survolent, sans les mitrailler. Enfin, vers 10 h 30, l'Avre est franchie à Davenescourt. Tout ce qui subsiste du 41° se rassemble dans le bois de Becquigny, avant de continuer sa route sur Montdidier . . .


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  • Le repli du 2° Bataillon

    Le deuxième Bataillon put quitter Herleville sans aucune difficulté. La nuit avait été fort calme, et l'on se souvient que les environs du point d'appui avaient été sérieusement nettoyés dans la journée du 5 juin.

    L'ordre de repli, apporté à 2 h 15, fut immédiatement communiqué aux Compagnies (5°, 6° et C. A. 2).

    Vers 3 h 15, on se mit en route dans l'ordre suivant : section de pionniers, section de Commandement du Bataillon, 6° Compagnie, 5° les sections de la C. A. 2 étaient réparties dans le Bataillon.

    Je dois tous ces détails précis au sous-lieutenant Geffray, de la 6°, et Cocault, de la C. A. 2, qui ont noté heure par heure les événements.

    La 5° fermait la marche pour faire, éventuellement, la liaison, avec le 1° Bataillon qui devait suivre. On vient d'en lire la douloureuse histoire.

    La 9° Compagnie (3° Bataillon) précédait, sur la route d'Herleville à Rosières, le 2° Bataillon.

    Entre 4 h 30 et 5 heures, se suivant à de longs intervalles, les sections traversèrent Rosières, sans rencontrer d'opposition, bien que de tout petits groupes déjà auparavant eussent été attaqués par l'ennemi installé dans le village. Peut-être un quart d'heure après eût-il été trop tard! Car un kilomètre à l'ouest de Rosières, le 2° Bataillon put entendre le combat de la 1° Compagnie, aux prises avec l'ennemi.

    Au delà de Rosières, le Bataillon passa par Caix, Le Quesnel, Hangest-en-Santerre, et il atteignit Davenescourt, où il retrouva le lieutenant-colonel Loichot, les Compagnies régimentaires et les restes du 3° Bataillon . . . 

    Le repli du 3° Bataillon

    L'histoire, du repli du 3° Bataillon est glorieuse à bien des égards, mais elle est aussi douloureuse.

    Là encore, il faudra un récit différent pour chacune des 3 Compagnies, car leur destin ne fut pas identique.

    A 2 h 15, l'adjudant Koupferschmitt apporta l'ordre de quitter Soyécourt au commandant Jan, et de se replier au sud-est de Montdidier. Il fallait se hâter, car il n'y avait plus qu'une heure et demie avant le lever du jour.

    La 10° Compagnie, encerclée dans Fay, ne put être avertie, mais la 9° et la 11° le furent immédiatement par écrit.

    L'itinéraire assigné, le plus direct, le seul aussi par où l'on eût quelque chance d'échapper à l'ennemi passait par Herleville, Vauvillers, Rosières, Caix, Le Quesnel, Hangest, Davenescourt, où le 3° Bataillon franchira l'Avre pour se regrouper dans le bois de Becquigny, autour du lieutenant colonel Loichot . . . 

     


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  • Ici, mieux vaut laisser la parole à Goësbriant, dont j'ai l'émouvant récit :

    Je demande à Morin ce qu'il fait : Je ne veux pas être prisonnier! On fout le camp ! Tout de suite nous partons. Nous filons le long d'une haie; par bonheur, il y en avait. Un troisième se joint à nous. Après une cinquantaine de mètres, nous nous camouflons dans une haie, au bord d'une route secondaire.

    Il était temps. Sans nul doute, le Bataillon était déjà prisonnier en entier. Cinq minutes ne s'étaient pas écoulées que des Allemands battaient les environs pour recueillir les derniers réfractaires. L'homme qui s'était joint à nous n'avait pas eu la précaution de se mettre comme nous deux dans la haie. Il s'était placé à 7 ou 8 mètres de nous, au bord de la haie, du côté de la route. Il fut ramassé. Nous ne fûmes pas
    vus. Nous ne respirions plus. Ils partent, mais c'est un défilé toute la soirée sur la route, d'autos, motos, soldats. Nous décidons à voix basse de demeurer jusqu'à la nuit. Nous partageons quelques biscuits et le chocolat restés dans nos musettes. Nous dînons d'un pot de confitures que par bonheur nous avions avec nous. Nous récitons notre chapelet, et nous nous confions ardemment au Bon Dieu et à la Sainte Vierge.

    A 11 heures du soir environ, le calme s'est fait; mais un poste est certainement tout près, car les autos font halte à quelque 30 mètres de nous, et nous entendons parler. Des hommes travaillent sur la route; nous entendons frapper. Enfin, nous sortons de notre haie, rampons pendant environ 3/4 d'heure à travers champs. Enfin, nous pouvons nous relever et marcher. Nous avions décidé de marcher en direction du
    sud-ouest, vers Montdidier. Nous nous appuyons l'un I'autre, car le chef Morin boîte un peu, et moi j'ai l'oreille dure. Il nous fut d'abord impossible de suivre la direction projetée. Des lumières, et toujours des coups que l'on aurait crus frappés sur des piquets nous mettaient en garde. Nous marchons donc vers le sud d'abord, et finalement traversons la route pour aller alors franchement au sud-ouest. Nous avions
    une boussole et la nuit était assez claire pour nous permettre de nous diriger à peu près.

    Vers 3 h 30 ou 4 heures du matin, le 8, la brume se lève légèrement et nous empêche de voir comme nous voudrions. Nous décidons d'arrêter d'ici peu. D'ailleurs, le jour ne va pas tarder. Mais pas un abri, la plaine partout. Pourtant nous sommes presque heureux. Crac! 4 ombres. Nous nous planquons et attendons en nous consultant quelques instants. Rien ne bouge. Est-ce des Français, qui tentent de rejoindre comme 
    nous? Est-ce des Allemands? Impossible de savoir. Pas un bruit. Nous nous relevons. C'étaient des Allemands. Ils nous font une sommation. Nous décampons comme des lapins. On nous tire dessus. Je suis blessé d'une balle dans la cuisse. Nous nous rendons.

    C'était le 8, au matin, à Maucourt.

    J'ai trouvé d'un bout à l'autre la conduite du chef Morin très digne, audacieuse et courageuse. J'étais heureux de le suivre.

    A l'hôpital, à Saint-Quentin (Hôpital Henri-Martin), où je fus envoyé, je trouvai les médecins lieutenant Dupuis, et sous-lieutenant Viaud, du 1er Bataillon. Je fus, en qualité de soldat du 41° confié aux soins du docteur Dupuis.

    Le docteur Dupuis a vu plusieurs blessés à Lihons. Il organisa le transport de ceux-ci, à défaut d'autres moyens, dans une charrette, qui dut être tirée, si je me souviens bien, par des camarades, sous la direction des Allemands.

    Je crois pouvoir affirmer que, c'est grâce à lui que le soldat Bertrand, de la 2° Compagnie, a été sauvé (il avait été blessé au genou).

    Du 41°, j'ai retrouvé à Saint-Quentin, le lieutenant Agnès de la 3° Cie, blessé au pied; Texier, de l'État-Major du 1° Bataillon, cycliste du Commandant; Quiviger et Le Bihan de la 10° Compagnie. D'autres encore se trouvaient là du 3° Bataillon. Le Bihan est amputé. Il a souffert énormément à l'hôpital et a été bien près de la mort à plusieurs reprises. Quiviger a été envers lui d'un très grand dévouement . . . 

     


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